Baux d`habitation en droit anglais_ok

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Baux d`habitation en droit anglais_ok
Ministère de la Justice
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
REGIME JURIDIQUE DES BAUX D’HABITATION
Angleterre
Étude à jour le 1er juin 2009
CNRS-JURISCOPE
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SOMMAIRE
Introduction ...................................................................................................................... 3
I. L’accès au bail .............................................................................................................. 5
A. Les qualités attendues du locataire ............................................................................... 5
B. Les qualités requises du bailleur : la non-discrimination ............................................. 7
C. Les qualités attendues du logement donné à bail .......................................................... 8
1. Dans la common law ................................................................................................. 9
2. Dans les divers textes de loi ...................................................................................... 9
a) Le Housing Act 1985 ............................................................................................. 9
b) Le Housing Act 2004 ........................................................................................... 10
c) L’Environmental Protection Act 1990 ................................................................. 10
d) Autres règlementations ....................................................................................... 11
II. L’économie du bail.................................................................................................. 12
A. Le Loyer ....................................................................................................................... 12
1. Montant du Loyer..................................................................................................... 12
a) Baux antérieurs au 15 janvier 1989...................................................................... 12
b) Baux conclus après le 15 Janvier 1989 ................................................................ 13
2. Périodicité de paiement du Loyer............................................................................. 13
B. La durée du bail........................................................................................................... 13
1. Fixation de la durée initiale...................................................................................... 13
2. Fin anticipée du bail ................................................................................................ 14
a) Résiliation du bail à l’initiative du locataire ........................................................ 14
b) Résiliation du bail à l’initiative du bailleur.......................................................... 15
III. Le traitement des difficultés du bail (contentieux locatif) ...................... 17
A. Le règlement des litiges ............................................................................................... 17
B. L’Expulsion Locative ................................................................................................... 18
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Introduction
La réglementation en matière de baux d’habitation en Angleterre varie suivant le type de
logement envisagé, la nature du bail et sa date de conclusion. En l’absence de codification en
droit anglais, cette réglementation découle de trois textes de loi principaux :
1. Le Rent Act 1977, qui régit les baux conclus avant le 15 Janvier 1989 dans le secteur
privé.
2. Le Housing Act 1985, relatif aux baux du secteur public conclus avant le 15 Janvier
1989.
3. Le Housing Act 1988 (révisé en 1996) qui concerne à la fois les baux du secteur privé
et du secteur public conclus après le 15 Janvier 1989.
A ces lois il faut ajouter des textes, certes importants, mais de portée plus limitée: le
Protection from Eviction Act 1977 (expulsion), le Landlord and Tenant Act 1985 (obligation
de réparation à la charge du bailleur) et le Housing Act 2004 (dispositions diverses).
Dans le présent rapport, il sera fait référence à l’un ou l’autre de ces textes selon les cas.
Alors que le droit français envisage la question de l’accès au logement en termes de « droit »,
au Royaume-Uni cette question relève plutôt des responsabilités et devoirs incombant aux
collectivités territoriales (local authorities ou councils) dans divers domaines dont celui du
logement. Cette approche est confortée par les juridictions qui, lorsqu’elles sont saisies de
contestations en matière d’expulsion sur le fondement du Human Rights Act de 1998 (la
charte des droits de l’homme au Royaume-Uni), énoncent au soutien de leurs décisions de
rejet l’absence de « droit général à être logé ». Cependant, et sans doute paradoxalement, les
règles relatives à l’accès au logement constituent au Royaume-Uni une véritable branche du
droit, le Housing Law, qui est l’objet de nombreux ouvrages à l’usage des praticiens, des
universitaires et des étudiants.
