le jeu vidéo peut-il être un art
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le jeu vidéo peut-il être un art
Université Montpellier III - Paul Valéry IRIEC (Institut de Recherche Intersite Etudes culturelles) Master 1 Recherche Spécialité Arts plastiques Pratiques plastiques contemporaines Mémoire présenté par M. Raoul FESQUET LE JEU VIDÉO PEUT-IL ÊTRE UN ART ? Dirigé par Mme Emmanuelle JACQUES Date de soutenance : juin 2012 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ...............................................................................................1 I. LES ARTS DANS LE JEU VIDÉO ....................................................................3 A. Le processus créatif...............................................................................................3 B. L’esthétique ...........................................................................................................6 C. La musique ............................................................................................................7 II. LE JEU VIDÉO EN TANT QU’ART ..................................................................8 A. La place du jeu vidéo dans l’espace artistique ......................................................8 B. Le dixième art .....................................................................................................13 III.RECHERCHE POÏÉTIQUE............................................................................17 CONCLUSION ................................................................................................19 TABLE DES ILLUSTRATIONS...........................................................................20 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................21 ANNEXES ......................................................................................................23 INTRODUCTION Le jeu vidéo apparaît aujourd’hui comme un nouveau médium devenu incontournable. Néanmoins, la question de la légitimité du jeu vidéo en tant qu’art à part entière se pose clairement. Entre industrie grandissante et nouvelle forme d’art, il est difficile de délimiter les frontières du jeu vidéo. Si le cinéma, la télévision, ou encore plus récemment la bande dessinée sont désormais reconnus en tant que tel, on peut logiquement se demander pourquoi n’en irait-il pas de même pour le jeu vidéo ? Peut-on qualifier le jeu vidéo de dixième art 1 ? Selon Henry Jenkins, préfacier de l’ouvrage de Nic Kelman « si le jeu vidéo est un art, il n’a rien à voir avec ce que produisent nos écoles d’art depuis quelques temps » 2. Le jeu vidéo, par certains aspects, présente indéniablement des caractéristiques artistiques. Il convient pour autant de questionner son autonomie. Si certaines productions peuvent s’apparenter à une forme d’art, le jeu vidéo est également très souvent un produit de consommation de masse, comme en témoignent les nombreux jeux à succès qui reçoivent chaque année une nouvelle suite avec peu d’améliorations. À ce titre, nous serions donc tentés de croire que les « perles » sont à chercher dans le jeu indépendant. Les studios indépendants, formés d’équipes très réduites, seraient en effet plus propices à créer des jeux audacieux, dotés d’une réelle portée artistique, car non soumis à des objectifs de rentabilité imposés par le marché. La réponse n’est pas si simple. La récente explosion du marché des « smartphones » et la dématérialisation 3 ont permis l’émergence de nombreux studios indépendants, mais cette croissance s’est accompagnée d’une « casualisation » 4 des jeux proposés et par conséquent d’une perte 1 G.W.F. Hegel, Esthétique (Vorlesungen über die Ästhetik, Leçons sur l’esthétique), 1835-1837. Par allusion aux six arts classiques nommés par Hegel : architecture, sculpture, peinture, musique, danse et poésie, auxquels s’ajoutent pour les temps modernes le huitième art (télévision, photographie ou art dramatique selon les sources) et le neuvième art (bande dessinée). 2 N. Kelman, Jeux vidéo : L'art du XXIe siècle, Assouline, Paris, 2005. 3 La dématérialisation est le phénomène de changement du canal de distribution des jeux vidéo : la distribution par voie électronique (téléchargement) tend à remplacer la distribution par support physique (cartouche, disque), également appelée version « boîte ». 4 De l’anglais casual, signifiant littéralement occasionnel. Désigne la tendance de simplification des jeux vidéo afin de s’ouvrir à un public dit occasionnel. 1 de profondeur et de qualité de ces derniers. Le succès du jeu multiplateformes Angry Birds 5 en est le parfait exemple. Il est également nécessaire de questionner la reconnaissance de l’art par le public. Si on prend l’exemple de la bande dessinée, on peut considérer que la reconnaissance de ce médium comme art à part entière survient lorsque les artistes deviennent aussi connus que leurs oeuvres. Hergé, Uderzo ou Moebius ont gagné leurs lettres de noblesse et sont reconnus par un large public en dehors de leurs oeuvres 6 . Aujourd’hui, les concepteurs de jeux vidéo restent encore très méconnus du grand public, bien que certains noms comme ceux de Michel Ancel ou d’Éric Chahi commencent à dépasser le microcosme vidéoludique. Dans une démarche analytique, afin de bien comprendre les enjeux artistiques du jeu vidéo, le jeu vidéo sera tout au long de ce travail de recherche comparé à d’autres formes d’expressions artistiques. 