Tamara de Lempicka, Portrait de jeune fille - Musée des Beaux

Transcription

Tamara de Lempicka, Portrait de jeune fille - Musée des Beaux
XXe
Fiche d’œuvre/
Tamara de Lempicka (Varsovie (Pologne), 1898 – Cuernavaca (Mexique), 1950)
Portrait de jeune fille, 1947
Mots clefs
Femme artiste / Art du portrait /
Modernité / Indépendance
Portrait de jeune fille, 1947, huile sur contreplaqué, 51 x 40,7 cm
Don de l’artiste
Inv. 982.28.2.P
Cécile Clos/Musée des Beaux-Arts de Nantes
© Tamara Art Heritage / Adagp, Paris
L’œuvre
Un portrait atypique
Tamara peint des portraits depuis le début de sa carrière, c’est le genre qu’elle aborde le plus et où elle excelle. Celui-ci,
daté de 1947, se distingue dans sa production. Il correspond à une période où l’artiste tend vers un style plus dépouillé,
moins esthétisant. Elle brosse en effet à partir des années 1930-1940 un panorama plus vaste des individus qui
constituent la société et élargit sa propre vision du monde. Elle ne se cantonne plus uniquement à la sphère parisienne
bohème et à la société huppée internationale définitivement assombries par la guerre. Elle qualifie elle-même cette
période de « dépression d’artiste » et écrit à son ami Gino Puglisi en 1936 : « Je suis un être malheureux, tourmenté, sans
patrie, sans maison, toujours seule ! Si je pouvais travailler ! Mais pour travailler, pour dire quelque chose, il faut le
besoin « de dire ». Et moi, je suis vide. Je suis comme morte inutile et stupide. Je vais sans raison, sans enthousiasme,
sans âme. » (Ascona, Suisse, 5 juin 1936).
Un modèle anonyme et inaccessible
A la différence des nombreux portraits des périodes précédentes, celui-ci est anonyme. Il existe une autre version de
cette œuvre, datée de 1948, conservée dans une collection privée, qui porte le nom de « La Mexicaine ». Tamara de
Lempicka s’exile aux Etats-Unis en 1939 et se rend à plusieurs reprises en Amérique centrale où elle finira d’ailleurs ses
jours. Il est donc fort probable qu’elle ait réalisé ce tableau au cours de l’un de ses séjours ou à son retour. Cette femme
incarnerait alors l’univers pauvre des paysans latino-américains, avec son chapeau de paille débordant de brindilles, un
vêtement en haillons et un fichu noir recouvrant sa chevelure. L’absence d’expression de la jeune fille, le regard perdu, la
bouche charnue esquissant un sourire énigmatique, lui donnent un caractère austère et distant. Elle apparaît comme
désincarnée. Cette impression est renforcée par la palette chromatique réduite et froide.
Serait-ce par extension une représentation de l’état psychique de l’artiste ?
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Février 2014
L’artiste en quelques dates
1898 : Naissance de Maria Gorska à Varsovie, en Pologne, dans une famille aisée, son père est avocat pour une société
commerciale française. Elle partage sa vie entre Saint-Pétersbourg, Monte-Carlo et les villes d’eaux européennes.
1912 : Scolarisation en Suisse. Nombreux voyages en Russie et en Italie. Maria décide de devenir artiste et de vivre
entourée par le luxe et le glamour, ce qu’elle a toujours connu.
1914 : Peu de temps après la déclaration de guerre, elle épouse à Saint-Pétersbourg un jeune avocat Tadeusz Lempicki.
1916 : Naissance de sa fille Marie-Christine de Lempicka dite Kizette.
1917 : Tadeusz est arrêté par les Bolchéviques après la révolution d’octobre. Maria le sauve. Le couple décide de fuir à
Copenhague.
1918 : Arrivée du couple à Paris. Début de la vie mondaine de Maria qui change de prénom pour Tamara. Elle travaille
jour et nuit pour devenir une artiste reconnue et suit les cours de Maurice Denis à l’académie Ranson puis d’André Lhote
à l’académie de la Grande Chaumière. De ces deux maîtres elle retient les qualités décoratives, le souvenir du cubisme
synthétique et un principe : « la fin de l’art est le plaisir ». Elle est également très inspirée par les œuvres de JeanAuguste-Dominique Ingres (1780-1867) dont elle reprend quelques compositions.