Une seconde observation qu’il convient de formuler ici est l’absence d’approche égalitaire
entre toutes le catégories sociales face à l’accès au logement. En effet, la mission des local
authorities en matière de logement est de pourvoir en priorité aux besoins des personnes
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considérées comme étant les plus démunies (homeless ou in priority need). L’accès au
logement est donc envisagé sous l’angle d’un « accès préférentiel » aux logements sociaux au
profit de certaines catégories de personnes. D’après le Housing Act 19961 , le terme « sans
domicile » (homeless) s’entend de manière assez large puisqu’il inclut aussi bien les
personnes privées de logement mais également celles menacées de perdre leur logement dans
les 28 jours (article 175) ou même celles dont il ne parait pas raisonnable qu’elles puissent
continuer d’occuper leur présent logement. Ce dernier cas vise notamment les victimes de
violences domestiques (article 177). Par ailleurs, l’article 189 du Housing Act énumère les
catégories de personnes « prioritaires » (in priority need) pour l’obtention d’un logement à
savoir, notamment, les femmes enceintes, les personnes ayant des enfants à charge ainsi que
les individus vulnérables en raison de leur âge, de leur santé mentale ou de leur handicap.
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Modifié par le Homelessness Act 2002
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I. L’accès au bail
Depuis les années 1980 les gouvernements successifs ont tenté de revigorer le marché locatif
devant la pénurie de logements, provoquée par une politique trop protecteur des locataires du
Labour Party durant les années précédant l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Margaret
Thatcher. C’est donc à partir de là que le marché locatif a commencé à prospérer grâce à
l’introduction de catégories de baux rendant plus simples la reprise de son logement par le
bailleur et la possibilité offerte aux parties de fixer le montant des loyers de manière plus
flexible (voir, infra). Dans le secteur des logements sociaux, depuis les années 1980 le
gouvernement a également encouragé les municipalités à transférer la gestion des habitations
à loyers modérés à des organismes privés (housing associations). Ce développement s’est
avéré très positif puisque ces associations ont pu, en raison de leur situation financière,
améliorer la qualité des services offerts aux occupants de logements sociaux sans que cela
affecte leurs droits, y compris le montant du loyer pratiqué, bien plus bas que celui du secteur
privé.
A. Les qualités attendues du locataire
Lors de la conclusion du bail le bailleur demande le versement de deux catégories de « dépôts
de garantie »: le holding deposit et le damage deposit.
•
Le « holding deposit »
Le holding deposit est une somme d’argent versée avant la signature du bail destinée à la fois
à couvrir les frais occasionnés par la vérification de la situation financière du candidatlocataire et les « frais de réservation » de la propriété. En effet, une fois que le candidatlocataire a exprimé son désir de louer la propriété, celle-ci ne peut plus être offerte sur le
marché et donc le bailleur court le risque d’un manque à gagner (la perte de locataires
potentiels) si le candidat-locataire intéressé se désiste au dernier moment. Cette somme sera
retenue en partie ou en totalité selon les cas à la suite d’un désistement volontaire ou de
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mauvaise foi du candidat-locataire. Par contre elle devra lui êtres restituée si c’est le bailleur
qui renonce au bail et décide de louer à une autre personne. Les abus relatifs au montant, jugé
souvent excessif, du holding deposit ont donné lieu à de nombreuses recommandations de
l’Office of Fair Trading (une sorte de Commission des clauses abusives dans les contrats).
Ainsi, il a été suggéré à propos de la restitution du holding deposit, que la somme retenue par
le bailleur ou son agent devait correspondre aux frais « nécessairement et raisonnablement »
déboursés par eux. En cas de désaccord, le candidat-locataire peut, soit se plaindre auprès du
bureau Trading Standards Office de sa localité, soit engager une action devant la Small
Claims Court (équivalent du juge de proximité).
