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Terra Madre
un réseau mondial des savoirs de l’alimentation
I. Le projet
Il y a deux ans, l’idée d’organiser une rencontre mondiale de plusieurs milliers de paysans du monde germe dans les rêves de l’association Slow Food. Un projet énorme :
faire se rencontrer une assemblée de communautés de “petits producteurs de l’agroalimentaire”, provenant d’Europe, mais aussi des pays du Sud, d’Asie, du coeur du capitalisme avec les États-Unis comme des pays marqués par la mémoire du collectivisme soviétique.
Slow Food est une association internationale à but non lucratif, fondée en 1989 et
dont le but est de soutenir la culture oenogastronomique, l’éducation du goût, la biodiversité et une agriculture respectueuse de l’environnement. Elle compte aujourd’hui
83 000 adhérents dans le monde entier.
Le rêve d’une assemblée de tous ces acteurs partageant une même philosophie est
apparu presque par hasard, au moment où une réflexion s’opérait sur le sens à donner au « Prix Slow Food ». Mais, depuis le début de cette aventure, le projet a pris
une place prépondérante et a presque provoqué une “révolution” au coeur même de
notre mouvement.
C’est le 1er mars 2004 que le nom a été choisi : Terra
Madre – Rencontre mondiale des communautés de la
nourriture. Une production agroalimentaire différente
de la production industrielle, axée uniquement sur les
quantités et les profits, est envisageable ; et elle existe déjà, mais, marginalisée, elle ne forme pas un
réseau étendu de personnes et de groupes ayant les
moyens de communiquer la qualité de leurs expériences et de leurs savoirs.
Le but de Terra Madre est donc de faire se rencontrer
ces représentants d’un modèle durable de production
et de distribution de la nourriture ; avec pour finalité
de leur donner la possibilité de construire un modèle
respectueux des ressources environnementales, des
équilibres planétaires, de la qualité des produits, de la
vie sociale et du travail.
Il a fallu définir et repérer, après de longues discussions, les acteurs que l’on pouvait impliquer. C’est le terme de “communautés de la
nourriture” (“comunità del cibo”) qui a été choisi et le concept de producteur a donc
Slow Food France - BAT 12 - AGRO Montpellier - 2, place Viala - 34000 Montpellier
tél : 04 99 61 30 45/47 - mail : [email protected] - site : www.slowfood.fr
été élargi. Cette nouvelle définition exprime ce que le projet Terra Madre veut mettre
en place : regrouper toutes les compétences qui sont associées à l’alimentation, de la
production des matières premières à la promotion des produits finis et l’information
des consommateurs. Tous ces éléments doivent être reliés, comme l’a déjà enseigné
Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût.
II. Terra Madre 2004 : les résultats
La rencontre de Terra Madre a été organisée par Slow Food, avec la participation du
Ministère des Politiques Agricoles et Forestières italien, des Régions Piémont et Aoste,
de la Ville de Turin. Les représentants de 1 200 “Communautés de la nourriture” (20
étaient des communautés françaises), pour un total de presque 5 000 personnes,
paysans, pêcheurs, pasteurs, nomades, etc… y ont participé. Provenant de 134 pays
du monde entier, ils ont partagé leurs savoirs pendant quatre jours, du 20 au 23 octobre 2004, à Turin, en Italie.
Le rêve est devenu réalité au fur et à mesure de ces quatre jours. Les participants on
fait connaissance et ont échangé savoirs, témoignages et solutions élaborés au niveau
local mais pouvant être reproduits ou adaptés à d’autres contextes. Le programme de
travail de Terra Madre s’est déroulé en huit sessions de deux heures et demie, trois
fois chaque jours, plus quelques-unes d’une heure en début d’après midi. Chaque session était animée par dix ou douze intervenants, pour la plupart paysans ou éleveurs.
A leur coté, des institutionnels ou intellectuels étaient aussi présents : Frei Betto (ex
conseiller à la Présidence du gouvernement brésilien et responsable du programme
Faim Zéro), Vandana Shiva (fondatrice du Research Foundation for Science, Technology and Ecology en Inde). Charles, Prince de Galles, a participé à la clôture des débats.
Plusieurs sujets ont mobilisé l'immense assemblée : droit d'accès aux semences, non-appropriation ou brevetage du vivant, manipulations génétiques, la faim comme étant d’abord
une question politique, les effets
déstructurants de la mondialisation
dans de nombreuses zones agricoles.
Le concept de qualité cher à Slow
Food s'est également enrichi du point
de vue éthique en ajoutant aux valeurs gustatives les conditions de respect environnemental ou de durabilité de la production, et en y ajoutant
surtout la dignité, la non-exploitation et la rémunération équitable du travail. Même la
gastronomie (comme un prémisse au 250ème anniversaire de la naissance de BrillatSavarin) a été revisitée, refondée, pour réhabiliter ces nourritures parfois très simples, mais qui correspondent au goût, à la culture locale et aux ressources du terroir.
Les résultats extraordinaires de Terra Madre au niveau du dialogue et de l’échange entre les différents savoirs paysans ne se sont pas arrêtés à Turin. Le réseau constitué à
cette occasion continue à faire circuler les idées, même à des milliers de kilomètres :
Slow Food France - BAT 12 - AGRO Montpellier - 2, place Viala - 34000 Montpellier
tél : 04 99 61 30 45/47 - mail : [email protected] - site : www.slowfood.fr
Internet a permis le prolongement virtuel de cette assemblée par un forum de discussion et une newsletter. D’autres formes de collaboration entre Slow Food et les communautés présentes sont actuellement recherchées.