5 Angry Birds, Rovio, multiplateformes, 2009, est le premier jeu vidéo à atteindre le milliard de téléchargements, en mai 2012. 6 J.-J. Launier, J.-S. Kriegk, Art Ludique, Sonatine, Paris, 2011, p. 6. 2 I. LES ARTS DANS LE JEU VIDÉO A. LE PROCESSUS CRÉATIF La création d’un jeu vidéo nécessite la coordination de nombreux corps de métiers différents. À la base de toute création vidéoludique, on retrouve la vision des « game designers » couchée sur papier par des artistes de talent appelés « concept artists ». C’est donc d’abord par le biais de dessins de concepts ou « artworks » 7 que naît un jeu vidéo. C’est ensuite grâce à ces premières ébauches que l’ensemble des équipes travaillant sur le jeu va évoluer et pouvoir s’unifier, en respectant la volonté initiale. Ces travaux sont certainement une des parties les plus délicates dans le processus créatif puisqu’ils doivent fidèlement retranscrire les idées originales tout en imaginant un rendu graphique esthétique. En ce sens, ils seront déterminants dans la production finale. Ces travaux ne sont pas à destination du public mais constituent pourtant la première forme d’art dans le jeu vidéo. Les studios l’ont bien compris et n’hésitent désormais plus à publier parallèlement à la sortie d’un jeu vidéo des ouvrages montrant la « genèse » d’un jeu vidéo. Ces « artbooks » se retrouvent de plus en plus dans des éditions « collector », souvent limitées en nombre d’exemplaires, et vendues beaucoup plus chères que l’édition classique du même jeu. Ce phénomène, initié dans le milieu du cinéma, a tout d’abord été repris par les studios Pixar 8 , qui éditent parallèlement à chacun de leurs films un ouvrage reprenant des ébauches, croquis et autres storyboards ayant servis à la production du film, ou au contraire, ceux ayant été rejetés. À l’heure où la dématérialisation progresse irrémédiablement, ce nouveau filon a été repris par les éditeurs de jeux vidéo et redonne de l’intérêt aux versions « boites » des jeux vidéo. Ce phénomène se révèle d’ailleurs être particulièrement rentable. Il y a donc là à la fois une certaine forme de reconnaissance de l’art au sein des jeux vidéos et une réelle demande de la part du public de comprendre le processus créatif de leurs jeux favoris. 7 Cf. Figure 1 et Figure 2, p. 23. 8 À titre d’exemple, le film Là-Haut (Up en anglais) est accompagné de l’ouvrage de 160 pages The art of Up. 3 Le jeu vidéo est donc un domaine où une grande partie de la création artistique n’est pas, originellement tout du moins, destinée au public. De plus, d’innombrables projets ou options d’un projet ne franchissent pas les portes des studios et ne voient jamais le jour. Frédéric Martel reconnait à ce sujet que « la création-destruction est une dimension essentielle de l’innovation des industries créatives »9. Dans la bande-dessinée, ce sont les planches originales qui s’échangent entre les collectionneurs à des prix exorbitants et qui s’inscrivent donc pleinement dans le marché de l’art à proprement dit. C’est ici une des principales différences entre les arts traditionnels et le jeu vidéo : dans le jeu vidéo, l’objet est reproductible à l’infini de manière strictement identique. Même dans le cinéma, certaines bobines originales possèdent aussi leurs amateurs. Alors que dans le jeu vidéo, la plupart des visuels produits étant numériques, il est difficile de trouver une quelconque valeur collectionnable dans ces derniers. Concernant le droit d’auteur, les situations peuvent varier et ne sont pas toujours à l’avantage des créateurs. Par exemple, le droit d’auteur n’a pas le même sens pour les artistes de bande dessinées que pour les créateurs de jeu vidéo. Là où l’auteur de bandedessinée travaille seul, ou entouré de quelques assistants, les « game designers » dans les entreprises actuelles sont la plupart du temps salariés, leurs créations ne leur appartiennent donc pas. À titre d’exemple, Toby Gard, créateur du personnage emblématique de Lara Croft dans le jeu Tomb Raider 10 , qui ne possède pas de « copyright » sur sa création, ne touchera au final que 50000 livres sterling de droits d’auteur, alors que la série de jeux s’est vendue depuis ses débuts à plus de 30 millions d’exemplaires 11. L’artiste est également limité par le marché dans sa liberté de conception. La réalisation d’un jeu vidéo est un processus long et coûteux. Il nécessite l’emploi de dizaines voire de centaines de personnes pendant de nombreux mois ou années. Les sommes avancées sont de plus en plus considérables, de ce fait le jeu n’a pas le droit à 9 F. Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, Paris, 2010, p. 205. 10 Tomb Raider, Eidos Interactive, 1996-2009, Square Enix depuis 2009, multiplateformes. 11 J.-J. Launier, J.-S. Kriegk, Art Ludique, Sonatine, Paris, 2011, p. 114. 