abandon de souverainete dans le traite ohada
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abandon de souverainete dans le traite ohada
ni DIRECTEUR : Jean PETER SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Alain FÉNÉON Avocat au barreau de .Paris r < ,f COMITÉ DE DIRECTION PRESIDENT : Martin KIRSCH Conseiller honoraire à la Cour de Cassation MEMBRES : Seydou BA, Président de la Cour commune de Justice et d'Arbitrage Abraham ZINZINDOHOUE, President.de la Cour'suprême du Bénin Barthélémy TOÉ, Président de la Cour suprême du Burkina Faso Dipanda MOUELLE, Président de la Cour suprême du Cameroun FRANCK, Président dé la Cour suprême centrafncaine 1 Michel KOUI Mamadou, Président de la Cour suprême de Côte-d'lvpire Benjamin PAMBOU KOMBILA, Président de la Cour suprême du Gabon ; Lamine SIDIBÉ, Président de ta-Cour suprême dè Guinée ' , Sylvain RANDRIANAHINORO, Président de la Cour suprême de Madagascar Louis BASTIDE, Président de la Cour suprême du Mali 3ANDIARE ALI, Président de la,Cour suprême du Niger. > <, foussoupha N'DÏAYE, Président du Conseil constitutionnel du Sénégal : rédéric Djigbondé LAWÇON, Président de la Cour, suprême du Togo • 'ierre François GONIDÉC, Professeur honoraire de droit t r rançois LUCHAIRE, Professeur à l'Université Paris J, Main PLANTEY, Conseiller d'État >lacide LENGA, Premier président de la Gour suprême du Congo ' ' .. ÉDIÉNA* ' , ' •S.A. AU CAPITAL DE 300.000 F • , 17, toe Thiers, BP 2 - 78115 LE VÉSINET CEDEX - Tél.'01.39.76.39.93 R.C.S. Versailles B.702 038 407 ' Abonnement France et Europe ; 920 FF Afrique et autres pays : 990 FF , ' 124 JURISPRUDENCE JURISPRUDENCE SOCIALE Sénégal. - Délégués du personnel - Licenciement abusif - Non-rétroactivité des lois : Cour de Cassation du Sénégal, 16 décembre 1997 232 Congo. - Contrat de travail - licenciement pour motif économique Suppression de poste - Décision de la commission des litiges : Cour d'appel de Brazzaville, arrêt social n° 109 du 30 novembre 1990 (Note Amédée OGNUMBA, magistrat, docteur en droit) 233 Bénin. - Licenciement abusif - Non-respect des formes : Cour d'appel de Cotonou, 13 novembre 1997 239 Burkina Faso. - Contrat de travail - Existence - Absence de lien de subordination - Incompétence du tribunal du travail : Tribunal du travail de Ouagadougou, 8 mars 1998 239 DOCTRINE 125 DOCTRINE L'ABANDON DE SOUVERAINETÉ DANS LE TRAITÉ OHADA par Gaston KENFACK DOUAJNI (1), Magistrat-spécialiste en contentieux économique (ENM Paris), Membre de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI de Paris et du Panel des arbitres de la Cour permanente d'arbitrage de Maurice, Sous-directeur de la législation civile, commerciale, sociale et traditionnelle, Ministère de la Justice, Yaoundé (Cameroun) __ La souveraineté est la principale caractéristique de l'État ; seul l'État est souverain et le fondement même de la souveraineté est de ne se soumettre à aucun autre pouvoir. Ainsi entendue, la souveraineté est une notion essentiellement politique, qui se confond avec l'indépendance et exprime l'autonomie des gouvernants de l'État qui agissent sans avoir à subir les injonctions d'un État tiers (2). Grâce à la souveraineté, l'État est autonome et a de multiples pouvoirs qu'il exerce à l'intérieur de ses frontières. Il en est ainsi du pouvoir de faire des lois ou encore de celui de juger, qui constituent des attributs de la souveraineté. Parce qu'il est souverain, l'État échappe à l'intervention ou aux injonctions des tiers, sauf s'il y consent. Cette faculté qu'a l'État d'accepter les injonctions d'un État tiers constitue un autre attribut de la souveraineté étatique grâce auquel le droit international ou "droit des gens" a pu voir le jour. En effet, «la faculté de contracter des engagements internationaux est... un attribut de la souveraineté de l'État» (3). La mise en œuvre de la faculté sus-évoquée par la signature et la ratification des traités internationaux constitue une manifestation . de la souveraineté étatique et traduit généralement, de la part d'un (1) L'auteur remercie M. Martin Kirsch, membre du Directoire chargé de la mise en place du projet relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, pour l'entretien qu'il a bien voulu lui accorder pendant la préparation de cet article. (2) René-Jean Dupuy, Le droit international, Collection "Que sais-je ?", PTJF, p. 35. (3) Pierre-Marie Martin, in Droit international public, Masson, Paris-MilanBarcelone, 1995, n° 