AGENCE DE MICRO-CREDITS de la GUILDE DU RAID Projet de

Transcription

AGENCE DE MICRO-CREDITS de la GUILDE DU RAID Projet de
AGENCE DE MICRO-CREDITS de la GUILDE DU RAID
Evaluation des projets de développement économique et rural
Projet de lutte contre la pauvreté féminine à Kéléya
K/),?/.& !7>& 1443
Principales caractéristiques du projet
Session de
Dotation
Dotation
accordée
Printemps 2005
6000
(MAE)
Budget
total
Période
projet
Association
responsable
en France
Responsables locaux
OICD : Odile Vairel, Djeneba Cissé,
oicd [email protected] présidente de l'APFER:
05 61 44 4112
678 21 84 ou 603 37 65
[email protected]
28 834 €
Objectifs principaux
Principaux résultats attendus
Former les femmes de 15 groupements
maraîchers à mieux gérer leurs activités
génératrices de revenus afin de consolider
celles-ci.
- Un module spécifique de formation adapté au milieu rural est créé
- 30 monitrices choisies par les bénéficiaires (2 par groupements)
sont formées en gestion élémentaire d'activités génératrices de
revenus, 300 femmes bénéficiaires sont formées par les monitrices
-Augmentation du revenu de ces femmes de 80%
Bilan synthétique de la visite
Durée de la visite
Interlocuteurs locaux rencontrés
Lieu
1/2 journée
Djeneba Cissé, présidente de l'APFER ;
Habibatou Sangaré,
Secrétaire administrative de lʼAPFER
Kéléya
Fonctionnalité
Pertinence du Efficacité
(objectifs fixés
Projet
au
par rapport
à l’environnement
Critère non
pertinent
++
départ /
résultats
atteints)
++
Efficience
(résultats
obtenus /
moyens mis en
œuvre)
++
Satisfaction
perçue des
partenaires et/ou
bénéficiaires
++
Qualité du
partenariat
++
Viabilité
Appréciation
globale
+
Compte-rendu et diagnostic :
Historique du projet
En 2003, l’APFER projette une formation d’alphabétisation au profit de 300 femmes maraîchères
issues de
15 villages en milieu rural. La première étape du projet consiste en la formation d’animatrices issues
de ces villages. Chaque village sélectionne un binôme de futures animatrices pour faire face ensuite
aux « empêchements » (grossesse, voyages, contrainte familiale…).
La réalité est proche des prévisions puisque
29 animatrices sont effectivement désignées pour quatorze villages. Une fois formées aux techniques
!"##"$%&'(&#)"*"&'(&+,$-(.#&/)&!/0"&12&-)"%&/)&3&-)"00(.&1445&6&78(%9(&'(#&!"9,$:;,$-(.#<&=)"0'(&>),$+?(%%(&')&@/"'
A(0&B&4C&D2&15&EF&31&G&>H/"0&B&H"9,$+,$-(.#I0/:8)"0'(J$,8
++
d’alphabétisation, ces animatrices ont assuré des sessions d’alphabétisation au sein même de leurs
villages à destination des 300 femmes maraîchères. Le projet financé a consisté en une seconde étape :
la post alphabétisation de ces mêmes animatrices et femmes maraîchères.
Dès le début du projet, la campagne de post-alphabétisation était prévue. « Il faut pouvoir utiliser
l’alphabétisation ; il ne faut pas former pour former, et l’objectif de la post-alphabétisation est de
dynamiser les organisations féminines tout en les aidant à la gestion de micro-entreprises », dit Mme
Cissé. La post alphabétisation vise en effet l’assimilation des notions économiques de base
(fonctionnement du marché, offre-demande investissement, chiffres d’affaires, bénéfices…).
Déroulement du projet et implication des acteurs
Selon Mme Cissé, le projet bénéficie d’un appui très appréciable et important des autorités locales et
en particulier de la Mairie de Kéléya. Au démarrage du projet, la Mairie avait en effet convoqué les
chefs des quinze villages concernés pour qu’ils prennent l’engagement de la désignation de deux
femmes par village, qui seraient envoyées en formation comme futures formatrices. « Cela a aidé à ce
que les hommes des &villages acceptent la démarche », note Mme Cissé. La Mairie a ensuite mis à
disposition les locaux de l’école pour permettre l’hébergement des formatrices pendant le déroulement
des sessions de formation.
