La maigreur constitutionnelle
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La maigreur constitutionnelle
Mise au point La maigreur constitutionnelle Constitutional thinness Constitutional thinness is different from anorexia nervosa. Highlights »»La maigreur constitutionnelle n’est pas une anorexie mentale. »»La maigreur constitutionnelle représente une situation opposée à l’obésité. »»Malgré un IMC bas et une leptine abaissée, la fonction de reproduction est normale. »»Une perte de masse osseuse est présente dès la fin de l’adolescence. Constitutional thinness is a clinical situation at the opposite from obesity. Despite low BMI and decreased leptin levels, reproductive function is not altered. Risk of osteopenia has been identified as soon as the end of adolescence. Mots-clés : Maigreur – Ostéoporose – Régulation hormonale des prises alimentaires – Obésité. L’ environnement obésogène de notre monde actuel explique la progression de l’obésité, appelée “épidémie” (1). Il est enfin reconnu que les régimes, les cures d’amaigrissement ou les traitements médicaux n’ont pas fait la preuve de leur efficacité à long terme (2). Seule la chirurgie bariatrique apparaît comme une stratégie thérapeutique efficace (3). En France, l’étude de suivi ObÉpi confirme la progression de la prise de poids dans toutes les catégories : obésité, excès de poids, sujets normaux ; excepté dans le groupe “maigreur”. Pour un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 18,5 kg/m2, le pourcentage de patients reste stable entre 1997 et 2006 et inférieur à 5 %, alors que, dans les autres groupes, la prise de poids a augmenté (figure 1). Les diagnostics étiologiques associés à une maigreur sont variés, allant de la cachexie néoplasique, infectieuse, aux malabsorptions digestives, en passant par la famine, les maladies psychiatriques et l’excès de sport. Dans ces maigreurs, il existe une catégorie rare appelée “maigreur constitutionnelle” (MC). Peu d’articles lui sont consacrés dans la littérature. Il faut citer un auteur français, M. Apfelbaum, qui, en 1982, évoquait cette situation (4). Cet article définit les contours de cette maigreur. Il la différencie définitivement de l’anorexie mentale (AM) chez la femme [5] et la positionne comme une variante de la normalité et/ou comme une situation en miroir de l’obésité. Keywords : Thinness – Osteoporosis – Apeptide regulating hormone – Obesity. La maigreur constitutionnelle n’est pas une anorexie mentale atypique : DSM-IV Le premier diagnostic étiologique de maigreur chez la femme jeune en termes de fréquence est l’AM. Les autres diagnostics sont faits dans un contexte de dégradation de l’état général qui facilite la réflexion. Une patiente dont l’IMC est inférieur à 17,5 kg/m2 et * Service d’endocrinologie, diabète, maladie métabolique et TCA, CHU de Saint-Étienne. 70 ObÉpi 1997 ObÉpi 2000 ObÉpi 2003 ObÉpi 2006 ObÉpi 2009 57,5 60 55,5 52,7 52,4 50 50 Population (%) P o i nt s f o rt s B. Estour, B. Galusca, N. Germain* 40 29,8 30 30,6 31,5 31,9 30,6 20 10 0 4,2 3,8 3,9 3,9 8,2 9,7 12,3 11,2 13,4 3,6 0,3 Maigreur Normal Surpoids Obésité 0,4 1,1 0,7 0,8 Obésité massive Figure 1. Évolution du statut pondéral des individus de plus de 15 ans (ObÉpi-Roche 2009). Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 109 Mise au point Dutch Eating Behavior Questionnaire (DEBQ) 55 AM guérie Anorexie Boulimie Maigreur Témoin 45 35 25 15 5 Restriction de la prise alimentaire Eating Disorder Inventory (EDI) 35 40 30 25 20 15 10 5 0 –5 0 –5 Préoccupation pour le schéma corporel Préoccupation pour la nourriture Figure 2. Réponses aux questionnaires psychologiques (données non publiées). 