•
Le « damage deposit »
Le damage deposit est versé une fois le contrat de bail signé et constitue un véritable dépôt de
garantie pour les dommages éventuels occasionnés par le locataire pendant la durée du bail et
portant atteinte aux lieux loués et à leur contenu (en pratique il sert aussi à couvrir les
impayés). Son montant équivaut à un ou deux mois de loyers et doit être remboursé en fin de
bail. Ici encore des mesures ont été prises pour freiner les abus de bailleurs peu scrupuleux
dont la tendance est de retenir cette somme sans raison. La pratique a montré que les
locataires intimidés préféraient abandonner cette somme plutôt que de poursuivre le bailleur
en justice devant la County Court, la juridiction compétente ici (équivalent du tribunal
d’instance). Ces circonstances ont poussé le législateur à intervenir en introduisant des
dispositifs aptes à faciliter le remboursement des sommes versées à titre de dépôts de garantie
(Housing Act 2004, notamment les articles 212 à 214, complétés par le Schedule 10). Deux
types de mesures sont prévus : le Custodial Scheme et l’Insurance Scheme. Dans le premier
cas le bailleur remet la somme versée en dépôt à un organisme public qui, en fin de bail, sur
instruction du bailleur, remettra la somme au locataire. L’organisme se paye au moyen des
intérêts produits par la somme déposé. Dans le second cas, le bailleur doit payer une sorte de
prime de participation auprès d’organismes agréés mais retient le dépôt qui sera remboursé
par lui en fin de bail ; à défaut, l’organisme qui supporte le poids du risque versera lui-même
la somme correspondante. En cas de litiges liés à l’un ou l’autre de ces dispositifs, l’affaire
sera renvoyée devant un arbitre. Si l’arbitre rend une décision en faveur du locataire le
remboursement doit se faire dans les 10 jours de la notification à l’organisme concerné. Dans
le cas de l’Insurance Scheme l’organisme paiera et se retournera contre le bailleur. Ces
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dispositions s’appliquent à tous les baux d’une durée d’au moins 6 mois (appelés assured
shorthold tenancies), c'est-à-dire aux plus courants, conclus ou reconduits après le 6 Avril
2007.
En conclusion, il convient de signaler que l’engagement d’une tierce personne de payer les
loyers en cas de défaillance du locataire (le guarantor) est également généralement requis
comme cela est le cas en France. Mais les bailleurs anglais, s’ils entreprennent des recherches
très approfondies sur la situation financière du candidat-locataire dans la période précontractuelle, semblent moins exigeants que leur équivalents français quant à la « capacité
financière » de la caution-guarantor.
B. Les qualités requises du bailleur : la non-discrimination
En Angleterre, la protection contre les discriminations diverses en matière de baux
d’habitation est assurée par des mesures législatives, la mise en place d’instances nationales
chargées de veiller à l’élimination des pratiques discriminatoires ainsi que par l’existence,
dans certains cas, de codes de pratique (Code of Practice) pour les usagers.
Les textes de lois applicables en la matière sont variés et s’adressent à chaque catégorie de
personnes concernées. Il s’agit, pour les plus importants, du Race Relations Act 1976, articles
20 et s. (discrimination en raison de l’appartenance à une race), du Sex Discrimination Act
1976, articles 29 et s. (en raison du sexe), du Disability Discrimination Act 1995, articles 22 et
s. (en raison d’un handicap physique ou mental). Ce dernier texte a été étendu en 2005 aux
personnes atteintes d’un cancer, du sida ou de la sclérose en plaques (article 18 Disability
Discrimination Act 2005).
En ce qui concerne les discriminations en raison de l’appartenance à une religion ou en raison
de l’orientation sexuelle, si elles ne tombent pas, comme les précédentes, sous le coup d’un
texte spécial, elles sont cependant envisagées dans l’Equality Act 2006 qui couvre les
hypothèses de pratiques discriminatoires à ce sujet (articles 47 et s.).
Pour ce qui est des discriminations à l’encontre des couples homosexuels il convient de
préciser que c’est le pouvoir judiciaire qui a eu un rôle de précurseur dans ce domaine dans
les décisions de principe de la Chambre des Lords, Fitzpatrick v. Sterling Housing
Association, 1999 et Ghaidan v Godin-Mendoza, 2004. Dans l’affaire Ghaidan il avait été
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notamment décidé que les termes « mari » et « femme » utilisés dans le Rent Act 1977, l’un
des textes de base en matière de contrat de bail, couvraient également la situation des
partenaires homosexuels. Depuis, le Civil Partnership Act 2004 sur le partenariat civil des
couples homosexuels est venu consolider cette jurisprudence.
