IRPI - Les exceptions en droit d`auteur allemand
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IRPI - Les exceptions en droit d`auteur allemand
INSTITUT DE RECHERCHE EN PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE HENRI-DESBOIS LES EXCEPTIONS EN DROIT D’AUTEUR ALLEMAND Mai 2005 Véronique STÉRIN Juriste Le droit allemand connaît un plus grand nombre d’exceptions au droit d’auteur que le droit français. La loi du 10 septembre 2003, transposant une partie de la directive du 22 mai 2001, a été l’occasion d’en modifier quelque peu le contenu. Afin d’apprécier au mieux les différences avec notre système, nous vous proposons une lecture de l’essentiel des exceptions prévues par la loi allemande sur le droit d’auteur (UrhG). L’exception des copies transitoires ou accessoires : article 44a UrhG Cette exception a été introduite par la loi du 10 septembre 2003 et transpose mot pour mot l’article 5 al.5 de la directive du 22 mai 2001. Sont permis, sans l’autorisation de l’auteur, les actes de reproduction provisoire qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique, dont l’unique finalité est de permettre : - la transmission entre tiers dans un réseau par un intermédiaire ou - l’utilisation licite d’une œuvre ou d’un objet protégé et qui n’a pas de signification économique indépendante. Les œuvres utilisées à des fins judiciaires et de sécurité publique : article 45 UrhG Cet article permet la libre reproduction et représentation d’une œuvre afin de l’utiliser au cours d’une procédure judiciaire et pour les besoins de la sécurité publique. L’exception en faveur des personnes affectées d’un handicap : article 45a UrhG Il s’agit d’une nouvelle exception introduite dans le droit allemand par la loi du 10 septembre 2003. Elle permet la reproduction à des fins non commerciales des œuvres protégées et la distribution des copies ainsi réalisées, lorsque la distribution est exclusivement faite au profit 1 de personnes atteintes d’un handicap, et dans la mesure où l’accès aux œuvres publiées ne leur est pas possible ou rendu difficile à cause de leur handicap. Si la reproduction dépasse un nombre minime d’exemplaires, l’auteur a un droit à rémunération, qui ne peut être exercé que par une société de gestion collective. Les œuvres utilisées lors de comptes rendus d’actualité : articles 48, 49 et 50 UrhG L’article 48 UrhG permet de reproduire et de diffuser des discours essentiellement consacrés à des sujets d’actualité, dans les journaux, revues ou autres imprimés ou support de données (Datenträger) dédiés à l’actualité. L’article 48 UrhG admet la reproduction et la distribution de l’œuvre numérisée. De même, est permise la reproduction, la mise en circulation et la communication publique des débats publics devant des organes étatiques, municipaux et ecclésiastiques. En revanche, cette exception ne permet pas de reproduire ou de mettre en circulation un document qui contiendrait en majorité les discours d’un même auteur sous la forme de recueils. L’article 49 UrhG concerne l’exception des revues de presse : il est permis de reproduire et diffuser librement des articles de journaux ou commentaires radiophoniques concernant l’actualité politique, économique ou religieuse. Cette licence légale donne lieu à une juste rémunération, sauf s’il s’agit d’une compilation d’extraits sous forme d’un aperçu. L’article 50 UrhG prévoit une exception plus originale : les comptes rendus d’actualité visuels (y compris écrits) et sonores. Il autorise la reproduction, la mise en circulation et la communication au public d’œuvres, sans l’autorisation de l’auteur, dès lors qu’elles sont nécessaires pour rendre compte d’un événement d’actualité (exemple : à l’occasion de l’ouverture d’un musée quelques toiles pourront être montrées dans un but informationnel). La jurisprudence interprète assez restrictivement la notion d’actualité. Le droit de citation : article 51 UrhG Cette disposition permet deux sortes de citation : la « grande citation » qui est prévue à des fins scientifiques (v. ci-après) et la « petite citation » qui permet uniquement la reprise d’extraits d’une œuvre littéraire ainsi que la citation de courts passages d’une œuvre musicale. La notion d’extrait, en matière de citation littéraire, a été interprétée par la jurisprudence de manière assez étendue car cet article est en quelque sorte la matérialisation du principe fondamental de la liberté d’expression et du droit du public à l’information garanti par l’article 5 al.1 de la Loi fondamentale. La reproduction d’œuvres à des fins privées : article 53 al.1 UrhG : Il est licite pour une personne physique de confectionner quelques reproductions isolées d’une œuvre pour un usage privé, sur tout support à condition que ce ne soit pas, directement ou indirectement, à des fins lucratives et que la reproduction ne soit pas effectuée à partir d’une source manifestement illicite. La personne habilitée à procéder à la reproduction peut la réaliser elle-même ou la faire réaliser par un tiers. La reproduction doit être réalisée sur papier ou autre support analogue au moyen de tout procédé photomécanique ou ayant un effet semblable. 2 Ainsi, dans le cas d’une copie numérique, il est possible de la faire réaliser par un tiers mais uniquement à titre gratuit ou sur un support papier exclusivement. Pour ce dernier point, est licite et ne constitue pas une rémunération au sens de la loi, tout versement d’une somme ne dépassant pas les dépenses supportées par celui qui réalise les copies commandées par la personne bénéficiant de l’exception. La reproduction à d’autres fins personnelles : article 53 al.2 UrhG Les cas énumérés à cet alinéa permettent la reproduction d’œuvres : - quand elle est destinée à des fins scientifiques ( article 53.al 2-1 UrhG) - pour l’inclusion dans ses propres archives, pour autant que la reproduction soit nécessaire à ces fins et que l’on utilise son propre exemplaire comme modèle ( article 53 al.2-2 UrhG). Ces dispositions ne s’appliquent que si la reproduction est effectuée sur papier ou sur un support analogue au moyen de tout procédé photomécanique ayant un effet semblable, ou si l’utilisation qui en est faite est exclusivement analogique, ou que l’archive n’a pas directement ou indirectement de finalité lucrative ou économique. - pour sa propre information sur des questions d’actualité, s’il s’agit d’une œuvre radiodiffusée ( article 53 al.2.-3 UrhG). - pour d’autres usages personnels ( article 53 al.2.-4 UrhG). • s’il s’agit de courts fragments d’une œuvre parue ou d’articles isolés parus dans des journaux ou revues, • s’il s’agit d’une œuvre dont l’édition est épuisée depuis au moins deux ans. Pour ces deux dernières dispositions, la copie privée n’est permise que si elle est réalisée sous forme analogique ou que seule une utilisation analogique en est faite. Comme pour le cas de la copie visée à l’article 53 al.1 UrhG, il n’est possible d’effectuer qu’un petit nombre de reproductions (on en admet en général sept). Les exceptions à des fins d’enseignement : articles 46, 47, 52, 53 al.3 UrhG L’article 53 al. 3 UrhG concerne particulièrement la reproduction à des fins d’enseignement d’œuvres courtes ou d’extraits d’œuvres imprimées, c’est-à-dire essentiellement les photocopies d’œuvres par les enseignants pour leurs cours. Dans ce cas, il est permis de réaliser ou de faire réaliser la reproduction de courtes parties d’un ouvrage ou d’articles isolés parus dans des journaux ou des revues. L’article 53 al. 3 UrhG permet les copies d’œuvres courtes, d’extraits d’œuvres imprimées, et d’articles isolés parus dans des journaux ou des revues, si elles se font dans le cadre d’un enseignement par des établissements pédagogiques, des établissements de formation professionnelle ou continue, pour les examens d’État et autres examens à l’école, et dans les grandes écoles (Hochschule), si cet enseignement ne se fait pas dans un but lucratif, et si les copies sont nécessaires à l’enseignement et faites dans la quantité nécessaire. Les universités, les cours privés de rattrapage et autres séminaires de courte durée sont exclus de l’exception. Cette exception ne s’applique qu’aux œuvres imprimées, ainsi les programmes d’ordinateurs et les bases de données en sont exclus. En revanche la possibilité de reproduction d’une base 3 de données (imprimée ou accessible par des moyens électroniques) est prévue à l’article 87c UrhG. L’article 47 UrhG est relatif à la reproduction d’œuvres audiovisuelles à des fins pédagogiques. Cela a trait aux reproductions, par les enseignants, d’émissions à vocation scolaire généralistes (émissions spéciales réalisées en fonction des programmes scolaires à l’exclusion de toute autre émission générale). Ces reproductions visuelles ou sonores doivent être rendues inutilisables au plus tard à la fin de l’année scolaire, à moins qu’une rémunération équitable ne soit versée à l’auteur. L’article 46 UrhG s’applique à la reproduction d’œuvres et d’extraits d’œuvres musicales, écrites, photographiques ou des arts figuratifs dans les ouvrages expressément destinés à l’enseignement. Il est possible de reproduire, diffuser et désormais mettre à la disposition du public en ligne (depuis la loi du 10 septembre 2003) des œuvres protégées dans des recueils destinés aux églises ou aux établissements d’enseignement. L’auteur ne peut s’y opposer que si l’œuvre ne correspond plus à ses convictions (allusion expresse au droit de retrait pour changement de conviction de l’article 42 UrhG). Enfin cette licence est compensée par une juste rémunération. L’article 52 UrhG concerne les représentations publiques d’œuvres protégées. La représentation publique d’une œuvre parue est permise lorsque l’organisateur ne poursuit pas des fins lucratives, que les spectateurs y accèdent gratuitement et que, dans le cas où elle est effectuée par des artistes interprètes ceux-ci ne perçoivent aucune rémunération. La représentation doit donner lieu au versement d’une rémunération équitable. Cette rémunération n’est pas due pour les manifestations des services et œuvres de protection de la jeunesse, des services d’aide aux personne âgées, de l’aide sociale aux détenus, ni pour les manifestations scolaires, dans la mesure où ces manifestations ne s’adressent, compte tenu de leur fonction sociale ou pédagogique, qu’à un cercle restreint de personnes. Cela ne s’applique pas lorsque la manifestation profite à l’activité commerciale d’un tiers qui est alors tenu à la rémunération. La loi du 10 septembre 2003 a élargi le champ de l’exploitation aux œuvres mises à la disposition