3 intervenant : Christian Forestier Merci Daniel, mesdames
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3 intervenant : Christian Forestier Merci Daniel, mesdames
3e intervenant : Christian Forestier Merci Daniel, mesdames, messieurs, chers collègues, chers amis, cher Jean-Marc, d’abord je crois nécessaire alors qu’on arrive à la fin de ces deux journées de remercier les organisateurs. Moi, j’ai pris beaucoup de plaisir ces deux jours, je le dis très franchement. Donc merci à Daniel Vitry et Marc Foucault, merci à leurs collaborateurs, je parle bien entendu à Claude Sauvageot en premier mais je pourrais citer beaucoup d’autres. Merci donc pour la qualité de ces deux journées, un plateau d’excellente qualité, des interventions remarquables. On vient d’assister à une table ronde de très haut niveau. Par contre, je ne vous remercie pas du tout les uns et les autres de m’avoir demandé l’exercice que vous me demandez de faire là, parce que ça me paraît une mission extrêmement difficile. Je l’ai dis, il y a eu cinq rapports excellents, je ne vais pas faire la synthèse de ces rapports, ça serait strictement ridicule. D’autant plus que je ne vois pas trop à quel titre, je ne suis ni scientifique, ni politique, ni pas tout à fait politique. Je suis un peu conseilleur, un peu expert, un peu décideur, un peu gestionnaire, un peu de tout ça, donc quand on est un peu de tout ça, on n’est pas grand-chose. Donc je crains que la valeur ajoutée qui sera la mienne ne soit relativement faible. Par contre, ce que je sais, par toutes les fonctions effectivement que j’ai exercées, que Daniel a gentiment rappelé, il en a oublié d’ailleurs mais ce n’est pas grave, c’est l’étanchéité qu’il y a entre la connaissance et la décision. La difficulté qui est effectivement d’associer les décideurs aux scientifiques. J’ai présidé aussi, et c’est peut-être d’ailleurs pour ça que vous avez pensé à moi je n’en sais rien, une institution qui s’appelait le Haut conseil d’évaluation de l’école, et qui a précédé le Haut conseil d'éducation auquel j’appartiens, auquel appartenait d’ailleurs Alessandro Pianna. Ce Haut conseil avait produit en son temps, je crois d’ailleurs que c’était en 2003 ou 2004 si mes souvenirs sont bons, deux rapports, sur les évaluations internationales, qui avait été fait par Norberto Bottani et Pierre Vrignaud, présents au cours de ces deux journées, et sur les indicateurs fait par Marc Demeuse et Jean-Richard Cytermann, présents aussi lors de ces deux journées. Ces deux rapports avaient, je crois ; il me semble que je peux dire qu’ils étaient de qualité, ne les ayant pas rédigé moi-même, simplement recommandés ; amorcé des inflexions de la position de la France par rapport à ce domaine-là et notamment à celui des évaluations. Moi je vais donc me borner si vous voulez, en un petit quart d’heure, de me comporter en grand témoin. Plutôt que d’essayer de refaire la synthèse de la synthèse. Et vous dire un peu comment j’ai parcouru ces deux journées, et ce que j’en ai surtout retenu. Je partirai et je crois me faire l’interprète de beaucoup d’entre vous, de l’intervention de Norberto Bottani de hier matin, qui nous a un peu tous mis en jambe si je puis dire. Norberto, à partir de l’histoire de INES et un peu de PISA, comment l’histoire peut éclairer le futur, il nous a dit beaucoup de choses. Moi j’ai retenu presque tout ce qu’il a dit, mais je voudrais insister devant vous sur deux choses qu’il a dit, qu’il me faut me semble-t-il rappeler à ce moment de notre conférence. La première chose qu’il nous a dite, et je vous rappelle que nous sommes dans une conférence qui s’intitule « Comparaison internationale des systèmes éducatifs : un modèle européen » ; Norberto nous a dit : dans INES, dans PISA, au cours de ma carrière, j’ai vu la quasi-totalité des pays européens s’engager, souvent avec passion, pas toujours, parfois avec des réticences. On évoquait le cas de la France par rapport à PISA à ses débuts. Mais je n’ai jamais vu l’Europe. J’ai vu les pays européens, mais je n’ai jamais vu l’Europe. Et ça, moi ça m’a beaucoup frappé, surtout que ça venait en début de séminaire, et je me suis dit qu’il y avait là quelque chose qui fondait encore