Non prévue initialement, une campagne de recyclage en alphabétisation de quinze jours a finalement
été décidée et a précédé la formation en post-alphabétisation. La formation des formatrices en
alphabétisation avait fait appel à une consultante du Centre National de l’Education Non Formelle et
des Langues Appliquées, organisme dépendant du Ministère de l’Education qui selon Mme Cissé, fait
référence en la matière. La session de post-alphabétisation a mobilisé trois consultantes externes, l’une
sur la thématique de l’organisation et la gestion des groupements féminins, les deux autres sur la
gestion des AGR. « Pour ce projet, on a voulu mobiliser directement des consultants de haut niveau et
pas des animateurs ruraux lambda ; le diplôme délivré par ce centre à nos animatrices est une vraie
reconnaissance » précise MmeCissé.
L’OICD utilise un module de post-alphabétisation créé par un expert français, Daniel Bas puis utilisé
par le Bureau International du Travail pendant une vingtaine d’années au Mali et dans une vingtaine
de pays d’Afrique de l’Ouest. C’est Daniel Bas qui a formé les consultantes (formatrices de
formatrices), de l’OICD.
Ce module continue à évoluer pour s’adapter à de nouveaux publics.
Quatre chapitres le composent :
- La micro-entreprise et son environnement
- Le marketing et la commercialisation
- La gestion financière
- La gestion des ressources (personnel, temps, fournitures…)
La pédagogie utilisée consiste à mettre les femmes en situation, en leur faisant jouer des sketchs,
directement inspirés de leur vie quotidienne. La conclusion des sketchs permet d’introduire puis
d’expliquer les notions de marché et de gestion de la micro-entreprise. Ce module s’adresse toutefois à
un public de femmes déjà éduquées et vivant en milieu urbain. La contribution de l’APFER et de
l’OICD a donc été dans un premier temps la traduction de ce module du français en bambara, puis son
adaptation au contexte rural, avec la création de saynètes et de sketchs illustrés, calqués sur la vie
quotidienne de femmes maraîchères. « Par exemple, explique Mme Cissé, l’un des sketchs présentait
une couturière sollicitée par des membres de la famille qui veulent des vêtements gratuitement ». Cela
pour faire comprendre la notion d’investissement, de charges, la nécessité de réinvestir pour racheter
du tissu, etc.… « Nous avons remplacé la couturière par une femme maraîchère sollicitée pour donner
gratuitement des condiments. Le résultat est qu’elle n’a même pas de quoi racheter des semences ». Si
les scènes quotidiennes utilisées à des fins pédagogiques diffèrent, les notions abordées restent les
mêmes.
L’appui du Centre National de l’Education Non Formelle à ce projet s’est concrétisé par l’illustration
des sketchs (mise à disposition d’un dessinateur et du matériel informatique de dessin).
Toutefois, Mme Cissé estime que le plus gros changement a été la transcription du français au
bambara, « c’est une très bonne chose, cela permet de toucher des femmes et des groupements
féminins de base ».
En termes opérationnels, le projet s’est déroulé entre fin août 2005 et début mai 2006. La formation
des 29 formatrices a donc débuté par 15 jours de recyclage en alphabétisation, suivis de deux modules
de post alphabétisation de 10 jours chacun, et enfin une séance de recyclage en alphabétisation de 10
jours. Sur 29 femmes, 22 ont été certifiées en alphabétisation et 14 ont été certifiées en postalphabétisation. Une fois rentrées dans leur village, les formatrices qualifiées ont ensuite assuré par
binôme 30 jours de recyclage en alphabétisation puis deux fois 10 jours en post-alphabétisation auprès
d’un public total de 315 femmes. « Nous avons veillé à coupler les formatrices les plus fortes avec les
plus faibles », signale Mme Cissé. Une évaluation des connaissances aurait indiqué qu’au moins douze
!"##"$%&'(&#)"*"&'(&+,$-(.#&/)&!/0"&12&-)"%&/)&3&-)"00(.&1445&6&78(%9(&'(#&!"9,$:;,$-(.#<&=)"0'(&>),$+?(%%(&')&@/"'
A(0&B&4C&D2&15&EF&31&G&>H/"0&B&H"9,$+,$-(.#I0/:8)"0'(J$,8
femmes par village ont bien intégré les notions élémentaires de gestion et de compréhension du
marché.
Si elle est symbolique, la participation financière des femmes a néanmoins été effective. Les
animatrices ont payé 500 FCFA et les femmes des villages 250 FCFA. Nourries et logées pendant la
formation, les formatrices ont été ensuite payées pendant les sessions qu’elles ont animé dans les
villages. Mme Cissé évoque la possibilité pour les femmes d’un village d’organiser des sessions de
façon autonome : « Elles peuvent se regrouper à une vingtaine, pour solliciter directement les services
d’une animatrice, en payant chacune une participation de 1000ou 1500FCFA!»