42. DOCTRINE 126 État, la volonté de régler avec les autres États contractants des problèmes communs. C'est ainsi que désireux de créer un environnement juridique et judiciaire favorable au développement (4), des États d'Afrique au sud du Sahara, pour la plupart membres de la zone franc (5), ont, en date du 17 octobre 1993, signé à Port-Louis (Ile Maurice) un traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique. L'exécution de ce traité a été confiée par les États signataires à une organisation internationale dénommée Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Le traité du 17 octobre 1993, dit traité OHADA, vise à doter les États parties d'un droit uniforme dans chacune des disciplines que l'article 2 dudit traité énumère comme faisant partie du domaine du droit des affaires (6). La lecture du traité OHADA laisse apparaître que les États signataires ont renoncé à \me parcelle de leur souveraineté au double plan législatif et judiciaire, en vue d'atteindre les objectifs communs qu'ils se sont fixés. L'examen de la réalité de cet abandon de souveraineté (I) et de la justification d'un tel abandon (II) conduit au constat que l'abandon de souveraineté constitue un acte de souveraineté. I. LA RÉALITÉ DE L'ABANDON DE SOUVERAINETÉ Comme indiqué plus hautv le traité OHADA comporte une restriction à la souveraineté des États signataires, au double plan législatif (A) et judiciaire (B). A) Au plan législatif L'article 2 du traité énumère les matières qui entrent dans le domaine du droit des affaires (7) tandis que les articles 5 à 12 dudit traité indiquent la procédure d'élaboration et d'adoption des "actes uniformes", lesquels constituent les règles substantielles communes (4) Voir notre article intitulé "Les conditions de la création dans l'espace OHADA d'un environnement juridique favorable au développement", in RJPIC, n° 1, janvier-avril 1998, p. 39 et s. (5) Il s'agit du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Centrafrique, des Comores, du Congo, de la Côte-d'Ivoire, du Gabon, de la Guinée équatoriale, du Mali, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo. La Guinée Conakry et la Guinée Bissau ont signé par la suite. (6) Le dit article 2 cite «... l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le Coaseil des ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure...» (7) Voir 6 supra. DOCTRINE 127 désormais applicables en matière du droit des affaires dans les États parties. Il résulte des textes sus-cités que pour chacune des disciplines juridiques rentrant dans le domaine du droit des affaires tel que l'entend le traité OHADA, le Conseil des ministres de la Justice et des Finances des États signataires est l'organe législatif, au détriment des législateurs de chacun desdits États. En effet, «le traité OHADA enlève aux Parlements et aux organes exécutifs nationaux leur pouvoir législatif et réglementaire...» (8). Il importe, cependant, de relever que les États signataires sont associés au processus d'élaboration des actes uniformes, d'autant que «les projets d'actes uniformes sont communiqués par le Secrétariat permanent aux gouvernements des États parties, qui disposent d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de réception de cette communication pour faire parvenir au Secrétariat permanent leurs observations écrites...» (art. 7). Une Commission nationale OHADA existe dans chacun des États parties. C'est cette commission qui formule des observations à l'égard des projets d'actes uniformes soumis aux gouvernements. Dans la mesure où ces commissions nationales comprennent des personnalités représentant généralement les principaux secteurs de la vie économique des États parties, il est pratiquement difficile que les spécificités desdits États ne soient pas prises en compte dans le processus d'élaboration des actes uniformes. D'autre part, il doit être mentionné que les actes uniformes actuellement en vigueur (9) ont généralement été inspirés des lois antérieurement appliquées dans les États parties, de telle sorte qu'il n'y a pas rupture totale avec le droit antérieur. A cet égard, il convient d'indiquer que certains desdits actes uniformes précisent soit que les textes antérieurs non contraires demeurent en vigueur, soit que les dispositions antérieures contraires sont abrogées (9'). Une fois élaborés selon la procédure ci-dessus indiquée, les actes uniformes sont adçptés par le Conseil des ministres de la Justice