Contribution de 3 % sur les montants distribués : quel avenir à la
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Contribution de 3 % sur les montants distribués : quel avenir à la
FUSIONS & ACQUISITIONS PAROLES D’EXPERTS Contribution de 3 % sur les montants distribués : quel avenir à la lumière de la décision Stéria de la CJUE ? La contribution additionnelle de 3 % sur les montants distribués s’applique aux distributions réalisées par des sociétés françaises. Y échappent toutefois les distributions entre sociétés fiscalement intégrées. Cette exonération, par définition réservée à des distributions franco-françaises, soulève la question de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne. La récente décision Stéria de la CJUE fournit de sérieux arguments contentieux. SUR LES AUTEURS Denis Fontaine-Besset est avocat associé chez STCPartners. Il est spécialiste en fiscalité d’entreprise en particulier appliquée au secteur financier et aux opérations de financement. Emmanuel Dinh est maître de conférences à Paris-Dauphine, où il dirige le master de fiscalité de l’entreprise et of counsel chez STCPartners. Il est spécialiste en fiscalité d’entreprise et en fiscalité internationale. Denis Fontaine-Besset, avocat associé a contribution additionnelle de 3 % à ropéenne l’imposition de la quote-part l’impôt sur les sociétés sur les monde frais et charges de 5% (QPFC) sur tants distribués (CMD), codifiée à l’article les dividendes reçus de certaines filiales 235 ter ZCA du Code général des impôts européennes, ne peut que conforter les (CGI), frappe les revenus distribués par contribuables, tant le raisonnement appales sociétés passibles de l’impôt sur les raît transposable à la CMD. sociétés en France. Toutefois, les distribuLa décision Stéria du 2 septembre 2015 tions entre sociétés membres d’un même en matière de QPFC groupe d’intégration fiscale sont exonéDans cette affaire, la CJUE a censuré la lirées. Dès lors que seules les sociétés soumitation de la neutralisation de la QPFC mises à l’impôt sur les sociétés en France sur les dividendes ouvrant droit au répeuvent appartenir à un groupe fiscal, gime mère-fille aux seules distributions l’exonération de CMD est réservée aux perçues par les sociétés mères françaises distributions de dividendes entre sociéde leurs filiales françaises membres de la tés françaises. Ceci pose la question de la même intégration fiscale. Une telle limicompatibilité du dispositif avec la liberté tation constitue une entrave à la liberté d’établissement prévue par le droit eurod’établissement, dans la mesure où cette péen1 lorsque les dividendes sont versés à une société mère à plus de 95 % résidente différence de traitement est de nature d’un autre État de l’Union à dissuader une société européenne. française de créer des fi« LE RAISONNEMENT La doctrine a soulevé le liales dans d’autres États DÉPLOYÉ PAR LA CJUE problème très tôt2. Cermembres. EN MATIÈRE DE QPFC taines sociétés ont initié La CJUE a rejeté l’arguSEMBLE TRANSPOSABLE des contentieux sur ce ment selon lequel la soEN TOUS POINTS À LA CMD » fondement. Alors que ciété mère d’une filiale inl’on attend les premières tégrée ne serait pas dans décisions des juges du fond, l’arrêt Stéria une situation comparable à celle de la du 2 septembre 20153, par lequel la Cour mère d’une filiale non intégrée, au regard de justice de l’Union européenne (CJUE) de l’objectif poursuivi par la législation a jugé contraire au droit de l’Union eufrançaise, à savoir l’exonération fiscale to- 4 COLLECTION GUIDE-ANNUAIRE 2015 I DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT tale des dividendes perçus entre les mains de la société mère, dans la mesure où, dans les deux cas, d’une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale et, d’autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une double imposition économique ou d’une imposition en chaîne. La CJUE a également écarté les justifications à une telle différence de traitement. La répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États n’est pas pertinente. Si ce facteur est justifié en ce qui concerne la condition d’accès à un régime d’intégration fiscale, dans la mesure où un tel régime permet le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal, il est inopérant lorsque la différence de traitement ne porte que sur les dividendes entrants, perçus par des sociétés mères résidentes, de telle sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre est concernée. La cohérence du régime fiscal n’est pas davantage retenue par la