Difficultés et améliorations à apporter
Nous demandons à nos interlocutrices les difficultés rencontrées dans le projet et les améliorations à
apporter dans l’hypothèse d’un nouveau projet e ce type. Elles indiquent les éléments suivants!:
- Les coûts de transcription du module en Bambara ont été sous-estimés (le traducteur n’ayant
aucune notion de gestion, il a fallu l’appuyer. La coordination avec le dessinateur pour l’insertion des
dessins était également essentielle et pas suffisamment anticipée)
-
Le recyclage en alphabétisation était indispensable, il aurait du être prévu et intégré au budget.
Le planning doit intégrer les contraintes liées à la vie rurale (pas de formation pendant
-
APFER aurait du s’impliquer davantage dans la sélection des animatrices (quatre critères de
l’hivernage)
-
sélection avaient bien été définis!: être alphabétisée, avoir une AGR, avoir un mari consentant, être
motivée. Mais APFER n’est pas intervenu dans le processus de sélection, les villages restaient libres de
leurs choix.)
Les sessions intensives de formation sont préférables pour accroître la concentration des
femmes.
Des améliorations pédagogiques peuvent encore être apportées au module «!rural!» de postalphabétisation (par un sous-titrage et des commentaires de sketchs notamment)
Impact du projet
Les effets et résultats d’un tel projet sont toujours difficilement mesurables. Sur ce point, notre
discussion se concentre vite dur le groupe des 29 formatrices. Nos interlocutrices citent quelques
résultats concrets ou des facteurs de progrès constatés au cours ou à la suite de la formation. « Lors de
la formation, les pauses étaient utilisées pour des causeries sur l’hygiène, et on a constaté peu à peu un
changement physique et comportemental des animatrices, en terme de tenue et de propreté » .
Enthousiasmées, les animatrices de dont constituées en association pour envisager d’autres projets à
Kéleya, « ce qui est un signe très positif, même si ce n’est pas directement visé par nous ».
Reconnaissant le travail accompli, une autre ONG danoise Born Fondeng, « s’appuie maintenant
d’emblée sur les animatrices déjà formées par APFER dans le cadre d’un projet sur la nutrition ».
Mieux, une des animatrices a maintenant un emploi stable : elle est chargée d’alphabétisation à
destination d’enfants dans un centre dépendant de l’Etat.
Une réunion d’échanges avec les animatrices est organisée. Vingt deux d’entre elles y participent en
présence d’un adjoint au Maire. Nous évoquons le contenu de la formation de post-alphabétisation et
les difficultés éventuellement rencontrées pour se l’approprier. Il ressort rapidement de notre
discussion que, si les deux premiers chapitres (micro-entreprise et environnement / Marketing )
semblent bien acquis par les animatrices, les deux derniers (gestion financière / gestion des ressources)
posent toujours de sérieuses difficultés de compréhension et d’appropriation : « le cahier de caisse, les
stocks, l’amortissement « sont cités comme des notions compliquées. Nous en déduisons que le public
des 315 femmes, moins éduquées , aura certainement encore plus de mal à les appréhender. La postalphabétisation s’est en conséquence très certainement centrée dur les deux premiers chapitres.
Nous sollicitons ensuite des témoignages de ce que cette formation a concrètement apporté et ce
qu’elle a changé chez les femmes. Les animatrices évoquent à la fois leur propre vécu et celui de leurs
« élèves ». les témoignages affluent :
!"##"$%&'(&#)"*"&'(&+,$-(.#&/)&!/0"&12&-)"%&/)&3&-)"00(.&1445&6&78(%9(&'(#&!"9,$:;,$-(.#<&=)"0'(&>),$+?(%%(&')&@/"'
A(0&B&4C&D2&15&EF&31&G&>H/"0&B&H"9,$+,$-(.#I0/:8)"0'(J$,8
Vente à crédit et dons :
- « avant on vendait à crédit, maintenant on demande au moins une avance, ou des garanties »
- « Dans mon village, les femmes vendent au comptant maintenant »
- « Les femmes font plus attention aux dons qu’elles font et qu’elles reçoivent, parce que ce qui
est donné ne sera pas vendu »
Diversification de l’offre et marketing
- « Je vendais un seul produit, maintenant j’ai diversifié »
- « Dans mon village, il y a un périmètre maraîcher où tout le monde faisait de l’oignon.