28 26 Les différences organiques entre maigreur constitutionnelle et anorexie mentale à poids égal 24 IMC (kg/m2) 22 20 18 16 14 12 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Âge (années) Figure 3. Courbe pondérale de patients atteints de maigreur constitutionnelle (8). qui ne se plaint d’aucune asthénie est suspecte de présenter une AM. La présence des symptômes de la classification des maladies psychiatriques (DSM-IV) caractérisant l’AM permet d’établir le diagnostic (5). Cette classification repose sur des critères psychologiques et organiques : déni de la maigreur, peur de 110 grossir associée à l’aménorrhée. Ces éléments ne sont pas retrouvés dans la MC. Les questionnaires qui interrogent le caractère et le comportement alimentaire “silhouette” (6), le Dutch Eating Behavior Questionnaire (DEBQ) [7], le Eating Disorder Inventory (EDI) [6] et le Eating Disorders Examination (EDE) [7], montrent une différence significative entre les 2 groupes de patientes (résultats personnels) [figure 2]. Les patientes atteintes de MC expriment un souhait de prise de poids et ne supportent plus les sobriquets qui leur sont attribués tels que “fil de fer” ou “haricot vert”, alors que celles atteintes d’AM souhaitent maigrir. Dans le cas de la MC, les patientes sont conscientes de leur maigreur, alors que dans l’AM, elles sont dans le déni. Malgré l’objectivité des scores de ces questionnaires, il est toujours possible de les remettre en cause pour le diagnostic différentiel entre MC et AM. Dans la classification DSM-IV, il est stipulé l’aménorrhée. La patiente qui arrête sa contraception estroprogestative présente une aménorrhée secondaire dans l’AM, alors que les menstruations surviennent dans le mois qui suit dans la MC. La présence des règles et la conscience du trouble devraient éliminer le diagnostic d’AM. Malgré la minceur, la MC n’est pas une AM. L’histoire naturelle du poids L’histoire naturelle du poids différencie ces 2 entités. Lorsqu’on interroge les patientes ayant un IMC entre 14,5 et 16,5 kg/m2, seules celles atteintes d’AM rapportent – seules ou sous la pression de la famille – une perte de poids d’une dizaine de kilogrammes. Cette maigreur succède à un amaigrissement. Dans le cas de la MC, la reconstitution de la courbe pondérale (figure 3) montre un sous-poids dès l’enfance qui se maintient à l’âge adulte, et se définit dans un couloir de – 2 à – 3 déviations standards. Il n’y a pas d’amaigrissement. La balance énergétique Cette stabilité du poids dans la MC est associée à une balance énergétique équilibrée (8). L’apport alimentaire, évalué par des interrogatoires nutritionnels, et la dépense énergétique, mesurée par l’eau doublement marquée, montrent une différence négative entre apport et dépense de 80 kcal dans le groupe témoin, de 120 kcal chez les patientes ayant une MC, et de 700 kcal chez celles atteintes d’AM. Cet écart Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 La maigreur constitutionnelle de balance énergétique n'est pas significatif chez les témoins et les patientes atteintes de MC. Le déficit de la balance énergétique des AM, connu, explique leur perte de poids (9). La composition corporelle Cette divergence en termes d’histoire pondérale s’associe à une composition corporelle différente et à un profil hormonal différent (tableau). Pour un même IMC, on retrouve dans l’AM une diminution importante de la masse grasse, corrélée à la perte de poids, évaluée aussi bien par impédancemétrie que par densitométrie osseuse. Les patientes atteintes de MC présentent une masse grasse significativement plus grande que les patientes atteintes d’AM (19 versus 8 %), même si ce pourcentage est inférieur à celui du groupe témoin. Cette diminution modérée mais certaine participe à la maigreur. Elle est associée à des taux de leptine (hormone sécrétée par l’adipocyte) abaissés par rapport aux témoins, mais toujours supérieure à ceux des AM. Les marqueurs de la dénutrition Le système endocrine reconnaît cet état de maigreur comme étant physiologique, puisque la MC ne présente pas les anomalies liées à la dénutrition décrites dans l’AM pour un même IMC. L’intégrité de