La Problématique de la création des PME face aux contraintes socio
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La Problématique de la création des PME face aux contraintes socio
“ La Problématique de la création des P.M.E. face aux contraintes socio-économiques de l’environnement en Algérie ” Dr.Boutaleb Kouider Faculté des sciences économiqueset des sciences de gestion Université Abou Bakr BelkaidTlemcen E.Mail:[email protected] Introduction : Dans l’acte créateur de l’entreprise, les sciences de la gestion nous enseignent que pour passer de la phase incubative du projet à la décision d’investir, tout entrepreneur évalue au préalable l’environnement dans lequel il sera appelé à opérer. De même, dans la phase opérationnelle de l’entreprise, la qualité de la gestion d’une entreprise ne se mesure pas uniquement à son bon fonctionnement interne mais également à la bonne relation qu’elle entretient avec cet environnement dans toutes ses dimensions. En partant de ces postulats, notre investigation a pour objet de mettre en évidence cette dialectique entre l’environnement de l’entreprise et la décision d’investir. En effet nous estimons que la formation d’un entreprenariat national est un phénomène qui devrait nécessairement se développer et se consolider dans les années à venir. Aussi mérite t-il d’être examiné et évalué dans la perspective de son extension. Comment drainer les potentialités d’investissement dans le cadre des activités propres aux P.M.E., comment intéresser les investisseurs potentiels ?… La réponse à ces principales interrogations requiert au préalable (et notre objectif s’inscrit à ce niveau) un examen des contraintes liées à l’environnement socioéconomique Algérien. I - Les contraintes socio-économiques de l’environnement Quant elle est crée, la phase la plus difficile pour une entreprise se situe dans les premières années de son existence. Or il semble que de nombreuses créations d’entreprises échouent dès la première année. Ainsi les mass-médias font souvent écho de certaines mésaventures vécues par des investisseurs. D’autres certes réussissent mais aux prix d’un harassant “ parcours de combattant ” selon une expression consacrée dans ce domaine. Quelques exemples de désinvestissements sont aussi souvent signalés (vente ici pour aller s’installer ailleurs à l’étranger notamment chez nos voisins Marocains et Tunisiens). Mais là aussi les informations se démarquent par leur carence et ce phénomène n’a pas encore été réellement étudié. Les échos enregistrés et qui s’expliquent principalement par les contraintes inhérentes à l’environnement de l’entreprise appellent un examen de ces contraintes. Celles ci sont multiples, elles résultent des diverses carences au niveau de l’information, de la 1 communication, aux défaillances de l’administration et du système judiciaire au cadre incitatif, à l’insuffisance des infrastructures et à certaines charge et coûts des facteurs et d’autres encore. 1-1- Les contraintes liées à l’information, à la communication et aux défaillances institutionnelles. Le risque constitue une préoccupation centrale pour tout entrepreneur. Le “ risque management ” tourne autour des notions de prévision, de prévention et de planification ; trois domaines qui supposent une maîtrise et une capacité d’adaptation à plusieurs paramètres de cet environnement échappent à l’investisseur. Sur le plan institutionnel, il n’existe pas à proprement parler d’organisation adéquate pour la production de l’information économique et sociale et sa diffusion encore moins de structure de conseil, d’orientation et de suivi de l’investissement quoique l’on puisse dire du rôle de l’A.P.S. et des C.A.L.P.I.. Les dossiers traités par ces institutions ainsi que les banques ne sont pas rationnellement exploités pour constituer une banque de données sur l’investissement et ses difficultés de concrétisation sur le plan médiatique, l’absence de réseau d’information, de publication ainsi que d’autres outils médiatiques (émissions télévisuelles, revues et journaux spécialisés…) sont autant de carences qui contribuent à maintenir le primat de l’informel et de l’empirisme. Le capital se fixe dans un environnement global organisé qui accélère la fluidité de l’information (sur les marchés existants ou potentiels) et des produits, c’est l’acte un de toute idée de compétitivité tant interne qu’externe. Le déficit