plus un petit peu la légitimité de cette conférence. Je ne sais pas s’il doit sortir de cette conférence et si l’objectif était de faire sortir un modèle européen de la coopération internationale, a priori je suis un petit peu sceptique. Par contre, préciser l’engagement de l’Europe dans cette aventure me paraît un point important. Si tous les pays sont dans INES et dans PISA, ce n’est pas le cas dans tous les dispositifs. Hier, par exemple, je participais à un moment à un atelier où on évoquait Thalys, il est évident que sur Thalys par exemple, on voit bien que les pays européens ont des sensibilités différentes, certains y sont, d’autres n’y sont pas. Y être est certainement légitime, ne pas y être est peut-être aussi tout à fait légitime. Donc on voit bien qu’en tout cas ce qui a manqué à un certain moment, je pense, c’est une réflexion commune, de l’ensemble des pays européens pour savoir si on allait ou si on n’allait pas dans Thalys. C’est un exemple que j’ai pris, j’y reviendrai, et j’aurai pu en prendre beaucoup d’autres. La deuxième chose importante que nous a dite Roberto Bottani, et cela a été rappelé au cours de la table ronde, c’est l’importance de l’entrée des décideurs politiques et du jeu diplomatique. Alors il a beaucoup insisté là-dessus, je sais que ça a un peu surpris, moi je n’ai pas été surpris parce que ça fait plusieurs fois que je l’entends tenir ce discours-là, mais il nous a bien dit : c’est au moment où les politiques ce sont emparés du dispositif des indicateurs internationaux, que le système a pu décoller. Et il a poussé le message jusqu’au bout en disant : c’est à partir des indicateurs, à partir de INES, et à partir de la frustration que pouvaient engager les indicateurs, qu’on est allés vers l’évaluation des compétences qui était celle de PISA, alors que les tentatives précédentes d’évaluation de compétence n’avaient pas mobilisées autant l’attention des décideurs. Je crois que cet exemple est à méditer. Cet exemple est à méditer, on sent bien que, ça a été redit d’ailleurs au cours de la table ronde précédente, les décideurs sont a priori politiques, les décideurs sont a priori plus enclins à s’intéresser aux indicateurs parce qu’ils ont l’impression de les maîtriser. Il y a semble-t-il une certaine conception de l’objectivité de l’indicateur, alors que dès lors qu’on parle de l’évaluation des compétences, bien entendu là on ne maîtrise plus rien, c’est le résultat qui compte. Mais Norberto nous a dit aussi : les indicateurs ne sont pas neutres, et il y a toujours un équilibre instable entre le scientifique et le politique et là aussi j’ai un peu l’impression de redire des choses que j’ai entendues il y a moins d’un quart d’heure, puisque ceci a été rappelé au cours de cette table ronde. Y compris la difficulté de faire coïncider, et on l’a bien senti au cours de cette journée, le temps politique et le temps de l’école, surtout le temps de l’évaluation de l’école. On voit bien qu’il y a là quelque chose qui est apparemment irréductible. Il faut apprendre aux politiques l’humilité de penser que les actions qu’ils engagent en matière d’éducation, il est fort peu probable, compte tenu des instabilités politiques que nous connaissons, qu’ils puissent en voir les effets. Je prendrai un exemple très simple : vous le savez probablement, la France est engagée dans une opération dite d’introduction dans son système éducatif d’un socle commun dit des connaissances et des compétences, je suis toujours un peu surpris quand on dit « ça y est, c’est fait » et « ça y est, c’est fait, ça porte ses fruits ». Nous saurons si cette réforme a un sens et si elle produit ses fruits au plus tôt dans neuf ans, lorsqu’une génération entière aura parcouru la scolarité obligatoire dans ce cadre-là, ce qui n’est pas encore le cas. Donc, revenons à la conférence proprement dite après ce rappel de deux choses de Norberto Bottani. Moi, ce qui m’a frappé quand même, je dois vous le dire, il faut bien que quelqu’un vous le dise, il y a eu quand même au cours de ces deux journées, malgré la qualité des séances plénières, encore une fois celle qu’on est en train de vivre cette après-midi en est le témoignage à part mon intervention, il