RACINES165 -nov06 - Magazine Racines
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Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Certaines personnes Par cherchent à retravailler après 60 ans par choix financier et pour conserver un rôle social. Christine Grandin Ils ont 60 ans et e r o c n e t n e l l i a v a r ils t S eniors en entreprise Alors que depuis trente ans, on incitait les seniors à partir en retraite, les récentes politiques gouvernementales ont pris le parti opposé et cherchent désormais à les maintenir en activité. Mais comment gérer ce revirement de situation ? Aujourd'hui, les seniors ont de toute évidence un rôle à jouer dans l'entreprise, mais comment l'orchestrer ? Dans cet ouvrage, réédité et actualisé en fonction des nouvelles réformes, deux spécialistes en matière de ressources humaines proposent des solutions, prenant en compte aussi bien les intérêts des seniors que la réussite de l'entreprise. Les Seniors dans l'entreprise, d'Eléonore Marbot et Jean-Marie Peretti, éditions Pearson Education France, 224 pages, 24 €. Depuis que la loi le permet, les retraités sont de plus en plus nombreux à cumuler, emploi et retraite. Nostalgie de la vie active ou du lien social, nécessité pécuniaire, pourquoi certains seniors sont-ils encore au boulot ? L’avis de Christophe Hugues-Loriot, Pdg de l'agence d'intérim Actif Seniors Partners à Levallois-Perret, destinée aux retraités et aux seniors. Vous avez eu l'idée de créer une agence d'intérim spécialement dédiée aux retraités, pourquoi ? Notre agence a ouvert officiellement ses portes en septembre 2005, sur le modèle d'une agence créée il y a trois ans en Hollande (et à laquelle j’ai collaboré). Dans ce pays, la loi du cumul emploi-retraite a précédé la nôtre. Lorsque la loi Fillon est passée en janvier 2005, RACINES 16 novembre 2006 nous nous sommes positionnés ici sur le marché de l'intérim, d'abord pour les retraités, puis pour les seniors, parce que beaucoup se retrouvent au chômage à cet âge. Et puis, j'ai moi-même personnellement l'exemple de mon père, qui a été licencié deux ans avant sa retraite, après trente ans de bons et loyaux services, et qui, à cause de cela, a eu des problèmes de santé et de dépression. Je pense avoir été, avec ces évé- La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous en page suivante Témoignages nements, sans doute, plus sensibilisé qu'un autre, à ce sujet. Et puis bien sûr, parce que le contexte actuel fait qu'il y a et qu'il y aura de plus en plus de gens qui vont vivre trente ans après leur retraite, qui auront besoin financièrement, ou envie de s'occuper ou de continuer une activité, parce que c'est dur de se retrouver comme ça, à la retraite du jour au lendemain. Qui sont les personnes de 55 ans et plus qui font appel à vos services? En général, quelles sont leurs motivations ? Il y a deux catégories de gens qui font appel à notre agence d'interim Actif Seniors Partners : sur 50 000 personnes inscrites, 60 % sont des individus qui ont besoin de retravailler parce qu'ils ont des petites retraites. Ce sont des salariés qui gagnaient entre 1 800 et 2 500 € par mois et qui se retrouvent quelquefois avec la moitié de cette somme, avec encore des enfants étudiants à charge, une pension à verser ou un loyer à payer…et qui financièrement ne s'en sortent pas. Les 40 % restants sont des gens qui n'ont pas forcément de problèmes de retraite. Mais ils souhaitent retravailler parce qu'ils aiment leur métier et qu'ils désirent partir à la retraite en douceur, en s'habituant progressivement. Très souvent, aussi, ils ont envie de transmettre un savoir-faire acquis pendant plusieurs décennies, avant de raccrocher. De l'autre côté de la barrière, qu'attendent les entreprises de ce personnel qui a des compétences et de l'expérience à revendre ? Nous “vendons” à nos entreprises clientes d'abord de la motivation, de la qualité de travail et surtout de la qualification, dans tous corps de métier et dans tous les domaines. Nos intérimaires arrivent dans l'entreprise avec une expérience de quinze ou vingt ans derrière eux et sont tout de suite opérationnels pour les chefs d'entreprise qui recherchent un remplaçant momentané. C'est ce qui fait aussi la différence avec d'autres agences d'intérim qui pro- posent un jeune. Même s'il n'y a pas de compétition de cet ordre entre nous : les entreprises qui embauchent des jeunes intérimaires le font aussi souvent pour les former dans l'optique de transformer l'essai et de garder ce salarié ensuite. Chez nous, la demande est plutôt : “j'ai un trou de 15 jours ou d'un mois, trouvez-moi une personne compétence pour prendre la place de mon salarié pendant ce temps-là.” D’un autre côté, de nombreuses entreprises se sont “débarrassées”de leur personnel d'une cinquantaine