le rempart des beguines – genre et gender
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le rempart des beguines – genre et gender
LE REMPART DES BÉGUINES (MALLET-JORIS, 1951) LIBERTÉ TRANSGRESSIVE, TRANSGRESSIONS LIBERTICIDES [email protected] N.B. Toutes les citations ci-après se réfèrent à l’édition René Juillard 1951. PROBLÉMATIQUE : GENRE/‘GENDER’ PISTES DE RÉFLEXION La notion de devenir « femme » dans un Bildungsroman (roman d’apprentissage) de femme. o RB= Hétérosexiste ? ‘Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.’ o ou Homosexiste ? Queerification du genre et du gender o Tamara= incarne-t-elle un troisième genre (ambiguïté)? Alternatives au / déconstructions du binarisme patriarcal homme-femme proposées? CONTEXTUALISATION Françoise Mallet-Joris (1930–) - 1930 : Née dans une famille de la petite bourgeoisie libérale - 1946 : Rencontre avec son premier amant, Louis Ducreux ; dû à leur différence d’âge, les parents de Mallet-Joris désapprouvèrent l’union. - 1947 : mariage avec Robert Amadou ; séparation après quelques mois, même si Mallet-Joris attendait un enfant. - 1951 : (21 ans) parution du Rempart des Béguines - génération d’« enfants terribles » (jeuni.. jeunes autrices/auteurs comme Sagan) - 1952 : Intégration au comité de lecture de Julliard ; première lectrice du manuscrit de Bonjour tristesse RÉSUMÉ PROPOSÉ (Waelti-Walters, Damned Women. Lesbians in French Novels 1796-1996, Chapter ‘Constrained Desire’, Section ‘The 1950s : Hopeless Love’, p. 109) ‘An accomplished piece of writing and a good read, Mallet-Joris’s first novel, published when she was twenty-one, has a clearly calculated shock value, which is underlined by the irony of the title, the Beguines being a medieval community of women who lived as secular nuns. Hélène Noris, motherless since she was eight and very lonely, is seduced at sixteen [inaccurate: 15 ½] by her father’s mistress, Tamara, a wild Russian rebel. Their stormy affair lasts for two years until René Noris proposes to Tamara, who, to Hélène’ s disgust, accepts him. The novel ends on their wedding night – Tamara succumbs to smalltown bourgeois security, and Hélène declares herself free of her obsession.’ RÉCEPTION succès de scandale (le saphisme, la maîtresse) roman dépourvu du prix Femina Temps Modernes : détournement de mineure Quelques exemples des romans d’apprentissage de l’époque : Le Diable au corps (Raymond Radiguet 1923) La Dernière innocence (Célia Bertin 1953, Prix Théophraste Renaudot) Bonjour tristesse (Sagan 1954) Un exemple des romans d’apprentissage « queer » (ils sont très peu nombreux): Je jure de m’en éblouir (Eveline Mahyère 1958) 1/4 PERSONNAGES Résumé Âgée entre 15 ½ ans et 16 ans en temps diégétique, 2 ans Hélène Noris de plus en temps de narration (récit rétrospectif) Père d’Hélène, seul parent - négligeant, froid envers Hélène René Noris homme politique Maîtresse de René, Tamara Soulerr ‘amie’ d’Hélène Personnages secondaires Emily Le ‘Grand Amour’ de Tamara – bien plus jeune. Ezra Soulerr Ancien richissime de Tamara La bonne d’Hélène pour qui elle éprouve au début des Julia sentiments de tendresse. Max Villar Ancien amant de Tamara. Puck La femme qui danse et flirte avec Hélène à Lucy’s Bar Mme Lucette Libraire ; Hélène jouit de la proximité avec elle. (90) M. et Mme Périer Voisins bourgeois de Gers Diana Robel (282) « la jeune veuve qui avait voulu épouser mon père Mme Vallée (282) Le capitaine Arnaud « un séduisant officier de marine » (282 Nina La maîtresse (la « compagne ») du grand-père Noris. (269) TRANSGRESSIONS EFFECTUÉES AU MODÈLE Modèle du Bildungsroman 1. Articulations des problèmes catalyseurs 2. Volonté de quitter le milieu familial. 3. Départ vers une ville / la capitale (L’Éducation sentimentale, Le Puits de solitude) 4. Assimilation dans la ‘société’ 5. Succès d’assimilation 6. Rencontres amoureux 7. Succès – mariage Echec – vivre seul(e) Le Rempart des Béguines Inaccessibilité émotionnelle de René père(manque d’une figure maternelle) -> frustration « Tamara » (voir ci-dessous : ‘Tamara comme métaphore’) Semi-départ de la maison familiale vers le Rempart des Béguines Assimilation dans le système queer de Tamara – manège pour ménage ; Meilleures notes, « un air plus éveillé », Rencontre avec Max Villar, expérimentations à Lucy’s Bar, Le mariage de Tamara Le rire d’Hélène Caractéristiques/ Conclusions Triade familiale incomplète : père-fille (comme BT cf. Anne Larsen–Cécile) mais le complexe d’Électre est évité : une alternative au modèle dominant Manque d’hostilité envers la maîtresse= contre les « bonnes mœurs » bourgeoises Les déplacements géographiques de grande échelle ne sont pas très favorisés dans cet ouvrage. Reproduction de forme, subversion de fond et des attentes hétéropatriarcales Subversion des attentes hétéropatriarcales Distanciation entre Tamara et Hélène Usurpation identitaire entre Hélène et Tamara Différences : période d’expérimentation raccourcie et rajeunie (comparée à l’Éducation sentimentale, dont la période