à travail égal, salaire égal - Ordre des Experts

Transcription

à travail égal, salaire égal - Ordre des Experts
SYNTHESE
Social
Textes et références
Références législatives :
Article L. 1242-14 du
code du travail
Article L. 2261-13 du
code du travail
Article L. 3123-10 C. du
code du travail
Article L. 3221-2, 3 et 4
du code du travail
Références
jurisprudentielles
CJCE 26 juin 2001 affaire
381/99
Cassation sociale 29
octobre 1996, n° 92-43680
Cassation sociale 9 avril
1996, n° 94-43279
Cassation sociale 20
février 2008, n° 05-45601
Cassation sociale 28
octobre 2009, n° 08-40457
Cassation sociale 30 avril
2009, n° 07-40527
Cassation sociale 15
décembre 1998, n° 9543630
Cassation sociale 19
février 1992, n° 88-45217
Cassation sociale 26 juin
2008 n° 06-46204
Cassation sociale 10
novembre 2009 n° 0744785
Cassation sociale 6 juillet
2010, n° 09-40021
Cassation sociale 3 juin
2009 n° 07-42992
Cassation sociale 19
décembre 2007, n° 0644795
Cassation sociale 17
mars 2010, n° 08-43088
Cassation sociale 10
décembre 2008, n° 0740911
La mise en œuvre du principe
« à travail égal, salaire égal »
Septembre 2010
La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal »
Social
1
Contenu du principe « à travail égal, salaire égal »........................................... 5
1.1 Notion de salaire égal ........................................................................................ 5
1.2 Notion de travail égal ........................................................................................ 6
1.2.1
1.2.2
2
Référence au poste de travail............................................................. 6
Référence aux fonctions...................................................................... 6
Champ d’application de l’égalité salariale.......................................................... 7
2.1 Salariés concernés par l’égalité de traitement ................................................ 7
2.1.1
2.1.2
2.1.3
Salariés en CDD et en CDI ................................................................. 8
Salariés à temps partiel et à temps plein .......................................... 8
Salariés relevant de catégories professionnelles distinctes :
cadres, non cadres … .......................................................................... 8
2.2 Cadre d’appréciation de l’égalité de traitement ............................................ 9
3
Eléments permettant de justifier une différence de salaire........................... 10
3.1 Ancienneté ........................................................................................................ 10
3.2 Expérience ......................................................................................................... 10
3.3 Diplômes ........................................................................................................... 11
3.4 Qualité du travail fourni ................................................................................. 11
3.5 Difficultés de recrutement .............................................................................. 11
3.6 Date d’embauche des salariés......................................................................... 12
Synthèse d’experts - septembre 2010
3
La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal »
Vos notes et remarques :
La fixation des salaires ne dépend pas seulement du pouvoir discrétionnaire de
l’employeur mais aussi du principe d’égalité de traitement. Or, depuis quelques
années on constate une augmentation significative des contentieux sur le
fondement du principe « à travail égal, salaire égal », ou, plus largement, sur le
principe de l’égalité de traitement, et les années 2009 et 2010 année 2010 ont vu
apparaître de nouvelles orientations dans la jurisprudence.
Il est important de noter d’une part que le principe d’égalité salariale entre les
salariés peut être évoqué en l’absence de toute discrimination, et d’autre part que
le régime de la preuve des actions sur ce fondement est particulier. En effet, si, en
principe, il appartient au demandeur (le salarié) d’apporter la preuve de ce qu’il
revendique (l’inégalité de salaire), les juges ont renversé la charge de la preuve
en fixant la règle suivante : il appartient au salarié de soumettre au juge les
éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et il
incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute
discrimination, justifiant l'inégalité de traitement dont se plaignent les salariés.
Il est donc important de faire le point sur la notion d’égalité salariale, d’examiner
le contenu de ce principe, son champ d’application et enfin d’étudier les éléments
objectifs sur lesquels l’employeur peut s’appuyer pour justifier des différences de
traitement entre les salariés.
1
Contenu du principe « à travail égal, salaire égal »
Si l’employeur doit assurer une égalité de rémunération entre les salariés placés
dans une situation identique, encore faut-il préciser ce qu’est un « salaire égal »
et un « travail égal ».
1.1
Notion de salaire égal
Le principe d'égalité concerne tout type de rémunération, y compris les primes et
avantages accordés aux salariés.
En effet, selon l'article L. 3221-3 du Code du travail, la rémunération est « le
salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages
et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par
l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier ».