4 l’erreur et doit absolument rencontrer le succès. La prise de risque et l’originalité sont donc très difficiles à concilier suivant cette logique. Celle-ci relève d’une gestion industrielle et capitaliste qui tend malheureusement à limiter la créativité et l’originalité dans les grosses productions. Alors que les jeux vidéo à leurs débuts relevaient en quelque sorte d’un « artisanat », puisque les créateurs peu nombreux, défrichaient un terrain jusqu’alors inexploré ; cet élan indépendant avait depuis disparu, asphyxié par les productions « AAA » 12 des grands éditeurs. C’était notamment l’époque de la « french touch » 13 , pendant vidéoludique de l’exception culturelle française. Toutefois, on assiste depuis quelques années à un renouveau du côté de la création indépendante. C’est ainsi que beaucoup de titres originaux qui ont marqué ces dernières années sont issus de développeurs indépendants : Braid 14, Limbo 15 16 , Super Meat Boy 17, ou encore Minecraft 18 , etc. On peut largement attribuer ce regain de la scène indépendante à la récente montée en puissance de la dématérialisation qui grâce à internet, permet de distribuer un jeu vidéo de façon accessible et peu coûteuse, sans passer par les éditeurs classiques, parallèlement à une démocratisation des moyens techniques de production. Le regroupement de ces jeux au sein de « points de vente » uniques que sont les boutiques de jeux dématérialisées 19 n’est également pas étranger à cet essor, en offrant une visibilité exceptionnelle à ces titres bénéficiant d’une créativité et d’une prise de risque artistique nouvelle. 12 Un jeu AAA est un jeu au budget est très important et aux qualités graphiques souvent élevées, dont la sortie bénéfice d’une large couverture par les médias. 13 La « french touch » désigne le mouvement né en France dans les années 1980, qui a vu la création de nombreux jeux vidéo aux graphismes et aux concepts novateurs pour leur époque, et devenus aujourd’hui cultes, grâce à des créateurs de talent tels que Frédéric Raynal ou Eric Chahi. 14 Braid, Number None, multiplateformes, 2008. 15 Limbo, PlayDead Studios, multiplateformes, 2010. 16 Cf. Figure 6, p. 25. 17 Super Meat Boy, Team Meat, Xbox 360, PC, 2010. 18 Minecraft, Markus Persson « Notch », multiplateformes, 2009-2011. 19 Les boutiques de jeux en ligne rencontrent un succès sans précédant : App Store (Apple), Google Play (anciennement Android Market, Google) et Steam (Valve Corporation) en sont les principaux acteurs. 5 B. L’ESTHÉTIQUE S’il existe étrangement peu d'ouvrages traitant de l'aspect artistique et esthétique des jeux vidéo, Nic Kelman réussit néanmoins à nous proposer une analyse pertinente en étant l’un des premiers à proposer dans son ouvrage des visuels de jeux vidéo en tant qu'illustrations dignes d’intérêt artistique, mais également à considérer le jeu vidéo tout entier comme un art, et pas seulement par son aspect graphique. L’esthétique est la première dimension qui nous parvient lorsque l’on expérimente un jeu vidéo. Un jeu séduisant mais pauvre par ailleurs n’aura que peu d’intérêt, et réciproquement un jeu graphiquement pauvre, bien que possédant d’autres qualités aura du mal à captiver son public. Un jeu vidéo inesthétique est-il pour autant dépourvu d’intérêt ? L’exemple récent de Minecraft est tout à fait parlant. Développé depuis 2009 par une seule personne, Markus Persson, et alors que la plupart des jeux 3D qui sortent affichent des graphismes approchant le photo-réalisme, les graphismes de Minecraft sont essentiellement composés de cubes et de textures très peu détaillées, rappelant ceux des premiers jeux en 3D, sortis dans les années 1990 20 . Ce jeu est pourtant devenu un véritable succès, et s’est déjà vendu à plus de 5 millions d’exemplaires. Au-delà du simple nombre de ventes, c’est même un phénomène inédit qui sévit sur internet autour du jeu. L’intérêt de ce jeu ne réside donc certainement pas dans son esthétique mais bien dans son approche, simple au premier abord, mais qui se révèle au final incroyablement addictive et prolifique. L’idée de base reprend celle qui régit notre monde réel, à savoir que « rien ne se perd, tout se transforme ». Il existe des blocs correspondant aux différents éléments (bois, eau, pierre, etc.). Leur combinaison rend ainsi possible la création de toutes sortes d’objets, voire même de mondes entiers ! Des centaines de joueurs extrêmement patients réussissent même à recréer des jeux vidéo existants au sein de Minecraft. On retrouve dans ce jeu l’esprit qui anime la création artistique contemporaine : détourner les objets de leur fonction propre afin d’en créer d’autres. Autre forme d’expression témoignant du succès de Minecraft, le « Minecraft Art » est 20 Cf. Figures 7 et 8, p. 26. 6 un mouvement qui consiste en la réalisation d’illustrations uniquement à l’aide des blocs présents dans le jeu 21 . Ce jeu, pourtant inesthétique au premier abord, peut permettre la création de visuels tout à fait esthétiques. On se rend compte qu’à travers un tel système de jeu, laissant une grande part de liberté au joueur, c’est en quelque sorte lui-même qui devient l’artiste. C. LA MUSIQUE La musique fait aussi incontestablement partie du bagage artistique du jeu vidéo. Certains jeux comme Heavy Rain 22 ou encore Rayman Origins 23 ont une musique qui nous transporte littéralement dans un univers. La musique d’un jeu vidéo doit permettre une immersion du joueur dans celui-ci, non seulement en créant une ambiance adéquate au parti pris du jeu, mais aussi en évoluant et en accompagnant le joueur au fil de sa progression. En effet, le jeu vidéo est un médium non linéaire, contrairement aux films, qui eux, peuvent utiliser facilement des musiques collant parfaitement aux images. Les musiques de jeux vidéo, dans la plupart des cas, se lancent lorsqu'une situation apparaît, puis tournent en boucle. Le problème est alors de ne pas lasser le joueur, surtout si cette situation s'étend sur la durée. Pour palier à cette difficulté, il est par exemple possible de d’avoir une ambiance assez discrète en arrière-plan, accompagnée de différents petits motifs qui se jouent aléatoirement. Il peut également y avoir des ajouts de nappes sonores en fonctions des situations de jeu. L’ajout d’instruments plus sonores et percutants lors d’un combat contribuera ainsi à renforcer le caractère épique de la situation. Il existe beaucoup d'autres méthodes, et ce domaine, que l’on appelle le « sound design », prend une place de plus en plus importante dans la création vidéoludique. 