de communications rapides, de moyens efficaces de transfert de données et de savoir-faire ; Internet, Modem…, de moyens logistiques pour éviter qu’un courrier ou une pièce détachée ou un transport mettent des semaines pour parvenir à destination, d’un circuit bancaire rapide qui ne pénalise pas les opérateurs, des circuits administratifs et douaniers capables de traiter des dossiers dans des temps compatibles avec le rythme du marché… 1 -2 - Les contraintes liées aux défaillances de l’administration L’une des contraintes majeures pour les investisseurs algériens réside dans les lenteurs bureaucratiques (très souvent dénoncées par ailleurs) celles-ci se manifestent dans la longueur, la complexité et la non-coordination des procédures administratives pour obtenir auprès des administrations locales et mêmes centrales les accords nécessaires à l’installation, à l’établissement et au démarrage de l’entreprise. En dépit des efforts qui ont été faits ces dernières années, il faut toujours produire une masse de documents pour faire enregistrer une entreprise et le processus complet de création prend des mois et des mois pour aboutir si jamais il aboutit or le temps c’est de l’argent. La création d’une entreprise en Europe prend en général une semaine. - le dédouanement d’un produit se fait en 24 heures 1 une livraison sur 1000 km en 24 à 48 heures 2 un compteur électrique en 48 heures 3 une ligne téléphonique en 48 heures 4 Un courrier par la poste en 24 à 48 heures. 5 …. Il s’agit là d’actes de la vie courante d’une économie. Ils doivent pouvoir se faire sans solliciter un passe droit ou d’intervention intéressée d’un relationnel. En Algérie pour aplanir les difficultés on continue aujourd’hui plus qu’hier à recourir aux relations personnelles (lorsque cela est possible) sinon à la corruption qui est devenue monnaie courante. Celle-ci demeure en l’occurrence une gangrène qui ronge l’appareil administratif et que nul ne tente plus d’occulter (le chef d’Etat en personne n’a pas hésité à la stigmatiser dans ses différents discours). Ici on est loin de la “ bureaucratie ” idéale prônée par Max WEBER qui travaille en se conformant à une série de principes ne laissant aucune place aux relations personnelles, à la corruption, à la concussion, au népotisme, bref à une confusion entre intérêts privés et intérêts publics. 1 -3 - Les contraintes liées au système judiciaire L’administration judiciaire constitue également un facteur de blocage pour les investissements. La banque mondiale a aussi interpellé dans ce contexte (La création 2 d’entreprises) les systèmes judiciaires en scandant les déroulements négatifs de la justice dans de nombreux pays (L’Algérie étant loin d’être l’exception) et ce en faisant écho à de multiples plaintes des milieux d’affaires à l’encontre de la machine judiciaire : “ formation insuffisante des juges dans les domaines commercial, maritime et bancaire comme en droit de la construction et de l’urbanisme… autant de carences qui contribuent au caractère imprévisible des décisions judiciaires. La manque de moyens humains et matériel nonobstant d’autres facteurs autrement plus explicatifs sont avancés pour justifier la lenteur avec laquelle les jugements sont rendus et publiés. Ce constat est largement conforté en Algérie par l’image négative de la justice dans l’opinion publique en général. II- Les contraintes liées au cadre incitatif. Le code est investissement actuel qui accorde il faut le reconnaître de substantiels avantages à caractères essentiellement fiscal ne semble pas avoir eu d’impact jusqu’ici. En effet il semblerait que les investisseurs se heurtent moins au désavantage fiscal qu’aux coûts des facteurs aux conditions d’accès au financement bancaire et aux tracasseries administrations. 