CJUE. Pour qu’un tel argument puisse prospérer, il faut, selon la jurisprudence constante de la Cour, que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé. STCPartners LES POINTS CLÉS La CMD s’applique aux distributions réalisées par des sociétés françaises. Y échappent toutefois les distributions intragroupe. Seules les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés en France pouvant appartenir à un groupe fiscal, l’exonération de CMD est réservée aux distributions de dividendes franco-françaises. Cet aspect apparaît contraire à la liberté d’établissement, le raisonnement déployé par la CJUE dans sa décision Stéria en matière de QPFC pouvant être transposé à la CMD. Or, la neutralisation de la QPFC ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscal intégré. Quelles conséquences tirer en matière de contribution de 3 % ? Emmanuel Dinh, of counsel L Par Denis Fontaine-Besset, avocat associé, et Emmanuel Dinh, of counsel. Le raisonnement déployé par la CJUE en matière de QPFC semble transposable en tous points à la CMD. La différence de traitement entre filiales en fonction du siège de leur société mère à plus de 95 % constitue une entrave à la liberté d’établissement ; cette mesure fiscale rend moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans d’autres États membres. S’agissant de la comparabilité des situations, dès lors que l’appartenance au groupe fiscal n’interfère pas dans l’analyse, force est d’admettre que la situation des filiales appartenant à un groupe fiscal inté- gré est comparable à celle des filiales n’appartenant pas à un tel groupe, au regard du double objectif ayant présidé à l’instauration de la CMD, à savoir un objectif purement budgétaire (combler le manque à gagner lié à la suppression de la retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM non-résidents, suite à la décision Santander de la CJUE du 10 mai 20124), et un objectif de renforcement des fonds propres des entreprises, puisque les bénéfices distribués viennent réduire, dans les deux hypothèses, les fonds propres des deux filiales et restreignent d’autant leur capacité d’autofinancement. S’agissant des justifications, dès lors qu’est en jeu un avantage fiscal autre que le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré, la différence de traitement ne peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir SCHÉMA ILLUSTRATIF DE LA DISCRIMINATION LIÉE À L’EXONÉRATION DE CMD POUR LES SEULES DISTRIBUTIONS INTRAGROUPE Société mère française Distribution exonérée de CMD (Distribution intragroupe) ≥ 95 % Filiale française Intégration fiscale Société mère allemande ≥ 95 % Distribution soumise à CMD (du fait de l’impossibilité pour la société mère allemande de faire partie d’un groupe d’intégration) d’imposition entre les États membres, en tant qu’elle ne porte que sur les dividendes sortants, versés par des filiales résidentes, de telle sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre, à savoir la France, est concernée. La cohérence du régime fiscal n’est pas non plus opérante dans la mesure où cet avantage fiscal n’est en aucun cas compensé par un alourdissement de la fiscalité au niveau du groupe intégré. Quel avenir pour la contribution de 3 % ? À la lumière de l’arrêt Stéria, il apparaît donc que la CMD ne devrait pas passer le test de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, du moins au regard de sa compatibilité avec le principe de liberté d’établissement. Il existe également des questions de compatibilité avec la directive mère-fille. Il nous semble également que, dans un contexte extracommunautaire, les sociétés pourraient tirer argument de la non-conformité du dispositif par rapport aux clauses de non-discrimination contenues dans les conventions fiscales comportant des dispositions analogues à celles de l’article 24-5 du modèle OCDE, prévoyant qu’une société française sous contrôle étranger ne peut être soumise à une imposition plus lourde que si elle avait été sous contrôle français. Dans l’attente des premières décisions, ou peut-être, d’une réaction du législateur, il y a lieu de continuer à procéder à des réclamations. 1 Art. 49 du TFUE. Voir notamment E. Dinh, Contribution de 3 % au titre des montants distribués : quelle compatibilité avec les engagements internationaux de la France ?, Droit fiscal 2013, n° 10 ; comm. 178. 3 CJUE, Groupe Steria, C-386/14. 4 CJUE, 10 mai 2012, aff. C-338/11 et C-339/11 à C-347/11. 2 Filiale française COLLECTION GUIDE-ANNUAIRE 2015 I DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT 5