21 Cf. Figures 9, 10 et 11, p. 27. 22 Heavy Rain, Quantic Dream, Playstation 3, 2010. 23 Rayman Origins, Ubisoft, multiplateformes, 2011. 7 II.LE JEU VIDÉO EN TANT QU’ART A. LA PLACE DU JEU VIDÉO DANS L’ESPACE ARTISTIQUE Pour comprendre si le jeu vidéo peut se concevoir comme un art, il faut avant tout comprendre ce qui définit l’art. Il est cependant difficile d’en donner une définition concise et universelle, tant ce concept varie selon les époques et les lieux. Toutefois, quel que soit le contexte spatio-temporel, on peut s’accorder sur le fait que l’art est le produit d’une activité humaine dont la finalité est de susciter l’intellect et les émotions de son récepteur. Par ailleurs, comme le remarque Marcel Mauss, « un objet d'art, par définition, est l'objet reconnu comme tel par un groupe » 24. Quoi qu’il en soit, la notion d’art ne dépend pas uniquement de question du beau. Roger Ebert, un des plus célèbres critiques de cinéma aux Etats-Unis, consacre aussi désormais quelques articles aux jeux vidéo, en tant que médium devenu, au même titre que le cinéma Hollywoodien, « mainstream » 25 . Il affirme « qu’aucun joueur actuellement en vie ne vivra assez longtemps pour connaître l’expérience de ce medium en tant qu’art »26 . Pour appuyer ses propos, il avance que l’une des différences majeures entre l’art et le jeu vidéo réside dans le fait que l’on puisse gagner ou perdre lorsqu’on joue à un jeu vidéo. Or, un jeu, vidéo ou non, sans règles ni points, n’est selon lui plus un jeu mais seulement la représentation d’une histoire, une expérience. L’auteur est très sarcastique et s’attache à démonter chaque argument en faveur de la considération du jeu vidéo en tant qu’art. Lorsque lui sont opposés les exemples poétiques que sont 24 M. Mauss, Manuel d'ethnographie (Cours professé entre 1926 et 1939), Payot, Paris, 1971. 25 F. Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, Paris, 2010. 26 R.Ebert « Video games can never be art », Chicago Sun Times, [en ligne], 2007. http://blogs.suntimes.com/ebert/2010/04/video_games_can_never_be_art.html Traduction de l’anglais « no video gamer now living will survive long enough to experience the medium as an art form ». 8 Braid 27 ou Flower 28 29 , il rétorque pour l’un que ne pas mourir et pouvoir revenir en arrière revient à pouvoir rejouer un coup aux échecs, autrement dit que cela ruine tout l’intérêt du jeu. Il ajoute pour l’autre que leur « intérêt esthétique est du niveau d’une carte de voeux ». D’autre part, il se questionne sur le fondement même de mon travail de recherche et se demande « pourquoi les joueurs ne se contentent pas de jouer à leurs jeux vidéo et de simplement les apprécier » ? La réponse viendrait selon Ebert d’un besoin non légitime d’auto-congratulation de la part de la communauté de joueurs. Quant à la légitimité du questionnement du jeu vidéo en tant qu’art, il répond ironiquement que cette démarche ne sert que le joueur afin qu’il puisse se dire : « Je suis en train d’étudier une forme d’art géniale. » Cet exemple de point de vue montre clairement que le statut artistique du jeu vidéo n’est clairement pas encore acquis chez les critiques américains, eux qui ont pourtant contribué à rendre le cinéma, à la fois accessible à tous, mais aussi digne d’intérêt artistique. « Personne ne peut dire qu’un jeu vidéo égale La Joconde, et tant que la majorité des gens soutiendra cette hypothèse, le jeu sera rangé dans la catégorie des arts mineurs, voire des arts qui n’en sont pas du tout. Il changera de statut le jour où l’on se sera souvenu que l’art est une démarche. » 30 Pour Frank Beau, l’existence même d’un questionnement correspondant à ce travail de recherche, qui amène de plus de plus de réflexions, suffit à légitimer le jeu vidéo comme dixième art. Pour lui, il faut une négociation entre l’industrie, les 27 Braid, Number None, multiplateformes, 2008. Ce jeu a la particularité audacieuse de proposer un système de jeu où le personnage ne meurt jamais. Lorsqu’il est touché par un ennemi, le joueur a la possibilité de remonter le temps afin de corriger son erreur. 28 Flower, thatgamecompany, Playstation 3, 2009. Le jeu met en scène des pétales de fleurs portées par le vent. Le joueur contrôle le vent grâce à la fonction de reconnaissance de mouvement de la manette. Il est impossible de rater un niveau, ni même de perdre la progression effectuée. Le jeu ne comporte ni ennemis, ni points de vie, ni limites de temps. 29 Cf. Figure 4 et Figure 5, p. 25. 30 F. Beau, Culture d’Univers. Jeux en réseau, mondes virtuels. Le nouvel âge de la société numérique, FYP, Paris, 2008. 