De manière générale, les comportements visés dans ces différents textes sont similaires quant
à leur objet et vont du refus de louer (discrimination directe) à l’insertion de clauses plus
désavantageuses dans le contrat de bail conclu avec l’une des catégories de personnes
susvisées (discrimination indirecte).
Les textes de lois susvisés créent également des Commissions spéciales ayant pour mission de
mettre fin aux discriminations pouvant exister à l’encontre des individus ou groupes
concernés. Ainsi, l’Equality Act de 2006 crée une Commisssion for Equality and Human
Rights qui, afin d’accomplir sa mission, se doit d’établir un « plan stratégique » renouvelable
à intervalle régulier (article 4 et 5 de la loi) en vue - (i) de promouvoir l’épanouissement des
individus dans le refus de toute discrimination, (ii) d’assurer la mise en œuvre du principe de
l’égalité des chances, (iii) d’éliminer les préjugés et (iv) d’encourager entre les individus et
l’ensemble des groupes sociaux le respect mutuel et la diversité (articles 3 et 8 de la loi). La
Commission a des pouvoirs d’instruction étendus dans la constatation des discriminations
pouvant donner lieu à une action en justice (articles 20 et s. de la loi). Il existe aussi depuis
2006 un guide pratique d’origine gouvernementale à l’usage des bailleurs, le Code of Practice
on racial equality in housing, qui rappelle la législation anti-discrimination en vigueur en
matière de baux et formule des recommandations en vue d’une amélioration et d’une
harmonisation des pratiques et usages dans le domaine de la location. Bien qu’un tel Code
n’ait pas force de loi, ses recommandations peuvent s’avérer très utiles dans le cadre d’un
procès et même être prises en compte par le juge pour corroborer la thèse de l’une ou l’autre
des parties .
C. Les qualités attendues du logement donné à bail
Ici encore, il convient ici de formuler quelques observations préliminaires :
- Les sources juridiques qui définissent la qualité du logement donné à bail sont multiples. La
loi régissant la matière est ainsi très fragmentée et complexe.
- Les recours et sanctions prévus pour les logements jugés insalubres relèvent selon les cas,
soit du droit civil, soit du droit pénal.
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- En principe, les dispositions les plus protectrices s’appliquent aux logements meublés qui,
en pratique, constituent la majorité des biens donnés en location en Angleterre.
-Le droit à un logement décent est d’ordre public et ne peut être exclu de manière expresse ou
implicite dans le contrat de bail. Ainsi, à titre d’illustration, sera réputée non écrite une clause
du contrat de bail stipulant, au moment de la signature du contrat et avant même l’entrée en
jouissance, que le locataire après vérification est satisfait de l’état du bien loué.
1. Dans la common law
En common law, tout bail d’une habitation meublée comporte une clause implicite (implied
term) selon laquelle le bailleur est obligé de délivrer au preneur un logement décent dès
l’entrée en jouissance. Cette règle découle d’une jurisprudence très ancienne (Smith c.
Marrable [1843] et Collins c. Hopkins [1923]). A cet égard, le droit anglais se rapproche de
l’article 1719 du Code Civil. De manière générale, la chose louée sera considérée comme
impropre à l’habitation :
Si elle est infestée d’insectes nuisibles ;
lorsque le système d’évacuation des eaux (tout-à-l’égout) est défectueux ;
En cas de manquement aux normes de sécurité ;
En cas d’insuffisance dans l’approvisionnement en eau.