et des Finances des États parties. Autrement dit, même dans la phase d'adoption des actes uniformes, les États parties ont leur mot à dire y(8) Voir J. Issa-Sayegh, in "L'intégration juridique des États africains dans la zone franc - 2e partie", cette Revue, n° 824, édition de mai à août 1997, n° 116. (9) Il s'agit de l'acte uniforme sur le droit commercial général, de celui portant droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, de celui portant sur les sûretés, de celui relatif aux procédures simplifiées de recouvrement des créances et aux voies d'exécution et de celui relatif aux procédures collectives d'apurement du passif et aux difficultés des entreprises. (9') A notre avis, ces dispositions contenues dans certains des actes uniformes actuellement en vigueur font survire des textes antérieurs auxquels les actes uniformes sont supposés se substituer. On en arriverait ainsi à une coexistence fâcheuse des textes OHADA avec des textes antérieurs non contraires : ce qui est susceptible de créer une insécurité juridique que l'OHADA a voulu combattre. 128 DOCTRINE à travers leurs ministres membres du Conseil sus-indiqué, lesquels peuvent empêcher ladite adoption. Il suffit, en effet, qu'il n'y ait pas unanimité au sein du Conseil des ministres pour que l'adoption d'un acte uniforme ne soit possible (art. 8). En tout état de cause, après leur adoption, les actes uniformes ont un caractère supra-national consacré par l'article 10 du traité selon lequel (les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure». Cette primauté du droit harmonisé des affaires sur le droit interne constitue une manifestation de l'abandon de souveraineté, voulue par les États signataires du traité OHADA au plan législatif. L'abandon de souveraineté existe également en ce qui concerne le pouvoir de juger. B) Au plan judiciaire Le traité OHADA institue une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) qui «... assure dans les États parties, l'interprétation et l'application communes du... traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes... Saisie par voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes... Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des États parties dans les mêmes contentieux. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond» (art. 14). La CCJA est mie juridiction supra-nationale dont les décisions ont l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire sur le territoire de chacun des États parties (10). Il s'agit d'une instance internationale créée, grâce à la volonté des États signataires du traité OHADA, pour servir de juridiction suprême desdits États en matière du droit des affaires. De la sorte, les Cours suprêmes ou Cours de Cassation nationales se trouvent dépouillées de leur pouvoir de dire le droit, lorsque l'application du droit des affaires est en cause. Les pouvoirs de cette juridiction internationale sont d'autant plus importants qu'elle constitue un troisième degré de juridiction, car, à la différence des juridictions suprêmes nationales, la CCJA a le pouvoir, en cas de cassation, d'évoquer l'affaire et de statuer au fond. Pour autant, des pouvoirs non négligeables demeurent de la compétence des juridictions suprêmes nationales en ce qui concerne l'application du droit des affaires. En effet, définissant la compétence matérielle de la CCJA, l'article 14 du traité excepte «les décisions appliquant des sanctions (10) Sur la fonction juridictionnelle de la CCJA, voir notre article cité à la note 4 supra. DOCTRINE 129 pénales». A cet égard, il convient de mentionner que certains actes uniformes définissent des infractions pénales, sans déterminer les sanctions qui accompagnent lesdites infractions (11). Ces sanctions doivent être déterminées par chacun des États parties car le droit pénal est l'un des domaines dans lesquels l'État est particulièrement jaloux de sa souveraineté, même si l'on assiste à un recul progressif de la souveraineté des États, y compris en matière pénale. C'est probablement parce que le droit pénal reste avant tout une question d'ordre interne que les décisions relatives au droit pénal des affaires échappent à la compétence d'attribution de la CCJA. Les procédures d'exécution échappent également à la compétence de la CCJA (art. 16). Ces "procédures d'exécution" incluent les affaires dans lesquelles existent des décisions assorties de l'exécution provisoire, lesdites décisions faisant l'objet de requêtes aux fins des défenses à l'exécution. