l`abbaye de fontevraud

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l`abbaye de fontevraud
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intérieur —AménAgement
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L’ABBAYE DE
FONTEVRAUD
COURs-Y ViTE !
Depuis 2014, le prieuré Saint-Lazare, qui hébergeait autrefois
la léproserie de Fontevraud, poursuit sa fonction d’hospitalité
avec un nouvel hôtel-restaurant conçu tout en délicatesse par
l’agence Jouin-Manku. Une intervention durable redorant le
blason de cette abbaye royale, qui n’avait pas connu de grosse
modification depuis les années 1980.
Marion Le Berre |
Nicolas Matheus
D’hier à Demain
En 1101, Robert d’Arbrissel, Bob*
pour les intimes, fervent croyant
et prédicateur enflammé, fondait
l’ordre de Fontevraud, exclusivement
dirigé par des femmes – ce qui
a décoiffé plus d’une tonsure à
l’époque ! L’abbaye s’inscrit ainsi
très tôt dans la modernité.
Aujourd’hui, ses 120 employés
comptent bien perpétuer cette
tradition avant-gardiste, par
l’intégration d’outils numériques et
le renouvellement perpétuel de sa
programmation, de la scénographie
et de l’accessibilité pour tous, tant du
point de vue du fond que de la forme.
Ainsi, se rendre à Fontevraud, c’est
un peu comme mettre un pied dans
le passé et un autre dans le futur.
* Les « billets d’humeur de Bob » sont
à retrouver dans la revue Fontevraud, le
magazine disponible à l’abbaye.
Par-Delà les
barreaux
Jusqu’à sa chute au xviiie siècle,
l’ordre fontevriste bénéficie d’une
aura et de territoires qui dépassent
les frontières du Poitou, de l’Anjou et
de la Touraine… mais la Révolution
fait son œuvre. Pour empêcher
que la totalité de cet ensemble de
13 hectares ne subisse le même
sort qu’un de ses quatre prieurés,
dont les pierres ont été vendues,
l’enceinte ôte son habit monastique
et devient un centre pénitencier
en 1804. Les derniers prisonniers
quittent l’abbaye en 1985, au profit
du centre culturel de l’Ouest, créé
par la région Pays-de-la-Loire.
Le prieuré Saint-Lazare est alors
reconverti en hôtel-restaurant
2 étoiles. De cette rénovation des
années 1980 l’agence Jouin-Manku a
aujourd’hui choisi de faire table rase.
Pour en savoir plus
www.fontevraud.fr
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intérieur —AménAgement
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communion
Sous les voûtes d’ogive
du réfectoire, l’agence
Jouin-Manku rend une
nouvelle fois hommage
à l’histoire du lieu avec
un mobilier dont chaque
pièce est conçue comme
une « microarchitecture ».
Les 86 couverts peuvent
ici être dressés grâce
à une longue table en
chêne massif – habillée
de 130 cierges à led –,
et aux tables et chaises
pliables dissimulées en
périphérie de la salle,
telles les stalles d’une
église. Aux murs, les
quatre triptyques sont
également un clin d’œil
au passé religieux mais
aussi à l’art de la broderie
pratiqué autrefois par
les sœurs.
l’habit
ne fait Pas le moine
En réponse à l’interdiction des
Monuments historiques de toucher
aux murs et plafonds existants, Patrick
Jouin et Sanjit Manku sont ici venus
« se glisser sans effraction », comme
ils le confessent. Tel un habit couvrant
humblement les murs en tuffeau mis à
nu, leur intervention pourra être ôtée
sans que le patrimoine en soit altéré.
Suivant leur adage, le duo aménage
un restaurant de 88 couverts entre les
arcades du cloître (page précédente)
et de la salle capitulaire (ci-contre).
Le chef Thibault Ruggeri, élu Bocuse
d’or Monde en 2013, y propose des mets
préparés avec des produits locaux, en
partie issus des ruches et du potager de
2 hectares de l’abbaye, ayant également
fonction de chantier de réinsertion.
Mais avant de savourer une cuisine
de haut vol, les convives sont invités
à transiter par l’iBar (p. 40), comptoir
high-tech avec tables tactiles situé
dans l’ancienne église. Aux chants des
moniales a succédé l’appel des fines
bulles du Saumurois…
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intérieur —AménAgement
Dans les 54 chambres de l’hôtel
4 étoiles réparties dans le bâti
du xiie siècle, son extension
du xixe siècle et son annexe en
duplex baptisée Pavillon du
Liban, aucun détail n’a échappé
aux designers. Des patères
aux têtes de lit inspirées des
bures monacales, le duo a tout
dessiné en étroite collaboration
avec des entreprises locales
– jusqu’à faire appel à l’une des
dernières savonneries artisanales
françaises bannissant les
produits chimiques. Le luxe dans
la qualité et le dénuement, à
l’image de la vie monastique.
À tous ceux qui veulent s’y
perdre ou s’y retrouver, courez
vite à Fontevraud !
Au-delà de l’hôtel-restaurant du prieuré Saint-Lazare, où la
climatisation n’a pas sa place*, le projet de rénovation de l’abbaye
s’inscrit dans la dynamique plus globale de « Fontevraud, cité
durable », visant à réduire les consommations énergétiques
et émissions de gaz à effet de serre de cette vaste structure
d’accueil de 150 000 mètres carrés de surface de planchers. À
l’ouest du site, en lieu et place d’un ancien remblai – plus facile à
excaver que la pierre de tuffeau –, l’architecte du patrimoine Yves
Grémont a installé en à peine douze mois une chaufferie bois de
plus de 2 000 mètres carrés accessible aux visiteurs. « Le premier
bâtiment construit depuis un siècle à Fontevraud ! » souligne
Olivier Châble, chargé des relations presse de l’établissement.
Utilisation des ressources locales, rénovation thermique, lutte
contre le suremballage, recours au compost et même utilisation
de la « fontevr-eau »… La nouvelle abbaye est une œuvre
d’art totale. Après tout, la devise ne dit-elle pas « Fontevraud,
l’émotion est dans l’inattendu » ?
© David Darrault
le Diable se
cache Dans les
Détails
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© David Darrault
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* En cas de fortes chaleurs, le personnel passe ouvrir les fenêtres des
chambres inoccupées durant les heures les plus fraîches, et ferme ensuite
les volets intérieurs pour éviter que la température intérieure ne grimpe
durant la journée.
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