9 institutions artistiques et le milieu intellectuel, afin de considérer définitivement le jeu vidéo comme un art. Selon Eric Viennot, « il est encore trop tôt pour le dire de manière catégorique mais le jeu vidéo a en main tous les atouts pour devenir l’art du XXIe siècle » 31. Un art est accepté tel quel dès lors que les critiques lui accordent ce statut. Prenons l’exemple du cinéma. Entre sa création à la fin du XIXe siècle et sa reconnaissance en tant que nouvelle forme d’expression artistique, il aura fallu plusieurs décennies : le terme de « septième art » voit seulement le jour en 1922 32 pour désigner le cinéma. Concernant la bande-dessinée, inventée en 1830 par Rodolphe Töpffer33 , ce n’est qu’entre 1964 et 1967 34 que l’on entendra parler d’art pour désigner ce médium. Enfin, dernier né parmi les arts ludiques, en tant que nouvelle branche du cinéma, le film d’animation ne sera également reconnu que tardivement. Où en est-on concernant le jeu vidéo ? Longtemps décrié par les médias à la fois pour son côté enfantin et son côté violent voire abrutissant, on assiste ces dernières années à un changement des mentalités vis-à-vis du jeu vidéo. L’élargissement du public, notamment grâce à la Wii de Nintendo a permis aux différentes générations de s’adonner à la pratique du jeu vidéo et de laisser tomber leurs aprioris. Il n’est évidemment plus réservé aujourd’hui aux garçons adolescents. Le jeu vidéo a tout récemment atteint la consécration en France en bénéficiant, avec l’appui de Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture, non seulement d’une exposition au Grand Palais 35 36 , mais aussi de la création d’un Observatoire du jeu 31 E. Viennot, Dixième art, [en ligne], 2010. http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2010/03/dixième-art-.html 32 Ricciotto Canudo, écrivain et critique d’art français fonde en 1922 la revue La Gazette des sept arts, dans laquelle il publie l’année suivante un Manifeste du septième art. 33 Rodolphe Töpffer est le premier à juxtaposer de manière indissociable dessin et texte pour narrer une histoire. 34 Morris, le dessinateur de Lucky Luke, écrit dans Le Journal de Spirou entre 1964 et 1967 une série d’articles intitulés Neuvième Art, musée de la bande dessinée. 35 Game Story, une histoire du jeu vidéo est une exposition consacrée au jeu vidéo qui s’est tenue au Grand Palais, Galerie sud-est du 10 novembre 2011 au 9 janvier 2012. 36 Cf. Figure 3, p. 24. 10 vidéo 37 , ou encore de l’ouverture prochaine de la Cité du jeu vidéo au sein de la Cité des Sciences à Paris 38 . Ces espaces d’exposition et d’institution certifient et légitiment donc un statut pour le jeu vidéo. Mais de la même manière qu’exposer une photographie quelconque dans un musée ne fait pas forcément d’elle une photographie d’art, exposer un jeu vidéo dans un espace muséal suffirait-il à le transformer en œuvre d’art ? De même, si nous pouvons affirmer que le jeu vidéo en général bénéficie d’une certaine crédibilité et d’une reconnaissance du monde de l’art, peut-on pour autant dire de chaque jeu vidéo qu’il est une oeuvre d’art ? Pour répondre à cette question, il faudrait être en mesure de proposer des expérimentations vidéoludiques dans le cadre de musées. Il est cependant difficile de réaliser de telles expérimentations car les lieux d’exposition que constituent les musées ont contribué à créer, contrairement à leur objectif initial de donner l’accès à la culture au plus grand nombre, une distance de plus en plus grande entre l’art et le public. Effectivement, l’art contemporain a contribué à une sorte d’élitisation de son public. Le monde de l’art est relégué à un microcosme éloigné des réalités. Dans les musées, les œuvres d’art ne peuvent plus être expérimentées puisque leur présence même est déjà synonyme d’une reconnaissance. Les oeuvres d’arts que l’on y trouve sont en quelque sorte de facto des oeuvres consacrées. Sur ce point, il est également intéressant de confronter le point de vue des critiques de jeu vidéo avec celui des critiques d’art. Un critique de jeu vidéo pourra dire plus facilement d’un jeu original et fortement expérimental qu'il est inclassable et que l'on peut donc le considérer comme une oeuvre d’art, alors qu'un critique d'art pensera d’une œuvre « jouable » qu'elle relève seulement de l'expérience vidéoludique. 37 L’Observatoire du jeu vidéo, lancé en 2009, est dirigé par le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) et le Centre national du cinéma (CNC). Son principal objectif est de mieux connaitre le tissu des entreprises du secteur, l’évolution de leur activité économique, la situation de l’emploi et le rôle des financements publics dans leur activité. 