1920-1930 : Années prolifiques pour Tamara, admirée pour son talent et sa beauté. Elle expose pour la première fois au
Salon d’automne de 1922. Elle réalise de nombreux nus féminins et portraits d’aristocrates en exil ou de personnalités
françaises de tous horizons.
1928 : Divorce de Tadeusz. Premier séjour aux États-Unis. Sa renommée devient à la fois internationale et
institutionnelle. Ses œuvres entrent dans les collections du musée des beaux-arts de Nantes1, du Jeu de Paume et du
Luxembourg.
1933 : Epouse le Baron Raoul Kuffner. Elle s’éloigne peu à peu de la bohème montparnassienne et aborde de nouveaux
thèmes dans ses peintures : les vieillards, les saintes et les paysannes.
1939 : Début de la Seconde Guerre mondiale, le couple fuit aux États-Unis. Elle poursuit sa carrière et organise quelques
expositions. Elle rencontre un vif succès à Hollywood.
1943 : Installation à New-York. Tamara tombe peu à peu dans l’oubli jusqu’en 1957 où sa carrière connait un second
souffle grâce à la publication d’une monographie sur son œuvre. Les années 1970 sont celles de la consécration face au
nouvel engouement pour l’époque de l’Art Déco qu’elle incarne. Elle devient l’icône vivante de cette période révolue et
s’essaie paradoxalement à l’abstraction. Elle fait don de 23 toiles à l’Etat français en 1976.
1980 : Décès à Cuernavaca au Mexique où elle s’est retirée depuis 1974 avec sa fille Kizette Lempicka-Foxhall.
Bonus
Les œuvres de Tamara de Lempicka dans les collections du musée des beaux-arts de Nantes
Les portraits que Tamara de Lempicka réalise à partir des années 1930-1940 sont très différents de ceux de sa première
période. Ils se caractérisent en effet par un cadrage plus serré, moins de géométrisation des formes et surtout une plus
forte expressivité ou tension dramatique. Le musée des beaux-arts de Nantes possède au total sept œuvres de l’artiste
dans ses collections, dont quatre portraits avec celui-ci et trois natures mortes, qui permettent de comparer les
différentes périodes de son style.
Kizette en rose, daté de 1927, représente sa fille en pied, dans une position de contorsion étonnante. Son corps, comme
contraint par le cadre, semble en déséquilibre, malgré son attitude nonchalante. La jeune fille, tenant un livre ouvert,
pose devant un paysage portuaire géométrique rappelant les formes cubistes. Tamara n’utilise plus ce type de cadrage
dans la décennie suivante, le célèbre portrait de La mère supérieure ainsi que La fuite ou Quelque part en Europe
l’attestent.
1
Dans les collections permanentes du musée des beaux-arts de Nantes, Kizette en rose, 1927, huile sur toile, 116 x 73 cm. Achat à l’artiste en 1928, inv.
928.3.1.P. Toute première œuvre à entrer dans les collections publiques françaises.
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Février 2014
Bibliographie
- Catalogue d’exposition, Tamara de Lempicka - la Reine de l’Art déco, sous la direction de Marc Restellini, textes de Gioia
Mori, Co-éditions PdP / Skira 2013
- A. Blondel, Tamara de lempicka 1921-1979, catalogue raisonné, éd. Acatos Eds, 1998
- K. de Lempicka-Foxhall & C. Phillips, Tamara de Lempicka, Abbeville Press Publisher, New York, 1987
- G. Mandel, La pittrice Tamara de Lempicka, Milan, 1957
- G. Mori, Tamara de Lempicka, Paris. 1920-1938, Herscher, Florence, 1994
Sitographie
http://www.delempicka.org/
Pour accéder aux oeuvres de la collection du musée des beaux-arts de Nantes :
http://www.collection.museedesbeauxarts.nantes.fr/Navigart/index.php?db=internet&qs=1
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Février 2014