Droit pénal_Exécution des peines et leurs

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Droit pénal_Exécution des peines et leurs
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NOTE DE SYNTHESE SUR
L’AMENAGEMENT DES PEINES LORS DE L’EXECUTION
EN ALLEMAGNE, ESPAGNE, ITALIE ET ROYAUME-UNI
L’étude a porté sur les modes d’aménagement des peines après le prononcé
de la condamnation par la juridiction de jugement : les mesures, les organes et les
procédures d’adaptation aux circonstances personnelles au moment de
l’exécution. Selon la méthodologie adoptée uniformément, une présentation des
environnements de l’exécution des peines (inventaire des peines applicables et
possibilités d’individualisation offertes à la juridiction de jugement) a précédé
l’examen des modes d’aménagement proprement dits (mesures, autorité
compétente et procédure particulière).
DES ENVIRONNEMENTS DE L’EXECUTION DES PEINES
On retrouve les mêmes catégories de peines dans les différents pays : peines
privatives de liberté, peines privatives de droits, amende etc. La Cour
constitutionnelle allemande a toutefois supprimé, en la déclarant
anticonstitutionnelle par décision du 20 mars 2002, la peine dite patrimoniale
(vermögensstrafe) instituée par une loi de 1992 et dont l’application permettait de
retirer au condamné tout l’enrichissement procuré par l’infraction. Ainsi destiné à
saper le mobile économique de la criminalité, le vermögensstrafe n’avait de limite
maximale que la valeur du patrimoine du délinquant. Une autre originalité du droit
allemand retient l’attention : l’avertissement sous réserve de peine (Verwarnung
unter Strafvorbehalt) prévu au §§ 59 et 59 c du Code pénal. Il s’agit d’une peine
conditionnelle, par son jugement, le tribunal avertit solennellement le condamné,
sous la menace d’une peine dont il fixe le montant, qu’il subira la condamnation s’il
ne respecte pas la conduite qui lui est imposée durant une période déterminée.
Les systèmes pénaux étudiés sont marqués par de substantielles
modifications législatives enregistrées au cours des vingt dernières années, qui les
inscrivent tout comme la France dans le mouvement international de réforme
pénale. Bien que conservant sa structure de l’époque fasciste, le Code pénal italien
a accueilli diverses dispositions qui orientent la peine vers des fonctions de
resocialisation et de rééducation. Elles tendent à imprimer à l’incarcération un
caractère d’extrema ratio. En Espagne, le pouvoir d’adaptation reconnu à la
juridiction de jugement répond au souci de remédier à la surpopulation carcérale
tout en favorisant la réinsertion sociale du condamné.
C’est ainsi, hormis des cas précis où l’emprisonnement est impératif
(mandatory sentence), que dans les différents pays étudiés la loi prévoit de
multiples possibilités d’adaptation des peines privatives de liberté aux
circonstances de l’espèce, par la juridiction de jugement. Ces voies
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d’individualisation vont du recours à des peines substitutives à la dispense
d’exécution de la condamnation, en passant par des alternatives entre un minimum
et un maximum quant au quantum des peines.
La même politique de réforme de la peine en faveur de la résorption de la
surpopulation carcérale, de la rééducation et de la réinsertion sociale du condamné
s’illustre en aval du prononcé de la condamnation à travers une variété de modes
d’aménagement de la sentence pénale, qui sont comparables dans les pays
étudiées et en France tant du point de vue des organes que des mesures et
procédures d’aménagement.
DES ORGANES COMPETENTS POUR L’AMENAGEMENT DES
PEINES
Il apparaît que les aménagements des peines au moment de leur exécution
sont l’œuvre de l’autorité judiciaire, de l’administration pénitentiaire ou d’une
administration ad’hoc, voire du Ministère public agissant en exclusivité de
compétence ou en coopération selon le type de peine ou le niveau atteint dans
l’exécution de la condamnation. Il est intéressant de signaler la part attribuée en la
matière aux régions autonomes en Espagne et à la Commission dite Parole Board au
Royaume-Uni.
