Tolérance au risque c. capacité à prendre des risques

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Tolérance au risque c. capacité à prendre des risques
CONSEILLER PME
Daniel Mercier
Tolérance au risque
c. capacité à prendre des risques
L
a dernière décennie, avec ses deux corrections boursières,
nous rappelle l’importance de la gestion du risque en
matière de placement. L’une des premières études portant
sur le sujet est le classique de Brinson, Hood et Beebower 1 sur
les facteurs déterminants de la performance d’un portefeuille.
Ils en sont venus à cette célèbre conclusion selon laquelle la
répartition des actifs explique 90 % de la variation des rendements et non du rendement réalisé. Depuis, beaucoup de
progrès ont été réalisés et différentes méthodologies permettent
d’obtenir une répartition d’actifs appropriée à l’investisseur.
Cependant, la pratique nous montre que c’est en temps de
forte turbulence sur des marchés baissiers que nous pouvons
1 Determinants
of Portfolio Performance, 1986
valider le niveau de risque acceptable de l’investisseur. Dans
cette situation, une stratégie d’investissement trop vigoureuse
peut potentiellement mener à une perte significative. Cela
arrive principalement en deux occasions : lorsque je n’ai pas
le bon profil d’investisseur ou lorsque sa capacité financière à
prendre des risques est inférieure à son goût du risque (lequel
est consigné dans son profil).
Traditionnellement, quand on veut déterminer la répartition des actifs d’un portefeuille, on se fie principalement au
niveau de tolérance au risque de l’investisseur. L’ajout d’un
facteur tel que la capacité financière de l’investisseur à prendre
des risques nous apporte un éclairage additionnel, puisque
certains investisseurs ont une tolérance au risque supérieure
à leur capacité financière à supporter le risque. Lorsque les
marchés boursiers sont frappés par une baisse sévère, la situation financière de ceux-ci peut grandement se détériorer avant
même que leur tolérance au risque ne flanche.
L’analyse de la capacité de l’investisseur à prendre des risques
prévient ce type de situation. Cette capacité est influencée par
la totalité de son bilan personnel et son aptitude à générer des
revenus. Le monde universitaire, de même que de nombreux
professionnels, s’intéresse de plus en plus à ce sujet. La fondation
pour la recherche de l’Institut CFA a notamment publié une
monographie sur le sujet en 2007 : Lifetime Financial Advice, par
P. Chen, R. Ibbotson, M. Milevsky et K. Zhu.
Cet ouvrage recense les différents éléments à prendre en compte
pour une analyse complète, dont : la valeur nette, les revenus potentiels (travail), le besoin de liquidité et la situation économique.
LA VALEUR NETTE :
La relation entre la valeur marchande d’un portefeuille d’investissement et sa valeur nette est importante. Nous pouvons mesurer
l’impact de la valeur nette en calculant le ratio suivant :
valeur du portefeuille d’investissement/valeur nette
Par exemple, l’investisseur A possède un portefeuille de
placement de 800 000 $ et une valeur nette de 1 000 000 $.
L’investisseur B a un portefeuille de placement de 200 000 $
et une valeur nette de 800 000 $. Le ratio du portefeuille de
placement divisé par la valeur nette est de 80 % pour l’investisseur
A et de 25 % pour l’investisseur B. La capacité à prendre des
risques de l’investisseur A est différente de celle de l’investisseur
B, étant donné que la majeure partie de la valeur nette du premier
réside dans son portefeuille de placement.
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Les deux investisseurs peuvent avoir des caractéristiques similaires (âge, horizon d’investissement et connaissances en finances)
et ainsi obtenir le même profil d’investisseur. Cependant, leur
capacité à prendre des risques n’est pas la même. L’impact d’une
baisse sévère des marchés sera perçu différemment si 80 % de la
valeur nette est affecté, contre seulement 25 %.
