Voix d`Exils: le film !,« Grâce à Skype, je peux voir grandir mon fils et

Transcription

Voix d`Exils: le film !,« Grâce à Skype, je peux voir grandir mon fils et
Voix d’Exils: le film !
Keerthigan Sivakumar lors du tournage du
film. Photo: Voix d’Exils
Comprendre ce qu’est Voix d’Exils en moins de 8 minutes : c’est le défi
qu’a brillamment relevé Keerthigan Sivakumar, requérant d’asile d’origine
sri-lankaise, qui s’est attelé à la production d’un film sur le blog.
Après plusieurs mois de tournage, en 2013, lors desquels il a suivi les
trois rédactions de Voix d’Exils, Keerthigan Sivakumar a finalisé ce
projet exigeant à l’aide d’une équipe motivée. Visionnez en primeur le
film en cliquant sur les liens qui se trouvent dans l’article.
Passionné de cinéma et membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils,
Keerthigan Sivakumar s’est lancé dans la production d’un film sur le blog
en mars 2013. Un défi d’envergure, car Voix d’Exils ne disposait ni du
matériel adéquat, ni des compétences techniques pour mener à bien ce
projet. Sa proposition a été accueillie très favorablement par les
membres des différentes rédactions cantonales, ainsi que par plusieurs
partenaires qui n’ont pas hésité à lui apporter leur soutien. Donner en
priorité la parole aux membres des rédactions pour qu’ils racontent leur
expérience du blog, mais aussi leur expérience de requérant d’asile en
Suisse, telles sont les axes qui ont guidé les choix artistiques de
l’auteur: des portraits serrés, des plans fixes sur des regards qui en
disent long, des lèvres qui racontent. Pour Keerthigan Sivakumar, en plus
de présenter le blog Voix d’Exils, ce film porte aussi un message plus
général qu’il adresse aux spectateurs: «Ne préjuge pas qui je suis avant
de me connaître. Je suis comme tout le monde. Regarde-moi comme une
individualité et ne me réduis pas à une catégorie.»
Pour visionner la version française du film, cliquer sur le lien suivant:
http://youtu.be/uAVnobYaQQU
Pour visionner la version anglaise du film, cliquer sur le lien suivant:
http://youtu.be/hydE3gkv5e0
Pour voir le film en qualité supérieure: modifier le réglage qui se
trouve au bas de la fenêtre Youtube au niveau du symbole en forme
d’engrenage en augmentant la qualité de l’image jusqu’à 1080 p HD.
Ce film est sous licence Creative Commons et peut être librement diffusé.
Merci de partager largement les liens du film sur vos sites Internet et
réseaux sociaux.
Nous tenons ici à remercier chaleureusement nos partenaires sans lesquels
ce film n’aurait jamais pu voir le jour. Un grand merci à Pôle Sud, à TV
Bourdonette et à Alexi Sans S pour leur soutien.
Omar Odermatt
Responsable du blog Voix d’Exils
Photos des coulisses du tournage
La formation multimédia de Voix d’Exils
au centre de formation « Le Botza ».
Photo: Voix d’Exils.
La rédaction intercantonale de Voix
d’Exils. Photo: Voix d’Exils
Interview. Photo: Voix d’Exils.
Alexi sans S en train de finaliser le
montage du film. Photo: Voix d’Exils.
« Grâce à Skype, je peux voir grandir
mon fils et communiquer avec lui en
direct »
Grâce à Internet, Uthayanan peut rester
proche de sa famille. Photo: Keerthigan
SIVAKUMAR
Le fait d’être séparés de leur famille rend la situation des
requérants d’asile encore plus douloureuse. Lorsqu’ils quittent
leur pays, ils rêvent déjà du moment où ils pourront revoir leurs
proches. En attendant, ils essaient par tous les moyens de garder
le contact coûte que coûte.