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une ordonnance de référé ou un jugement assorti de l'exécution provisoire intervient alors que l'application du droit des affaires est en cause. La partie désireuse de suspendre l'exécution provisoire sus-évoquée doit interjeter appel contre la décision dont il s'agit et introduire une requête en défense à l'exécution provisoire de la décision querellée. On sait qu'en cas de rejet de la requête sus-indiquée, l'arrêt de rejet rendu par la Cour d'appel ne peut être attaqué que par la voie du pourvoi d'ordre du Garde des Sceaux, tout au moins au Cameroun. C'est ce qui résulte de la loi camerounaise n° 92/008 du 14 août 1992, fixant certaines dispositions relatives à l'exécution des décisions de justice, modifiée. Suite à ce pourvoi d'ordre, la Cour suprême statue dans les deux mois de sa saisine. D'après la même loi camerounaise, la partie qui succombe en appel ou devant une juridiction d'instance statuant en premier et dernier ressort peut, par simple requête adressée au président de la Cour suprême, faire suspendre l'exécution de la décision attaquée. Rien ne permet d'affirmer, en l'état, que cette loi camerounaise est incompatible avec les règles OHADA puisque les Cours suprêmes nationales n'ont été dépouillées que du pouvoir de statuer sur les mérites du pourvoi formé contre une décision intervenue en matière de droit des affaires, mais demeurent compétentes pour connaître des requêtes aux fins des défenses à l'exécution provisoire desdites décisions. C'est le sens qu'il semble convenir de donner à l'article 16 du traité OHADA. Il résulte, en effet, dudit texte que «la saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois, cette règle n'affecte pas les procédures d'exécution...» (11) Il en est ainsi par exemple de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés et de celui relatif à l'apurement du passif et aux difficultés des entreprises. DOCTRINE l.jlj En cette période de reprise économique dans l'ensemble des pays de l'espace OHADA, le volume du contentieux relatif à l'exécution provisoire des décisions de justice en matière du droit des affaires n'est pas négligeable, compte tenu de ce que le rôle de la CCJA est limité au seul examen des mérites des pourvois, comme déjà signalé. Afin de préciser davantage les contours de l'abandon de souveraineté au plan judiciaire, il y a lieu de mentionner qu'au terme de l'article 13 du traité OHADA, «le contentieux relatif à l'application des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des États parties». Il faut ici signaler qu'une lecture erronée du traité, voulue ou non, a fait répandre l'idée selon laquelle toute la justice des affaires est désormais rendue à Abidjan, les États signataires du traité ayant, d'après la même idée, renoncé à la totalité de leur souveraineté en matière du droit des affaires. S'il est exact que la CCJA a son siège à Abidjan, avec la compétence matérielle précise exposée plus haut, il importe de ne pas perdre de vue que grâce aux articles 13 et 14 sus-cités, les juridictions d'instance et d'appel des États parties conservent la plénitude de leurs compétences d'attribution en matière du droit des affaires. Ce sont les décisions rendues par lesdites juridictions (jugements rendus en premier et dernier ressort ou arrêts des Cours d'appel) qui sont susceptibles de pourvoi devant la CCJA. Les développements qui précèdent montrent que le traité OHADA comporte une réelle restriction à la souveraineté législative et judiciaire des États contractants. Toutefois, cette restriction n'a été possible que parce que lesdits États l'ont voulu, car aucun État ne peut ou ne saurait être hé sans son consentement. Afin de mieux appréhender cet abandon de souveraineté, il convient d'en examiner les mobiles. H. LES JUSTIFICATIONS DE L'ABANDON DE SOUVERAINETÉ On a déjà mentionné que la souveraineté est le maître mot lorsqu'on évoque l'État. Pour que des États décident de se dessaisir d'une parcelle de leur souveraineté, il faut qu'ils aient à résoudre des questions d'intérêt commun. Dans le cadre du traité OHADA, des problèmes se posaient aux États parties de manière identique (A). L'accueil réservé audit traité dans certains des États signataires suggère des propositions de solutions (B) susceptibles de donner toute son efficacité au traité en question. A) Les problèmes La lecture du