Maladies à composantes nutritionnelles : Intérêt des

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Maladies à composantes nutritionnelles : Intérêt des
Maladies à composantes nutritionnelles : Intérêt des
acides gras oméga 3 de la graine de lin. Stratégies
d’enrichissement des régimes.
Introduction.
Le rôle des acides gras Oméga 3 et particulièrement de l’acide a-linolénique Oméga3 C18 :3
n-3 (ALA) dans la prévention du risque cardio- vasculaire est désormais bien connu.
Cet effet a été évoqué lors d’enquêtes épidémiologiques (l’étude des 7 pays a mis en évidence
les particularités du régime crétois, défini comme un régime méditerranéen riche en ALA).
Cet effet a ensuite été confirmé par des études d’intervention (Etude de « Lyon »). Puis des
études sur modèle animal ont démontré le rôle de l’ALA dans la prévention de la fibrillation
ventriculaire. D’autres études ont mis en évidence le rôle de l’ALA sur l’inhibition de
l’agrégation plaquettaire.
Dans des études nutritionnelles de grande envergure, les acides gras (AG) Oméga 3
(et particulièrement l’ALA) sont corrélés statistiquement à une baisse de la mortalité cardiovasculaire. Les enquêtes nutritionnelles révèlent aussi des ingestions d’ALA fortes dans les
populations à forte longévité (notamment chez les japonais, grands consommateurs de
poisson, et aussi d’huile de colza…)
Il faut signaler que l’augmentation de la consommation d’ALA occupait une place importante
parmi les préconisations nutritionnelles qui ont abouti en Finlande à une réduction rapide et
spectaculaire de la mortalité cardio-vasculaire.
Des études plus récentes mentionnent de façon convaincante l’intérêt des acides gras Oméga 3
dans des pathologies variées : Développement tumoral, diabète de type 2, allergie, etc….
Comme pour les maladies cardiovasculaires, les modes d’action des AG oméga 3 passent par
un meilleur équilibre entre les médiateurs cellulaires (Prostagland ines, thromboxanes,
leucotriènes) des familles 3 et 5 (issus des oméga 3) et les familles 2 et 4 (issues des
oméga 6). L’équilibre entre ces deux familles régule de grandes fonctions comme
l’aggrégation plaquettaire, mais aussi la fonction reproductrice, le système immunitaire et la
réponse inflammatoire.
Les recommandations des Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) en matière d’apports
d’acides gras poly- insaturés (AGPI) semblent donc un objectif important de prévention
nutritionnelle.
L’apport d’ALA recommandé (1.9 g / jour pour un adulte) correspond à environ trois fois
l’ingestion actuelle moyenne.
Les ANC recommandent aussi de respecter un ratio de 5 dans les niveaux d’apport des AGPI
Oméga 6 et Oméga 3. Le respect de ce ratio implique des cha ngements importants dans nos
régimes, puisque le ratio moyen actuel se situerait entre 15 et 25.
Pour atteindre ces objectifs, différentes stratégies nutritionnelles sont possibles :
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- Le choix des huiles végétales (en augmentant la part du colza au détriment du tournesol),
mais les huiles végétales ne constituent pas la majorité des apports lipidiques, en particulier
dans les populations « à risque » du Nord et de l’Ouest de la France, et l’huile de colza n’est
pas une huile utilisable en cuisson.
- Un enrichissement en ALA d’aliments de consommation quotidienne comme le pain.
- Enfin une stratégie liée à une modification des profils de lipides animaux, puisque ceux-ci
constituent 60% de l’apport lipidique, et qu’ils sont (sauf le poisson) oubliés des
recommandations.
Dans trois études cliniques, nous avons testé ces deux dernières stratégies d’apport en utilisant
la graine de lin cuite :
•
Soit comme un ingrédient pour la nutrition animale (aux fins de modifier les
profils des lipides animaux)
•
Soit comme un ingrédient pour la nutrition humaine (graines de lin cuites
dans du pain)
•
Soit en combinant les deux (pain au lin + produits d’animaux nourris aux lin)
pour une population de diabétiques de type 2.
Le lin
La graine de lin est la graine la plus riche en ALA (plus de 200 g par kg de matière sèche MS - de graine, soit environ 60% des AG)
Autrefois largement utilisé dans l’alimentation des animaux et des hommes le lin cuit est une
source importante et renouvelable d’AG Oméga 3.
Apport de lin oléagineux en nutrition animale.
Chez les animaux d’élevages, grands pourvoyeurs de « graisses cachées », l’utilisation de
graines de lin cuites (en substitution du soja) permet d’enrichir les lipides animaux en ALA et
en AGPI LC n-3
Les produits animaux sont aussi moins gras, avec moins d’AG saturés (AGS), et plus riches
en AG insaturés (AGI) notamment Oméga 3 (précurseurs et dérivés). Les produits de
ruminants (viande de bœuf, fromages, beurre,…) sont plus riches en AG conjugués (CLA).
Pour mesurer les effets sur la nutrition humaine de cette introduction du lin en alimentation
animale, nous avons réalisé une étude en trois temps :
D’abord, nous avons introduit 5% de graines de lin dans les régimes des animaux
d’élevage (vaches, porcs, agneaux, poules, bœufs, poulets), toutes choses égales par ailleurs.