2 -1 - Les contraintes liées au financement Le domaine financier constitue la pierre d’achoppement de toute politique d’investissement Il soulève dans le contexte Algérien plusieurs remarques : - Le recours au système bancaire pour financer la création d’une PME est encore pavé d’un grand nombre de difficultés. Le niveau général des taux d’intérêt demeure encore assez élevée malgré la baisse sensible enregistrée depuis 1998 conséquemment à la chute du taux d’inflation. Les taux de base pratiqués par les banques majorés de la TVA et autres ratios et taxes et modulés selon le profil du client placent les taux d’intérêt bancaire à un niveau considéré encore comme démotivant. Cet handicap en terme de coût est doublé par des rigidités du comportement des établissements de crédit en particulier en ce qui concerne les garanties exigées. Le seuil minimum de fonds propres relatif aux investissements, c’est à dire l’apport initial en capital de l’investisseur est fixé selon les niveaux de 15% pour un investissement inférieur à 2 millions de DA ; 20% si le montant global est compris entre 2 et 10 millions de dinars et 30% pour tout investissement supérieur à 10 millions de DA. Il s’agit là manifestement d’une grande contrainte pour les investisseurs qui n’ont pas eu le temps de réaliser leur “ accumulation primitive ” et qui sont confrontés à la constitution de fonds propos. En effet tout projet tant au niveau de l’agroalimentaire (conserverie ou des matériaux de construction (briqueterie) à titre d’exemple développe un coût approximatif de 350 à 450 millions de Dinars soit induisant un apport de fonds propres de 100 à 135 millions de dinars. Cet apport en fonds propres dans un projet dont la rentabilité est plus ou moins lointaine ne pourrait réellement motiver le détenteur d’autant que les possibilités spéculatives foisonnent dans l’économie nationale tant au niveau de la distribution (ouverture du commerce extérieur) que de la part des institutions financières (bons du trésor…). Dans la réalité quel est le projet qui pourrait atteindre dés les premières années d’exploitation un taux interne de rentabilité en adéquation avec les perspectives de spéculations existant légalement ! Les critères d’accès à l’octroi des crédits utilisés par le système bancaire sont encore prioritairement axés sur l’assise financière des promoteurs et accessoirement sur la qualité du projet à réaliser avec une recherche de la minimisation des risques et la couverture maximale par des garanties réelles. Il a été constaté en effet durant ces dernières années une tendance à réduire l’endettement bancaire et ce pour des raisons prudentielles. Il a même été question d’atteindre en matière de fonds propres 40% à 50% du coût global des projets d’investissement. Un projet qu’il faut doublement évaluer avec rigueur en y ajoutant une marge de risque pouvant aller jusqu’à 10% du coût en question. 2 - 2- Les contraintes dues à la concurrence Aux principales contraintes qui limitent jusqu’ici la création et le 3 développement de la PME en Algérie il faut ajouter encore les effets autrement plus sérieux de la concurrence résultant de la libération du commerce extérieur que sous-tendent toutes les actions menées dans le cadre de la politique d’ajustement et de certains accords internationaux en voie de finalisation (adhésion à l’OMC, association avec l’Union Européenne notamment). En effet l’ouverture de l’Algérie à l’économie mondiale inscrit le marché intérieur et extérieur Algériens dans une logique de très forte compétitivité internationale. La création d’entreprises requierera dès lors des capacités de compétitivité importante par la promotion de la qualité et de la normalisation.Celles-ci supposent des capacités managériales qui pour le moment sont loin d’être réunies.(10) CONCLUSION Au terme de cette modeste intervention nous pourrons dire que la promotion d’un entreprenariat national interpelle en premier lien d’état. Certes les pouvoirs publics ont depuis le début des réformes et même avant tenté d’encourager et de promouvoir l’investissement privé. De nombreuses mesures incitatives ont été initiées. Elles sont contenues dans les dégrèvements fiscaux et parafiscaux, des bonifications de taux d’intérêt, l’octroi de terrain… des dispositifs institutionnels de soutien à cet investissement se sont aussi succédés. L’OSCIP en 1982 a été relayée à la CNC en 1987 et l’APSI a depuis 1994 en charge cette mission d’appui à l’investissement privé. A travers ces dispositifs successifs, les projets d’investissement ont foisonnés comme en témoigne les chiffres publiés par l’APSI sur l’enregistrement des intentions d’investissement qui fait état pour le bilan dressé pour l’année 1998 de 4 503 projets durant le premier semestre 1998 contre 4 887 de l’année 1997(11). Mais les investissements concrétisés n’ont représenté qu’une infirme proportion. Peu de projets voient réellement le jour pour de multiples raisons liées comme on a tenté modestement de décrire à l’environnement