y a quand même au cours de ces deux journées, trois conférences qui se sont superposées ou qui se sont mélangées. On a bien vu qu’il y avait trois champs de préoccupations : l’enseignement supérieur bien sûr, l’enseignement obligatoire et l’enseignement professionnel. Moi, ce qui m’a frappé quand même, je ne peux pas ne pas vous le dire, c’est que les trois champs n’ont pas mobilisé autant de personnes les uns que les autres. Il n’y a pas eu une répartition égale entre les trois parties, grosso modo j’ai fait une petite évaluation statistique : 60% des présents se sont précipités sur l’enseignement supérieur, 30% sur l’enseignement obligatoire et il en est resté moyennement 10% pour s’intéresser à l’enseignement et à la formation professionnelle. J’y vois quand même une information et j’essaie de la positiver, en ce sens que je crois aujourd’hui que tout le monde est préoccupé par les problèmes d’évaluation de notre enseignement supérieur, qui est une préoccupation non pas de la France mais de l’ensemble des pays. Χavier Darcos, ce matin a utilisé une expression que je ne connaissais pas mais que je reprends à mon compte sans droits d’auteur qui est « Pisa choc ». « Pisa choc » me plaît bien, mais Valérie Pécresse hier matin aurait pu tout aussi bien parler de « Shanghaï choc », voire de « Shanghaï séisme » ou de « Shanghaï tsunami ». A la limite, j’ai l’impression que l’effet dévastateur en tout cas au moins sur le plan médiatique du classement dit de Shanghaï et au moins équivalent sinon supérieur à ce qu’a pu être PISA, pas seulement en France mais dans d’autres pays. Donc, moi, ce que j’ai retenu qui me paraît fondamental, quelque soit ensuite les débats qui ont pu avoir lieu, c’est l’annonce faite par la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche française, Valérie Pécresse, de s’engager avec l’ensemble des partenaires européens dans la construction de ce que l’on a appelé un classement européen des universités, elle a parlé de « classement de Bruxelles des universités mondiales », avec un objectif qui me paraît simple mais les choses simples doivent toujours être rappelées me semble-t-il surtout dans cette matière-là, c’est qu’il faut arrêter de subir la dictature des défauts des autres classements existants. Je crois que ce n’est pas la peine d’épiloguer longuement là-dessus. Le ministre d’ailleurs a esquissé, c’était son rôle, un début de cahier des charges en la matière et en disant qu’en gros ce classement devrait prendre en compte la totalité des missions d’établissement d’enseignement supérieur quelle que soit leur taille, c'est-à-dire la mission de recherche bien entendu, la mission de formation c’est tout aussi important, la mission d’insertion professionnelle et la mission de vie étudiante. Aujourd’hui, si on ne prend pas en compte ces 4 aspects au moins qui caractérisent un établissement d’enseignement supérieur, français ou de tout autre pays, on passe à côté d’une information essentielle que l’on doit aux étudiants et ceci au niveau le plus fin. C’est-à-dire que l’établissement c’est une chose, mais le département et la discipline en est une autre. En écoutant la ministre d’ailleurs, je pensais à un rapport que j’avais commandé il y a quelques années au professeur Marc Romainville de la faculté de Namur, toujours dans le cadre du HCE sur l’évaluation des acquis des étudiants. Marc Romainville, que beaucoup d’entre vous je pense connaissent, concluait, ce n’est pas le scoop de la soirée, sur le fait qu’en matière des acquis des étudiants, on ne savait pas grandchose, pour ne pas dire qu’on ne savait rien, en fait. Et surtout, on ne savait encore moins de choses sur la valeur ajoutée. Si je prends le cas de la France, on a quelques connaissances sur ce qu’ont les étudiants lorsqu’ils entament un cursus dans l’enseignement supérieur, que ce soit en école ou que ce soit en université. La valeur ajoutée de la structure, soyons clairs, on en sait strictement rien et dans bien des cas on est parfois même perplexe sur la réalité de cette valeur ajoutée. Donc, il y a là un travail important à faire. Rapporter devant vous à cette heure-ci sur les recommandations de la conférence en matière d’enseignement