Nous avons ensuite prélevé et analysés des œufs, beurres, laits, et viandes provenant
d’animaux des groupes « essai » (avec 5% de lin) ou « témoin » (sans lin)
Enfin ces produits ont été distribués à des volontaires sains répartis en trois groupes de
25 personnes dans un protocole de cross-over en double aveugle.
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Les deux premiers groupes ne consommaient que des produits animaux fournis par
l’expérience, en quantités identiques en périodes « essai » ou « témoin » (2 périodes de
35 jours séparées par une période de wash-out de 18 jours).
Le troisième groupe dit « demi-dose » était soumis au même protocole, mais conservait à midi
un repas « libre » sur les deux périodes.
Des prises de sang étaient réalisées (à jeun) en début, milieu et fin de chaque période.
En fin de période « essai », à iso–consommation de produits animaux, et à régimes identiques,
les profils d’AG des lipides du sérum et des globules rouges (présentés dans le Tableau 1)
sont fortement modifiés.
L’introduction de 5% de graines de lin cuite dans les régimes des animaux essai permet
d’obtenir un ratio Oméga 6 / Oméga 3 = 7 dans la période essai proche du chiffre 5
recommandé par les ANC, contre 15 dans la période témoin, et un apport de 1.7 g d’ALA/jour
(ANC = 1.9 g), contre 0.8 g en période témoin.
Tableau 1. : AG en % des AG totaux
Témoin
Sérum
C16:0
CLA C18:2 cis 9 trans 11
C18 :3 Oméga 3
C20:5 Oméga 3
C22:6 Oméga 3
Oméga 6 / Oméga 3
Globules rouges
C20:5 Oméga 3
n-6 / Oméga 3
* p<0.05 ** p<0.01
Essai
Ecart
« Pleine dose » Essai- Témoin
19.5
0.28
0.44
0.52
1.51
14.2
18.5
0.42
0.93
0.80
1.67
10.2
-5% **
+50% **
+111% **
+54% **
+11% **
-28% **
0.45
4.2
0.59
3.8
+31% **
-10% **
Les résultats du groupe « demi-dose » présentés dans le Tableau 2 sont tout aussi
intéressants :
Quantitativement, certains effets y semblent déjà acquis malgré un apport alimentaire d’AG
Oméga 3 plus faible (apport supplémentaire quotidien de 0.5g / volontaire).
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Tableau 2.
Effets des régimes animaux sur la composition lipidique du sérum et des hématies des
consommateurs de produits d’élevage. (groupes témoin et « demi - dose »).
(En % des AG totaux )
Témoin
Essai
Ecart
« Demi-Dose » Essai- Témoin
Sérum
C16:0
19.1
18.3
-4% **
CLA C18:2 cis 9 trans 11
0.26
0.41
+58% **
C18 :3 Oméga 3
0.49
0.90
+84% **
C20:5 Oméga 3
0.71
0.97
+37% **
C22:6 Oméga 3
1.68
1.77
+5%
n-6 / Oméga 3
12.9
10
-23% **
* p<0.05 ** p<0.01
Les modifications des taux d’ALA, à iso-consommation de produits animaux, et dans des
régimes identiques par ailleurs démontrent que les lipides animaux semblent être un levier
d’amélioration très efficace des profils sanguins.
De plus l’enrichissement en Oméga 3 des régimes et des lipides sanguins s’accompagne
d’autres modifications des profils d’AG qui vont elles aussi dans le sens des
recommandations des nutritionnistes : Moins d’AG saturés, plus de CLA, meilleur rapport
Oméga 6/ Oméga 3.
Nous avions accompagné les mesures biochimiques de mesures d’analyses sensorielles. Dans
un test mené sur les 11 produits de l’essai (beurres, œufs, charcuteries et viandes), nous avons
recueilli 550 avis de consommateurs naïfs, les produits « Lin » ont été significativement
(P<0.05) préférés, ce qui traduit une application non seulement possible mais agréable de
cette stratégie de modification de l’apport lipidique en passant par les régimes animaux.
Introduction d’une faible dose de graine de lin extrudée dans du pain.
Pendant 28 jours, 32 volontaires sains ont substitué à leur pain habituel du pain expérimental
comportant une fraction de graine de lin cuite (5%). Il leur était recommandé de ne modifier
aucune autre habitude alimentaire sur cette période.
La consommation moyenne de pain durant l’essai a été de 80g/ volontaire et par jour, soit 4 g
de graine de lin cuite, (correspondant à 0.8 g d’ALA consommés, en addition des autres
lipides du régime).
Les résultats des bilans lipidiques sont présentés dans le Tableau 3. Ils indiquent un effet
significatif du régime sur le taux de cholestérol total (-8%, P<0.001) L’effet sur le cholestérol
LDL n’est significatif que dans le groupe des 19 volontaires hypercholestérolémiés (-8%,
P<0.05). Les taux de Triglycérides subissent une forte baisse (-35%, P<0.05).
