Notre ministre : la riposte Chapitre 1 Projet de loi de santé, interview

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Notre ministre : la riposte Chapitre 1 Projet de loi de santé, interview
Notre ministre : la riposte Chapitre 1
Projet de loi de santé, interview de Marisol TOURAINE au
Figaro : «S’il faut préciser et améliorer la loi, je le ferai»
Marisol TOURAINE a répondu aux questions de Guillaume GUICHARD & Christine LAGOUTTE,
journalistes au Figaro, pour une interview publié dans le quotidien du 19 novembre, consacrée
au projet de loi de santé.
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Marisol Touraine: «S’il faut préciser et améliorer la loi, je le ferai»
INTERVIEW – Face aux appels à la grève, Marisol Touraine fait un geste en direction
des médecins.
LE FIGARO – Comment en est-on arrivé à un front aussi uni des professions médicales
contre votre politique?
Marisol TOURAINE - Quels sont les enjeux de la loi? Renforcer la prévention (lutte
contre l’alcoolisme des jeunes, contre, amélioration de l’accès aux soins…), réorganiser
notre système de santé autour du médecin de proximité dans l’intérêt des patients,
améliorer l’accès aux soins. J’observe que ces objectifs sont très largement partagés.
Cela fait des années que les professionnels de santé réclament le décloisonnement
du système de santé et que tombent les barrières entre la ville et l’hôpital. Mais
j’entends les de ville. Et s’il faut ajuster, préciser, améliorer les aspects de cette loi,
je le ferai. Je vais rencontrer à nouveau l’ensemble des acteurs concernés d’ici à la
mi-décembre et poursuivre la concertation déjà engagée.
Le tiers payant, qui concentre toutes les critiques, est-il bien nécessaire?
Le tiers payant est une avancée sociale essentielle, qui recueille l’assentiment d’une
grande majorité de Français. Il y a sur ce point des oppositions de principe, mais je
n’ai jamais caché mon engagement depuis mon arrivée à ce ministère. Il y a quand
même un paradoxe dans l’attitude de certains médecins libéraux: on ne peut pas à
la fois demander le renforcement de la médecine libérale, dire qu’on va trop aux
urgences et ne pas vouloir simplifier la relation entre les médecins et les patients,
pour ceux d’entre eux qui rencontrent des problèmes d’accès aux soins pour des
raisons financières. Il y a quelques années, une opposition très forte s’était développée
parmi les médecins contre la carte Vitale. Aujourd’hui, elle est entrée dans les mœurs.
Le tiers payant, très vite, ira de soi.
J’ajoute que j’introduirai dans la loi des garanties aux médecins sur le tiers payant.
Les coûts de gestion seront totalement maîtrisés, d’autant que les médecins sont déjà
massivement informatisés. Quant aux
délais de paiement
des
médecins
par
l’Assurance-maladie, ils n’excéderont pas quelques jours. Ce n’est pas aux médecins
d’assurer la trésorerie de la Sécu. Ce sera simple, efficace, non bureaucratique.
Les médecins réclament une meilleure rémunération et se plaignent de gagner moins
que les coiffeurs…
Il y a aussi sûrement à la racine du mécontentement des médecins des enjeux
financiers. Mais la revalorisation des tarifs médicaux n’a rien à voir avec la loi! J’ajoute
que la rémunération des médecins ne s’apprécie pas uniquement à l’acte. Si l’on tient
compte de la mise en place du forfait de 5 euros pour le suivi des patients de plus
de 80 ans, de la rémunération du travail en équipe ou encore de la rémunération sur
objectif de santé publique, nous arrivons à une rémunération des médecins
généralistes, ramenée à une consultation, de 31,40 euros, contre 28,70 euros lorsque
je suis arrivée aux responsabilités. C’est donc nettement plus que les 25 euros de
consultation réclamés. Et c’est 2,70 euros de plus en deux ans.
Que répondez-vous aux médecins qui affirment que les patients perdront la liberté de
choix de leur praticien?
Il y a des contre-vérités qui sont véhiculées sur le projet de loi de santé. Je le dis
aux Français: on ne vous dit pas la vérité quand on vous affirme que demain vous
ne pourrez plus choisir votre médecin. Contrairement à un autre argument qui circule,
les médecins seront toujours libres de choisir où ils s’installent. Les agences régionales
de santé (relais du ministère de la Santé dans les régions, NDLR) n’imposeront à
personne de s’installer où que ce soit. Depuis que je suis à mon poste, je n’ai fait
que développer les incitations à l’installation. Il n’y a pas un gramme de coercition
dans les propositions, mais au contraire des mesures qui valorisent l’exercice de
la médecine libérale.
Il y a quand même une étatisation rampante du système en cours…
Le service territorial de santé au public, dispositif organisé par la loi de santé, servira
avant tout à adapter la politique de santé à la réalité des territoires. Il n’est pas
possible d’apporter les mêmes réponses en zone rurale ou dans la banlieue
parisienne. On n’imposera pas le même modèle partout. C’est même tout le contraire:
nous demanderons aux professionnels de santé de proposer des organisations qui
permettent de répondre aux besoins. Mais si des ajustements ou des précisions
peuvent être apportés sur ce sujet, je le ferai.
Vous prônez la coopération, mais les négociations avec les professionnels de santé
sur la rémunération du travail en équipe viennent d’échouer.
L’avenir du système de santé passe par la collaboration entre professionnels.
Regardez le succès des maisons de santé! Je vais demander à l’Assurance-maladie
de saisir un arbitre qui sera chargé, d’ici au début de 2015, de proposer un règlement
arbitral pour pérenniser la rémunération du travail en équipe des infirmiers, des
généralistes, des spécialistes et des autres professionnels de santé. Cette dynamique
des maisons de santé va donc pouvoir, grâce au règlement arbitral, se poursuivre en
2015.
Comment pourront-ils travailler ensemble alors que vous proposez aux infirmiers ou
aux pharmaciens de vacciner à la place du médecin?
Je ne peux pas me résoudre à ce qu’en France le taux de vaccination chute comme
cela est le cas actuellement pour la grippe. Il y a dix ans, 65 % des Français de
plus de 65 ans se vaccinaient contre la grippe. Aujourd’hui, nous sommes descendus
à 50 %. Il faut faire en sorte que davantage de patients soient vaccinés. Et non pas
de contourner le médecin traitant.
Les cliniques menacent de fermer leurs portes à partir de janvier parce que vous
voulez leur interdire les dépassements d’honoraires…
Je rencontrerai de nouveau les représentants des cliniques. Ces dernières souhaitent
s’inscrire dans le cadre du service public hospitalier. J’en suis heureuse. Mais le
service public, les Français savent ce que c’est: un ensemble de critères, dont des
tarifs abordables. Je suis donc prête à voir avec elles ce qu’elles peuvent proposer
pour favoriser l’accessibilité financière de leurs établissements.
Dans le même temps, les dépassements existeront toujours dans les hôpitaux!
Juridiquement, cela est un tout autre sujet: les dépassements dans les établissements
publics sont facturés par les praticiens dans le cadre de leur activité libérale, ce qui
n’entre pas dans le cadre du service public hospitalier.