38 La Cité du jeu vidéo, dont l’ouverture est prévue à l’automne 2013, occupera 1000 m2 au sein de la Cité des Sciences et permettra, selon Frédéric Mitterrand « une approche novatrice de l'ensemble de la filière, à travers la découverte, l'apprentissage, la compréhension et la pratique, en permettant également au public d'expérimenter des contenus originaux ». (Le Monde, 22 mars 2012) 11 La place du spectateur dans l’oeuvre est le sujet principal de discorde parmi les critiques d’art et les théoriciens. L'interaction dans le jeu vidéo est pour certains le principal argument contre l'intégration du jeu vidéo dans le cercle restreint de l’art. Pour Roger Ebert, le spectateur doit avant tout rester passif et contemplatif devant une œuvre d’art, et se forger lui même un jugement esthétique 39. Le jeu vidéo va pour lui à l’encontre de ce préalable à l’art en avançant que par ses interactions prédéfinies, ses narrations, ses choix esthétiques, l’auteur dicte en quelque sorte au spectateur-joueur ses intentions sans jamais les voir interprétées ou réappropriées par ce dernier. Mais ce raisonnement rencontre rapidement des limites, la première étant que retirer la dimension interactive d’un jeu vidéo revient à le dénaturer, puisque par essence, un jeu vidéo doit avant toute chose être joué. D’autre part, la question du public cible est vue par certains comme la confirmation que le jeu vidéo n’est pas un art. Si le jeu vidéo est destiné aux enfants, il ne peut être un art, mais simplement un divertissement de masse, une culture populaire, « mainstream ». En poussant la réflexion plus loin, il semblerait que le terme même de « jeu vidéo » suffise à décrédibiliser ce médium. Dans le même sens, Frédéric Martel propose une définition du terme qu’il utilise dans son ouvrage pour qualifier les divertissements culturels, dont font partie les jeux vidéo selon lui : « Le mainstream, c’est l’inverse de la contre-culture, de la subculture, des niches, c’est pour beaucoup le contraire de l’art. » 40 Si le jeu vidéo est « mainstream », peut-on dire qu’il relève de l’art ? Quand on connait la tendance des jeux vidéo à suivre la tendance du marché, autrement dit de chercher à cibler généralement des jeunes hommes à la recherche de sexe et de violence, à la même manière de tous les films « blockbusters », privilégiant une forme d’excitation et de stimulation plutôt que de vivre une expérience esthétique, 39 R. Ebert, « Games as Art : Ebert vs. Barker », Chicago Sun Times, [en ligne], 2010. http://rogerebert.suntimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/20070721/COMMENTARY/70721001 40 F. Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, Paris, 2010, p. 19. 12 on est néanmoins clairement en droit de se poser la question de la place du jeu vidéo dans l’espace artistique. B. LE DIXIÈME ART La place du jeu vidéo en tant qu’art est loin d’être acquise pour tous. Si certains admettent volontiers que le jeu vidéo est déjà un art, d’autres sont plus dubitatifs. Pour d’autres, le jeu vidéo ne sera tout simplement jamais un art. Parmi ces analyses divergentes, nous allons tenter de déterminer où le jeu vidéo se situe actuellement. Comme le souligne Aurélien Bambagioni, la place actuelle du jeu vidéo au sein du monde de l’art contemporain tend à se rapprocher de celle accordée à ce que l’on appelle communément le « design » 41, en ce sens que la plupart des expositions dédiées au jeu vidéo ne relèvent que l’aspect progressiste et chronologique du jeu vidéo : on y expose Pong comme le premier jeu vidéo, les premières consoles de jeux, les principaux jeux qui ont marqué leur époque comme Mario ou Sonic, jusqu’aux titres plus récents comme Portal 2 42 . Paradoxalement pour ces espaces de diffusion artistique, l’aspect artistique du jeu vidéo est relégué au second plan et c’est au final davantage l’objet technologique qui est mis en avant. Si le jeu vidéo apparaît bel et bien comme une nouvelle forme d'art, il convient cependant d'en relativiser la noblesse. « On n’a pas appelé cette industrie un show-art. On l’a appelée un showbusiness. » 43 Cette citation rapportée de Samuel Goldwyn, destinée au cinéma, peut certainement s’appliquer, dans une moindre mesure certes, au jeu vidéo. Les critiques s’accordent pour dire que le cinéma est, avant tout, une industrie culturelle, et que parfois, il est aussi un art. Le jeu vidéo, au même titre que la musique, et même la littérature contemporaine, semblent être dans le même cas : la plupart des sorties ne sont 41 A.Bambagioni, Le jeu vidéo et l’art contemporain, un constat personnel, [en ligne], 2009, p. 3. http://blog.abcreation.org/public/jeu_art_un_constat_ab.pdf 42 Portal 2, Valve Corporation, multiplateformes, 2011. 43 F. Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, Paris, 2010, p. 111. Citation rapportée de Samuel Goldwyn, grand producteur de films américains, en référence au cinéma. 13 que des produits formatés, consommés et oubliés rapidement. Il existe heureusement des exceptions, et de temps en temps, certaines « perles » artistiques et créatives voient le jour. Mais, contrairement aux médias que nous venons d’énumérer, le jeu vidéo est encore relativement jeune, et, au vu du rythme des évolutions technologiques qui ont accompagné son évolution et dont il est tributaire, il semble encore plein de promesses pour l’avenir. Son histoire reste à écrire, et l’état actuel du jeu vidéo, bien que nous offrant déjà certains éléments de réponse, nous amène nous poser des questions complexes et difficiles à cerner que seul l’avenir permettra d’élucider. Comment conjuguer la liberté d'action du joueur avec la présence forcément contraignante d’une manière ou d’une autre, d'un auteur ? Comment concilier l'interactivité avec le contenu, la narration et les émotions ? Comment concevoir l'idée même d'un art interactif ? Comme nous l’avons vu précédemment, l'un des enjeux majeurs de l'art et des