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 30 avril 2009 (n° 07-40527) permet
d’illustrer ce principe. En l’espèce, un salarié, analyste financier, bénéficiait,
comme ses collègues de travail, d'une prime variable, qualifiée par l'employeur,
de "prime exceptionnelle", "prime de résultats" ou "bonus", et fixée
discrétionnairement par celui-ci. Mais à la différence de ses collègues, ce salarié
vit sa prime diminuer progressivement d’année en année avant qu’elle soit
finalement supprimée par l’employeur. Ayant été licencié, il saisit un conseil de
prud'hommes en soutenant avoir été victime d’une discrimination. Les juges
rappellent le principe selon lequel il appartient à l'employeur d'établir que la
différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un
travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le
Synthèse d’experts - Septembre 2010
5
Social
Vos notes et remarques
juge contrôle ; et « l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour
se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une
différence de rémunération ».
1.2
Notion de travail égal
Selon la formulation utilisée par le code du travail, le principe d’égalité salariale
suppose que les salariés dont on compare la rémunération sont placés dans une
situation identique, c’est-à-dire qu’ils effectuent un « travail égal » ou un « travail
de valeur égale » (art. L. 3221-4 C. tr.). Il est important de déterminer ce que l’on
entend par travail égal pour cerner les contours du principe de l’égalité de
traitement.
Aux termes de l'article L 3221-4 du Code du travail relatif à l'égalité de
rémunération entre les femmes et les hommes, sont considérés comme ayant une
valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de
connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une
pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de
responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Selon la jurisprudence, deux approches sont possibles : soit on s’attache au poste
de travail, donc aux classifications conventionnelles, soit on s’attache aux
fonctions des salariés, ce qui permet d’avoir une approche plus qualitative.
1.2.1
Référence au poste de travail
Dans certains arrêts, la Cour de cassation se réfère au poste de travail pour
apprécier l’égalité de traitement :
- Si un salarié a un coefficient identique, une même qualification et une
ancienneté comparable à ceux des autres salariés de l'atelier, il accomplit un
même travail et doit avoir la même rémunération (Cass. soc. 15 décembre 1998,
n° 95-43630).
1.2.2
Référence aux fonctions
Mais généralement, la Cour de cassation se réfère aux fonctions exercées pour
apprécier si les salariés bénéficient de la même rémunération.
La jurisprudence a évolué récemment sur l’appréciation de la notion de valeur
égale, en se référant aux fonctions, la question étant de savoir si les fonctions
doivent, ou non, être strictement identiques.
Dans un premier temps, il fallait que les fonctions soient similaires pour que la
Cour de cassation considère que les salariés ont le même travail. Ainsi, les arrêts
suivants peuvent être cités :
Une salariée occupant les fonctions de directrice des ressources humaines n’a pas les
mêmes fonctions que les autres directeurs ayant un emploi plus spécialisé (directeur
industriel, directeur technique et directeur commercial). L’appartenance à la catégorie des
emplois de direction ne suffit pas à établir que le travail est de même valeur, les
connaissances requises et les responsabilités n’étant pas identiques (Cass. soc. 26 juin
2008 n° 06-46204).
6
Synthèse d’experts - Septembre 2010
La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal »
Vos notes et remarques :
Mais récemment, dans un arrêt important, la Cour de cassation a pris une
position très différente à propos de la notion de travail égal (Cass. soc. 6 juillet
2010, n° 09-40021).
En l’espèce il s’agissait d’une responsable des ressources humaines qui
demandait à avoir la même rémunération que d’autres directeurs et notamment
un directeur financier et un directeur commercial qui avaient une rémunération
nettement supérieure. Ces trois directeurs n’avaient évidemment pas des
fonctions identiques et cependant il a été jugé qu’ils effectuaient un travail de
valeur égale : « les fonctions exercées par ces cadres de haut niveau étaient d'un
même niveau hiérarchique, exigeaient des capacités comparables et
représentaient une charge nerveuse de même ordre pour des responsabilités
d'importance également comparable ».
La Cour de cassation se réfère dans cette affaire à l'article L. 3221-4 du code du
travail aux termes duquel sont considérés comme ayant une valeur égale les
travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances
professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique
professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de
responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Les éléments relevés par la Cour d’appel pour décider que le travail était de
valeur égale entre la salariée et ses collègues masculins sont les suivants :
- une identité de niveau hiérarchique, de classification, de responsabilités,
- une importance comparable dans le fonctionnement de l'entreprise,
- chacune d'elles exigeant des capacités comparables,
- représentant une charge nerveuse du même ordre.
Par conséquent, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel
considérant que la salariée était victime d'une inégalité de traitement puisque
l'employeur ne rapportait pas la preuve d'éléments étrangers à toute
discrimination justifiant cette inégalité.
Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’avoir des fonctions identiques pour
revendiquer un salaire égal. Malgré des fonctions différentes, le principe
s’applique, sauf si l’employeur peut justifier d’éléments objectifs justifiant la
différence de traitement.
2
Champ d’application de l’égalité salariale
Il s’agit aussi de cerner le champ de cette obligation, qu’il s’agisse des salariés
concernés ou du cadre d’appréciation du principe.
2.1
Salariés concernés par l’égalité de traitement
Si le code du travail contient des dispositions sur l’égalité de salaire entre les
hommes et les femmes (art. L. 3221-2 C. tr.), la jurisprudence a étendu la règle à
l’ensemble des salariés, dans le fameux arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996 (n° 9243680) : la règle de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes est
une application de la règle plus générale « à travail égal, salaire égal » énoncée
Synthèse d’experts - Septembre 2010
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Social
Vos notes et remarques
par le Code du travail ; il s'en déduit que « l'employeur est tenu d'assurer
l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour
autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ».
Sont concernés non seulement le salaire mais aussi les primes et autres avantages
qui seraient réservés aux hommes ou aux femmes. Ainsi, en présence de congés
supplémentaires réservés aux mères de famille, il a été jugé que les hommes
devaient aussi en bénéficier (Cass. soc. 9 avril 1996, n° 94-43279). Sont donc
concernés par la règle, hormis le salaire de base, les primes de vacances, de
treizième mois, de sujétion, etc.
2.1.1
Salariés en CDD et en CDI
Le principe est applicable aux salariés en CDI et en CDD (art. L. 1242-14 C. tr.) :
le salarié titulaire d’un CDD, et aussi le travailleur temporaire, doivent être
traités sur un pied d’égalité avec le salarié titulaire d’un CDI, et ils ne peuvent
percevoir une rémunération inférieure à celle que percevrait dans la même
entreprise, après période d’essai, un salarié en CDI de qualification
professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions. Mais l’égalité de
rémunération ne s’applique que si le salarié recruté en CDD pour remplacer un
salarié absent occupe les mêmes fonctions que le titulaire du CDI. Par ailleurs, il
a été précisé que l’indemnité de fin de contrat des salariés en CDD ne doit pas
être prise en considération pour comparer les niveaux de rémunération
(circulaire DRT 30 octobre 1990).
2.1.2
Salariés à temps partiel et à temps plein
Le même principe s’applique aux salariés à temps partiel et à temps plein car la
rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui,
à qualification égale, occupe un emploi à temps complet équivalent dans
l’établissement (art. L. 3123-10 C. tr.).
2.1.3
Salariés relevant de catégories professionnelles distinctes :
cadres, non cadres …
Au-delà de l’égalité de rémunération, l’employeur peut-il réserver des avantages
à une catégorie de salariés, comme par exemple les cadres ou les non cadres ?
La Cour de cassation s’est prononcée sur cette question dans deux arrêts très
importants :
Dans une affaire mettant en cause la pratique d’un employeur qui n’octroyait des titres
restaurant qu’aux salariés non cadres, la Cour a précisé que « la seule différence de
catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un
avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation
identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons
objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence » (Cass. soc. 20 février
2008, n° 05-45601) ;
Dans une autre affaire, concernant un accord collectif qui octroyait des congés
supplémentaires aux seuls cadres, la Cour utilise le même raisonnement pour indiquer
que les non cadres devaient aussi en bénéficier : « la seule différence de catégorie
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Synthèse d’experts - Septembre 2010
La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal »
Vos notes et remarques :
professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une
différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard
dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit
contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». (Cass. soc. 1er juillet 2009, n° 0742675). Il faut donc, pour qu’un accord collectif réserve un avantage à une catégorie
professionnelle, trouver des raisons objectives que le juge contrôlera.
Ainsi, un accord collectif ne peut réserver des avantages à une catégorie de
salariés sauf à préciser des raisons objectives que le juge devra contrôler.
La portée de ces arrêts est importante, dans la mesure où de nombreuses
conventions collectives font des traitements différents pour les cadres et les non
cadres, notamment pour les conditions d’indemnisation en cas de maladie,
l’indemnité de licenciement … sans justifier d’aucun argument objectif. Tous les
salariés pourraient revendiquer auprès des tribunaux les avantages destinés à
une catégorie de salariés, en particulier le bénéfice des accords de prévoyance (et
complémentaire santé), les indemnités de licenciement, les jours de congé, etc.