2. Dans les divers textes de loi
Diverses dispositions législatives énumérées ci-dessous complètent la common law, soit en
définissant les qualités que doit revêtir la chose louée, soit en énumérant les vices qui ont pour
effet de rendre un logement impropre à l’habitation.
a) Le Housing Act 1985
Pour les biens loués avant le 6 Avril 2006, l’article 604 du Housing Act énumère un certain
nombre de qualités dont l’absence rend le logement impropre à l’usage. Ces qualités sont : la
solidité de la structure, le bon état général des lieux et l’absence de grosses réparations,
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l’absence d’humidité et la salubrité, la présence d’installations électriques, de chauffage et de
ventilation adéquate, un système adéquat de fourniture des eaux, un équipement ménager de
première utilité (notamment la présence d’un évier), une installation sanitaire de base et un
réseau suffisant d’évacuation des eaux usées et fosses d’aisance.
b) Le Housing Act 2004
Pour tous les biens loués après le 6 Avril 2006, le Housing Act de 2004 (Partie 1) vient
remplacer l’article 604 du Housing Act de 1985 et met en place un nouveau dispositif, le
Housing Health and Safety Rating System (HHSRS). En vertu de ce nouveau système, la
décence des lieux loués n’est plus déterminée en fonction de qualités « standards » énoncées
par la loi comme cela est le cas du Housing Act 1985, mais repose sur l’évaluation du
logement par un expert en vue d’identifier et, le cas échéant, de constater la présence de
dangers et les risques qu’ils sont susceptibles d’engendrer pour la santé et la sécurité du
preneur ou des visiteurs des lieux loués (par exemple, un niveau d’humidité nuisible à la
santé, la présence d’amiante,…). Tout locataire concerné peut saisir l’Environmental Health
Officer de sa commune en vue d’une inspection des lieux. En cas d’insuffisance grave, le
bailleur se verra ordonner la remise en état des lieux à défaut de quoi il pourra être poursuivi
devant les juridictions criminelles (Magistrates’ courts).
c) L’Environmental Protection Act 1990
Ce texte traite d’aspects plus spécifiques liés à la pollution. La partie 3 du texte est consacrée
aux baux d’habitation et envisage un certain nombre de nuisances liées à la pollution comme,
par exemple, les fumées et odeurs émises à partir des lieux loués, ainsi que les mesures
permettant d’y remédier. A cet égard il appartient aux municipalités de recevoir les plaintes
des preneurs, d’inspecter les lieux litigieux et de signifier aux bailleurs l’existence d’un
trouble afin d’y remédier. A défaut, le bailleur peut-être poursuivi devant les juridictions
criminelles où des peines d’amendes peut être prononcées à son encontre.
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d) Autres règlementations
Mises à part les règles évoquées plus haut, il existe un bon nombre de règlementations
spécifiques notamment en matière de gaz (Gas Safety (Installation and Use) Regulations
1994), d’électricité (Electrical Equipment Safety Regulations 1994), et de meubles qui
garnissent les lieux loués (Furniture and Furnishings Fire Safety Regulations 1987). Ces
textes sont mis à jour régulièrement. A noter également des « projets » en cours en vue de
l’amélioration du niveau des lieux loués dans le secteur public. Ainsi, depuis quelques années,
le gouvernement s’est engagé dans un vaste programme d’amélioration de la qualité des
logements sociaux avec pour objet l’établissement de « standards » minimums par les
collectivités locales et les moyens d’y parvenir (le Decent Homes project).
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II. L’économie du bail
A. Le Loyer
1. Montant du Loyer
Le montant des loyers et son mode de fixation dépend de la nature du bail. Cependant il existe
deux règles de principe, quelque soit le type de bail envisagé. La première est que les parties
sont libres de fixer elles-mêmes le loyer sauf disposition contraire de la loi. La seconde est
que le montant du loyer ne peut être révisé durant le bail par le bailleur si ce n’est avec
l’accord du locataire et sauf clause d’indexation du contrat de bail (rent review clause). Ces
règles mises à part, le droit anglais distingue deux types de situations quant aux règles de
fixation des loyers.
a) Baux antérieurs au 15 janvier 1989
Les baux antérieurs au 15 janvier 1989 sont soumis au système protecteur du fair rent prévu
par le Rent Act de 1977. Le principe du fair rent est que le montant du loyer doit être
«raisonnable» et, à cet effet, doit pouvoir être fixé par un « rent officer » (avec appel possible
devant le Rent Assessment Committee) quand il est saisi par les parties ou l’une d’entre elles.