la fonction gonadotrope, paramètre organique qui différencie une MC d’une AM, s’associe à l’intégrité des autres fonctions hormonales classiques, corticotrope, somatotrope, thyréotrope, connues pour être perturbées chez l’AM dénutrie. Il n’y a pas d’hypercortisolisme, d’excès de GH ni de déficit en triiodothyronine ni en IGF1 (tableau). Cette MC à fonction endocrine normale est donc une variante de l’état normal. Les hormones de régulation de l’appétit Outre les anomalies hormonales classiques, il est rapporté dans l’AM depuis les années 2000 des anomalies des hormones de régulation de l’appétit. L’hypothalamus reçoit de la périphérie des informations qui adaptent le comportement alimentaire par l’intervention des neurones hypothalamiques NPY à fonction orexigène et des neurones à Melanocyte-Stimulating Hormone (MSH) à fonction anorexigène (11). Une seule hormone périphérique stimule l’appétit par le biais du NPY. C’est la ghréline, hormone décrite par Kojima et al. (12). Elle est notamment sécrétée par l’estomac, sous forme de pics qui précèdent le déjeuner et le dîner. Ces pics sont associés à une sensation de faim (13). Sur le nycthémère, la ghréline (totale et octanoylée) se comporte dans la MC comme chez le sujet normal, alors qu’elle est élevée dans l’AM. Son élévation dans l’AM est adaptée à la situation de dénutrition et se normalise à la reprise de poids (10, 14). Les autres hormones périphériques qui participent à la régulation de l’appétit sont toutes anorexigènes, agissant par stimulation des neurones MSH ou par inhibition des neurones NPY (11). L’insuline est normale dans la MC comme chez les témoins du même âge et du même sexe, alors qu’elle est basse dans l’AM. La leptine est abaissée dans la MC par rapport à celle des témoins en corrélation avec le pourcentage de masse grasse. Elle garde cependant son cycle nycthéméral. Elle est effondrée dans l’AM dénutrie de même IMC que les MC (15). Le peptide YY (PYY) est une hormone sécrétée par les cellules L de l’intestin proximal. Il est plus bas chez les obèses que chez les témoins (16). C’est la seule hormone qui se comporte différemment entre patientes atteintes de MC et témoins. Nos résultats montrent soit une élévation sur 24 heures, lorsqu’elle est déterminée par des cycles (10), soit une stimulation plus rapide et plus ample au cours de repas tests par rapport à ce qui est trouvé chez les témoins (résultats non publiés). Ces résultats ne sont pas en contradiction avec ceux de la balance énergétique. Si les patientes atteintes de MC ont un apport calorique globalement comparable à celui des témoins, leur comportement alimentaire est par contre très différent. Les enquêtes montrent qu’elles mangent moins à chaque repas officiel mais mangent plus souvent. Elles ont besoin d’une collation à 10 et à Tableau. Profil hormonal des sujets normaux, des patientes atteintes de maigreur constitutionnelle et des patientes atteintes d’anorexie mentale (10). AM (n = 44) MC (n = 25) Âge (années) 20,4 ± 1,2 Taille (m) 162,8 ± 2,4 IMC (kg/m2) 15,5 ± 0,1* Masse grasse (%) Leptine (µg/l) Témoins (n = 28) 20,2 ± 1,2 22,4 ± 1,4 163,2 ± 3,1 163,2 ± 2,5 15,8 ± 0,1* 20,7 ± 0,4 9,8 ± 1,1* 18,2 ± 0,7* 26,3 ± 1,2 2,4 ± 0,5* 6,0 ± 0,8* 11,2 ± 1,9 T3 libre (pmol/l) 2,7 ± 0,1* 3,9 ± 0,1 3,5 ± 0,1 IGF1 (µg/l) 163 ± 16* 295 ± 34 283 ± 20 GH (mUI/l) 8,5 ± 0,7* 4,8 ± 0,6 4,7 ± 0,6 Cortisol (nmol/l) 364 ± 31* 216 ± 12 266 ± 17 17β estradiol (ng/l) 14,3 ± 1,4* 73,1 ± 8,6 51,6 ± 11,4 DHEAS (µg/l) 196,2 ± 30* 112,6 ± 19 129,4 ± 17 PTH (ng/ml) 29,1 ± 2,9 35,8 ± 3,6 34,3 ± 7,1 Vitamine D (µmol) 23,0 ± 2,4 21,5 ± 4,2 27,6 ± 3,7 Ca (mmol/l) 2,3 ± 0,04 2,2 ± 0,02 2,3 ± 0,03 DHEAS : sulfate de déhydroépiandrotérone ; GH : hormone de croissance ; IGF1 : Insuline-like Growth Factor 1 ; PTH : parathormone ; Ca : calcium. * p < 0,05 versus groupe témoin. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 111 Mise au point 16 heures, et souvent avant le coucher (données non publiées). Le PYY, hormone anorexigène dont le taux est élevé chez les MC, entraîne une satiété plus précoce et explique les repas plus courts et la nécessité de collations. L’intervention du PYY élevé donne du sens à ce comportement alimentaire, dont on comprend alors la justification. Une patiente atteinte de MC doit manger souvent pour conserver un apport calorique normal. La patiente atteinte de MC est une grignoteuse physiologique. On peut considérer qu’elle présente des troubles du comportement alimentaire non pathologiques. Au contraire, dans l’AM, toutes les hormones sont tournées vers la stimulation de la prise alimentaire, qui est en revanche inefficace. À IMC égal, les hormones de la régulation de l’appétit différencient parfaitement la MC de l’AM. Les conséquences de la maigreur constitutionnelle La stigmatisation La MC étant peu connue, on peut facilement poser à l’excès un diagnostic d’AM, source de pénalités psychosociales ou professionnelles. La stigmatisation sociale face à cette maigreur représente la première pénalité psychologique rapportée par les femmes et les hommes. Ils souhaitent tous reprendre du poids pour échapper au regard des autres, pour avoir des rondeurs, et pour ne plus être affublés à tort du diagnostic d’AM. Cette méconnaissance de la MC entraîne des conséquences sociales, marquées par une réticence à l’embauche (expérience clinique). La seule situation favorable concerne le mannequinat. Il est admis que la proportion d’AM est élevée dans 50 kg 1,65 m 18,3 kg/m2 I II 63 kg 1,75 m 20,5 kg/m2 III 10 mois 10 kg 53 kg 1,63 m 19,9 kg/m2 38,2 kg 1,58 m 15,3 kg/m2 18 mois 10 kg 89 kg 1,58 m 35,6 kg/m2 38 kg 1,58 m 15,3 kg/m2 44 kg 1,63 m 16,5 kg/m2 48 kg 1,58 m 19,2 kg/m2 15 mois 12 kg Figure 4. Un arbre généalogique emblématique d’une famille atteinte de maigreur constitutionnelle. La fréquence moyenne des sujets maigres par famille est de 2,5 sur 3 générations contre 0,5 dans les familles atteintes d’anorexie mentale (8). Le sujet en rouge est le propositus. 112 cette profession ou, à l’inverse, que cette profession favorise le démarrage des troubles du comportement alimentaire. La MC est parfaitement à sa place dans ce métier au même titre qu’un garçon petit et maigre est à sa place comme jockey. L’ostéoporose Outre les sobriquets peu valorisants, les patientes atteintes de MC et d’AM présentent une perte de masse osseuse, chiffrée par la densitométrie osseuse. À 25 ans, 50 % des filles ont une ostéopénie et 25 % une ostéoporose vraie. Dans les facteurs de risque de l’ostéoporose de la femme ménopausée figure l’IMC bas (17). Ces résultats chez la patiente atteinte de MC jeune sont anticipatoires de la ménopause. Même si une ostéoporose est décrite dans l’AM (18, 19), l’ostéoporose de la MC s’en différencie dans sa constitution et dans sa régulation sous l’effet des hormones qui participent au remodelage osseux. Un examen de type scanner pQCT (peripheral Quantitative Computed Tomography) permet de mesurer les paramètres qui constituent la structure de l’os (épaisseur de la corticale, taille des travées, épaisseur des parois). Ces paramètres sont altérés dans la MC dans le sens de “petits os” (20). Cette diminution de la masse osseuse concourt, avec la diminution de la masse grasse, à un IMC bas. La perte progressive de masse osseuse dans l’AM vient d’un découplage osseux qui se caractérise par l’augmentation de la dégradation (21) associée à une diminution de la formation (18). La mesure des peptides de dégradation du collagène par le dosage du C-télopeptide du collagène de type 1 (CTX) plasmatique ou du N-télopeptide du collagène de type 1 (NTX) urinaire, ou par l’enzyme Trap, informe de la dégradation de l’os. La formation est évaluée par l’ostéocalcine (ou Bone Gla Protein [BGP]), le propeptide N-terminal du procollagène de type 1 (PINP) et/ou la phosphatase