A travail égal, salaire égal - Site cfdt norbert dentressangle premier

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Principe : « A travail égal, salaire égal »
a) L’affirmation du principe
Cette règle est énoncée, à bas bruit, et comme incidemment, par les articles L. 133-5 (L. 2261-22) et L. 1362 (L. 2271-1) du Code du travail.
Le premier de ces textes concerne les conditions à remplir par une convention collective pour être
susceptible d’extension : elle doit notamment préciser les modalités d’application du principe « à travail
égal, salaire égal ».
Le second énumère les attributions de la commission nationale de la négociation collective qui doit, en
particulier, « suivre annuellement l’application dans les conventions collectives du principe à travail égal,
salaire égal ».
Personne n’avait proposé de donner à ces textes une quelconque portée et c’est la Cour de cassation avec
l’arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996 qui a conféré à ce principe la valeur d’une règle impérative (Cass. soc.,
29 oct. 1996, no 92- 43.680, Bull. civ. V, no 359 ; Dr. soc. 1996, p. 1013, obs. A. Lyon
Caen). Présentée comme une norme générale – dont l’égalité de rémunération hommes / femmes n’est
qu’une application
– l’arrêt Ponsolle précise : « qu’il s’en déduit que l ’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémuné ration
entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une
situation identique ».
La règle a été réaffirmée à de nombreuses reprises (Cass.soc., 15 déc. 1998, no 9543.630, no95-43.630,
Bull. civ. V, no 551 ; Cass. soc., 29 mai 1999, no 97-41.567, Bull. civ.V, no 307) et elle a la valeur d’un
principe général de droit (Cass. soc., 18 mai 1999, no 9840.201, Bull. civ. V, no 213 ;Cass. soc., 9 mars 1999,
no 96-40.600 ; Cass. soc., 23 mai2001,no 99-41.600 ; Cass. soc., 5 juin 2001, no 99-42.772 ;Cass. soc., 20
juin 2001, no 9943.905 ; Cass. soc., 13 janv. 2004, no 01-46.407, Bull. civ. V, no 1).
La règle « à travail égal, salaire égal » ne doit pas être confondue avec l’interdiction des discriminations
énoncée à l’article L. 122-45 du Code du travail (recodifié). C. trav., art. L. 1132 1) qui prohibe la prise en
considération de critères illicites (appartenance syndicale, sexe, race, religion ...) pour justifier une
différence de traitement (Cass. soc., 5 juill. 2005, no 03-44.281 ; Cass. soc., 18 janv. 2006, no 03-45.422,
Bull. civ. V, no 17 ; voir no 169).
b) Sa signification
Il signifie que si rien ne distingue objectivement deux salariés – même travail, même ancienneté, même
formation, même qualification – ils doivent percevoir le même salaire (Cass. soc., 15 déc. 1998 précité ;
Cass. soc., 10 oct. 2000, no 98-41.389, Bull. civ. V, no 317, à propos d’un salarié qui touchait une
gratification moindre que celle de ses collègues de travail) : « ... l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de
rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ; ... il
incombe à l’employeur d’établir que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à toute discrimination... » (Cass. soc., 20 juin 2001, no 99-43.905).
Autrement dit, comme c’est le cas de manière général en droit du travail, les décisions de l’employeur en
matière salariale ne peuvent être discrétionnaires : elles doivent, en cas de contestation, reposer sur des
éléments objectifs et vérifiables. C’est ce qu’exprime l’arrêt suivant : « Les augmentations individuelles ne
peuvent être accordées de manière purement discrétionnaire et doivent correspondre à des critères
objectifs et vérifiables. » Cass. soc., 20 oct. 2001, no 90-17.577
Un autre exemple illustre la portée de la règle et la nécessité pour l’employeur de justifier objectivement
ses décisions dérogeant à l’égalité : la seule allégation de la médiocrité du travail du salarié n’a pas été
reconnue suffisante (Cass. soc. , 26 nov. 2002, no 00-41.633).
Champ d’application de la règle « à travail égal, salaire égal »
L’égalité de rémunération concerne le salaire proprement dit mais aussi tous les avantages annexes ou
accessoires liés à l’appartenance à l’entreprise tels que :
— l’accès au restaurant d’entreprise ou le bénéfice des tickets restaurant (Cass. Soc ., 20 févr. 2008, no 0545.601 P+B) ;
— les prix attribués à l’occasion d’un challenge commercial (Cass. soc. , 18 juin 2000, no 98 44.745, Bull.
civ. V, no 25) ;
— une gratification ou prime exceptionnelle (Cass. soc., 10 oct. 2000, no 98-41.389, Bull. civ. V, no 317 ;
Cass. soc., 5 juin 2001, no 99-42.772 ; Cass. soc., 18 mai 1999, no 98- 40.201).
a) Entreprise – Etablissement
C’est en principe l’entreprise, en tant que personne juridique distincte, qui sert de cadre à l’appréciation
du respect de la règle d’égalité de salaire.
La Cour de cassation n’a pas entendu élargir ce cadre à l’UES : « Au sein d’une UES, qui est composée de
personnes juridiques distinctes, pour la détermination des droits à rémunération d’un salarié, il ne peut y
avoir comparaison entre les conditions de rémunération de ce salarié et celles d’autres salariés compris
dans l’UES que si ces conditions sont fixées par la loi, une convention collective ou un accord collectif
commun ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans le même établissement » (Cass.
soc., 1er juin 2005, no 04-42.143, Bull. civ. V, no 185).
Cette solution est directement inspirée de la jurisprudence de la CJCE qui avait posé le même principe
assorti des mêmes exceptions (source commune de fixation de la rémunération et travail dans le même
établissement) : pas de comparaison possible entre salariés pour des employeurs différents au motif « qu’il
manque une entité responsable de l’inégalité et qui pourrait rétablir l’égalité de traitement » (CJCE, 17 sept.
2002, Aff. C/320/00 Lawrence).
L’établissement distinct peut constituer le cadre pertinent d’application de principe dès lors que c’est au
niveau de l’établissement que sont négociées les conditions de rémunérations (Cass. soc., 27 oct. 1999, no
98-40.769, Dr. soc. 2000, p. 185, Gérard Couturier ; Cass. soc., 18, janv. 2006, no 03-45.422, Bull. civ. V, no
17).
b) Appartenance à l’entreprise
La Cour de cassation fait de l’appartenance à l’entreprise une condition indispensable à la revendication du
principe « travail égal, salaire égal ». Des salariés mis à disposition d’une entreprise ne peuvent ainsi
prétendre au bénéfice d’un jour de repos compensateur octroyé par ladite entreprise à ses propres salariés
(Cass. soc., 6 juill. 2005, no 03- 43.074, Bull. civ. V, no 235).
Fixation du salaire 899 485
EXTRAIT D'OUVRAGE 123 1234
Notion de « travail égal » ou de valeur égale
L’égalité de salaire suppose un travail identique ou de valeur égale.
Selon l’article L. 140-2 du Code du travail (recodifié). C. trav., art. L. 3221-4) relatif à l’égalité
hommes/femmes, la notion de travail de valeur égale s’entend des « travaux qui exigent des salariés un
ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une
pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge
physique ou nerveuse ».
Pour apprécier si deux salariés se trouvent dans une situation identique, la jurisprudence se réfère
d’abord au poste occupé et prend en compte l’identité de coefficient, de qualification et d’ancienneté
(Cass. soc., 15 déc. 1998, no 95- 43.630, Bull. civ. V, no 551 ; Cass. soc., 4 juill. 2000, no 98 43.285, Bull.
civ. V, no 264 ; Cass. soc., 23 oct. 2001, no 99- 43.153, Bull. civ. V, no 330).
Cette approche quelque peu rigide du poste de travail doit être combinée avec une approche plus
souple, inspirée par la CJCE, qui s’attache davantage aux fonctions effectivement exercées, aux
responsabilités assumées, aux qualités particulières liées au poste… (CJCE, 11 mai 1999, no C-309/ 97).
Selon cette conception, la classification dans une même catégorie affectée d’un même coefficient n’est
pas à elle seule suffisante pour conclure à un travail de valeur égale, ces éléments devant être «
corroborés par des facteurs précis et concrets déduits des activités effectivement exercées par les
travailleurs concernés » (CJCE, Brunnhofer, 26 juin 2001, no C- 381/99).
C’est ainsi qu’il n’y a pas de travail égal entre deux responsables d’agence lorsque l’un gère à lui seul
quatre sites, ce qui représente des responsabilités et charges plus lourdes que celles d’un salarié ne
gérant qu’un seul site (Cass. soc., 23 mars 1999, no 96-43.767).
Pour une analyse approfondie de la question de l’égalité salariale : voir Joëlle Hannelais « Egalité
salariale : principes et actualité », Jurisprudence sociale Lamy, no 173.
Justification des différences de salaires
La différence de salaire entre salariés doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler
concrètement la réalité et la pertinence (Cass. Soc. , 15 mai 2007, no 05- 42.894 P+B). La justification peut
tenir au travail et au profil professionnel du salarié ou puiser sa source dans des considérations
extérieures. Cette prise en compte d’éléments totalement étrangers au travail ou au poste s’est accentuée
dans la jurisprudence récente (Dr. soc. 2007, p. 237, obs. ch. Radé).
a) Justifications intrinsèques au travail ou au poste occupé
Dans ces hypothèses, la différence de salaire s’explique par une différence de situation.
Des disparités de salaire peuvent être justifiées si des différences objectives tenant au travail (Cass. Soc .,
18 déc.2002, no 00-45.475 ; Cass. soc., 6 avr. 2004, no 01-46.371),
au niveau de responsabilité (Cass. Soc ., 6 avr. 2004, no 01-46.371 ; Cass. soc., 28 nov. 2006, no 05-41.414,
Bull. civ. V, no 353), existent entre les salariés.
L’ancienneté peut justifier une différence de salaire pour autant qu’elle ne soit pas déjà prise en compte
par l’octroi d’une prime ayant cet objet (Cass. soc. , 19 oct. 1996, no 92- 43.680, Bull. civ. V, no 359) et sous
réserve que l’ancienneté invoquée justifie la différence constatée, ce que le juge doit vérifier (Cass. soc., 20
juin 2001, no 99-43.905).
En principe, le diplôme et l’expérience professionnelle peuvent justifier une différence de salaire. Encore
faut-il, nous semble-t-il, que l’un et l’autre soient en relation avec les exigences du poste et les
responsabilités exercées effectivement (Cass. soc., 9 déc. 2003, no 01-43.039).
Dans une évolution récente, la Cour de cassation semble faire de l’expérience professionnelle un élément
suffisant pour caractériser une différence de situation propre à justifier une différence de salaire (Cass. soc.
, 15 nov. 2006, no 03- 47.924 ; Cass. soc., 15 nov. 2006, no 03-47.156, Bull. civ. V, no 340).
Dans le même esprit et aux mêmes conditions, la « polyvalence » du salarié peut être un critère de
différenciation.
Selon la nature de l’avantage considéré, la différence de catégorie professionnelle (cadre ou non-cadre par
exemple), en dépit de son apparente objectivité, ne saurait à elle seule justifier une différence de
traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage.
Cette différence doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la
pertinence (Cass. soc. , 20 févr. 2008, no 05-45.601 P+B, à propos du bénéfice de tickets-restaurant
réservés aux non-cadres). Lorsque les salariés sont placés dans une même situation (même poste, mêmes
conditions de travail, même ancienneté ou expérience), la différence de salaire peut être justifiée par des
critères tenant à la performance ou à la qualité du travail.
Ces critères doivent obéir à des paramètres objectifs et vérifiables (Cass. Soc. , 9 avr. 2002, no 99-44.534 ;
Cass. soc., 8 nov. 2005, no 03-46.080). Ainsi, l’employeur ne saurait justifier une différence de salaire par la
« prétendue médiocrité du travail » d’un salarié sans l’étayer par des éléments objectifs tenant à la
différence de travail fourni (Cass. soc., 26 nov. 2003, no 00-41.633).
A cet égard, les compte-rendus des bilans d’évaluation constituent des sources d’informations précieuses
pour le juge (Cass. soc. , 20 févr. 2008, no 06-40.085 P qui relève les appréciations positives formulées sur
le PV d’entretien d’évaluation ; Rapport du Conseiller Hervé Gosselin, Semaine sociale Lamy no 1344).
b) Justifications étrangères au travail et au profil du salarié
Après avoir assez largement admis diverses causes de différences de traitement, la Cour de cassation s’est
montrée plus rigoureuse dans son exigence d’éléments propres à les justifier.
1. Justification résultant de l’application de la loi
Des différences de traitement peuvent être inhérentes au droit conventionnel.
Tel sera le cas, en vertu de la loi, pour la différence d’avantages salariaux entre des salariés d’une même
entreprise mais appartenant à des établissements différents. La loi autorisant la négociation collective au
niveau de l’établissement, il n’y a pas atteinte au principe d’égalité si des salariés d’un établissement X
touchent une indemnité en application d’un accord collectif d’établissement, alors que les salariés d’autres
établissements Y ou Z ne touchent pas une telle indemnité, non prévue par le statut collectif auquel ils sont
soumis (Cass. soc. , 27 oct. 1999, no 98-40.769, Bull. civ. V, no 422 ; Dr. soc. 2000, p. 186, obs. G. Couturier ;
Cass. soc., 18 janv. 2006, no 03-45.422, Bull. civ. V, no 17).
Le maintien des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d’un accord collectif consécutif à une
modification.
Lamy social