L’officier se détermine par rapport à des critères inscrits à l’article 70 (1) du Rent Act,
notamment l’âge du (des) locataire (s) et l’emplacement et état des lieux loués. Une fois fixé,
le loyer est enregistré et ne peut être sujet à révision avant deux années sauf circonstances
particulières. Un tel système a entraîné dans les années 1980/90 une pénurie de logements
offerts à la location en raison du faible montant des loyers pratiqués selon ce mode de
fixation. Une telle situation a conduit les juges anglais - notamment après l’entrée en vigueur
du Housing Act 1988 - à rendre des décisions en faveur d’un mode de fixation du fair rent
tenant compte du cours effectif du marché (open market rent), entraînant par là même une
augmentation du montant des loyers et une augmentation corrélative des logements offerts en
location (Curtis c London Rent Assessment Committee and Others, 1998). Mais
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l’augmentation croissante des loyers que cette jurisprudence a entraînée et ses conséquences
fâcheuses sur la situation financière des locataires les plus vulnérables (comme les personnes
âgées), a amené le gouvernement à prendre une ordonnance, le Rent Act (Maximum Fair
Rent) Order en vertu de laquelle les loyers fixés et enregistrés sous l’empire du Rent Act de
1977 ne peuvent plus dépasser un certain plafond.
b) Baux conclus après le 15 Janvier 1989
En ce qui concerne le montant des loyers pour les baux conclus après le 15 Janvier 1989, le
Housing Act 1988 met l’accent sur la liberté des parties. Sous l’empire de cette loi, la plupart
des baux conclus sont à durée limitée-les assured shorthold tenancies (six mois, en général)et le bailleur obtient le droit de fixer le montant du loyer en fonction du cours du marché
(market rent). En fin de bail, avant renouvellement, il est fréquent que le bailleur notifie une
révision du loyer auquel cas un nouveau bail est alors conclu. Si l’augmentation dépasse le
cours du marché, le locataire peut saisir dans le mois de la notification de la révision le Rent
Assessment Committee qui peut décider d’un réajustement du montant en fonction du market
rent en cours.
2. Périodicité de paiement du Loyer
En droit anglais les parties sont, comme en France, libres de fixer les modalités de paiement
du loyer. En pratique, le montant du loyer est généralement fixé à la semaine et payable soit à
la semaine, soit mensuellement.
B. La durée du bail
1. Fixation de la durée initiale
En droit anglais, les baux sont, soit à une durée déterminée ou fixed-term (six mois ou un an),
soit à durée indéterminée ou periodic. Les premiers sont, depuis 1989, les plus courants
lorsque le bailleur est une personne privée; les seconds concernent la majorité des logements
sociaux et les baux soumis au Rent Act de 1977. Les baux à durée déterminée sont connus,
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depuis leur création par le Housing Act de 1988, sous le vocable assured shorthold tenancies.
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du Housing Act 1996 (article 96), le principe est que
tous les baux conclus après le 28 Février 1997 sont en principe fixed-term sauf stipulation
contraire du contrat de bail. Toutefois, un bail fixed-term deviendra automatiquement periodic
si en fin de période déterminée le bail n’est pas renouvelé pour une autre période déterminée
et que le locataire reste dans les lieux sans que le bailleur ne manifeste son intention de
reprendre possession du logement. Dans de telles circonstances le bail est reconduit et devient
un bail à durée indéterminée.
2. Fin anticipée du bail
a) Résiliation du bail à l’initiative du locataire
Si le bail est à durée indéterminée (periodic tenancy), le locataire peut quitter les lieux à tout
moment à condition de donner un préavis d’un mois.
Pour les baux à durée limitée (fixed-term tenancy), le locataire reste lié jusqu’à la fin de la
période fixée dans le contrat (généralement 6 mois ou un an). Il y a cependant des limites à
cette règle. Le bail peut contenir une clause résolutoire (break clause) qui permet de mettre
fin au bail plus tôt sous réserve d’un préavis fixé par la clause elle-même. Cependant ces
clauses sont assez rares ou, si elles existent, ne permettent pas une résiliation avant 6 mois. Le
meilleur moyen pour un locataire de se libérer de son obligation consistera à trouver un
remplaçant qui complètera la période restant à courir. Le bailleur ne peut s’y opposer – et est
de ce fait encouragé à trouver lui-même un remplaçant en raison du devoir de mitigation
connu en droit anglais des obligations : les parties ont l’obligation de limiter leur préjudice.