Cette problématique est particulièrement aigue si un régime de prévoyance n’est
institué qu’au profit des cadres.
2.2
Cadre d’appréciation de l’égalité de traitement
Le principe de l’égalité de traitement s’apprécie en principe au niveau de
l’entreprise et non au niveau des établissements.
Il a été jugé dans un premier temps qu’une différence de traitement entre les
salariés d’une même entreprise, mais appartenant à des établissements
différents, n’était pas illicite, dès lors que l’accord d’entreprise prévoyait que des
modalités spécifiques de rémunération pouvaient être fixées par accord
d’établissement (Cass. soc. 18 janvier 2006, n° 03-45422). Selon cet arrêt, la
pratique consistant, par voie de négociation collective, à prévoir des modalités
différentes de rémunération entre les établissements semble admise.
Toutefois, un accord d’entreprise ne peut prévoir des différences de traitement
entre les salariés appartenant à des établissements différents. Ainsi jugé dans les
cas suivants :
Une entreprise opère des « abattements de zone » sur les salaires bruts de certains
établissements ; la politique de rémunération étant établie au niveau de l’entreprise, il y
a, selon la Cour, atteinte au principe de l'égalité salariale car l'application des
abattements entraîne une différence de traitement entre les salariés de l'entreprise
exerçant des fonctions identiques et classés au même niveau de classification (Cass. soc.
21 janvier 2009 n° 07-43452).
Un accord collectif prévoyait l’octroi d’une prime anniversaire d’entrée dans le groupe
pour les salariés justifiant d'une certaine ancienneté ; cet accord fixait une date
d’application différente en fonction des établissements de l’entreprise. La Cour rappelle
qu’un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés
d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur
égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler
concrètement la réalité et la pertinence. En l’espèce, l'insuffisance des capacités
financières de l’employeur ne permettait pas de justifier les différences de traitement
Synthèse d’experts - Septembre 2010
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Social
constatées entre les salariés des divers établissements (Cass. soc. 28 octobre 2009, n° 0840457).
Vos notes et remarques
Par conséquent, un accord d’entreprise ne peut réserver des traitements
différents aux salariés de différents établissements. Mais un accord d'entreprise
peut prévoir qu'au sein de certains de ses établissements, compte tenu de leurs
caractéristiques, des modalités de rémunération spécifiques seront déterminées
par voie d'accords d'établissement.
Si l’employeur doit assurer une égalité de rémunération entre les salariés placés
dans une situation identique, encore faut-il préciser ce qu’est un « salaire égal »
et un « travail égal ». Par ailleurs, il faudra envisager à quelles conditions des
différences de traitement sont admises entre des salariés effectuant un travail
égal ou de même valeur.
3
Eléments permettant de justifier une différence de salaire
Puisqu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs
justifiant la différence de rémunération, il s’agit de savoir ce que la jurisprudence
admet au titre des « éléments objectifs ».
A cet égard, la jurisprudence est abondante.
3.1
Ancienneté
L’ancienneté peut être un élément objectif à condition qu’elle ne soit pas prise en
compte dans une prime spéciale (Cass. soc. 3 juin 2009 n° 07-42992).
Donc, s’il existe une prime d’ancienneté dans l’entreprise, la prise en compte de
l’ancienneté pour justifier une différence de salarie ne peut être retenue (Cass.
soc. 29 octobre 1996, n° 92-43680).
3.2
Expérience
Pour justifier une différence de salaire par l’expérience, entre des salariés qui ont
les mêmes fonctions, encore faut-il que ce critère soit pertinent. Il faut apporter
des éléments concrets justifiant que des salariés ayant plus d’expérience méritent
une rémunération plus élevée.
L’ancienneté et l’expérience étant souvent liés, la jurisprudence considère que s’il
existe une prime d’ancienneté dans l’entreprise, l’employeur ne peut, en
présence d’une prime d’ancienneté dans l’entreprise, invoquer l’ancienneté et
l’expérience pour justifier une différence de traitement (Cass. soc. 19 décembre
2007, n° 06-44795).
Aussi, le critère de l’expérience est difficile à utiliser en présence d’une prime
d’ancienneté ; il est impératif de justifier en quoi une plus grande expérience
peut justifier un salaire plus élevé.
10
Synthèse d’experts - Septembre 2010
La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal »
Vos notes et remarques :
3.3
Diplômes
Là encore, les diplômes des salariés peuvent être un élément objectif justifiant
une différence de traitement à condition que le diplôme soit utile dans les
fonctions du salarié.