alcaline osseuse. Ce découplage osseux est expliqué par les anomalies hormonales associées à la dénutrition dans l’AM : l’hypercortisolisme, l’insuffisance gonadotrope, la diminution de l’IGF1 et de la triiodothyronine (22). Le CTX et l’ostéocalcine sont normaux dans la MC par rapport à ce qui est trouvé chez les témoins du même âge et du même sexe. On peut parler d’ostéoporose constitutive (20). La fonction gonadotrope est en revanche normale. Elle est en tout point semblable à celle des témoins par la normalité des caractères sexuels secondaires, par l’âge de survenue des premières règles, par la fertilité intacte, par la normalité hormonale de l’axe gonadotrope. Dans la boucle de stimulation qui inclut la leptine, les neurones Kiss et GnRH (23), la leptine est plus Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 La maigreur constitutionnelle basse chez les patientes atteintes de MC que chez les témoins. Cette diminution de la leptine sans effet sur l’axe gonadotrope pose la question du niveau minimal de cette hormone nécessaire au maintien du fonctionnement de cet axe. Il serait établi à 2 μg/l, soit une valeur inférieure à celle observée en cas de MC (24). Enfin, la leptine apporte une aide au diagnostic étiologique des maigreurs. Une jeune femme maigre sous pilule avec hémorragie de privation et dont la leptine plasmatique est proche de la normalité n’est pas atteinte d’AM avec une leptine normale, mais bien de MC. La maigreur constitutionnelle : une situation humaine de résistance à la prise de poids sans explication physiopathologique Comment expliquer qu’un sujet souhaitant prendre du poids dans notre environnement obésogène demeure maigre ? C’est l’enjeu actuel des travaux menés pour mieux comprendre cet état. Existe-t-il des situations de résistance à la prise de poids chez l’homme, comme cela a été montré chez l’animal (25-27) ? Pour tester cette hypothèse, nous avons soumis à une surnutrition lipidique de 630 kcal/j 10 femmes atteintes de MC (IMC entre 14,5 et 17,5 kg/m2) et 10 femmes témoins (IMC entre 18,5 et 25 kg/m2) pendant 4 semaines. Les résultats (en cours de publication) montrent une résistance à la prise de poids en cas de MC malgré une surnu- trition confirmée sur le plan clinique et biologique. Cette étude valide le concept de résistance, mais ne lui apporte aucune explication. Cette résistance vient-elle de quelques pertes caloriques mal prises en compte actuellement ? Il faut traquer les pertes caloriques dans des secteurs inhabituels. La flore intestinale des obèses est différente de celle des sujets de poids normal (28). Qu’en est-il des maigres ? La graisse brune chez l’homme vient d’être remise à l’honneur chez l’adulte grâce au PET-scan au FDG (29), comme lieu de déperdition calorique par un découplage mitochondrial (30). Si l’on ne comprend pas encore le mécanisme intime de la résistance à la prise de poids, on suspecte un rôle de l’hérédité et de la génétique. De même que l’excès de poids est expliqué pour 50 à 60 % par une association polygénique favorable (31), la MC pourrait être expliquée par un profil génétique spécifique. À l’appui de cette hypothèse, nous avons décrit des familles où l’on retrouve des maigres, aussi bien hommes que femmes, sur plusieurs générations (figure 4) [8]. Ces sujets présenteraient une diminution de la masse grasse et maigre (ostéoporose) génétiquement programmée. Conclusion La maigreur constitutionnelle est une entité bien décrite, rencontrée aussi bien chez l’homme que chez la femme. Il est désormais très important d’en connaître la représentation car elle se différencie des autres maigreurs, et notamment de l’anorexie mentale. ■ Remerciements : ces travaux ont été financés par des appels d’offres locaux et des PHRC interrégionaux, et soutenus par des collaborations gracieuses. Références 1. Pearson N, Biddle SJ. 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