Cependant le locataire doit supporter les frais engagés par la signature d’un nouveau bail. Si
un remplaçant ne peut être trouvé, et en l’absence de break clause, dans le cas d’un départ
anticipé, le locataire devra payer le montant des loyers restant à courir. En revanche, si le
locataire désire quitter en fin de bail, c'est-à-dire à l’expiration de la période fixée dans le
cadre d’un bail à durée déterminée, aucun préavis n’est requis. Cependant, si le locataire reste
sur les lieux à la fin de la période spécifiée dans le bail, celui-ci est automatiquement
reconduit et devient un bail à durée indéterminée dont la résiliation suppose le respect d’un
préavis.
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b) Résiliation du bail à l’initiative du bailleur
En principe le bailleur ne peut reprendre possession des lieux loués sans passer par une
procédure stricte de mise en demeure suivie de l’obtention d’un order for possession délivré
par le juge. Il existe là encore plusieurs cas de figures dont l’essentiel est résumé comme suit.
Pour les baux soumis au Housing Act de 1988 (secteur privé), l’article 21 (Section 21
notice) prévoit qu’à l’expiration du bail le bailleur peut reprendre possession des lieux sans
motifs spécifiques à condition de le notifier au locataire au moins deux mois à l’avance (ce
qui permet en pratique au locataire de trouver à se reloger). Le juge ordonnera la reprise après
avoir vérifié que la notification était régulière. L’article 8 (Section 8 notice) prévoit, quant à
lui, la résiliation du bail avant son expiration pour des motifs spécifiques (énumérés en
annexe dans le Schedule 2 de la loi). La loi opère ici une distinction entre les mandatory
grounds (motifs impératifs) qui, soutenus avec succès par le bailleur, lie le juge qui doit
prononcer la résiliation du bail et les discretionary grounds (motifs discrétionnaires) pour
lesquels le juge a un pouvoir d’appréciation et peut refuser de résilier le bail. Parmi les
mandatory grounds on trouve les impayés de plus de deux mois et la reprise du logement par
le bailleur pour lui servir de résidence principale. Les discretionary grounds concernent
principalement les cas d’impayés de moins de deux mois, les retards systématiques dans le
payement des loyers et les bad tenant grounds qui tiennent au comportement anti-social du
locataire (existence d’une sous-location non autorisée, détérioration des lieux loués, troubles
de voisinage, utilisation illicite des lieux loués, etc.).
Pour les autres baux, c’est à dire ceux régis par la common law ou le Rent Act 1977, des
règles similaires à celles envisagées plus haut existent. Plus précisément, avant de prononcer
la résiliation, le juge doit être en mesure de constater, soit que le locataire a trouvé une
solution de rechange pour se reloger, soit que les circonstances spécifiées dans la loi
(Schedule 15 du Rent Act 1977) sont réunies en l’espèce (la loi distingue entre les
discetionary cases et les mandatory cases).
Enfin, dans le cas des logements sociaux il faut signaler, en cas de non-payement des loyers
par le locataire, l’existence d’une procédure obligatoire préalable à toute action en justice, le
pre-action protocol qui, comme son nom l’indique, est un « protocole » de payements
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échelonnés qui permet au locataire d’obtenir dans le temps alloué des aides au logement
(housing benefits) afin qu’il puisse faire face à ses dettes et éviter l’expulsion.