Maintenant, les femmes ont diversifié et des légumes qui n’avaient jamais été cultivés ont
commencé à l’être et se sont bien vendus »
- « les femmes ont compris qu’il faut savoir à qui vendre, ou vendre, etc… »
Gestion des charges et pérennité du petit commerce
- « Je vends des condiments après l’achat des semences, la plantation, la récolte et la
transformation. Donc, maintenant, j’enlève les coûts d’achat de mon prix de vente et d’autres
femmes viennent me demander des conseils ».
- « On doit inclure notre propre salaire dans les coûts, si non, on vend mais il ne reste rien ! »
- « Dans mon village, les femmes ont fait un cham collectif. Au départ, chacune a apporté une
petite quantité de semences, ensuite, une partie de la production va servir de semence, une
autre va permettre de couvrir les autres coûts »
Distinction économique, familiale et petit commerce
- « Avant, j’allais sur le lieu de vente et je mélangeais tout l’argent ; maintenant, je différencie
bien ce que j’ai gagné »
- « J’ai compris la séparation entre caisse de l’entreprise et son propre porte-monnaie »
Gestion des stocks , planning
- « La notion de gestion des stocks : il faut anticiper pour s’approvisionner »
- « La planification des ressources et des activités : si une femme veut faire une culture de
sésame, il faut qu’elle planifie : trouver le parcelle, se renseigner sur la période de culture, se
fournir en semences, etc.. »
- « le groupement féminin de mon village anticipe maintenant. Avant, les femmes attendaient le
plein hivernage pour lancer la culture de l’arachide. »
Autonomie des femmes et réactions des hommes
- « Avant, quand on amenait le beurre de karité au marché pour le vendre, c’étaient les hommes
qui le pesaient. Ils étaient honnêtes…ou pas ! maintenant c’est nous qui faisons la pesée »
- « Si on est trop occupée pour aller au marché, maintenant on peut écrire ce que l’on veut pour
qu’une autre femme nous le ramène »
- « Mon mari me demande de poursuivre la formation »
- « Dans mon village, les maris sont contents, l’entretien de la famille s’est amélioré »
- « On ne peut pas lister tous les avantages que les femmes ont reçus de cette formation »
Nous assistons enfin à la présentation de quelques sketchs, joués par les animatrices
• Le premier sur les dangers des dons et la nécessité de réinvestir pour poursuivre
l’activité
• Le second sur l’adéquation entre le lieu de vente et les produits vendus
• Le troisième dur les obligations de la micro-entreprise et le respects des
engagements vis-à-vis des différents interlocuteurs ( banque, employés, clientèle,
Etat , fournisseurs..)
Les animatrices maitrisent bien ces mini-représentations qu’elles jouent visiblement avec plaisir. Audelà des connaissances acquises et ensuite transmises, c’est une véritable dynamique de groupe qui
s’est créée pendant ces 45 jours de formation.
!"##"$%&'(&#)"*"&'(&+,$-(.#&/)&!/0"&12&-)"%&/)&3&-)"00(.&1445&6&78(%9(&'(#&!"9,$:;,$-(.#<&=)"0'(&>),$+?(%%(&')&@/"'
A(0&B&4C&D2&15&EF&31&G&>H/"0&B&H"9,$+,$-(.#I0/:8)"0'(J$,8
Conclusion :
Ce très bon projet a su insuffler une dynamique locale très positive.
Les supports de post-alphabétisation utilisés sont ludiques et efficaces.
Les intervenants en formation de formateurs semblent de très bon niveau.
La traduction du module en Bambara et son adaptation au contexte rural sont particulièrement
pertinents.
Le partenariat entre les associations OICD et APFER semble très bénéfique et positif.
Si les résultats du projet et les changements qu’il entraîne sont difficilement mesurables (notamment le
résultat attendu d’une augmentation de 80% du revenu des femmes), les témoignages très concrets des
animatrices laissent penser que les pratiques autour des AGR vont être modifiées dans un sens qui ne
peut que conduire à de meilleurs rendements.
!"##"$%&'(&#)"*"&'(&+,$-(.#&/)&!/0"&12&-)"%&/)&3&-)"00(.&1445&6&78(%9(&'(#&!"9,$:;,$-(.#<&=)"0'(&>),$+?(%%(&')&@/"'
A(0&B&4C&D2&15&EF&31&G&>H/"0&B&H"9,$+,$-(.#I0/:8)"0'(J$,8