supérieur, c’était la partie la plus facile de l’exposé, puisqu’il suffit de vous recommander de suivre les recommandations de la ministre. Je le dis d’autant plus aisément que j’ai entendu la Directrice générale de l’éducation et de la culture […] Mme Odile Quintin s’inscrire parfaitement dans cette logique et nous annoncer l’appel d’offres début 2009 pour un consortium chargé d’établir non pas le classement mais les modalités de ce classement. J’ai envie de dire une expression très franco- française « y’a qu’à », « y’a plus qu’à ». Mais bien sûr tout le monde est parfaitement conscient que le « y’a plus qu’à » recouvre bien des difficultés qui sont encore devant nous, mais c’est la règle du jeu. Le hasard, enfin pas tout à fait le hasard, mais les choses sont bien faites parce que c’est Jean-Marc Monteil qui tout à l’heure aura le mot de la fin. Tout le monde sait dans cette salle, ce n’est pas la peine que je le reprécise, le rôle qu’il a joué dans l’évaluation de l’enseignement supérieur, je crois qu’on peut lui faire confiance pour savoir politiquement tirer toutes les conclusions qui s’imposent. S’agissant de l’enseignement obligatoire, il faut que j’accélère, on peut avoir l’impression à juste titre que les choses sont un peu plus balisées, sont un peu plus avancées, on est dans un domaine où il y a déjà de l’antériorité tant en matière d’indicateurs, qu’en matière d’évaluation. A titre personnel, pardonnez-moi cette personnalisation du débat, mais j’ai suffisamment milité que ça soit dans mes fonctions de haut conseil, de directeur de cabinet ou de directeur, je fais partie de ces français qui ont poussé un peu à une meilleure prise en compte des évaluations internationales et à ce que nous portions un regard un peu moins critique sur ce qui nous déplaît de lire à notre égard parce que c’est un prétexte très francofrançais que de dire que dès lors que nous avons de la température, c’est le thermomètre qui ne marche pas. J’ai suffisamment dit ça, pour pouvoir aujourd’hui dire que si PISA nous dit beaucoup de choses sur l’état de nos élèves, l’état des compétences de nos élèves, il nous en dit beaucoup moins sur les solutions, beaucoup moins qu’on veut bien le dire. Et je suis assez d’accord là aussi avec Norberto Bottani : attention au monopole du « tout PISA ». Pour moi, le « tout PISA » est tout aussi préoccupant ou tout aussi négatif que le « tout Shanghaï ». Je le dis d’autant plus encore une fois que j’ai écrit par ailleurs suffisamment de fois tout l’intérêt qu’il y avait à utiliser PISA mais je mets en garde aussi, et je crois qu’il faut le faire à la suite de ces deux journées, sur ce qui pourrait être le modèle d’évaluation unique de l’école obligatoire. On peut toujours rêver, là encore on va faire encore un peu de cocorico, il semblerait que ce soit un Français il y a plus de 200 ans, un certain Marc-Antoine Julien dit de Paris, au moment de la Révolution, qui pensait qu’en étudiant tous les systèmes éducatifs du monde, on arriverait à trouver les invariants de la réussite scolaire. Il suffisait de tous les observer et on trouverait des lois physiques ou biologiques qui permettraient de définir le système qui à tout coup permet à tout élève d’apprendre ce qu’on veut lui faire apprendre. C’était un rêve révolutionnaire, ce rêve il est bien entendu, derrière nous mais on sent bien qu’il y a un toujours un peu cette idée que peut-être ce modèle existe et qu’à partir d'évaluations on va le trouver. Je crois que ce qu’on a entendu pendant ces deux jours remet un peu les pendules à l’heure, j’ai bien entendu par exemple, si je prends PISA, j’ai bien vu qu’entre les performances de deux modèles assez semblables qui est le modèle finlandais et le modèle suédois, les performances n’étaient pas tout à fait identiques. Donc, ça m’a interpellé. Il se trouve que je reviens d’une mission faite au Japon, le Japon a des performances dans PISA qui sont tout à fait remarquables, je n’ai pas le sentiment qu’il y ait beaucoup de points communs, enfin il y en a bien sûr, mais il y a aussi beaucoup de différences entre le modèle finlandais et le modèle japonais. En tout cas nos amis japonais m’ont donné une clé de réussite dans PISA