Quartier Lardenne à Toulouse, le « superbus

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Quartier Lardenne à Toulouse, le « superbus
Quartier Lardenne à Toulouse, le « superbus » n’est pas
le bienvenu
Pauline Croquet 6 février 2013
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Parmi les chantiers projetés dans l’agglo de Toulouse, il en est un qui, alors même que la
première pelletée n’a pas été donnée, pose déjà problème. Le Bus à haut niveau de service du
secteur ouest cristallise les tensions dans certains quartiers qu’il traverse et que la rédaction
s’attachera à raconter dans plusieurs articles. Pour ce premier reportage, nous avons fait escale
à Lardenne, en tête de la lutte.
Arrêt de mort
« Sauvons notre quartier », « non au sacrifice de Lardenne ». Depuis la fin de l’année 2012, des banderoles
faites maison poussent un peu partout aux balcons et vitrines de l’avenue de Lardenne à l’Ouest de Toulouse.
A l’origine de l’ire d’une partie des quelque 7000 habitants de ce quartier frontalier avec Tournefeuille, le projet
de Bus à haut niveau de service (BHNS). L’un des tracés étudiés de ce superbus qui doit voir le jour à l’horizon
2017 et relier Plaisance-du-Touch à Toulouse-Matabiau en 45 minutes, emprunte l’avenue de Lardenne.
De part et d’autre de cette voie fort fréquentée par les voitures, une enfilade de maisons de ville mais aussi une
variété de commerces. Ils génèreraient à eux-seuls « 327 emplois directs, du rond point jusqu’au Pont rocade »,
selon les boutiquiers et artisans. A l’instar des « expériences des commerçants de l’avenue de Muret ou de
Déodat de Séverac », ils craignent que plusieurs mois de travaux ne viennent à signer leur arrêt de mort. Le tracé
par Lardenne n’augurerait « que du mal », selon eux.
« Nous sommes les pilotes d’un mécontentement général. »
« Les travaux envisagés vont mettre à mal la circulation et le stationnement. Peut-être par tronçon mais il y
aura une déviation pendant deux ans. Nous avons la chance de tous très bien travailler, mais notre activité
n’est pas liée aux gens qui habitent ici uniquement. Les automobilistes, le gros de notre clientèle, va finir par
éviter Lardenne. Je ne me vois pas convoquer mes salariés du jour au lendemain et devoir leur dire qu’ils sont
renvoyés », avoue Yannick Cazaux, garagiste et président de l’Association des commerçants artisans et
professions libérales de Lardenne (ACAP). Cet organisme, avec l’Association de défense du quartier tenue par
des habitants, a pris la tête de la lutte contre le projet de superbus.
«Nous sommes les pilotes d’un mécontentement général. J’en veux pour preuve notre site internet qui compte,
depuis sa création au mois de juillet 2012, plus de 23 000 visites », insiste le président de l’ACAP avant de
nuancer: « nous ne sommes pas contre des transports en commun. On ne juge pas le politique mais le bon sens
des travaux ».
De nombreux habitants de l’avenue de Lardenne ont accroché des banderoles anti BHNS / Photo Carré d’info
Ghetto de riches ?
Ils en parlent encore sur les trottoirs de Lardenne. « Lors d’une réunion publique, un des élus [Daniel Benyahia
NDLR] a traité le quartier de ‘ghetto de riches’. Et ça passe très mal.» Si le revenu médian des foyers du secteur
de l’avenue de Lardenne, calculé par l’Insee en 2009 est de 1940 euros par mois, et donc plutôt au dessus de
la moyenne de l’ouest toulousain, les Lardennais n’apprécient pas la remarque. A l’instar de ce retraité du
quartier : « j’imagine que ce monsieur ne vit pas dans un taudis; il n’a aucune leçon à donner à des gens qui ont
gagné leur vie honnêtement ».
« Nous demandons à la mairie depuis plusieurs semaines des excuses et qu’elle donne une date pour une
réunion publique avec les habitants de Lardenne. Ce n’est qu’à cette condition que les tensions pourront
s’apaiser. Là les gens ne se sentent pas entendus et sont donc déterminés. Ça fait effet de nombre », préviennent
les associations.