d'années, et de ce fait, il y a aujourd'hui un manque générationnel pour leur équilibre. Les personnes qu'on leur propose, qu'elles aient 50 ou 62 ans créent aussi du liant social parmi le personnel, entre les générations de jeunes salariés. Il y a un effet psychologique très important, nous disent les employeurs. Pensez-vous que l'avenir de l'emploi se conjuguera sur le mode senior ? Dans l'état actuel des choses, j'en suis intimement persuadé. À moins que le prochain gouvernement ne prenne des mesures avant qu'il y ait une refonte du travail, non seulement en France, mais aussi en Europe. De toute façon, même si on reste dans le même cadre, le travail des seniors va forcément être favorisé parce qu'ils seront démographiquement plus nombreux et en meilleure forme plus longtemps. Je suis donc convaincu que dans les années à venir les entreprises vont avoir davantage besoin d'eux. Avant que nous ne nous penchions sur le travail des seniors, personne ne s'en souciait. Avant que l'on fasse la Une des magazines, il y a un an, on parlait plutôt de l'emploi des jeunes, très peu de celui des plus âgés ou des cinquantenaires laissés pour compte. Si nous avons contribué à allumer un détonateur pour que ce problème remonte à la surface, sans prétention, c'est déjà une grande victoire pour tous ces gens qui en avaient besoin. Cela dit, si on pouvait faire en sorte que les salariés qui ont cotisé 40 ans, puissent vivre décemment de leur retraite, j'en serais le premier heureux… Pour en savoir plus : Contact Actif Seniors Partners au 01 70 629 450. Inscriptions gratuites par téléphone. Dossier complémentaire par courrier. C umul emploi-retraite Retraités du privé : les personnes qui ont fait valoir leur droit à la retraite depuis le 1er janvier 2004, peuvent, sous certaines conditions, associer un salaire avec leur retraite de base ou complémentaire. Le montant des gains ne doit pas dépasser l'ancien salaire ou bien les montants des retraites seront suspendus. On peut même continuer une activité chez son ancien employeur, en laissant un laps de temps de six mois après la prise de la retraite. Retraités du public : si on a été fonctionnaire, on peut reprendre à la retraite, une activité dans le privé, sans condition de cumul de revenus. Une nouvelle activité d'agent non titulaire est aussi possible dans les trois fonctions publiques jusqu'à 65 ans. RACINES 17 novembre 2006 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Jean-Claude, I L S T É M O I G N E N T 60 ans “31 ans de boîte” " J'ai créé ma micro-entreprise" “C omme beaucoup j’ai aspiré à la retraite, et même parfois réclamé celle-ci haut et fort, mais le moment fatidique arrivé, ça n’a pas été aussi évident que je ne l’avais imaginé. Après une carrière commerciale dans l’agroalimentaire, où j’avais la responsabilité de 24 départements. Je ne rentrais pas à la maison tous les soirs, mais quel métier formidable, plein de rencontres et de personnages différents ! Le jour tant convoité de la retraite est arrivé. On rend sa voiture de fonction, son fax, son téléphone professionnel, et on transmet tous ses dossiers à son successeur, qui les trie, et en jette plus de la moitié. Pas de souvenirs, lui ! Pas d’historique, le passé ce n’est pas son souci, il lui faut construire l’avenir. Les premières semaines, c’est les vacances ! Mais vient le dur moment où l’on prend conscience de la réalité. Plus d’appel téléphonique, plus de problème à régler, plus d’objectif à réaliser, plus de compte-rendu de visites, ou de planning de déplacements, donc plus de sorties… On devient prisonnier de cette retraite. Et à la maison ? C’est autre chose, je venais empiéter sur le territoire de mon épouse. Car étant très souvent absent, elle s’était organisé sa vie à la maison. Si bien que j’ai regagné le monde associatif, mais avec prudence, pour ne pas me retrouver débordé. Mais le contact commercial me manquait. D’où l’idée de créer ma micro-entreprise comme l’autorise la loi. Je loue aujourd’hui mon savoir-faire à des entreprises qui n'ont pas forcément les moyens de prendre un commercial à temps plein. Un salon pour l’un, une prospection pour l’autre, ce qui me permet d’organiser mon emploi du temps à ma guise ou presque. Et quand le chiffre d’affaires est réalisé, je me retire pour l’embauche d’un commercial. Aujourd’hui, j’ai 63 ans passés, je viens de terminer avec une entreprise à qui j’ai transmis les dossiers pour un commercial, j’ai ressenti plus une satisfaction du devoir accompli qu’une mise à l’écart de la société. Et je me sens bien dans ma tête, car je n’ai pris la place de personne, bien au contraire, j’ai participé à la création d’un emploi. Retrouver un équilibre Cette démarche que j’ai réalisée en créant ma micro-entreprise aura été pour moi une belle expérience. Je