qui m’intéresse en tant que Français, certains m’ont dit: nos élèves réussissent très bien dans PISA puisqu’on les prépare à PISA, ce qui est bien entendu pas tout à fait l’approche française que nous connaissons. Jean-Claude Lema a fait tout à l’heure allusion à 4 problèmes : la décentralisation, l’autonomie, la carte scolaire et la filiérisation. Si on en croit parfois certains discours, on pourrait affirmer qu’un système est d’autant meilleur qu’il est fortement décentralisé avec des profs très autonomes, sans aucune carte scolaire et sans aucune filière. J’ajoute en prime : il suffit de supprimer le redoublement, et on a le meilleur système du monde. Personne dans cette salle ne peut croire un instant à cette sornette. Ca a été dit, nous savons très bien que les choses sont beaucoup plus complexes que ça. Je le dis là aussi avec d’autant plus de facilité que je fais partie de ces Français, vous vous en doutez, qui militent ardemment pour la suppression du redoublement, je dirais pour la remise en cause du redoublement, j’ai même écrit un livre ou j’ai appelé ça le génocide pédagogique. Il n’en demeure pas moins que je sais très bien, parce que je ne suis pas totalement idiot, que le supprimer demain matin n’aurait certainement strictement aucun effet, voire peut-être des effets négatifs. On a parlé de multiplicité, ce matin Xavier Darcos a fait allusion à PISA et à PIRLS, ça a été redit tout à l’heure d’ailleurs, là aussi je plagie un peu ce que j’ai entendu, on a besoin de PISA et de PIRLS. Quand Xavier Darcos dit ce matin qu’il a besoin de PISA et de PIRLS pour comprendre effectivement que nous avons un problème en France au niveau de notre enseignement primaire, c’est une réalité. PISA tout seul ne nous renseigne pas forcément, pas autant que nous l’aurions souhaité, sur les problèmes que nous rencontrons au niveau de l’école primaire. De là à en déduire qu’il faille faire un PISA à neuf ans, il y a un pas à franchir que je ne franchis pas. Parce que je pense effectivement que la multiplicité de l’approche est une sécurité. Je m’interroge aussi, je le dis avec un peu d’humour, hier j’ai vu apparaître, peut-être que c’était pour moi une première et peut-être pas pour vous, des moyennes européennes dans PISA. Ca m’a beaucoup interpellé parce que l’élève européen, je ne le connais pas encore, je ne l’ai jamais croisé, à 15 ans je veux dire, peut-être que plus tard on en verra. Mais en tout cas là on voit bien qu’il y a là un score qui ne correspond strictement à rien. Ceci étant je comprends que pour la comparaison ce soit utile, de la même façon qu’après les Jeux Olympiques de Pékin, certains journalistes avaient tendance à additionner l’ensemble des médailles des pays européens pour dire où se situerait l’Europe si c’était un seul pays. Là on était dans le sommatif. En matière de PISA, je ne suis pas sûr que l’on soit dans le sommatif. Mais pour en rester dans l’enseignement obligatoire, ça a été dit, à juste titre, c’est pas un scoop, quand même aujourd’hui, la grande inconnue, le grand absent, ça reste l’enseignant, qui est notre sujet de préoccupation. On sait beaucoup de choses sur la durée de leur formation, sur leur rémunération, sur leur temps de service etc. On sait beaucoup de choses quoique Arlette Delhaxhe nous a dit : c’est pas si simple, ça devient de plus en plus compliqué. Les durées de formation sont de moins en moins précises, les temps de service sont de moins en moins précisés etc. Mais admettons que l’on ait beaucoup d’informations, dans les bases de données que nous avons, sur nos enseignants. Sauf que l’on manque terriblement d’informations sur ce qui est essentiel c'est-à-dire sur leurs pratiques pédagogiques. Ce qui se passe dans la classe reste pour beaucoup d’entre nous, pour ne pas dire pour tous, une énorme boîte noire. L’effet enseignant ou l’effet établissement, l’effet établissement est-il la somme des effets enseignants, on en sait rien. Là il y a je crois un champ tout à fait important à explorer, avec prudence. Je repense à Thalys, j’ai été intéressé hier quand on parlé de Thalys. Dans Thalys, il y a une tentation, c’est de croiser ce que Thalys nous dit avec ce que PISA nous dit. Heureusement, on