Refus argumenté
L’ACAP ne comprend pas que le BHNS « aille à la gare Matabiau alors qu’il existe déjà la ligne de métro A qui
fait Arènes-Matabiau. La SMAT annonce 39 000 voyageurs par jour dans le BHNS mais il faut d’ores et déjà
considérer que les habitants de Plaisance et Tournefeuille vont tous vouloir aller à Matabiau. Et puis à
Lardenne, en considérant que les gens veulent emprunter cette ligne, ils faut que ceux qui n’habitent pas tout
près puissent se garer à proximité. Or ici, c’est impossible, tous les stationnements sont en zone bleue ».
Selon L’Insee en 2009, des 3580 actifs occupés habitant dans le quartier, seuls 380 utilisent les
transports en commun pour se rendre à leur travail. En revanche, ils sont 2800 à prendre leur voiture.
« Par ailleurs, la ligne est censée faire gagner 15 minutes par rapport aux trajets actuels. Dans les bouchons, c’est
vite perdu. D’autant qu’en ville, il n’aura pas forcément sa voie propre .»
De son côté, Eric Cornevaux l’un des soixante membres de l’ACAP s’interroge sur le passage devant l’école
Emilie de Rodat, construite juste sur l’avenue. « Il y a un ralentissement devant qui va sûrement sauter et puis
comment déposer les enfants quand les stationnements vont aussi être enlevés et comment traverser la route
sûrement avec des bus toutes les 3 minutes. Aussi, des platanes centenaires vont être coupés. »
« Par ailleurs, la ligne est censée faire gagner 15 minutes par rapport aux trajets actuels. Dans les bouchons,
c’est vite perdu. D’autant qu’en ville, il n’aura pas forcément sa voie propre », calcule Yannick Cazaux.
Les commerçants poursuivent : « Quel est l’intérêt que ce bus se mette en place sur notre avenue? Desservir
l’école, pourquoi pas mais il y a déjà le 46 et le 65 qui passent. Aux heures de pointe, ils sont remplis mais en
journée, il y a peu de monde. Ne serait-il pas plus judicieux de le faire sur les bassins d’emplois? Ce serait une
solution de bon sens. Par exemple investir ces 180 millions d’euros pour amener un BHNS à Airbus? Il faut
aller à l’écoute des gens qui se déplacent toute la journée. »
Rendez-vous manqués
Joël Carreiras, conseiller municipal toulousain et président de la Smat, l’équivalent de RFF pour Tisséo, l’a
répété: il y a trois tracés possibles et le public sera consulté avant toute décision.
Les différents tracés du BHNS ouest / Capture d’écran. Pour voir le document original et le le projet complet,
cliquez ici .
Problème : les deux dernières réunions destinées aux Lardennais ne se sont pas vraiment bien déroulées.
« Conçue à l’origine sous forme d’atelier, la rencontre du mercredi 19 décembre au soir, au gymnase du Petit
Capitole à Lardenne, est devenue une véritable réunion de pré-concertation sur le BHNS Ouest, tant le public a
afflué », relate le compte rendu de la précédente réunion, disponible sur le site du projet modestement appelé
www.mieuxbouger.fr.
« Il est anormal que des salles de réunion soient envahies et des personnels insultés. »
Quant à la réunion publique du 27 novembre dans une salle de l’école de la Croix-Rouge, Joël Carreiras et Daniel
Benyahia, adjoint au maire de Toulouse en charge de l’Urbanisme, ont été contraints de l’annuler. Plus de 500
personnes du quartier s’y étaient rendues ; la salle était trop petite.
Les élus et porteurs du projet ont du, pendant ces séances, affronter de nombreuses doléances et faire face à
l’énervement de la population. A ce propos, lors du dernier conseil municipal, l’élu PS François Briançon
reconnaissait « les inquiétudes du projet BHNS » mais demandait que « le débat démocratique soit respecté. Il
est anormal que des salles de réunion soient envahies et des personnels insultés». Depuis, aucune date n’a été
fixée.
Lors d’une réunion du comité de quartier en janvier, Joël Carreiras se serait invité, rapportent des habitants. « Il
a dit qu’il y aurait une réunion avant fin février. Espérons que ce ne soit pas pendant les vacances
scolaires. » Et les commerçants de poursuivre: « les Lardennais viennent nous voir nous pour connaître une
éventuelle date de réunion. De plus en plus de monde est remonté. La mairie préfère ne pas donner d’échéance,
organiser des ateliers parce qu’il y a trop de tensions. Mais ça suffit les ‘on verra’!»