L’autorité judiciaire. – L’institution spécialisée est
- en Espagne, le « Juge de la surveillance des peines » (Jurirdicción de Vigilancia
Penitenciaria),
- en Italie, le Magistrat de surveillance du district et le Tribunal de surveillance
de l’exécution des peines,
- en Allemagne, la juridiction de jugement ayant statué en 1ere instance ou la
Chambre de l’application des peines (Strafvollstreckungskammer) près le tribunal
régional,
- au Royaume-Uni où n’existe pas de Juge de l’application des peines, seule la
juridiction de jugement peut, sur requête, modifier la condamnation. Là l’exécution
est principalement a
dministrative.
Le Tribunal italien de surveillance de l’exécution des peines se distingue par la
richesse de sa composition : deux juges professionnels dont l’un est le président et
l’autre un magistrat de surveillance du district ; deux juges non professionnels (dits
juges honoraires), choisis parmi les experts en psychologie, sociologie, pédagogie
psychiatrie ou criminologie clinique, (art. 220 C.p.p.). En droit italien, les décisions
du Magistrat de surveillance du district sont susceptibles de recours devant le
Tribunal de surveillance, voir devant la Cour de cassation.
L’autorité judiciaire espagnole semble jouir des plus larges pouvoirs en
matière d’aménagement des peines, cumulant un pouvoir d’initiative et un pouvoir
de contrôle. La loi 15/2003 (art. 60 C.p.) qui entrera en vigueur le 1er octobre 2004
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prévoit qu’il peut décider la suspension de l’exécution d’une peine ou l’application
d’une mesure de sûreté en cas de sérieuse altération mentale du condamné.
A l’exception de l’Italie, l’autorité judiciaire coopère avec d’autres organes
administratifs dont le rôle est plus ou moins important d’un pays à un autre.
L’autorité administrative. – Il s’agit du « Home office » (Ministère de
l’intérieur) et du « Parole Board » (Commission des libérations conditionnelles) au
Royaume-Uni. Leurs décisions sont susceptibles de recours devant le juge
administratif. Le Ministre de l’intérieur est le véritable responsable de l’application
des peines, le Home Board se contentant de lui adresser des recommandations sur
la situation des prisonniers purgeant une peine de 4 à 15 ans.
Le Ministère public allemand (mais non l’administration pénitentiaire) est
l’organe compétent pour l’application (Strafvollstreckung) des peines au sens large,
c’est-à-dire aussi bien la définition des peines que leur réalisation. Un fonctionnaire
d’administration de la justice, le « Rechtspfleger », est préposé à cette fonction.
Toutefois, s’agissant des peines privatives de liberté présentant une certaine
gravité, l’autorité judiciaire est compétente pour en définir les conditions de
réalisation (Strafvollzug).
DES MESURES ET DES PROCEDURES D’AMENAGEMENT DES
PEINES
L’originalité de l’Oblazione italien mérite d’être soulignée : c’est un mode
d’exécution transactionnelle, le paiement d’une somme fait avant audience (donc
avant condamnation) éteint l’action publique. Pour le reste dans l’ensemble des
pays étudiés, les organes d’application des peines peuvent, postérieurement au
prononcé de la condamnation, prendre des mesures tendant à modifier la peine, la
remplacer ou en suspendre l’exécution ou l’éteindre. Les mesures sont
comparables et les spécificités nationales apparaissent surtout dans les conditions
d’admission au bénéfice desdites mesures, dans les procédures applicables et dans
la sanction des manquements éventuels du condamné aux obligations liées à la
jouissance de ces mesures. En général l’aménagement des peines de détention
relève de l’autorité judiciaire mais appelle la coopération d’organes administratifs.