encore très peu en adéquation avec la problématique de la création de PME / PMI. Certes des efforts importants restent à faire pour assainir l’environnement de l’entreprise afin de le rendre favorable et stimulant. Mais la question fondamentale demeure la mise en place des conditions et des dispositifs qui soutiennent l’émergence des deux agents clés de l’économie de marché à savoir l’entrepreneur et l’entreprise. C’est ce premier enseignement que livre l’expérience internationale. Ce n’est pas tant l’acte d’invertir que les économies de marché soutiennent. C’est plutôt le processus de création d’entreprises et le renouvellement continu de la population d’entrepreneurs qu’appuient les multiples dispositifs institutionnels mis en place. Ces dispositifs font que par rapport à la population active se créent chaque année en Allemagne 11 entreprises en moyenne pour 1 000 habitants, 6 en Espagne et 4 au Portugal(12). Ces quelques repères montrent l’ampleur de l’action qui reste à mener pour promouvoir le processus de création d’entreprise en Algérie. Il s’agit en d’autres termes d’aider au montage d’entreprises qui portent les atouts de leur développement pour saisir les multiples opportunités d’investissement qu’offre l’économie nationale. Dans cette perspective les conditions d’octroi de crédits aux promoteurs devraient être revues (13). A ce titre les rapprochements des frais financiers à la valeur ajoutée, les frais financiers au chiffre d’affaire, l’anuité de remboursement au cash-flow sont à prendre en considération parce que beaucoup plus significatifs pour l’analyse des risques. La création de fonds de soutien et d’assistance à la PME pour encourager la création d’entreprise dont les perspectives paraissent favorables permettant à terme la récupération du capital risque et la réalisation de profit conséquent. Cela permettant aussi l’émergence d’entrepreneurs porteurs de projets créateurs dont les perspectives sont inhibées par la contrainte financière. L’Etat pourrait aussi contribuer à la concrétisation de l’ordonnance de leasing ou 4 crédit bail en tant que véritable soutien à la création de PME parce que se substituant au concours bancaire classiques. La pratique du leasing permettant aux investisseurs de poursuivre leurs activités même s’ils se trouvent en situations de déséquilibre financier. Ainsi l’investisseur ne recourt aucunement à ses fonds propres et conserve sa capacité d’emprunt auprès des banques commerciales. Il s’agit de certaines mesures nécessaires préconisées par de nombreux experts pour une véritable promotion d’un entreprenariat national. Quant au dispositif institutionnel de soutien à la création d’entreprise il est clair que ce qui a été entrepris à travers l’institution de l’APSI et des CALPI n’a pas porté ses fruits. Il n’existe pas a proprement parler de modèle uniforme dans ce domaine. Le référentiel international présente de grande diversité. Mais il semblerait selon un avis partagé que les pouvoirs publics devraient s’empirer des dispositifs mis en place par des pays qui se sont essayé récemment à l’ouverture sur l’économie mondiale. Le modèle espagnol peut être source d’enseignement(14). Bibliographie : 1234567- G.R.Terry et S.Franklin : “ Principes de management ” Ed. Economica 1985 S.Aissaoui : “ Bilan des projets d’investissement de l’APSI ” La Tribune du 03/08/98 G.R.Terry et S.Franklin:op.cite Entre autres El Watan du04/04/1999 Y.Aissaoui :“Lettre d’un entrepreneur émigre“ El Watan du 04/04/1999 Banque Mondiale : Rapport 1995 B.Savoye : “ Analyse comparative des micro entreprises dans les PVD et les pays industrialises ” Revue du Tiers Monde n°148 dec. 1996 8- M.S.Hamdi : “ De la relance a la croissance ou la nécessite d’un programme de soutien a la PME ” El Watan du 26/03/96 9- D.Saidi “ Les fonds propres de projets de PMEdevront atteindre en moyenne 50°/° du coût global . (compte rendu des journées d’études organisées par le ministère de la PME) La Tribune du 05/01/1998 10- K.Boutaleb : “ La problématique de la mise a niveau des économies maghrébines face aux défis de la mondialisation ” revue Idhara n° 2 Alger 1999 11- S.Aissaoui : “ compte rendu du bilan dresse par l’APSI pour l’année 1998 ” La Tribune du 03/08/1998 12- K.Trirahen : “ Quelle priorité pour l’émergence de l’initiative privée ” La Tribune du 11/12/1995 13- M.S.Hamdi : op.cite 14- K.Trirahen :op.cite 5