artistes est sans aucun doute de transmettre des émotions. Hormis quelques trop rares exceptions, les jeux vidéo ne sont pas réputés pour leur poésie et leur sensibilité, ce qui n'est que partiellement justifié. Les jeux vidéo ne sont pas dénués de sensibilité : ils privilégient en fait certaines émotions par rapport à d'autres. En retirant les expressions liées à tout jeu ou sport qui sont la colère de perdre et la joie de gagner, les émotions que nous rencontrons dans les créations vidéoludiques sont pour l’essentiel la peur, le stress et l'excitation, trois émotions qui fonctionnent très bien de manière interactive, et qui ont fait le succès des « survival horror » 44 , des jeux de sport et de courses ou des FPS 45 . Peut-on aller plus loin, montrer ou susciter des sentiments comme la tristesse profonde, la compassion, la nostalgie ou même l'amour ? La réponse à cette question est très certainement positive, bien que peu de jeux en soient capables. Dans Heavy Rain, l’immersion créée par la force de la musique et du graphisme, par l'animation, par le charisme des personnages, par la gravité du sujet évoqué, par la mise en scène, parvient à susciter des émotions rarement atteintes grâce à un jeu vidéo, et si le jeu vidéo est réellement le dixième art, c’est dans cette voie qu’il doit poursuivre et s’affirmer. 44 Le « survival horror » désigne un type de jeu vidéo dans lequel le joueur doit survivre dans un environnement hostile et angoissant peuplé de monstres, morts-vivants ou autres créatures surnaturelles. 45 FPS, de l’anglais First Person Shooter, signifie littéralement « jeu de tir avec vue à la première personne ». 14 Au cinéma, l’immersion apparait grâce à une écriture narrative capable de produire un effet à la fois de réel et de fiction, entrainant le spectateur dans un état de suspension et d’abolition de toutes contraintes spatiotemporelles. Dans le cadre d’un jeu vidéo, le spectateur étant aussi acteur, l’immersion doit également se définir comme étant le moyen permettant lui non pas de jouer au jeu mais plutôt de le vivre. Ainsi, les barrières entre le joueur et le jeu doivent s’effacer (manette, console, écran...) pour transporter le joueur dans le jeu. Pour parvenir à un tel résultat, la qualité de l'interaction est primordiale : elle doit à la fois être assez complète et riche pour permettre au joueur de réaliser tous les mouvements et actions qu’il souhaite, afin d’éviter au maximum sa frustration, qui le ramènerait inévitablement au monde réel; mais tout en étant assez simple pour se faire oublier, en devenant le prolongement du joueur et en lui permettant ainsi de ne faire plus qu’un avec l’élément d’interaction. Ces deux points sont souvent contradictoires et c’est l’équilibre entre ces deux variables qui déterminera la qualité de l’interaction. C’est en ce sens que le jeu Heavy Rain est remarquable : la liberté d’action offerte au joueur est subtilement mise en scène dans une narration aux possibilités multiples, leurs images suggestives ont une résonance affective surprenante. Nous nous rendons compte que la conciliation entre émotion et interactivité est ainsi un des éléments primordiaux qui peut faire du jeu vidéo un art nouveau, en concevant une intelligence artificielle performante, et en laissant une part importante d'aléatoire dans l'environnement du jeu et dans le comportement des êtres qui y vivent. En effet, pouvoir créer de l'imprévu, au même titre que dans la réalité, est l'une des spécificités absolues du jeu vidéo en tant qu'art. A ce titre, From Dust 46 , dont l’esprit se distingue très clairement des productions classiques, est un très bon exemple de jeu où chaque partie est différente. Il est en effet impossible de reproduire exactement la même succession d’actions. De l’aveu même d’Eric Chahi, il s’amuse encore à découvrir les vidéos de joueurs révélant des façons différentes de terminer chaque niveau, auxquelles lui-même n’avait pas songé. 46 From Dust, Ubisoft, Xbox 360, Playstation 3, PC, 2011. 15 Le « dixième art », si tel est ou deviendra le qualificatif du jeu vidéo, doit donc être conçu selon une vision globale et complète du jeu vidéo touchant à la fois tant au scénario, aux graphismes, aux émotions qu’aux mécanismes de gameplay à proprement parler. 16 III.RECHERCHE POÏÉTIQUE La recherche poïétique appliquée à ce projet de recherche s’est révélée assez complexe. Étant issu de la filière vidéoludique au sein de l’Université Paul Valéry, et souhaitant travailler à terme dans le domaine du jeu vidéo, j’ai tout d’abord naturellement orienté mes recherches vers le jeu vidéo et, dans une optique de lien avec les arts plastiques, vers sa filiation directe avec les arts traditionnels. Cette piste s’est révélée infructueuse car les références traitant de ce sujet sont très peu nombreuses, pour ne pas dire quasi-inexistantes. Par conséquent, traiter un tel sujet n’aurait pas été possible en Master 1, essentiellement par manque de temps. Mon axe de recherche s’est donc recentré sur la fameuse question qui fait débat et qui constitue le sujet de ce mémoire, à savoir si le jeu vidéo peut être considéré comme un art. L’utilisation juxtaposée du verbe « pouvoir » et du verbe « être » au lieu du simple verbe « être » est significative de l’évolution de mes recherches. En effet, l’utilisation unique du verbe « être » aurait impliqué une bipolarisation des recherches avec d’une part, les arguments en faveur de la reconnaissance du jeu vidéo en tant qu’art, et d’autre part les arguments en sa défaveur. Le verbe « pouvoir » permet une plus grande latitude et pose également les questions quant à l’avenir du jeu vidéo, si celui-ci n’est pas encore considéré comme un art. Au début de l’année universitaire, j’imaginais que l’oeuvre plastique qui doit accompagner le mémoire serait logiquement, dans la mesure du possible, un jeu vidéo, ou tout du moins un concept de jeu vidéo. Malheureusement là aussi, créer une production vidéoludique en adéquation avec l’intitulé du mémoire s’est révélé être une tâche complexe à réaliser en trop peu de temps. Comment rendre compte de la question de la dimension artistique d’un jeu vidéo au travers même d’un jeu vidéo ? La réalisation plastique qui accompagne ce travail de recherche est finalement l’illustration d’un projet d’installation dans un espace muséal, qui résume graphiquement le titre du mémoire. Cette illustration représente une galerie d'exposition dans laquelle, parmi les tableaux classiques, se trouve un tableau spécial qui se révèle en fait être un écran dissimulé dans un cadre classique de tableau. Celui-ci est équipé d’une console ou d’un 17 PC non apparent, avec une manette de jeu dont le fil court jusqu’à un banc situé en face de ce tableau virtuel. Le public a donc tout le loisir de prendre de la manette et de jouer, ou simplement d’observer. Les jeux vidéo mis en scène dans cette installation devront être des jeux dont l’interface est la plus discrète possible, afin que le jeu prenne toute sa dimension esthétique à l’intérieur du cadre. À ce titre, outre les jeux cités dans ce mémoire tels que Flower, Braid, ou From Dust, on peut ajouter Ico 47 , ou encore Shadow of the Colossus 48. Le but de cette installation est de faire prendre conscience, ou tout du moins de laisser le public juger par lui-même, que le jeu vidéo peut finalement mériter sa place dans un musée s’il se donne la peine d’y prêter attention. 47 Ico, Team Ico, Playstation 2, 2002. 48 Shadow of the Colossus, Team Ico, Playstation 2, 2005. 18 CONCLUSION Que l’on soit partisan du jeu vidéo ou non, on ne peut nier que le jeu vidéo est devenu omniprésent dans notre vie quotidienne. Du smartphone qui nous accompagne partout, à l’ordinateur ou la console de jeux, en passant par les « box » d’accès à internet, le jeu vidéo est disponible partout, auprès d’un public de plus en plus conséquent. Le jeu vidéo est capable de modifier notre rapport à l'art, aux artistes et, corrélativement, au monde qui nous entoure. Le jeu vidéo est un vecteur de socialisation, aussi bien qu’un vecteur d’apprentissage, apte à bouleverser les formes artistiques et narratives traditionnelles en donnant un rôle actif au spectateur, apte à créer une implication émotionnelle inédite en sollicitant tous les sens. La nécessaire interactivité et le fait que le jeu vidéo doive avant être tout un « jeu » constituent néanmoins un frein à son accession dans le domaine étroit de l’art. Mais n’est-ce pas dû à une conception dépassée de la notion d’art ? Ne faudrait-il pas réviser celle-ci afin de prendre en compte une nouvelle discipline qui possède des qualités artistiques intrinsèques ? Art et jeu en général ont d’ailleurs souvent été liés dans le passé, et si le jeu vidéo n’est encore qu’un simple objet de divertissement, rappelons que certains artistes contemporains ont également transformé toutes sortes d’objets du quotidien en oeuvres d’art : chaises, tables, pianos ou encore urinoirs...Pourquoi n’en irait-il pas de la même manière pour les jeux vidéo ? 19 TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 - Artwork, Assassin’s Creed, Ubisoft, 2005 .....................................................23 Figure 2 - Artwork, Rayman Origins, Ubisoft, 2011 ......................................................23 Figure 3 - Affiche de l’exposition Game Story, Grand Palais, 2011 ..............................24 Figure 4 - Artwork, Flower, thatgamecompany, 2009 ....................................................24 Figure 5 - Flower, thatgamecompany, 2009 ...................................................................25 Figure 6 - Limbo, PlayDead Studios, 2010 ....................................................................25 Figures 7 et 8 - Comparaison graphique entre Minecraft, en haut (Markus Persson « Notch », 2011) et Battlefield 3, en bas (Electronic Arts, 2011), sortis sensiblement à la même période ..................................................................................................................26 Figures 9, 10 et 11 - Exemples de « Minecraft Art » ......................................................27 20 BIBLIOGRAPHIE • BAMBAGIONI (Aurélien), Le jeu vidéo et l’art contemporain, un constat personnel, [en ligne], 2009. http://blog.abcreation.org/public/jeu_art_un_constat_ab.pdf • BEAU (Frank), Culture d’Univers. 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Figure 6 - Limbo, PlayDead Studios, 2010. 25 Figures 7 et 8 - Comparaison graphique entre Minecraft, en haut (Markus Persson « Notch », 2011) et Battlefield 3, en bas (Electronic Arts, 2011), sortis sensiblement à la même période. 26 Figures 9, 10 et 11 - Exemples de « Minecraft Art ». 27