Dans une affaire où une salariée revendiquait la même rémunération que l’un de
ses collègues ayant des fonctions identiques, les juges du fond ont relevé que la
salariée avait un BTS (2 ans d’études) alors que son collègue avait un diplôme
différent acquis après 5 ans d’études. Dans la mesure où les diplômes acquis
étaient utiles à l'exercice des fonctions occupées et sanctionnaient des formations
professionnelles de niveaux et durées inégales, il s’agissait d’une raison objective
et pertinente justifiant la différence de rémunération (Cass. soc. 17 mars 2010, n°
08-43088).
3.4
Qualité du travail fourni
La qualité du travail fourni est bien évidemment un critère objectif à condition
que cet élément puisse être contrôlable, ce qui pose quelques difficultés.
Ainsi, il a été jugé que l’on ne pouvait débouter un salarié de sa demande de
rappel de salaire en l’absence de critères objectifs permettant de vérifier la
meilleure qualité de travail du salarié alléguée par l’employeur ; ce dernier avait
versé aux débats des attestations pour justifier une différence de traitement. Il a
été jugé que l’employeur n’avait pas rapporté la preuve d'éléments susceptibles
de justifier l'inégalité de rémunération entre les salariés (Cass. soc. 10 décembre
2008, n° 07-40911).
Dans le même sens, un arrêt du 20 février 2008 (n° 06-40615) indique que ne
constituent pas des éléments objectifs susceptibles de justifier une différence de
traitement, des reproches formulés au salarié, sur ses difficultés à travailler en
équipe et sur sa susceptibilité excessive à l'égard de sa hiérarchie, en dehors du
processus d'évaluation existant au sein de l'entreprise
Compte tenu de ces arrêts, la différence de traitement fondée sur les qualités
professionnelles nécessite de mettre en place dans l’entreprise un dispositif
d'évaluation des salariés reposant sur des critères objectifs.
3.5
Difficultés de recrutement
Il a été admis qu’était une raison objective la nécessité de recruter de toute
urgence une directrice de crèche devant remplacer la titulaire du poste partie en
congé maternité, pour éviter la fermeture de l’établissement (Cass. soc. 21 juin
2005, n° 02-42658). Dans cette situation, le fait que la remplaçante soit mieux
rémunérée que la titulaire du poste ne va pas à l’encontre du principe d’égalité
de rémunération.
Cet arrêt marque un infléchissement de la position de la Cour de cassation qui
admet que des critères économiques, et notamment le marché de l’emploi,
justifient une différence de traitement.
Synthèse d’experts - Septembre 2010
11
Social
3.6
Vos notes et remarques
Date d’embauche des salariés
La date d’embauche est souvent invoquée par l’employeur pour justifier une
différence de rémunération dès lors qu’elle intervient avant ou après la
dénonciation d’un accord collectif (ou d’un usage) ou encore l’entrée en vigueur
d'un accord collectif, ou enfin dans les cas de transfert d'entreprise.
Il a été jugé que la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou
après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des
différences de traitement entre eux, pour autant que cet accord collectif n’ait pas
pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans
l'entreprise lors de son entrée en vigueur (Cass. soc. 21 février 2007, n° 05-43136).
Ainsi, il a été jugé qu’un salarié embauché après la mise en œuvre d'un accord
collectif de RTT n’est pas dans une situation identique à celle des salariés
présents dans l'entreprise à la date de conclusion de l’accord et ayant subi une
diminution de leur salaire de base consécutive à la RTT, diminution compensée
par une indemnité différentielle. Par conséquent, les nouveaux embauchés ne
sont pas dans une situation équivalente à celle des autres salariés (Cass. soc. 1er
décembre 2005, n° 03-47197).
En revanche, si un salarié est embauché après la dénonciation d’un usage, cette
circonstance ne saurait justifier des différences de traitement entre les salariés
(Cass. soc. 12 février 2008, n° 06-45397).
Enfin, en cas de transfert d’entreprise, lorsque les salariés de l’entité transférée
bénéficiaient, par accord collectif, d’avantages qui n’existent pas dans la nouvelle
entité, les salariés conservent, à l'expiration d’un délai de 15 mois (délai légal de
12 mois de maintien provisoire des accords collectifs + 3 mois de préavis) les
avantages individuels acquis sous l'empire de ces accords (art. L. 2261-13 C. tr.).
Du fait de l’application de cette règle, les salariés transférés peuvent bénéficier
d’avantages dont ne bénéficient pas ceux appartenant à l’entité dans laquelle ils
sont transférés.
En conclusion, l’employeur qui rémunère de façon différente des salariés ayant
des fonctions de même valeur a intérêt à se ménager des preuves constituant des
critères objectifs, et en particulier des évaluations objectives.
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