Hugo, Victor (1802-1885). Ruy Blas, drame en 5 actes. Un portrait et

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Hugo, Victor (1802-1885). Ruy Blas, drame en 5 actes. Un portrait et
Ruy Blas, drame en 5
actes. Un portrait et
quinze compositions de
Adrien Moreau...
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Hugo, Victor (1802-1885). Ruy Blas, drame en 5 actes. Un portrait et quinze compositions de Adrien Moreau.... 1889.
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BLAS.
RUY
110
V
SCENE
RUY
DON
DON
BLAS,
SALLUSTE,
posant
SALLUSTE.
la main
de Ruy
sur l'épaule
Blas.
Bonjour.
RUY
effaré.
BLAS,
A part.
Grand Dieu! je suis perdu!
DON
le marquis!
SALLUSTE,
souriant.
Je parie
Que vous ne pensiez pas à moi.
RUY
BLAS.
Sa seigneurie,
En effet, me surprend.
A part.
Oh ! mon malheur
renaît.
J'étais tourné vers l'ange et le démon venait.
Il court
à la tapisserie
qui cache le cabinet secret
au verrou. Puis il revient
tout tremblant
la petite
vers don Salluste.
et en ferme
porte
ACTE
DON
Eh bien ! comment
RUY
— SCENE
III.
cela va-t-il
?
à peine rassembler
pouvant
111
SALLUSTE.
l'oeil fixé sur don Salluste
BLAS,
V.
impassible,
ses idées.
et comme
Cette livrée?...
DON
Il fallait
du palais
Avec cet habit-là
J'ai pris votre
souriant
SALLUSTE,
me procurer
l'on
livrée
arrive
partout.
à mon goût.
Ruy Blas reste tête nue.
RUY
Mais j'ai
l'entrée.
et la trouve
Il se couvre,
toujours.
BLAS.
peur pour vous...
DON
SALLUSTE.
Peur ! Quel est ce mot risible?
RUY
BLAS.
Vous êtes exilé !
DON
SALLUSTE.
Croyez-vous?
RUY
Si l'on
vous reconnaît,
C'est possible.
BLAS.
au palais,
en plein jour?
RUY
112
DON
BLAS.
SALLUSTE.
qui sont des gens de cour,
Iraient perdre leur temps, ce temps qui si tôt passe,
A se ressouvenir d'un visage en disgrâce !
Ah bah ! des gens heureux,
D'ailleurs,
regarde-t-on
Il s'assied
le profil
dans un fauteuil,
d'un valet?
et Ruy
Blas
reste
debout.
A propos, que dit-on à Madrid, s'il vous plaît?
Est-il vrai que, brûlant d'un zèle hyperbolique,
Ici, pour les beaux yeux de la caisse publique,
Vous exilez ce cher Priego, l'un des grands?
Vous avez oublié que vous êtes parents.
Sa mère est Sandoval, la vôtre aussi. Que diable!
Sandoval porte d'or à la bande de sable.
Regardez vos blasons, don César. C'est fort clair.
Cela ne se fait pas entre parents, mon cher.
Les loups pour nuire aux loups font-ils les bons apôtres?
Ouvrez les yeux pour vous, fermez-les pour les autres.
Chacun pour soi.
RUY
BLAS
,
Pourtant,
se rassurant
un peu.
monsieur,
permettez-moi.
Monsieur de Priego, comme noble du roi,
A grand tort d'aggraver les charges de l'Espagne.
Or, il va falloir mettre une armée en campagne;
Nous n'avons pas d'argent, et pourtant il le faut.
L'héritier bavarois penche à mourir bientôt.
Hier, le comte d'Harrach, que vous devez connaître,
ACTE
Me le disait
au nom
Si monsieur
l'archiduc
La guerre
—
III.
SCÈNE
de l'empereur
V.
113
son maître,
veut soutenir
son droit,
éclatera...
DON
SALLUSTE.
L'air
Faites-moi
le plaisir
me semble
de fermer
un peu froid.
la croisée.
Ruy Blas, pâle de honte et de désespoir, hésite un moment; puis il fait un
effort et se dirige lentement vers la fenêtre, la ferme, et revient vers don
Salluste, qui, assis dans un fauteuil, le suit des yeux d'un air indifférent.
RUY
BLAS,
voir
Daignez
Que faire
Le salut
Pour
reprenant,
à quel point
sans argent?
j'ai,
à l'empereur
DON
SALLUSTE,
son mouchoir
Pardon
est malaisée.
écoutez.
si notre
armée était prête,
que je lui tiendrais
tête...
interrompant
Ruy Blas et lui montrant
qu'il a laissé tomber en entrant.
! ramassez-moi
Ruy Blas,
don Salluste.
est dans nos probités.
comme
Fait dire
la guerre
Excellence,
de l'Espagne
moi,
et essayant de convaincre
mon mouchoir.
comme à la torture, hésite encore, puis se baisse, ramasse
et le présente à don Salluste.
le mouchoir,
mettant
Don Salluste,
le mouchoir
dans sa poche.
•— Vous disiez?
RUY
Le salut de l'Espagne
Et l'intérêt
AhJ toute
public
nation
BLAS,
! — oui, l'Espagne
demandent
bénit
avec effort.
qu'on
à nos pieds,
s'oublie.
qui la délie.
15
' RUY
114
BLAS.
Sauvons ce peuple ! Osons être grands et frappons !
Otons l'ombre à l'intrigue et le masque aux fripons !
DON
SALLUSTE,
nonchalamment.
Et d'abord ce n'est pas de bonne compagnie.
Cela sent son pédant et son petit génie
Que de faire sur tout un bruit
—
démesuré.
plus ou moins dévoré,
Voilà-t-il pas de quoi pousser des cris sinistres !
Mon cher, les grands seigneurs ne sont pas de vos cuistres.
Un méchant million,
Ils vivent largement. Je parle sans phébus.
Le bel air que celui d'un redresseur d'abus
Toujours bouffi d'orgueil et rouge de colère !
Mais bah ! vous voulez être un gaillard populaire.
Adoré des bourgeois et des marchands d'esteufs.
C'est fort drôle. Ayez donc des caprices plus neufs.
Les intérêts publics ! Songez d'abord aux vôtres.
Le salut de l'Espagne est un mot creux que d'autres
Feront sonner, mon cher, tout aussi bien que vous.
La popularité?
c'est la gloire en gros sous.
Rôder, dogue aboyant, tout autour des gabelles?
Charmant métier! je sais des postures plus belles.
Vertu? foi? probité? c'est du clinquant déteint.
C'était usé déjà du temps de Charles-Quint.
Vous n'êtes pas un sot; faut-il qu'on vous guérisse
Du pathos? Vous tétiez encor votre nourrice,
Que nous autres déjà nous avions sans pitié,
ACTE
SCÈNE
à coups d'épingle
Gaiement,
Crevant
—
III.
votre
Fait sortir
ballon
V.
ou bien à coups de pié,
au milieu
des risées,
tout le vent de ces billevesées
RUY
Mais pourtant,
lie
!
BLAS.
monseigneur...
DON
avec un sourire
SALLUSTE,
glacé.
Vous êtes étonnant.
Occupons-nous
D'un
— Vous
sérieux,
d'objets
ton bref et impérieux.
m'attendrez
demain
dans la maison
Chez vous,
Gardez pour
nous servir
Ayez dans le jardin,
Un carrosse
attelé,
La reine
Faites
DON
tout à mon gré.
je vous en enverrai.
BLAS.
qu'en toute
cette affaire
rien.
qui jouait avec un couteau
sur la table, se retourne à demi.
S ALLUS
—
Je consens à tout faire.
d'abord
n'est pour
seulement.
tout prêt pour un voyage.
RUY
Mais jurez-moi
à l'événement.
les muets
— 11vous faut de l'argent,
j'obéirai.
la matinée
caché sous le feuillage,
soin des relais.
Monsieur,
toute
que je vous ai donnée.
La chose que je fais touche
J'aurai
maintenant.
TE,
d'ivoire
De quoi vous mêlez-vous?
BLAS.
RUY
116
RUY
BLAS
chancelant
,
et le regardant
avec épouvante.
Oh ! vous êtes un homme effrayant. Mes genoux
Tremblent... Vous m'entraînez vers un gouffre invisible.
Oh! je sens que je suis dans une main terrible!
Vous avez des projets monstrueux. J'entrevoi
—
Quelque chose d'horrible...
Ayez pitié de moi !
Il faut que je vous dise, — hélas! jugez vous-même!
Vous ne le saviez pas ! cette femme, je l'aime !
DON
froidement.
SALLUSTE,
Mais si. Je le savais.
RUY
BLAS.
Vous le saviez !
DON
SALLUSTE.
Pardieu !
Qu'est-ce que cela fait?
RUY'
au mur pour ne pas tomber,
BLAS,
s'appuyant
et comme se parlant à lui-même.
Donc il s'est fait un jeu,
Le lâche, d'essayer sur moi cette torture !
Mais c'est que ce serait une affreuse aventure !
Il lève les yeux
au ciel.
^Seigneur Dieu tout-puissant
Épargnez-moi,
Seigneur!
! mon Dieu qui m'éprouvez,
ACTE
— SCENE
III.
DON
V.
117
SALLUSTE.
Ah çà, mais — vous rêvez !
vous vous prenez
Vraiment,
C'est bouffon.
bonheur.
Puis, grand'chose
Nous passons
Savez-vous
Obéissez.
tranquille.
déjà dit et je vous le répète,
Je veux votre
Marchez,
la chose est faite.
après tout que des chagrins
tous par là. C'est l'affaire
qu'il
le vôtre
Qu'est
pour vous que vous ne le pensez,
Tenez-vous
Je vous l'ai
mon maître.
Vers un but que seul je dois connaître,
But plus heureux
J'avance.
au sérieux,
s'agit
du destin
d'un
d'amour!
d'un jour.
empire?
à côté? Je veux bien tout vous dire,
Mais ayez le bon sens de comprendre
aussi, vous.
Soyez de votre
très doux,
état. Je suis très bon,
Mais, que diable ! un laquais,
N'est
qu'un
vase où je veux verser
mon cher,
De vous autres,
Votre
d'argile
maître,
ma fantaisie.
à son gré vous démasque.
c'est un rôle fantasque,
seigneur,
— Vous avez l'habillement
l'instant.
complet.
Mais ne l'oubliez
Vous courtisez
Comme
veut.
qui l'émeut,
Je vous ai fait
— Pour
ou choisie,
on fait tout ce qu'on
selon le dessein
A son gré vous déguise,
humble
pas, vous êtes mon valet.
la reine
vous monteriez
Soyez donc raisonnable.
ici par aventure,
derrière
ma voiture.
RUY
118
RUY
7
BLAS,
BLAS.
qui l'a écoute avec égaremem
en croire ses oreilles.
et comme
ne pouvant
O mon Dieu ! Dieu clément !
Dieu juste ! de quel crime est-ce le châtiment?
Qu'est-ce donc que j'ai fait? Vous êtes notre père,
Et vous ne voulez pas qu'un homme désespère!
Voilà dpnc où j'en suis ! — Et, volontairement,
Et sans tort de ma part, — pour voir, — uniquement
Pour voir agoniser une pauvre victime,
Monseigneur, vous m'avez plongé dans cet abîme !
Tordre un malheureux coeur plein d'amour et de foi,
Afin d'en exprimer
Se parlant
la vengeance pour soi !
à lui-même.
Car c'est une vengeance! oui, la chose est certaine!
Et je devine bien que c'est contre la reine !
Qu'est-ce que je vais faire? Aller lui dire tout?
Ciel! devenir pour elle un objet de dégoût
Et d'horreur ! un Crispin ! un fourbe à double face !
Un effronté coquin qu'on bàtonne et qu'on chasse !
Jamais ! — Je deviens fou, ma raison se confond !
Une pause.
Il rêve.
O mon Dieu ! voilà donc les choses qui se font !
