Mai 2014

Transcription

Mai 2014
actualité
PROFESSION
Une question d’image
P
eut-être davantage
encore que le débat
sur l’avenir de la
profession, la discussion qui a suivi la projection en avant-première de
dix-huit minutes du film
Les Anges anonymes a suscité des désaccords, ou en
tout cas de la passion, lors
des Journées nationales
des infirmiers libéraux
(Jnil), début avril à Issy-lesMoulineaux, dans les Hautsde- Seine. Ce documentaire
d’une heure et demie, dont le
réalisateur Olivier Ducray a
tenu un carnet de tournage
dans nos colonnes, est
annoncé au cinéma fin 2014.
À l’écran, Françoise, Idel
lyonnaise de cinquante-huit
ans, adepte de la trottinette
et du tutoiement, à la
gouaille savoureuse et à la
proximité réconfortante, qui
joue de la flûte de champagne pour fêter avec une
patiente la nouvelle année.
Une « étoile filante », comme
la surnomme l’une de ses
patientes. Un “personnage”.
Concentré d’humanité
C’est bien, à la différence d’un
reportage, le sens d’un documentaire: narrer le quotidien
d’un personnage et, à travers
lui, dépeindre un aspect de la
vie, ici la solitude des personnes âgées, ces “ombres”
de la ville. Un plan l’illustre:
quand la caméra s’attarde sur
le visage d’une vieille dame
laissée seule face à elle-même
une fois l’infirmière repartie.
Il y a de l’émotion, mais aussi
des rires, dans ces premières
minutes. Un concentré d’humanité salué par les infirmières
dans la salle. « Vous avez montré les patients tels que je les
vois », confie l’une d’elles en
félicitant Olivier Ducray.
Mais le port de bijoux pendant
certains soins, la familiarité
ou le fait que l’infirmière dispose des clés de certains
malades ne manquent pas de
faire réagir. Une participante
aux Jnil se présentant comme
une responsable de l’Ordre
dans le Val-de-Marne craint
même que ces images ne desservent la profession. « Entre
nous, OK. Mais il faut voir
comment ce sera vu à l’extérieur. J’espère que les instances ne regarderont pas ce
film. » Aurait-il fallu que soit
juste mis en scène un respect
strict des protocoles? C’eût
été « un film institutionnel,
rétorque Olivier Ducray. Vous
pouvez en commander un, je
peux vous en faire un… Le
grand public se moque de
savoir si Françoise respecte
tous les codes. Ce qu’il voit,
c’est qu’elle est un maillon
essentiel de la chaîne ».
Ambitions inconciliables
Toutes les autres réactions
soutiennent Olivier Ducray
et son “personnage”, atypique peut-être, mais assez
fiable pour que des patients
lui confient leurs clés... « Moi,
faute d’eau chaude, je fais des
© Thibaut Ras
REPRÉSENTATION > Françoise est infirmière libérale, bientôt à l’affiche des salles obscures.
Nombre d’Idels s’identifient au personnage. Mais d’autres sont un peu à cran de la voir à l’écran…
Françoise,
infirmière libérale.
toilettes avec une bouilloire,
indique un infirmier. Je voudrais que les cadres représentatifs dans toute la France
s’en rendent compte. » « Je
me reconnais dans ce film,
poursuit un autre, taclant :
avant d’être représentant
ordinal, on est infirmier. On
comprend pourquoi la profession a du mal à se fédérer… » « Il faut arrêter de tout
politiser! », conclut une autre.
Faire état d’une certaine réalité, ou bien montrer le visage
d’une infirmière parfaite? Les
deux ambitions ont leur légitimité, mais sont sans doute
inconciliables dans un même
film. < MATHIEU HAUTEMULLE
Les échos des Jnil
Fer à domicile
Nutrition parentérale
ETP: 20/80
Soins palliatifs
Au cours du débat
sur l’avenir de la profession
qui a conclu les Journées
nationales des infirmiers
libéraux (Jnil) début avril,
Philippe Tisserand a indiqué
que la FNI préparait
un courrier à la ministre car
« on ne peut plus injecter de
fer en libéral, puisqu’il faudrait
un service de réanimation.
En HAD, ce sera possible... »
Pour le projet d’arrêté
qui risquerait d’évincer
les Idels de la nutrition
parentérale (lire notre
numéro 302 d’avril), « la
concertation continue »,
a indiqué Michèle LenoirSalfati, représentante du
ministère. Des difficultés
exprimées pour les Idels sont,
semble-t-il, remontées
jusqu’au ministère.
80% des 723 programmes
d’éducation thérapeutique
(ETP) du patient autorisés
en Île-de-France sont
hospitaliers, alors
que 80% des patients
chroniques (à qui est
destinée l’ETP) sont suivis
en ville. Paradoxe relevé
pendant la séance
plénière sur l’éducation
thérapeutique.
« Des médecins nous
demandent de prendre en
charge des personnes âgées
en fin de vie sans évoquer
les soins palliatifs », s’est
plainte une Idel lors d’une
séance plénière. Le Dr Francis
Diez et la cadre de santé
Frédérique Lacour ont
chacun livré quelques
astuces, par exemple
demander au médecin
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L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 303 - MAI 2014
une visite en binôme,
avec lui, chez le patient;
suivre des formations
pluriprofessionnelles en
réseau (qui peuvent initier un
partenariat entre professions
de santé); appeler l’hôpital
de jour pour faire un point
sur la situation du patient:
si c’est le médecin
de l’hôpital qui “nettoie”
l’ordonnance, le généraliste
peut mieux l’accepter…