Des questions sans réponse

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Des questions sans réponse
gestion D’avoir
Des questions sans réponse ?
Pierre Saint-Laurent
Vous vous les êtes posées. Y a-t-il une réponse ?
J
e vous propose quelques questions qui, au fil de
mon enseignement et de mes travaux de consultation, se posent régulièrement et ne trouvent
pas toujours réponse.
1. Est-il mieux d’avoir un portefeuille pleinement
diversifié, donc d’avoir « un peu de tout », ou de
détenir quelques titres de très haute qualité, que l’on
a intensément analysés et documentés ?
Cette question est au goût de cette époque
post-crise. Traverse-t-on mieux les revers
de marché avec un faible nombre de titres
La gestion de
de qualité en portefeuille, ou plutôt avec un
risque ne peut
portefeuille représentatif du marché dans
pas tout
son intégralité ? Dans un certain sens, cette
prévoir, mais
question est la même que celle qui porte sur
peut prévoir
l’indexation : est-on mieux servi à imiter le
la très grande
marché dans son ensemble ou au contraire,
devrions-nous préconiser la gestion active ?
majorité des
Selon moi, une gestion active de qualité se
problèmes
justifie tant par une capacité à configurer le
portefeuille sur des occasions de gains sérieuses, tout en permettant une sortie de marché dans les
situations difficiles. Mais ce n’est que mon opinion.
Comme vous le savez, le débat actif-passif fait rage
depuis des décennies (un livre influent et excellent, A
Random Walk Down Wall Street, de Burton Malkiel,
soutient l’indexation; le classique The Intelligent Investor
de Benjamin Graham prend le parti de la gestion active
et est le livre de chevet de Warren Buffett).
2. Doit-on s’occuper du rendement avant le risque, ou
du risque avant le rendement ?
La gestion des risques est une activité essentielle pour tout
investisseur. Elle doit donc préoccuper leurs conseillers.
Mais attention, je ne parle pas ici de conformité, qui elle
constitue une préparation ex ante à la gestion des risques.
Je m’explique : la conformité est une condition nécessaire
à la gestion des risques, il ne peut donc y avoir de gestion
des risques sans conformité. Mais la conformité n’est pas
une condition suffisante ! Dans les faits, on conçoit assez
aisément que le risque est la « face cachée » du placement,
comme nous l’a enseigné le fameux MEDAF (le modèle
d’évaluation des actifs financiers), le fondement de la
finance : tout rendement avantageux s’accompagne d’un
risque proportionnel. Je crois qu’il faut passer un temps
raisonnable à étudier le risque d’un placement ou d’un
portefeuille. Surtout, il faut développer des moyens afin
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Juin 2011
de maintenir un dialogue entre les investisseurs et les
conseillers sur le risque, ce qui n’est malheureusement
pas fait correctement et qui n’est pas facile à faire. Pour
moi, il faut développer des outils spécifiques à l’intention
des conseillers afin de favoriser ce dialogue en plus de
maintenir une documentation sur le fait que le risque
est effectivement géré par le conseiller. J’attends le jour
où les sociétés de planification financière ou de fonds
communs de placement feront cette démarche, c’est-àdire de développer des documents, des questionnaires, et
des argumentaires sur le risque et ce, de façon intégrée
au dialogue sur le rendement. Je prétends que l’organisation qui le fera en premier aura une longueur d’avance
sur ses concurrents et rendra un service important aux
conseillers qui feront affaire avec elle.
3. A-t-on besoin de plus de réglementation ?
Voilà une question brûlante ! Dans des domaines
aussi réglementés que le placement et le commerce des
valeurs mobilières, on continue d’observer des scandales
retentissants, essentiellement de nature frauduleuse. Il
y a d’ailleurs un parallèle important à faire ici avec les
notions de gestion des risques : celles-ci consistent à se
préparer pour 95 %, 99 % et voire même 99,9 % des
avaries possibles. En d’autres mots, la gestion des risques
ne peut pas tout prévoir, mais peut prévoir la très grande
majorité des problèmes. Or, la réglementation fait de
même : on couvre une grande part des éventualités, les
événements réellement hors normes ne pouvant pas,
pratiquement par définition, être anticipés. Quoi qu’il
en soit, une augmentation des réglementations dissuadera-t-elle les fraudeurs ? Pas si on ne peut pas les faire
appliquer. La dissuasion en matière de fraude consiste à
augmenter la probabilité (perçue ou réelle) de détection,
suivie de pénalités réelles une fois la détection complétée. La peur du gendarme demeure fondamentale. Le
défi consiste alors à ne pas alourdir les réglementations
pour tous, mais uniquement pour les malfrats. D’autre
part, les leçons apprises dans les cas de fraudes sont
claires : confiance excessive, réputation qui engourdit
l’investisseur ainsi qu’un sentiment d’exclusivité. C’est
bien pourquoi la conformité ne suffit pas… les fraudeurs
réussissent souvent à contourner ou éviter les normes
de conformité.
Pierre Saint-Laurent, CFA, CAIA, FRM, CFE, est
attaché d’enseignement en Finance à HEC Montréal.
On le joint à [email protected].
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