Bâtir une machine effroyable dans l'ombre,
L'armer
hideusement
de rouages sans nombre,
Puis, soùs la meule, afin de voir comment elle est,
Jeter une livrée, une chose, un valet,
Puis la faire mouvoir,
et soudain sous la roue
ACTE
Voir
sortir
des lambeaux
Une tête brisée,
On reconnaît,
encore ! oh ! monseigneur,
roue encor n'est
Ayez pitié
vraiment,
pas en mouvement
!
à ses pieds.
d'elle !
de moi ! grâce ! ayez pitié
fidèle.
Vous savez que je suis un serviteur
Vous l'avez
homme !
d'un
vers don Salluste.
Mais il est temps
Il se jette
ce moment
le mot dont on le nomme,
était l'enveloppe
Se tournant
de sang et de boue,
alors qu'en
malgré
Que ce laquais
teints
119
V.
SCÈNE
un coeur tiède et fumant,
Et ne pas frissonner
L'horrible
—
III.
dit souvent.
Voyez!
je me soumets!
Grâce !
SALLUSTE.
DON
ne comprendra
Cet homme-là
C'est impatientant
RUY
jamais.
!
BLAS
se traînant
,
à ses pieds.
Grâce !
SALLUSTE.
DON
Abrégeons,
Il se tourne
mon maître.
vers la fenêtre.
mal fermé
Gageons que vous avez
Il vient un froid par là !
la fenêtre.
Il va à la croisée
et la ferme,
RUY
120
RUY
BLAS.
se relevant.
BLAS,
Ho ! c'est trop ! A présent
cJe suis duc d'Olmedo,
ministre
tout-puissant!
Je relève le front sous le pied qui m'écrase.
DON
SALLUSTE.
cela? Répétez donc la phrase.
Ruy Blas duc d'Olmedo? Vos yeux ont un bandeau
Ce n'est que sur Bazan qu'on a mis Olmedo.
Comment
dit-il
RUY
BLAS.
Je vous fais arrêter.
DON
SALLUSTE.
Je dirai qui vous êtes
RUY
BLAS,
exaspéré.
Mais...
DON
SALLUSTE.
Vous m'accuserez!
J'ai risqué nos deux têtes.
"C'est prévu. Vous prenez trop tôt l'air triomphant.
RUY
BLAS.
Je nierai tout!
DON
Allons!
SALLUSTE.
vous êtes un enfant.
ACTE
— SCÈNE
III.
RUY
Vous n'avez
pas de preuve
DON
V.
121
BLAS.
!
SALLUSTE.
Et vous pas de mémoire.
Je fais ce que je dis, et vous pouvez
Vous n'êtes
que le gant,
Bas et se rapprochant
Si tu n'obéis
Chez toi,
de Ruy
qui tu crains,
elle recevra,
Sous cachet,
ce qui se passe,
d'abord,
diffamée
percer,
commencer,
répandue,
et perdue.
ceci n'a rien
un papier,
rien
pour
en cent lieux
te souvient-il
Signé,
faut que je fasse,
si ton geste en laissent
Sera publiquement
Écrit,
Blas.
de tout
Par ta folle aventure,
Puis
je suis la main.
ce qu'il
préparer
Si tu dis un seul mot
Celle pour
croire.
pas, si tu n'es pas demain
pour
Si tes yeux,
et moi,
m'en
d'obscur,
que je garde en lieu sûr,
avec quelle
écriture?
de quelle
signature?
tu dois savoir
ce que ses yeux y liront : « Moi, Ruy Blas,
le marquis de Finlas,
« Laquais de monseigneur
Voici
ou secrète ou publique,
« En toute
occasion,
« M'engage
à le servir
RUY
Il suffit.
La porte
BLAS,
— Je ferai,
comme
brisé
un bon domestique.
»
et d'une voix éteinte.
monsieur,
ce qu'il
vous plaît.
du fond s'ouvre. On voit rentrer les conseillers du conseil privé.
vivement de son manteau.
Don Salluste s'enveloppe
16
122
RUY
DON
BLAS.
bas.
SALLUSTE,
On vient.
Il salue profondément
Monsieur
Ruy
Blas.
Haut.
le duc, je suis votre valet.
Il sort.

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