nous dit aussitôt : aucun pays n’a osé faire ça. Et pour cause, parce que je ne vois pas très bien ce que ça donnerait. Ca laisserait supposer que les performances d’un élève de 15 ans sont uniquement dépendantes des professeurs qu’il a eu à 15 ans. Et par la même, de nier toute son histoire. Ce qui n’a strictement aucun sens en termes pédagogique. Autre chose aussi, ce serait intéressant de voir les corrélations que l’on peut en tirer. Essayons d’imaginer, quand on fait une corrélation, résultat PISA/rémunération des enseignants, qu’estce qu’on trouverait. Si on trouve que plus on les paie mieux ça marche, ça va coûter cher à tout le monde; si on trouve que moins on les paie mieux ça marche ça va provoquer un séisme social important ; et si on trouve que la rémunération n’a aucune influence sur les performances scolaires, vous voyez les conclusions que les politiques peuvent en tirer. Donc se méfier énormément des corrélations un peu hâtives. C’est avec ce type de corrélation que l’on ne va surtout pas à l’hôpital, parce que c’est l’endroit où on a le plus de chances de mourir. Un mot enfin là-dessus toujours aussi sur le type d’informations que l’on a et je pense notamment à l’équité. Marc Demeuse a fait une remarquable mais je dirais personnelle synthèse de son atelier, il l’a dit et tout le monde, c’est une évidence, est attaché à l’équité. Faut-il encore pouvoir la mesurer, et nous la mesurerons d’autant plus que nous aurons des informations utilisables en la matière. Personnellement, je suis préoccupé par ce qui peut apparaître parfois comme un appauvrissement de l’information. On ne traite bien que les problèmes qu’on connaît et ceux que l’on pose comme il faut. Je dois terminer, je vais terminer pourtant par ce sur quoi j’aurais voulu peut-être m’appesantir le plus parce que j’ai bien senti que c’était quand même ce qui passionnait le moins la conférence : c’est le problème des enseignements et de la formation professionnelle. D’abord moi je justifie parfaitement, je sais que certains se sont interrogés, ce champ là de cette conférence. Souvent on dit : mais ce n’est pas la peine, par exemple l’enseignement supérieur : on ne peut pas parler d’enseignement supérieur sans parler d’enseignement professionnel. C’est vrai. Mais toute mon histoire me permet de dire qu’il y a encore des marges de progrès possibles dès lors qu’on s’attaque au problème de professionnalisation. On a bien vu d’ailleurs tout à l’heure, enfin j’y ai fait allusion, l’insertion professionnelle des étudiants, jusqu’à présent, dans les palmarès internationaux ou dans les classements qui ont été utilisés n’est pas le premier critère utilisé. Donc il y a là un vrai sujet et puis il y a tout le champ de l’enseignement secondaire. Là aussi on peut dire : dès lors qu’on s’intéresse à l’enseignement secondaire, on s’intéresse à l’enseignement secondaire. Oui, sauf que ce n’est pas si simple, parce qu’il y a beaucoup de différences. Or, mes chers amis, le public concerné est extrêmement important. Si je prends le cas de la France, 50% d’une génération commence des études supérieures, c’est une chose, mais 40% d’une génération passe par l’enseignement professionnel court. 40% d’une génération, presque autant, on a là deux populations qui sont en quantité tout à fait identiques. Et puis je voudrais vous rappeler, pardonnez-moi, que si je prends les 5 critères de Lisbonne, il y en a au moins 4, les 4 d’ailleurs qui n’ont pas été atteints, le seul qui ait été atteint est celui qui touche à l’enseignement supérieur : le rééquilibrage sur les formations mathématiques, sciences et techniques. Il y a 4 indicateurs : la réduction des sorties précoces, l’accès aux compétences de base, l’accès à l’enseignement secondaire et la formation des adultes, ces 4 critères de Lisbonne nous renvoient tous les 4 à la formation professionnelle et notamment à la formation professionnelle initiale, je dirais de premier niveau. Personne ne peut imaginer ici réduire les sorties précoces, amener tout le monde à un niveau de compétences clés et amener tout le monde à un enseignement de second cycle validé sans faire appel à la formation professionnelle courte. D’où l’importance, Daniel