parle presque au passé, car depuis trois ans maintenant, même à la maison, je peux prendre un torchon, aider à certaines tâches, sans pour autant empiéter dans le domaine de mon épouse. Ce n’est pas un problème financier qui m'a fait prendre cette décision. Même si je ne refuse pas pour autant ce petit plus. Mais tout simplement le sentiment d’avoir retrouvé un équilibre après cet arrêt brutal du monde intensif du travail. Pour conclure, je me suis fixé que si d’ici la fin d’année je ne refaisais pas un contrat qui me motive, je penserais à prendre ma retraite. Il m’aura fallu trois ans pour l’accepter. Peut-être serait-il souhaitable, en fin de compte, de laisser libre choix de finir sa carrière par un mi-temps, afin de pouvoir transmettre son savoir, son expérience, la dernière année de sa vie active. Quoi de plus beau que de passer le relais, pour que la vie continue ! Jean-Pierre Loisel (Le Fenouiller) RACINES 18 “Je m'y sens très bien !” 31 ans de boîte et pas une ride dans le moral. Jean-Claude est chef d'atelier dans une entreprise vendéenne. Il fait partie des premiers embauchés. “On était une petite quinzaine à l'époque… 300 personnes aujourd'hui !” L'usine a grandi, le travail a évolué, et Jean-Claude a suivi, s'est adapté à sa façon, sans perdre son enthousiasme. “Je travaille avec des jeunes et ça c'est formidable ! C'est certainement ce qui me manquera le plus le jour où j'aurai décidé de partir.” Jean-Claude a 60 ans et pourrait prétendre à la retraite dès à présent. “Si tu veux, je te fais resigner ! On a encore besoin de toi”, lui a lancé son patron dernièrement. Du lundi au samedi matin, le sexagénaire est à son poste. Mais son épouse aimerait bien voir, désormais, monsieur lâcher sa carrière. Elle, 56 ans, a arrêté de travailler en 1998, par choix. Comme beaucoup, Jean-Claude appréhende cette vie sans boulot, “le temps libre, le contact rompu avec mes jeunes collègues”. Et puis il a cette expérience du terrain qu'il peut encore insuffler à son équipe. Pour lui à 60 ans, on est loin de ne plus pouvoir être utile à son entreprise. Non, vraiment, il faudrait un sacré argument pour qu'il raccroche… Et c'est madame qui l'a finalement peut-être trouvé. Les petitsenfants, la vie de couple à partager. Après réflexion, Jean-Claude a pris sa décision : d'ici l'an prochain, il faudra penser sérieusement à la retraite. “Je vais commencer par débaucher plus tôt…” promet-il. Catherine Baty novembre 2006 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous "À 67 ans, j'ai besoin de travailler pour vivre" “S uite à une situation de divorce difficile, j'ai été obligée, à 64 ans, pour des raisons financières, de frapper à la porte de l'ADMR, avec l'aide de ma fille et d'une amie. Je perçois une retraite du Cnracl (j'ai cotisé vingt ans en tant qu'aide-soignante) qui ne suffirait pas à me faire vivre. Je me suis lancée tête baissée pour trouver un nouveau boulot. On m'a d'abord proposé un CDI de quelques heures dans une résidence de retraite privée, où je suis veilleuse de nuit. Depuis la mi-juillet, je fais quatre nuits par semaine, dimanche, lundi, mardi et mercredi de 23 h à 7 h 30. Parallèlement, j'ai eu un entretien avec les responsables de l'ADMR de mon secteur, pour quelques heures d'aide à domicile chez les personnes âgées. Pas facile de se réintégrer dans le monde du travail à plus de 60 ans, avec un maigre CV, même avec plusieurs décennies d'activité en maison de retraite. J'ai ressenti qu'avec la responsable de l'organisation du travail de l'ADMR, ma candidature pouvait passer. Mais le président m'a fait remarquer que mon âge pourrait être un obstacle. Le soir, j'ai reçu un message de la responsable, disant que j'étais acceptée. Satisfaction totale. Travailler dans ce domaine est pour moi très enrichissant. Pour les personnes aidées, nous sommes leur rayon de soleil et leur confidente, un lien se noue entre nous. Peut-être aussi parce que l’écart de l’âge n’est pas si grand que cela. Pourtant, j'ai quand même l'impression, qu'autour de moi, ce travail est mal perçu. J'entends des réflexions : “est-ce qu'elle va arriver à tout faire ?” Moi, je me dis que cela ne regar- “C'est peut-être le physique qui décidera, mais aujourd'hui, je me sens encore en pleine forme.” de que moi. Je ne pense pas encore au moment où je vais arrêter. C'est peut-être le physique qui décidera, mais aujourd'hui, je me sens encore en pleine forme. Je prends même des cours de yoga, le lundi matin. Il faut profiter de la vie, c'est sûr, mais à la retraite, chacun voit midi à sa porte. Pour l'instant c'est mon choix de vie, une existence qui me convient. Et puis, on n’est pas "fichue" parce qu'on a cet âge-là !” Henriette Pageot, Challans RACINES 19 novembre 2006 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine