RACINES203 - Janv2010
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RACINES203 - Janv2010
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Propos recueillis par Yvelise Richard Qu'est-ce que la maladie de Crohn ? Au bloc endoscopique, une coloscopie en cours de réalisation. Le docteur Patrick Faure, gastroentérologue(1) explique en quoi consiste la maladie de Crohn, pathologie du tube digestif, qui touche aujourd'hui 200 000 personnes en France. Comment un malade peutil suspecter de lui-même qu'il a une maladie de Crohn ? La maladie de Crohn est une pathologie inflammatoire du tube digestif qui peut débuter à la bouche et aller jusqu’à l’anus. Elle s’accompagne parfois de signes extra digestifs. La difficulté réside dans le fait qu'il n'y a pas qu'une seule expression de la maladie, mais plusieurs, selon sa gravité ou sa localisation digestive. Les symptômes digestifs classiques sont des diarrhées importantes répétitives avec des glaires, parfois du sang, des douleurs abdominales, de la fièvre, une perte de poids, parfois l’apparition d’une fistule anale ou d’un abcès. À l'inverse, certains patients ont RACINES des symptômes discrets : trouble du transit léger, petites douleurs abdominales sans altération de l’état général, des gastros-entérites à répétition, ce qui rend le diagnostic difficile, et amène parfois à évoquer des coliques spasmodiques plutôt qu’une maladie de Crohn. Celle-ci touche plutôt les populations de l'hémisphère Nord, et plutôt des gens jeunes (pic entre 20 et 35 ans), mais elle peut être présente chez des personnes âgées. Parmi les facteurs déclenchants, on a identifié des gènes spécifiques chez certains patients qui ont des types de maladie parfois plus agressifs que les autres. Mais tous les patients ne sont pas porteurs de ces anomalies géné- 26 janvier 2010 tiques. Des facteurs environnementaux peuvent aussi favoriser les poussées de la maladie : les plus identifiés restent le tabac, le stress, une perte de la tolérance de la flore microbienne intestinale (fortement suspectée mais encore non démontrée)… Quels examens ou analyses sont effectués pour évaluer ou confirmer la maladie ? Classiquement, quand on suspecte une maladie de localisation colique ou de la partie terminale de l’intestin grêle, on réalise une coloscopie (endoscopie du colon) pour rechercher des lésions typiques de la muqueuse digestive ou l’on fait des biopsies. Dans le cas d’une maladie grêlique (tou- La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous chant l'intestin grêle), on pourra réaliser en premier un scanner abdominal pour apprécier l’extension de la maladie. Il faudra aussi faire un bilan sanguin pour rechercher l'existence d'un syndrome inflammatoire, d’une anémie, des signes de malabsorption ou de dénutrition. Si les manifestations de la maladie sont plutôt rectales ou anales (abcès, fistule) un examen proctologique, une IRM pelvienne, ou une échographie endoanale pourront nous aider à apporter des réponses pour le diagnostic. La preuve formelle de la maladie de Crohn est apportée par l’existence d’un granulome épithélioïde sur les biopsies réalisées lors de la coloscopie. Malheureusement cette signature n’est présente que chez 30 % des malades. Chez les autres, le diagnostic est fait sur un faisceau d’arguments (aspect endoscopique, scanner…) et l’évolution de la maladie. Quels traitements suivre pour l’endiguer ? La maladie de Crohn est une maladie chronique qui nécessite souvent un traitement médicamenteux au long cours. Pendant très longtemps, les corticoïdes ont été le traitement des poussées et parfois d’entretien de la maladie. Depuis quelques années, l’apparition de nouvelles thérapeutiques immunosuppressives et surtout des biothérapies (médicaments anti-TNFalpha) a modifié la prise en charge des malades graves. En permettant la rémission ou l’amélioration clinique. Les stratégies thérapeutiques sont plus complexes aujourd’hui. Mais quelle satisfaction de permettre à des malades de retrouver une vie sociale correcte ! Malheureusement les traitements ne sont pas toujours efficaces. Doit-on suivre un régime alimentaire particulier tout au long de sa vie ? Le changement de régime alimentaire reste une idée très débattue. Quand les patients ont des poussées, et selon la localisation de celles-ci, certains régimes sont conseillés, ils P révenir le risque de cancer colique Dans la population générale, le risque de développer un cancer colique sporadique est de 5 % jusqu'à 75 ans. Ce risque est quatre à six fois supérieur chez les patients porteurs d'une Maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) étendue et ancienne (huit à dix ans d’évolution). L’inflammation chronique de la muqueuse colique est probablement à l’origine de ce sur-risque. L’existence d’antécédents familiaux au premier degré de cancer colique augmente également le risque. Il est donc important pour prévenir ce risque de réaliser des endoscopies de dépistage. Chez les patients porteurs de MICI, il est actuellement recommandé de faire une coloscopie de dépistage (en dehors de tous symptômes) à partir de sept à dix ans d’évolution de la maladie puis tous les deux ans, s’il s’agit d’une maladie “Il est fondamental étendue sur le colon. de réaliser des endoscopies de L’existence d’une cholangite sclérosante ou d’au- dépistage lorsque l'on est portres paramètres peuvent imposer une surveillance teur d'une maladie de Crohn à risque” rappelle le endoscopique plus rapprochée. La découverte sur docteur Patrick Faure. les biopsies de foyers de lésion pré-cancéreuse (dysplasie), d’une dysplasie de haut grade ou d’un cancer avéré conduira à la réalisation d’une chirurgie colique (proctocolectomie le plus souvent). “Il est donc fondamental de réaliser des endoscopies de dépistage lorsque l'on est porteur d'une maladie de Crohn à risque, même si la maladie n'est plus symptomatique,” rappelle le docteur Patrick Faure. Certains médicaments peuvent avoir également un effet protecteur, en réduisant le risque de cancer colique. En effet une vaste étude française, baptisée CESAME, suggère que le risque de cancer colique est diminué de façon significative chez les patients traités par des dérivés 5 ASA ou par des thiopurines utilisés dans le traitement de fond des MICI à visée anti-inflammatoire. pourront limiter les symptômes (selles, douleurs). Hors des poussées, quand les patients sont en rémission, il n'y a pas, à mon sens, d'interdits. C'est au patient d'apprendre à se connaître : à lui de faire le tri des aliments qu'il peut, plus ou moins, bien digérer, et qui vont parfois favoriser des selles, des douleurs ou des ballonnements. Cependant, la maladie peut parfois entraîner des carences, dues à des troubles de l'absorption. S'imposer des règles de diététique trop restrictives, peut parfois majorer ces carences. Et ce n'est pas la garantie d'avoir moins de poussées. Il y a quelques années, on a souvent proposé des régimes restrictifs et durs à RACINES 27 janvier 2010 ces patients qui n’étaient pas toujours justifiés. Les aliments ne sont pas responsables de la maladie. Ne soyons pas dogmatiques en termes de régime ! La prise en charge diététique est un point important dans la démarche de soin du patient, toutefois elle ne constitue pas la base du traitement. Aujourd'hui, les nouvelles thérapeutiques permettent une rémission ou une cicatrisation de la muqueuse, dispensent souvent les patients de toute forme de régime et leur permettent de vivre une vie tout à fait normale. (1) Le docteur Faure exerce à la clinique Saint-Jean-Languedoc de Toulouse, et est attaché au CHU de Rangueil. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine