LE SYNDICAT NATIONAL DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS

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LE SYNDICAT NATIONAL DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS
Les VOIX du monde – Spécial Afrique
LE SYNDICAT NATIONAL DES INFIRMIÈRES ET
INFIRMIERS LIBÉRAUX (SNIIL) CÉLÈBRE 40 ANS DE
MILITANTISME – Toulouse (France)
par G yslaine Desrosiers, inf., MBA, D.h.c.
Présidente du SIDIIEF
À
Toulouse (France), ville où fut fondé le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) en
1973, les 9 et 10 octobre 2013, avait
lieu le 40e Congrès de ce syndicat. Le
SIDIIEF y était invité et proposait une
table ronde apportant un éclairage
sur l’état de la pratique infirmière dans
trois pays. J’en profite pour remercier
Mme Annick Touba, présidente du
SNIIL, pour son invitation, mais aussi
pour sa collaboration avec le SIDIIEF à
travers les années.
La Suisse romande
Ainsi, j’ai eu l’honneur et le plaisir d’animer cette demi-journée, où la professeure Sophie Divay, maître de conférence en sociologie à l’Université de
Reims (France), présenta en ouverture
une réflexion sur l’autonomie professionnelle des infirmières en France.
M. Laubscher a expliqué qu’il n’y a pas
de cadre légal qui dicte de façon précise la pratique infirmière, et donc une
absence de décret de compétences.
Cela permet aux directions de soins de
faire évoluer la pratique en collégialité avec les médecins. Il a beaucoup
insisté sur une pratique qui se base sur
les résultats probants de recherche en
sciences infirmières et sur l’importance
du jugement clinique infirmier. Par ailleurs, il n’a pas hésité à supprimer, dans
son établissement, 100 postes d’infirmières qui faisaient des activités de
soins qui ne requièrent pas l’expertise
infirmière.
Le SIDIIEF a regroupé à une table
ronde les participants suivants :
•André Laubscher, infirmier, directeur des soins infirmiers au CHU
de Genève (Suisse) ;
•Claire Zablit, infirmière, professeure à la Faculté des sciences
infirmières de l’Université SaintJoseph, Beyrouth (Liban) ;
•Sylvie Laperrière, infirmière,
conseillère-cadre au Centre de
santé et de services sociaux de la
Montagne, Montréal (Québec).
Les participants devaient présenter un
bref historique des moments forts de
la profession dans leurs pays, exposer le système de formation ainsi que
les défis actuels auxquels fait face la
profession.
Bulletin S@voir inf. – automne 2013
André Laubscher a surpris l’assistance
en décrivant le contexte fortement
dérèglementé de la profession qui
prévaut en Suisse tout en mettant en
lumière ses fortes avancées. La formation infirmière en Suisse romande est
maintenant de niveau bachelor (1er
cycle universitaire) et un Institut universitaire de formation et de recherche
en soins (IUFRS) offre le master. Le doctorat en sciences infirmières sera également accessible sous peu.
Enfin, M. Laubscher a parlé d’un plan
de carrière clinique pour les infirmières. L’accès aux postes de cadres
s’appuie sur le leadership et les compétences cliniques et des études de 2e
cycle pertinentes.
Les soins de santé en Suisse sont couverts par des assureurs privés qui sont
très intéressés par les résultats de soins
et les gains de qualité et d’efficience en
lien avec la profession d’infirmière.
Auditoire lors du 40e congrès de la SNIIL (France).
Le Liban
Claire Zablit a décrit une situation au
Liban qui se distingue des autres pays
par une forte présence médicale : il y a
deux fois plus de médecins que d’infirmières, contrairement à ce qu’on
retrouve dans la plupart des pays occidentaux, où le ratio peut atteindre de
trois à huit infirmières pour un médecin. De plus, au Liban, le système de
santé est entièrement privé.
Claire Zablit, qui fut doyenne de la
Faculté des sciences infirmières de
l’Université Saint-Joseph et présidente
de l’Ordre infirmier, a exprimé sa fierté
que son pays offre une filière universitaire complète en sciences infirmières.
Filière inspirée des pays anglo-saxons,
notamment du Québec.
Mme Zablit a beaucoup insisté sur la
recherche en sciences infirmières qui
doit être générée à partir des questions que se posent les soignantes et
sur l’autonomie professionnelle qui
doit s’appuyer d’abord et avant tout
sur l’exercice du jugement clinique et
d’une pensée critique. ›››
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Les VOIX du monde – Spécial Afrique
Enfin, Claire Zablit fut très chaleureusement applaudie quand elle a invité
la profession en France à faire preuve
davantage d’union que de division.