On retrouve généralement des ratios (valeur des placements/
valeur nette) élevés lors de la vente d’une entreprise ou du décès du
conjoint. La matérialisation d’actifs importants comme le prix de
vente de l’entreprise ou la perception d’un capital-décès changent
complètement la composition du bilan et ses ratios financiers.
LES REVENUS :
La source des revenus et leur constance influencent aussi la capacité à prendre des risques. Est-ce que les rendements générés par
le portefeuille de placement sont la principale source de revenus
de l’investisseur ? Quelle serait la conséquence de l’érosion du
capital sur son niveau de vie ? Est-ce qu’il aura accès à d’autres
sources de revenus advenant des baisses de marché ?
LE BESOIN DE LIQUIDITÉ :
Le besoin de liquidité est important dans le calcul de la capacité
à prendre des risques. La réduction de l’horizon de placement
des actifs en raison de la probabilité de retrait demande une
nouvelle sélection d’actifs avec moins de volatilité.
LA SITUATION ÉCONOMIQUE :
La situation économique d’un investisseur influence directement
sa capacité à prendre des risques. Les chercheurs associent cet
élément au capital humain. La valeur du capital humain en
termes d’actif financier est égale à la valeur actuelle de tous ses
revenus et à l’épargne qu’il génèrera avec son emploi. Le niveau
de risque varie par ailleurs selon la constance des revenus : la
situation d’une personne qui travaille à commission sera plus
risquée que celle d’une personne dont le salaire est fixe.
La même logique s’applique aux entrepreneurs. Le stade de
développement de leur entreprise a un effet direct sur leur capacité
à prendre des risques. L’actif qui a le potentiel de croissance le plus
élevé pour l’entrepreneur est sa compagnie. Il n’est donc pas souhaitable d’augmenter le risque total de son bilan avec des stratégies
de placement alors que son entreprise est en pleine croissance.
Le tableau suivant donne un aperçu de la capacité à prendre
des risques en fonction du développement d’une entreprise.
Les zones bleues correspondent à des profils d’entrepreneurs
qui voient le risque total de leur bilan augmenter, alors que leur
capacité à supporter le risque le permet moins. Les conséquences
peuvent être désastreuses lorsque l’entrepreneur traverse une
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Profil
prudent
Profil
modéré
Profil
croissance
PMF
mature
CAPACITÉ
PMF
croissance
PMF
démarrage
AUGMENTATION DE LA TOLÉRANCE AU RISQUE
crise de liquidité. Par exemple, s’il a besoin de fonds supplémentaires pour acquérir de la machinerie, racheter les parts d’un
partenaire ou pour l’acquisition d’un bâtiment. Ses placements
sont habituellement détenus par une compagnie de gestion. Ces
fonds servent de mise de fonds dans le plan de financement du
projet. Malheureusement, son profil d’investisseur ne tient pas
compte de ces situations.
CONCLUSION
Déterminer le profil de l’investisseur nous permet d’évaluer sa
tolérance au risque. La combinaison de ce profil avec la capacité
à prendre des risques précise le portrait de notre investisseur. Les
éléments clés nécessaires à l’élaboration de sa capacité d’investissement sont la valeur nette, le revenu, le besoin de liquidité
et sa situation économique.
La prochaine étape est d’établir des règles de répartition
d’actifs en fonction de cette capacité. Par exemple, lorsque le ratio
de la valeur totale des placements par rapport à la valeur nette
dépasse 80 %, la répartition d’actifs sur les marchés boursiers
devrait être d’un maximum de 50 %. Lorsque le rendement du
portefeuille de placement est la principale source de revenus
(plus de 50 % des revenus) pour la famille, la répartition d’actifs
sur les marchés boursiers devrait atteindre, au maximum, 60 %.
Une stratégie de placement basée sur la tolérance au risque et
la capacité à prendre des risques diversifie le risque total associé
au bilan de l’investisseur. Elle permet de transférer le potentiel
du capital humain en capital financier.
Daniel Mercier, M. Sc., CFA, est directeur d’agence et
représentant en épargne collective à
Investia Sherbrooke/Appalaches.
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