du public sur Internet. Les exceptions à des fins scientifiques : articles 51 al.1, 52a, 53 al.2-1 UrhG - l’article 53 al.2-1 UrhG permet la reproduction d’œuvres à des fins scientifiques donnant lieu à une compensation financière par le biais d’une double rémunération (articles 54 et 54a UrhG) : l’une versée par les fabricants de matériels permettant les reproductions et de supports enregistrables et l’autre pour la reprographie, par les exploitants d’appareils de reprographie. Contrairement à ce que nous avons vu à l’article 53 al.1 UrhG, cette exception permet des reproductions à des fins professionnelles et bénéficie également aux personnes morales. - l’article 51 al.1 UrhG prévoit la citation des œuvres à des fins scientifiques. L’œuvre citante doit être une œuvre scientifique, cela étant pris au sens large. L’œuvre citée peut prendre de multiples formes. Les œuvres peuvent même être reproduites dans leur intégralité si cela est justifié par le but à atteindre. On parle dans ce 4 cas de « grande citation », mais la citation ne sera licite que si elle vient en soutien d’une démonstration ou pour éclairer le contenu d’un développement personnel. - l’article 52a UrhG (il s’agit d’une nouvelle exception introduite par la loi du 10 septembre 2003) qui limite le nouveau droit exclusif de mettre des œuvres protégées à la dispositions du public (article 19a UrhG) pour certains actes à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique. Il est permis de mettre à la disposition du public de courtes parties déjà publiées d’une œuvre, des œuvres de petite taille ainsi que des article de journaux ou de revues, pour les utiliser comme support pédagogique dans le cadre de l’enseignement au sein des écoles, des universités, des établissements non-commerciaux de formation et d’éducation permanente ou dans des établissements de formation professionnelle, à condition de limiter cette mise à disposition au cercle des participants à l’enseignement (article 52a al.1-1 UrhG). Les actes de reproduction qui sont nécessaires pour effectuer de telles mises à la disposition du public sont également licites (§ 52a al 3). En outre, des parties déjà publiées d’une œuvre, des œuvres de petite taille ainsi que des articles isolés de journaux pourront être mis à la disposition d’un cercle de personnes pour leur propre recherche scientifique (article 52a al.1-2 UrhG). Dans ces deux cas le titulaire du droit d’auteur aura tout de même droit à rémunération qui ne pourra être exercé que par une société de gestion (article 44a et suivants UrhG). Par ailleurs, cette exception ne sera pas applicable aux œuvres exclusivement destinées à l’usage scolaire, ni aux œuvres cinématographiques avant l’écoulement d’un délai de deux ans après leur première exploitation en Allemagne, pour lesquelles l’autorisation du titulaire est nécessaire. Cette nouvelle exception est limitée dans le temps. D’après l’article 137k UrhG l’exception prend fin le 31 décembre 2006. La reproduction et représentation d’œuvres accessoires : article 57 UrhG La reproduction, la diffusion et la communication publique d’une œuvre sont permises, lorsque celle-ci est considérée comme accessoire par rapport au sujet principal. La notion d’accessoire est interprétée restrictivement et ne joue que lorsque cet élément peut être remplacé et qu’il se noie dans l’arrière-plan (exemple : un tableau qui apparaîtrait en arrièreplan pour le tournage d’une scène de film). L’exception des catalogues illustrés : article 58 UrhG Les œuvres d’art et les photographies exposées en public ou destinées à être exposées en public ou mises en vente aux enchères peuvent être reproduites, mises en circulation ou mises 5 à la disposition du public par l’organisateur à des fins publicitaires dans la mesure où cela est nécessaire à la promotion de la manifestation. La loi de transposition du 10 septembre 2003 a étendu cette exception aux photographies. La reproduction et la distribution des œuvres protégées sous une forme numérique sur un support matériel (CD-Roms et autres) sont également autorisées. Les exceptions liées aux œuvres situées dans un lieu public : article 59 UrhG Cet article autorise la reproduction par la peinture, le dessin, la photographie ou la cinématographie des œuvres qui se trouvent de façon permanente sur les voies ou places publiques. Il est également possible de mettre en circulation ou communiquer publiquement ces reproductions. Concernant les œuvres d’architecture, cette disposition ne s’applique qu’à leurs caractéristiques extérieures. Ainsi, un photographe pourra utiliser ses clichés afin de réaliser des cartes postales, sans en demander l’accord à l’auteur. L’exception prévue pour les portraits : article 60 UrhG La personne qui a commandé un portrait ou son ayant cause ou, lorsqu’il s’agit d’un portrait réalisé sur commande, la personne qui en est le sujet, et après sa mort, ses proches ou un tiers agissant sur ordre d’une des personnes citées, peut reproduire ce portrait et le mettre en circulation gratuitement et à des fins non lucratives. Si le portait est une œuvre picturale, cette exploitation ne peut se faire qu’au moyen de photographies. La notion de « proches » se réduit à ces personnes : le conjoint ou le concubin, les enfants ou, à défaut, les parents. 6