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Tableau 3.
Effets de l’introduction de 5% de graines de lin extrudées dans le pain sur les bilans
lipidiques des consommateurs de pain.
Période
Témoin
Expérimentale
Ecart
Cholestérol
Total (g/l)
2.12
1.96
-8% **
Cholestérol Cholestérol Triglycérides
LDL(g/l)
HDL(g/l)
(g/l)
1.29
0.61
1.10
1.21
0.60
0.72
-6%
-35% *
Omega 3
3.22
3.78
+17% *
* p<0.05 ** p<0.01
Effet d’un régime comprenant du « pain au lin » et des produits animaux de
la filière lin sur certains paramètres sanguins et anthropométriques de
diabétiques non insulino dépendants.
Certains acides gras, notamment les AG n-3, et certains acides linoléiques conjugués (CLA)
joueraient un rôle dans les mécanismes de l’insulino-résistance et/ou dans la prévention de
facteurs de risques associés.
16 volontaires diabétiques ont reçu pendant 105 jours un régime normo-calorique
(>2000Kcal) comprenant chaque jour 100g de pain, 1 œuf, 33 g de lipides de ruminants
(laitages et viandes). Le pain contenait 5% de graines de lin, les œufs provenaient de poules
consommant 4% de graines de lin, et les laitages et viandes provenaient de bovins
consommant 5% de graines de lin.
Les paramètres sanguins et anthropométriques mesurés sont indiqués dans le Tableau 4 .
Tableau 4
ALA sérum (% des AG totaux)
CLA sérum (% des AG totaux)
J0 (début)
0.63%
0.28%
J60
0.77%
0.42%
J 105
Variation
+23% *
+50%**
Poids (kg)
IMC (kg / m2)
Tour de taille (cm)
Tour de hanche (cm)
87.42
31.11
99.3
105.6
85.71
30.56
95.6
104.0
-2% *
-1.8% *
-3.4% **
-1.5% *
Triglycérides (g/l)
ApoB /Apo A1
1.56
0.78
1.24
0.68
-21% *
-14% *
Insulino-résistance (formule HOMA)
*p<0.05 ** p<0.01
0.88
0.64
-28% *
Après 60 jours, on note chez les volontaires une augmentation des taux sériques d’ALA et de
CLA.
Après 105 jours, on observe alors une baisse significative du poids, du tour de taille, et du
tour de hanche seulement des groupes ainsi qu’une baisse significative des Triglycérides.
Le rapport Apo B / Apo A1 évolue favorablement.
Enfin l’insulino-résistance (formule HOMA) évolue aussi favorablement
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Discussion.
L’utilisation de graines de lin cuites incorporées au pain semble une technique intéressante
d’amélioration des profils d’acides gras du sérum et des hématies, et cet apport entraîne une
baisse significative de certains facteurs de risques cardio-vasculaires (Cholestérol total et
LDL, Triglycérides)
L’enrichissement des régimes avec des lipides animaux est un levier plus efficace
d’amélioration des profils d’AG, même dans un groupe «demi-dose », mais n’a pas d’effet
sur les facteurs de risques (cholestérol, triglycérides).
Le « menu complet » (pain au lin + produits animaux de la filière lin) a permis de mesurer des
effets très intéressants, notamment une forte diminution de l’insulino-résistance chez des
diabétiques de type 2. (La diminution significative de l’insulino-résistance peut être liée à
l’augmentation des CLA, ou à la baisse des AGS, ou à un apport supplémentaire d’ALA.)
La consommation modérée de produits animaux de la filière lin, accompagnée de
consommation régulière de pain contenant de la graine de lin cuite est une stratégie facile à
mettre en œuvre, car elle ne modifie pas les habitudes alimentaires et s’accompagne d’une
amélioration des caractéristiques organoleptiques des produits.
C’est une stratégie de « prévention primaire » facile à mettre en œuvre dans le cadre de
prescriptions nutritionnelles. Elle s’adresse en priorité aux populations consommatrices de
lipides animaux qui sont les plus exposées aux risques cardio-vasculaires.
Cette stratégie peut faire l’objet de prescriptions complémentaires de celles concernant une
modification des habitudes alimentaires. (modification souvent difficile à obtenir car relevant
du « culturel »).
Les changements de composition lipidique des aliments de consommation courante semblent
produire des résultats intéressants sur les paramètres anthropométriques et lipidiques sanguins
qui caractérisent le patient diabétique.
La supplémentation en AG Oméga 3 fait l’objet de très nombreuses publications scientifiques
dans des domaines très variés, de la cancérologie à la diabétologie. Les résultats des études
d’intervention sont souvent très intéressants. A n’en pas douter, les Oméga 3 qui avaient
disparu de nos régimes pour cause de modification des habitudes alimentaires des hommes,
mais aussi des animaux vont y revenir. Le décalage entre les ANC (2g par jour) et les apports
moyens (0.7g) tranche le débat sur la nécessité d’enrichir nos régimes en Oméga 3 ; par contre
le débat sur la forme d’apport reste ouvert, et toutes les opportunités, (surtout les moins
contraignantes) sont à saisir.
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