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III. Le traitement des difficultés du bail (contentieux locatif)
A. Le règlement des litiges
Les procédures en matière de conflits locatifs relèvent de la County Court (au nombre de 216
pour l’ensemble de l’Angleterre et du Pays de Galles). Les affaires sont jugées à juge unique
par un district judge. Cette juridiction est donc semblable au tribunal d’instance statuant en
matière civile. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant la County Court mais il est
cependant vivement recommandé de faire appel à un conseil juridique eu égard à la
complexité de la législation sur les baux. Cependant, en pratique, pour éviter les frais de
procédure souvent élevés en Angleterre, la majorité des affaires se règlent à l’amiable entre
les parties qui peuvent utiliser à cet effet les services d’un médiateur dans le cadre d’une
procédure de règlement à l’amiable de droit commun, connue sous le nom de « alternative
dispute resolution » ou ADR. Les plus utilisées sont l’arbitrage (dont le recours est parfois
prévu par la loi comme dans les cas de litiges relatifs aux dépôt de garantie) ou la médiation.
Alors que l’arbitre se comporte comme un juge dont la décision lie les parties, le médiateur
propose des solutions en fonction des circonstances de l’affaire. Le Civil Procedure Rules
(équivalent d’un Code de Procédure Civile) dispose qu’il est du devoir des juges
«d’encourager les parties à coopérer dans le règlement des procédures» (Rule 1.4). Le
gouvernement s’est engagé à promouvoir le recours aux ADR comme l’atteste l’établissement
d’un compte rendu annuel des recours à la médiation qui fait état chaque année d’une
augmentation sensible de ce type de règlement. Une commission spéciale qui dépend du
Ministère de la Justice, le Civil Mediation Council, veille à la bonne administration des
procédures de médiation, notamment en ce qui concerne le recrutement des médiateurs dont
certains sont accrédités par lui. Il existe par ailleurs à l’usage des parties une ligne spéciale, la
National Mediation Helpline, pour aider à trouver un médiateur.
Ministère de la Justice – SAEI
Les baux d’habitation, Angleterre, à jour le 1er juin 2009
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B. L’Expulsion Locative
En Angleterre, l’expulsion obéit à des conditions de procédure et de délai très strictes dont la
violation peut entraîner des sanctions pénales. A noter cependant que la loi anglaise ne prévoit
pas la suspension des expulsions durant la période hivernale. Cependant, lorsqu’il statue sur
des demandes d’expulsion, le juge pourra tenir compte de circonstances de temps pour
retarder la mesure.
De manière générale toute procédure d’expulsion répond aux exigences du « due process »
c'est-à-dire à la nécessité d’une décision de justice autorisant l’expulsion et ce, même dans le
cas où le bail est expiré et que le locataire refuse de quitter les lieux (Article 3 du Protection
from Eviction Act 1977). Ainsi, toute voie de fait à l’encontre d’un locataire, comme l’usage
de la force sans autorisation du juge, ou toute pression exercée sur sa personne pour le
contraindre à quitter les lieux, sera considérée comme illicite. Plus particulièrement, d’après
l’article 1 (3A) de la loi de 1977, sont constitutifs d’une infraction pénale emportant des
peines d’amende et/ou, dans les cas les plus graves, une peine d’emprisonnement pouvant
atteindre 2 années :
le trouble à la jouissance des lieux loués ;
le fait de priver le locataire des services découlant de l’occupation des lieux.
Dans les deux cas, l’infraction est constituée même si le bailleur n’a pas agi dans le but
spécifique de faire partir le locataire. Il suffit que le bailleur ait agi d’une telle façon qu’il
aurait dû raisonnablement entrevoir que son action avait pour effet de conduire le locataire à
quitter les lieux. La juridiction pénale de première instance, la Magistrates’ Court, est
compétente pour connaître de ces infractions.
En cas de jugement d’expulsion prononcé par le juge, le locataire devra alors quitter les lieux
dans un délai allant de 14 à 28 jours à compter de l’audience de jugement. Le bailiff (officier
attaché à la Court ayant jugé l’affaire - dont le rôle s’apparente à celui d’un huissier) est seul
qualifié pour procéder à l’expulsion. Il peut recourir à la force publique dès lors que, la
décision d’expulsion étant devenue exécutoire, le locataire refuse de libérer les lieux.
Ministère de la Justice – SAEI
Les baux d’habitation, Angleterre, à jour le 1er juin 2009
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