s’étend à travers dix-sept ans) – donc, un degré de libération sexuelle plus élevé. ‘TAMARA’ COMME METAPHORE 1. la quintuple altérité marginalisée (l’ennemi ) par la société patriarcale a) être « non-homme » « Elle aurait pu faire un jockey, je vous jure, et un fameux, si ce n’étais pas une femme. » (78, italique ajouté) [Howard, ancien jockey au manège] b) appartenir à un genre opposé de son sexe biologique Je [Hélène] sentis son corps plat et musclé comme celui d’un garçon. (61, italique ajouté) c) avoir une préférence sexuelle non hétéronormative d) être divorcée 2/4 « Elle [Tamara] a une très mauvaise réputation. […] Ma mère dit que si on la reçoit parfois, c’est pare que ton père a de l’argent et qu’on sait qu’elle est sa maîtresse. Et puis, c’est une divorcée ! » Ce mot prenait dans sa bouche une ampleur démesurée. (14, italiques ajoutés) e) être juive et russe Mon grand-père avait affecté de ne pas comprendre le nom de Tamara, et après l’avoirfait répéter trois fois, avait demandé avec un faux air d’innocence : « Soulerr… c’est un nom juif ? » On entama le potage en silence. (269) 2. Le rempart des béguines comme espace maternel/ homosexuel/ féminin Ordre versus désordre Constructions genrées – gynocentrisme en vigueur ? Mâle André, le garçon de bureau à moitié idiot (7) [Ezra Soulerr, ancien mari de Tamara] était maigre, chauve, d’une intelligence étendue mais destructrice, complaisant mais méprisant tout le monde, serviable, mais par un sadisme particulier (66) Maigre, sec, petit, Howard, l’ancien jockey, n’offrait pourtant rien de séduisant. (76) Femelle [Julia, la bonne, est] une robuste fille d’une trentaine d’années, au beau visage fin et mat, avec de grads yeux noirs extrêmement langoureux (9) [Mme Lucette, la libraire] sentait l’encre et la pâtisserie ; par l’échancrure de sa blouse de travail, je voyais ses seins ronds et blancs : je m’engourdissais dans cet apaisement. (90) Ainsi, en général, les hommes sont caractérisés par la faiblesse, le manque de virilité ; Les femmes, en revanche, sont pour la plupart séduisantes, MAIS Ces altérités sont toutes défaites avant la fin du roman. a) Elle ne risquera pas pour toi ou moi sa « position au monde ». (266) [À l’Académie, tout le monde chuchotait sur mon passage. J’étais « l’élève dont le père épouse une femme innommable ». (261)] b) « J’entrais [Hélène], je la [Tamara] regardai. Elle portait une robe bleue, et à son décolleté, je m’aperçus qu’elle avait grossi, en ces quelques semaines, jusqu’à paraître très féminine. » (277) « Ce que je ne pouvais pas lui expliquer, c’est que je ne désirais pas du tout qu’elle fût « gentille », c’est que je ne l’aimais plus, enfin, j’avais l’impression d’avoir été dupée, trompée en quelque chose. Nos rapports m’avaient paru normaux, admissibles, naturels presque à cause de son énergie virile, de son attitude en face de la vie. » (267) c) Evidemment, l’institution du mariage est un moyen de normalisation. d) Tamara devient femme mariée, « respectueuse » et prête à tomber enceinte/ faire des enfants, qui, d’après Hélène, est « cette dernière et banale aventure ». (283) (– Mme Robel a demandé à quelqu’un si tu n’étais pas enceinte… », dis-je malignement à Tamara. Elle haussa les épaules. « Hélène, tu te conduis… », commença mon père avec irritation. Tamara l’interrompit « Laisse donc, René. Elle ne voulait rien dire de méchant. Après tout, ce sont des choses qui arrivent.) Devenir femme « Je n’en voulais plus, elle me dégoûtait, cette femme, cette égale, cette faible créature qui avait besoin d’un homme, de mon père, qui sollicitait sa protection. Ce que je ne voulais pas, c’était la voir tous les jours, chez moi, sourire à mon père, recevoir des invités, composer des menus, faires des mines, traîner dans la boue cette Tamara que j’avais tant aimée, admirée, crainte aussi. Je ne voulais pas à chaque instant voir confrontés mon souvenir vivant et cette déchéance qui peu à peu prendrait sa place… » (266) Devenir femme-mère « Tamara était assise à côté de moi, et de temps en temps me souriait d’un air maternel. » (269) « Pour elle, je n’existais plus. » (275) « Sur ce visage que j’avais aimé, que j’avais admiré si éperdument, qui avait été mon soleil, mon horizon, l’incarnation même de la beauté, de la cruauté, d’une volupté et d’une souffrance également délicieuses, venaient de se peindre cette humilité odieuse des mendiants, et des femmes battues, cette lâcheté des êtres irresponsables, cette même faiblesse que j’avais haïe en moi, et qu’elle m’avait appris à haïr. » 3/4 RESSOURCES Waelti-Walters, Damned Women. Lesbians in French Novels 1796-1996. http://books.google.com/books?id=41rFOwe2RoQC&pg=PP1&dq=WaeltiWalters,+Damned+Women.+Lesbians+in+French+Novels+1796-1996,&lr=lang_en%7Clang_fr&ei=fKDlSbu1BYaMqua1boN&hl=fr#PPA109,M1 Pour d’autres articles: ‘Mirrors and Masks in the World of F. Mallet-Joris’ ‘F. Mallet-Joris : Anatomy of the Will’ disponibles sur http://c308femmes.wordpress.com/2009/03/03/semaine-3-f-mallet-joris/ 4/4