Fédérer la profession autour d’enjeux
en supportant l’Ordre serait garant de
gains importants.
collectives). Enfin, l’enseignement au
malade et à sa famille (notion d’éducation thérapeutique) se situe au cœur
de sa pratique.
Le Québec
En tant qu’animatrice, j’ai eu l’occasion
de rappeler que les systèmes sanitaires
sont tous placés devant le même défi,
celui des maladies chroniques, et que
les assureurs, qu’ils soient privés ou
publics, font tous face à l’escalade des
coûts de santé et s’intéressent tous
aux gains de performance.
Sylvie Laperrière a rappelé les moments forts de la profession au Québec : un Ordre quasi centenaire, un
cadre légal constitué d’activités réservées, une filière universitaire complète
et l’introduction de spécialités en pratique avancée.
Compte tenu de l’intérêt de l’assistance pour les soins ambulatoires et à
domicile, elle a expliqué les rôles infirmiers au Québec en soins de santé primaires (premier recours en France) et à
domicile, notamment, le rôle de l’infirmière de liaison entre l’hôpital et les
soins post-hospitaliers, le rôle des infirmières dans différents programmes
de santé communautaire (clinique de
dépistage d’ITSS, suivi post-partum,
suivi de malades chroniques, etc).
Dans une évolution appréhendée où
les soins infirmiers à l’extérieur de l’hôpital constitueront d’ici une décennie
environ 75 % des services infirmiers,
l’infirmière doit plus que jamais avoir
une solide formation clinique, accéder
facilement à la formation continue et
être apte à fonctionner en interdisciplinarité. Sylvie Laperrière a, comme
les deux autres conférenciers, beaucoup insisté sur le jugement clinique
infirmier qui repose en quelque sorte
sur un changement de paradigme où
l’infirmière ne se conçoit plus comme
une exécutante, mais comme une
professionnelle à part entière. La pratique infirmière dans le suivi de malades chroniques requiert de moins
en moins de prescription médicale, et
l’infirmière doit pouvoir prescrire des
ajustements de médicaments et faire
évoluer les protocoles de soins (au
Québec, il est question d’ordonnances
Bulletin S@voir inf. – automne 2013
Penser globalement et
agir localement
La France se distingue par l’importance et l’ampleur d’une pratique infirmière libérale sur laquelle reposent
les soins extrahospitaliers. Cela donne
une position stratégique d’importance à la profession. Étant donné que
ce secteur est en développement, il
est normal qu’il soit le terrain de lutte
de pouvoir entre les professions. Il
est d’ailleurs frappant que des participants aient énoncé que, comme au
Québec, les pharmaciens en France
revendiquent une place élargie dans
les soins de santé primaires.
une perspective plus large et innover
dans l’action et le discours. J’ai insisté
pour que les organisations infirmières,
comme un syndicat d’importance tel
que le SNIIL, puissent discourir et agir
en tenant compte de la logique économique, politique et médiatique. Le
discours infirmier, trop souvent plaintif et traditionnellement orienté sur la
recherche de reconnaissance, devient
sans intérêt pour les décideurs. La profession doit être vue comme un levier
de solutions aux défis des systèmes de
santé.
Les exposés de la table ronde ont
pu démontrer que la profession doit
viser plusieurs cibles stratégiques : le
développement de la discipline par
la recherche, l’universitarisation de la
formation, le développement de nouvelles compétences, un cadre légal
supportant l’autonomie professionnelle et la pratique avancée, une organisation professionnelle unie et fédérée dans un ordre infirmier et enfin, un
syndicalisme dynamique.
En tant que présidente du SIDIIEF, j’ai
pu conclure en évoquant qu’une table
ronde internationale n’est pas seulement l’occasion d’informer, mais aussi
celle d’inspirer des stratégies nouvelles. Il faut accepter de se donner
Table ronde du SIDIIEF lors du
congrès de la SNIIL
De gauche à droite : Gyslaine
Desrosiers, inf., MBA, D.h.c.,
présidente du SIDIIEF ;
André Laubscher, infirmier,
directeur des soins infirmiers
au CHU de Genève (Suisse) ;
Sylvie Laperrière, infirmière,
conseillère-cadre, Centre de
santé et de services sociaux
de la Montagne, Montréal
(Québec) ; Claire Zablit,
infirmière, professeure à la
Faculté des sciences infirmières
de l’Université Saint-Joseph,
Beyrouth (Liban).
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