III. Terra Madre 2006 : le projet
Au vu du grand succès de la première édition, qui a laissé dans la mémoire de tous les
participants une empreinte très forte, le défi d’organiser un deuxième Terra Madre
s’est imposé. Ce grand évènement aura lieu à Turin, en même temps que le Salone
del Gusto, du 26 au 30 octobre 2006.
Si déjà dans le terme de “communauté de la nourriture”, la connexion entre ceux qui
produisent, transforment, valorisent et distribuent la nourriture de qualité était soulignée, ce lien sera encore plus mis en valeur en 2006.
Les deux grandes nouveautés de Terra Madre cette année seront donc la présence de
chefs cuisiniers et d’Universités, parmi la multitude de producteurs provenant, cette
fois encore, de tous les coins du monde. Un premier objectif sera de favoriser la rencontre entre savoirs paysans, savoirs scientifiques et savoirs gastronomiques, dans
une perspective d’échange et d’interaction. Slow Food, avec cette édition 2006, veut
concrétiser pleinement ce projet de rencontre et d’interface avec les communautés de
la nourriture pour mieux faire connaître (ou reconnaître) sa philosophie auprès des
producteurs/consommateurs d’aliments, ainsi qu’auprès de ceux qui les cuisinent ou
les étudient pour mieux les valoriser.
... les communautés
Le pivot de l’alimentation durable se
trouve dans les communautés de producteurs qui élaborent des aliments de
qualité en respectant les équilibres de
l’environnement. C’est ce patrimoine culturel garant de la biodiversité que Terra
Madre veut valoriser à travers les communautés. C’est contre leur perte qu’elle
veut mobiliser l’énergie des participants.
La planète « des intellectuels de la terre
et des mers » comme l’a si bien définie Carlo Petrini, sera réunie pour une deuxième
fois, dans un même lieu, pour une globalisation des savoirs traditionnels et des expériences innovantes, portés par des délégués humbles, mais orgueilleux de leur identité
paysanne.
L'objectif est de faire front commun ; pour que les petites communautés de producteurs réussissent à survivre face à l'agro-business, il faut que les chefs aident les
petits producteurs en intégrant leurs produits dans leur cuisine et en les faisant connaître. Une autre alliance durable constitue un enjeu capital de cette rencontre : celle
entre le savoir (et savoir-faire) paysan et la science officielle.
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Les paysans sont à l’échelle mondiale 65% des habitants de la planète. Cette multitude a des intérêts souvent communs et des connaissances, des projets qui, s’ils sont
partagés, peuvent devenir une force concrète. C’est le nouveau défi de Terra Madre.
... 1000 chefs
Dans la mesure où l’édition de
2006 veut privilégier le renforcement des liens entre les communautés de la nourriture et la restauration de qualité, au moins un
millier de chefs sera invité.
L'agriculture et toute la production
durable d’aliments de qualité a besoin de valeur ajoutée, de transformation, voire de distinction :
ce sont les cuisiniers ancrés dans
leur terroir ou les grands chefs qui
peuvent la créer. Ce sont les cuisiniers de toute la planète qui constituent ce lien fondamental entre la production et la
consommation de produits locaux. Leur participation au prochain Terra Madre doit
permettre de reconstituer vers l'aval cette chaîne solidaire de la nourriture, de réactiver des liens aujourd’hui un peu distendus, mais qui peuvent aider au maintien d'agriculteurs ayant choisi la qualité.
... 200 Universités
Le mouvement Slow Food considère aujourd’hui indispensable la création d’une alliance durable entre la science officielle et le savoir populaire. L’observation des
phénomènes naturels, avec pour seuls outils l’empirisme et la sagesse, propre aux savoir-faire traditionnels, rencontrera à Terra Madre 2006 le savoir académique pour
donner lieu à un échange “paritaire” d’idées, de connaissances et de stratégies d’action.
Le choix d'organiser un nouveau Terra Madre enrichi par cette participation universitaire, résulte à la fois de la nécessité de valider les concepts fondateurs, trop souvent
méprisés, de la culture paysanne, mais aussi de les faire évoluer en permanence.
C'est enfin se démarquer d'une image trop connotée par une gastronomie désuète et
irresponsable, pour lui préférer la sauvegarde de la biodiversité à travers toute la dimension culturelle et économique des aliments.
Les enjeux auxquels le mouvement Slow Food est confronté aujourd’hui sont d’une
très vaste envergure car l’horizon d’étude et d’action est devenu le monde, dans une
économie planétaire qui oppose les communautés du Nord et du Sud. Affronter des
thèmes comme la maîtrise des semences et du vivant, la distribution comme facteur
crucial de distorsion des marchés et de l'échange non-équitable, l'agroalimentaire durable et demain sans doute l'impératif de non-croissance : tout cela va nécessiter une
complémentarité et une solidarité forte entre producteurs et consommateurs, entre
pays du Nord et du Sud, entre approche paysanne et science officielle.
Slow Food France - BAT 12 - AGRO Montpellier - 2, place Viala - 34000 Montpellier
tél : 04 99 61 30 45/47 - mail : [email protected] - site : www.slowfood.fr