Des mesures modificatives. – Le Code de procédure pénale allemand (§§ 459 a,
459 d) prévoit la possibilité d’adapter les modalités d’exécution des amendes aux
conditions personnelles du condamné par l’octroi de facilités de paiements qui sont
l’ajournement (délai de faveur) et le paiement par tempérament. Sans éteindre la
condamnation, le tribunal régional peut, en Allemagne, accorder une remise
partielle voir totale de la sanction pécuniaire, avec pour effet la non exécution. Un
condamné ne pouvant bénéficier d’une non exécution totale de la sanction
pécuniaire qui le frappe que s’il est également sous le coup d’une peine privative de
liberté. En revanche, la contrainte par corps est maintenue (§ 459 c, C.p.p.) pour
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obtenir l’exécution forcée de l’amende. Les mêmes aménagements sont connus en
droit espagnol où le juge peut en outre modifier le montant des paiements dus par
le condamné pour tenir compte de l’évolution de sa situation économique
postérieurement à la condamnation.
Les peines privatives de liberté sont les plus sujettes à des aménagements de
toutes sortes. Les mesures modificatives sont comparables entre les différents
systèmes étudiés et le système français : ajournement de l’exécution, libération
conditionnelle, mise en liberté temporaire (temporary release) pour raisons diverses,
dispense d’exécution avec mise à l’épreuve, permissions de sortie, journées de
vacances,
Les journées de vacances (Urlaub) instituées en droit allemand n’ont pas
d’équivaillent en France, le rapport avec nos permissions de sortir pour maintenir
des liens de famille paraît lointain.
Des mesures substitutives. – En Espagne, le non paiement des amendes se
résout par la responsabilité personnelle subsidiaire prévue à l’article 53 du Code
pénal : le condamné subira un jour de privation de liberté par jour-amende non
payé. La peine substitutive peut également consister dans des travaux d’intérêt
général.
Certaines mesures modificatives de peines d’emprisonnement apparaissent
également comme des mesures substitutives lorsqu’elles installent une peine de
nature sensiblement différente de la condamnation initiale ; c’est le cas de la semidétention et de la détention à domicile par exemple, lorsqu’elles sont appliquées à
la place de l’emprisonnement continu. Du même type est l’emprisonnement de fin
de semaine, du système espagnol, mais cette mesure disparaîtra au 1er octobre
2004 alors qu’entrera en application le placement permanent (localización).
Les mesures d’aménagement des peines privatives de liberté sont semblables
entre les différents pays étudiés et la France, mais les conditions d’admissibilité, les
procédures applicables et les sanctions aux manquements des prisonniers
bénéficiaires à leurs obligations diffèrent notablement d’un pays à un autre. On
peut cependant remarquer quelques lignes directrices communes : l’attribution de
telles mesures favorable au prisonnier procède toujours d’une décision judiciaire
(sauf au Royaume-Uni où la libération conditionnelle relève du Parole Board pour
les condamnations inférieures à 15 ans) ; leur octroi est subordonné au constat d’un
comportement ou à un pronostic de comportement satisfaisant du détenu ; leur
attribution et leur maintien sont échangés contre des obligations mises à la charge
du condamné et le respect de ces obligations par lui.
Dans le système britannique, la libération conditionnelle passe par une
instruction très élaborée reposant sur une étroite coopération entre
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l’administration pénitentiaire (Prison service) et le service de probation (Probation
service). En cas de refus de libération conditionnelle, le dossier du condamné est
réexaminé annuellement jusqu’à ce qu’il obtienne une décision favorable ou qu’il
ait effectué les deux tiers de sa peine. Passé cette dernière échéance dite « NonParole Release Date – NPD - », le condamné doit être mis en liberté surveillée en
vertu de la loi, et y demeurer jusqu’à l’accomplissement des trois quarts de sa
peine.
Des mesures suspensives et des mesures extinctives d’exécution. – Quelques
particularités peuvent être relevées : l’extradition du délinquant étranger
condamné à une peine privative de liberté (elle a pour conséquence immédiate
l’abandon de l’exécution de la privation de liberté, cf art. 456 a, C.p.p. allemand) ; le
pardon judiciaire (163 C.p. italien). De prime abord, la dispense d’exécution avec
mise à l’épreuve (droit allemand) n’a qu’un effet suspensif. Elle ne vaut remise
définitive de la peine que si le condamné a observé un comportement sans faute.
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