me fait signe d’accélérer, moi je retiens, je suis obligé de faire court, deux choses qui me paraissent importantes. La première, c’est qu’en matière de formation professionnelle courte, on est sur un champ qui n’est plus le même, c'est-à-dire qu’on est plus au niveau de l’Europe, on est plus au niveau du pays, on est au niveau régional. Tous les pays ont décentralisé fortement ce type-là. Il y a un gros travail à faire de recueil et de traitement de l’information au niveau régional. Il y a à s’interroger sur des modes de formation qui sont très différents d’un pays à l’autre et aussi au sein d’un seul pays. Nous- mêmes en France, nous avons la formation in-vivo et in-vitro, in-vivo c’est l’apprentissage en entreprise, in-vitro c’est l’enseignement intégré dans un établissement. On a beaucoup de difficultés aujourd’hui à trancher sur les avantages et les inconvénients des uns et des autres. Et puis il y a aussi à s’interroger sur la qualité de nos formations, j’ai envie de dire là aussi, petit clin d’œil très franco-français, qu’est-ce qu’on sait de la qualité de la formation des plombiers en Pologne ? Et peut-être que si on avait su des choses sur la qualité de la formation des plombiers en Pologne, le cours des choses en aurait été changé par rapport à un grand débat que l’on a eu. Donc, ces problèmes là ne sont pas derrière nous, au contraire ils sont tout à fait devant nous et moi je voudrais surtout et je vais m’arrêter un peu là-dessus, que l’on s’interroge sur l’articulation à ce niveau là entre formation générale et formation professionnelle. Il y a là un champ qui me semble-t-il est insuffisamment exploité. Je vais prendre un exemple pour bien me faire comprendre : nous avons en France, on avait car je pense qu’elles vivent leurs derniers jours, mais on avait des qualifications qui étaient relativement déconnectées de nos diplômes. Et on avait cette particularité, c’est qu’on pouvait être qualifié sans être diplômé. On peut considérer que l’on a une qualification professionnelle de premier niveau tout en n’ayant pas échoué, pas validé notre enseignement secondaire. Ceci a marché pendant de nombreuses années. Aujourd’hui les études du CIREC, permettez-moi de citer cet organisme, nous montre que ça ne marche pas. C'est-à-dire qu’aujourd’hui, une qualification qui n’est pas appuyée sur une validation du second cycle d’enseignement secondaire, sur la validation d’un cycle 3, n’est plus reconnue par la société française et est considéré comme une non-qualification. Ca m’interpelle et je pose la question : pourquoi ? Pourquoi quelqu’un qui a échoué au BEP ou au CAP est-il moins bien traité que celui qui a été reçu. On peut dire : c’est normal dans un pays qui a sacralisé le diplôme. La réponse est un peu courte. Est-ce que c’est uniquement parce qu’il a échoué ? Et s’il a échoué pourquoi il a échoué ? Moi je sais par expérience que s’il a échoué c’est généralement à cause de la formation générale. Donc s’il est plus mal traité, s’il a des difficultés d’adaptation, ce n’est peut-être pas à cause de la qualité de sa formation professionnelle, mais à cause de la mauvaise qualité de sa formation générale. La réponse à cette question, pour moi et pour vous tous je pense, est très importante, car c’est en répondant à ce type de questions que nous pourrons éventuellement répondre, ce que je disais tout à l’heure, aux problèmes des sorties précoces, de l’accès à tous aux compétences clés et à l’enseignement secondaire. Voilà c’est un peu bâclé sur la fin, mais cet exercice se termine toujours un peu comme ça. J’ai bien conscience d’avoir survolé, j’ai bien conscience de vous avoir livré une version extrêmement personnelle, mais c’était je le pense la règle du jeu. Personne n’a envie de construire, je pense, un modèle unique éducatif européen. Non seulement c’est mission impossible, mais ça serait totalement ridicule. Par contre nous avons tous, je crois, envie de nous engager tous plus collectivement dans la réflexion, dans l’étude et dans les comparaisons avec les autres systèmes. Ce qui a été amorcé au cours de ces deux jours notamment en matière d’enseignement supérieur me paraît aller dans la bonne direction. Je vous remercie.