préambule du traité OHADA révèle que les États parties désiraient, d'une manière générale, parvenir à l'institution DOCTRINE d'une communauté économique africaine, à travers la modernisation et la sécurisation de leur environnement juridique et judiciaire. De fait, il n'était pas exceptionnel de rencontrer dans les pays de l'espace OHADA des situations dans lesquelles un problème juridique était susceptible de recevoir l'application de plusieurs textes, ceux-ci étant parfois vétustés et se contredisant. Il a été rendu compte d'un cas dans lequel le juge saisi obligeait les parties litigieuses à recourir à l'arbitrage contre le gré de l'une d'elles, qui s'appuyait sur un autre texte, tout aussi en vigueur et énonçant que l'arbitrage repose avant tout sur la volonté non pas d'une seule partie, mais des parties en litige (12). De telles situations étaient génératrices d'insécurités juridique et judiciaire et les ministres africains des Finances des pays concernés ont dû constater, lors de leur réunion annuelle à Ouagadougou (Burkina Faso), en 1991, que la double insécurité sus-évoquée empêchait les investisseurs internationaux de s'intéresser à la zone franc, tandis qu'au plan interne, la communauté des affaires n'était pas en phase avec les systèmes judiciaires, qui semblaient plutôt constituer un frein pour les affaires au lieu d'en favoriser le développement. L'idée de moderniser le droit des affaires des États concernés fut d'autant plus encouragée qu'une telle modernisation rassurerait les opérateurs économiques tant internationaux que locaux et favoriserait le développement desdits États en contribuant à les intégrer au mouvement de la mondialisation dont ils étaient en marge. Comme remèdes aux problèmes ainsi évoqués, les États en question ont convenu de concevoir un droit uniforme des affaires à travers la signature du traité OHADA, lequel prévoit justement l'élaboration des règles uniformes dans chacune des disciplines du droit des affaires. Conscients de ce qu'il n'y a pas de véritables règles communes lorsque l'unification législative ne s'accompagne pas d'une lanification juridictionnelle, lesdits États ont décidé de la création de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) qui aura pour rôle, comme indiqué plus haut,.d'assurer l'uniformisation jurisprudentielle de l'application des règles communes par les juridictions d'instance et d'appel de chacun des États parties, en statuant, dans des délais raisonnables, sur le mérite des pourvoirs formés contre les décisions judiciaires intervenues en matière du droit des affaires (13). (12) Voir notre article intitulé "Arbitrage forcé et règlement en droit camerounais des litiges entre associés", dans cette Revue, édition de septembre-décembre 1997, n° 825. (13) Du fait des effectifs insuffisants et du manque de moyens matériels, certaines Cours suprêmes ou Cours de Cassation nationales pouvaient mettre jusqu'à cinq ans, voire plus, pour statuer sur le mérite des pourvois formés contre les décisions judiciaires des juridictions d'instance ou d'appel et ont été baptisés "cimetières des dossiers". On affirmait ainsi que le plus sûr moyen de faire enterrer une affaire judiciaire serait de former pourvoi ' contre l'arrêt rendu par une cour d'appel dans ladite affaire. En statuant dans des délais raisonnables sur les pourvois dont elle est saisie, la CCJA contribue aussi à régler le problème des lenteurs judiciaires tant décriées dans les pays de l'espace OHADA. i ô'A DOCTRINE Il convient de bien insister sur le risque de l'application divergente par les juridictions nationales des règles communes, lorsqu'il n'existe pas une juridiction supra-nationale spécialement chargée, comme la CCJA, d'uniformiser la manière d'appliquer les règles communes. A cet égard, il peut être relevé que l'accord de Bangui (14) relatif à l'Organisatin Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) prévoit uniquement l'élaboration et l'adoption de règles commîmes en matière du droit de la propriété intellectuelle. L'article 15 de cet accord énonce que les décisions judiciaires rendues dans l'un des États membres en application des règles communes font autorité dans tous les États membres. On perçoit facilement les limites d'une telle disposition, qui ne peut réellement empêcher que les règles communes soient différemment appliquées ou interprétées selon les États. On aurait pu éviter ce risque de disparité jurisprudentielle, qui fragilise finalement les règles uniformes, en instituant une juridiction supra-nationale qui serait chargée d'élaborer une jurisprudence uniforme de l'application desdites règles par les juridictions des États parties à l'accord de Bangui. Le droit de la propriété intellectuelle OAPI pourrait être intégré au système OHADA pour permettre à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage d'être la juridiction supra-nationale qui fait défaut dans l'accord sus-cité de Bangui. Le risque de l'application divergente des règles uniformes de la propriété intellectuelle serait ainsi définitivement écarté puisque la CCJA unifierait la jurisprudence en cette matière. Une telle solution pourrait être étendue au droit des assurances CIMA (15). Il est vrai que l'article 49 du traité de Yaoundé prévoit que la conférence des ministres statue sur l'interprétation des règles uniformes s'il apparaît que des divergences d'interprétation surviennent dans les décisions des juridictions nationales. Ce rôle d'interprétation et d'unification semble davantage convenir à une juridiction supra-nationale comme la CCJA, dont c'est la tâche naturelle, qu'à un Conseil de ministres. Bien que la notion de droit des affaires n'ait pas de définition légale, elle est généralement présentée par la doctrine comme englobant l'ensemble des disciplines régissant les activités économiques dans l'ordre commercial, industriel, financier et même agricole (16). La nature économique du droit de la propriété intellectuelle ou (14) Signé le 2 mars 1977 entre le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo. Ces États furent rejoints, plus tard, par le Mali, la Guinée Conakry et Djibouti. (15) Le traité instituant une organisation intégrée de l'industrie des assurances et régissant la Conférence Internationale des Marchés d'Assurances (CIMA) a été signé à Yaoundé le 10 juillet 1992 par le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo et les Comores. (16) Jean Larguier, Le droit pénal des affaires, Armand Colin, Collection U, 2 e édition, note 2, p. 10. DOCTRINE 133 même du droit des assurances étant manifeste, et le traité OHADA précisant (art. 2) que le Conseil des ministres peut, à l'unanimité, décider d'allonger la liste des disciplines que ledit traité énumère comme faisant partie du droit des affaires, le droit de la propriété OAPI et le droit des assurances CIMA, tout comme plus tard d'autres disciplines juridiques dont l'appartenance au droit des affaires ne se discute pas, pourraient très bien être intégrés au système OHADA puisque celui-ci vise l'harmonisation de l'ensemble du droit des affaires en Afrique. D'autres suggestions sont ci-après formulées, qui pourraient perfectionner le système OHADA. B) Suggestions pour l'avenir Les rédacteurs du traité OHADA ont eu la sagesse de ne pas perdre de vue que toute œuvre humaine est perfectible. C'est ainsi que l'article 12 dudit traité prévoit que les actes uniformes peuvent être modifiés tandis que l'article 61 prévoit la possibilité d'amendement ou de révision dudit traité. L'article 12 sus-cité permet d'améliorer les actes uniformes, s'il se révèle, à l'application, qu'ils posent des difficultés. Quant à la possibilité de révision du traité, il doit être signalé que quelques dispositions dudit traité sont critiquées par les ressortissants de certains États parties. Il en est ainsi de l'article 42 qui fait du français la langue de travail de l'OHADA. Il ne peut être passé sous silence que la communauté anglophone du Cameroun a du mal à comprendre cette disposition qui semble incompatible avec l'article 53 du traité, selon lequel tout État membre de l'OUA peut adhérer audit traité. Étant donné que bon nombre d'États membres de l'OUA sont anglophones, il pourrait être précisé par exemple que, bien que le français soit la langue de travail de l'OHADA, le traité OHADA et les actes uniformes sont, sous le contrôle du Secrétariat permanent de l'OHADA, traduits et publiés en d'autres langues que le français. Une telle modification semble de nature à inciter ceux des États de l'OUA dont le français n'est pas la langue officielle à adhérer au traité OHADA. L'article 31 dudit traité qui fixe à sept seulement le nombre de juges composant la CCJA (alors que les États parties sont plus nombreux) pourrait être, lui aussi, modifié de manière à permettre à chaque État partie d'être représenté au sein de la CCJA. Les décisions de la CCJA étant prises à la majorité des juges présents (art. 19, al. 4, du règlement de procédure de ladite Cour), il est nécessaire qu'elle siège en nombre impair. C'est la raison poux laquelle, dans le cadre de la modification proposée, il faudrait songer à augmenter d'une unité le nombre de membres de la Cour au cas où, l'effectif de celle-ci étant fixé en considération du nombre des État parties, ceux-ci sont en nombre pair. 134 DOCTRINE Cette proposition s'inspire d'une pratique satisfaisante observée dans le fonctionnement de la Cour de Justice des Communautés Européennes. En effet, ladite Cour a «... toujours compris au moins un ressortissant de chaque État membre parmi ses juges. Cette répartition présente l'avantage de conduire la Cour à tenir compte des conceptions fondamentales admises dans les différents États membres. La jurisprudence en est d'autant mieux acceptée. En ellemême, la présence d'un juge de chaque nationalité est d'ailleurs susceptible de renforcer la légitimité de la Cour aux yeux des États membres...» (17). Une CCJA composée selon la proposition ci-dessus suggérée aurait certainement une légitimité plus grande dans sa mission d'interprétation uniforme du droit harmonisé des affaires. Sans compter qu'au plan pratique, un renforcement des effectifs de la CCJA liai permettrait de statuer plus rapidement sur les affaires dont elle est saisie, afin de ne pas devenir, elle aussi, le "cimetière des dossiers" que sont devenues certaines Cours suprêmes ou de Cassation nationale, comme signalé plus haut (18). Les institutions ne valant que ce que valent les hommes chargés de les animer, il faut souhaiter que les personnalités chargées, de près ou de loin, d'animer les institutions du système OHADA en fassent un véritable instrument au service du bien-être des populations et du développement des États signataires du traité OHADA. Dans un contexte de mondialisation où le secteur privé devient progressivement et dorénavant le véritable moteur du développement, les États n'ont plus la totale maîtrise de leur souveraineté, notamment en matière économique (19). Les opérateurs économiques, tant locaux qu'internationaux, n'investissent que là où l'environnement juridique et judiciaire les y incite. Les États signataires du traité OHADA l'ayant compris, il convient, à présent, que chaque responsable, à l'intérieur desdits États, assume sa part d'obligations résultant de l'adhésion audit traité, en ayant présent à l'esprit que toute œuvre humaine est perfectible et que, par ailleurs, il est possible soit de provoquer une amélioration du système ainsi mis en place, soit même, au pire des cas, d'en sortir. (17) Jean-Denis Mouton et Christophe Soulard, dans La Cour de justice des Communautés Européennes, Collection "Que sais-je ?", n° 2101, p. 14. (18) Voir notre 13 supra. (19) Qui pourrait nier le rôle prépondérant du FMI ou de la Banque Mondiale dans la gestion économique des États ? DOCTRINE 135 LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE DE RECOUVREMENT DES CRÉANCES CIVILES ET COMMERCIALES : L'INJONCTION DE PAYER DANS LE TRAITÉ OHADA (sa pratique quotidienne au Cameroun) par Georges Gérard WAMBA MAKOLLO, Etudiant en 4e année de droit privé général Faculté des sciences juridiques et politiques Université de Yaoundé II SOA La procédure simplifiée de recouvrement de créance et procédure d'injonction de payer signifient à la fois un ensemble de procédés juridiques et judiciaires permettant à tout créancier de recouvrir de façon rapide et accélérée sa créance. La réussite pour le créancier de cette "opération" nécessite l'accomplissement de certaines conditions. Conditions dont certaines sont générales alors que d'autres sont liées à la procédure menant au paiement. Première partie : CONDITIONS GÉNÉRALES REQUISES POUR LA PROCÉDURE D'INJONCTION DE PAYER I. LES SUJETS DE LA PROCÉDURE A) Sujet actif : le créancier (demandeur à l'action ou son mandataire : art. 4) A la lecture de l'article 4 de l'acte uniforme, il ressort que «la requête doit être déposée ou adressée par le demandeur ou par son mandataire...». Au regard de cet article, on ne peut systématiser ou personnaliser la demande de manière intuitu personae sur le créancier. L'acte uniforme ne distingue pas entre créancier personne morale ou créancier personne physique. Pas plus qu'il s'agisse d'un créancier chirographaire, privilégié ou d'un gagiste. Il est important de considérer entièrement l'article 2092 du code civil.