Les nouvelles technologies permettent à certains de maintenir le
lien, d’échanger des nouvelles, d’annuler la distance géographique.
Pour d’autres, communiquer avec leurs proches reste
Pema. Photo: Keerthigan
SIVAKUMAR
un exercice difficile, voire impossible. C’est le cas de Pema.
Cette jeune Tibétaine de 29 ans est arrivée en Suisse en octobre
2011. Voilà deux ans qu’elle a dû quitter son pays et qu’elle ne
peut pas entrer en contact direct avec ses parents et son frère
restés au pays. « Le gouvernement chinois pense que les Tibétains
complotent depuis l’étranger » précise Pema. « Si l’armée chinoise
trouve mon lieu de vie actuel à travers ma communication avec mes
parents, mes parents seront en danger ». L’armée chinoise a
d’ailleurs molesté les parents de Pema pour savoir où se cachait
leur fille. En vain. « Mon père et mon frère sont impliqués
politiquement. Ils sont accusés de soutenir les rebelles qui
veulent un Tibet libre. Mon frère a été capturé par l’armée
chinoise » soupire-t-elle. Et les autres Tibétains qui vivent en
Suisse, sont-ils dans la même situation ? « Certains de mes amis
peuvent parler avec leur famille par téléphone. Cela dépend des
raisons pour lesquelles ils ont quitté le pays et aussi du lieu où
vit leur famille ».
Pema a tout de même obtenu à deux reprises des nouvelles de ses
parents par l’intermédiaire de son oncle qui habite au Népal, et
qui va de temps en temps au Tibet pour ses affaires. « Lors de
notre dernier contact, il m’a dit que mes parents allaient bien.
Mais je n’ai aucune nouvelle de mon frère. Est-il vivant ? Est-il
en prison ? Je n’en sais rien… » Séparée de sa famille et de son
pays, Pema ne regrette pourtant pas d’avoir tout quitté pour venir
s’établir en Suisse.
Bien que douloureuse, la situation d’Uthayanan, 32 ans, est très
différente de celle de Pema. Originaire du Sri Lanka,où habitent
toujours sa femme et son petit garçon, il est arrivé en Suisse en
août 2010 et travaille actuellement comme aide-cuisinier dans le
Nord Vaudois. Interview.
Voix d’Exils : Où vit votre famille aujourd’hui?
Uthayanan : Ma femme, mon fils âgé de deux ans et mes beaux-parents
habitent Kilinochi, près de Jaffna, la capitale de la province du
nord du Sri-Lanka. C’est une petite ville qui a été en grande
partie détruite par la guerre.
Êtes-vous régulièrement en contact avec elle?
Habituellement, je téléphone tous les deux jours à ma femme le
matin avant de partir au travail et une fois par semaine, nous
communiquons à travers Skype. J’ai la chance d’avoir un ordinateur
à la maison depuis deux mois. Avant, j’utilisais les ordinateurs de
l’espace internet de l’EVAM à Yverdon.
Votre femme a-t-elle facilement accès aux communications là où elle
habite ?
A mon arrivée en Suisse, elle habitait la ville portuaire de
Trincomalee, où elle avait déménagé après la guerre. J’ai pu la
contacter facilement pendant trois mois. A Trincomalee, on trouve
les facilités nécessaires pour communiquer en toute sécurité et
liberté. Mais, ensuite, ma femme a dû déménager et retourner à
Kilinochi où c’est plus compliqué, car elle n’a pas l’électricité
pour recharger son téléphone à la maison.
Lorsque vous lui parlez à travers Skype, utilisez-vous une Webcam ?
Je me sens très l’aise avec la webcam. Mais, à cause de problèmes
techniques, je ne peux pas toujours l’utiliser alors je me sers du
chat vocal. Je ne peux pas chatter par écrit, car je n’ai pas le
clavier qui me permet de communiquer dans ma langue : le tamoul.
Et pour votre femme, ça se passe comment ?
Elle n’a pas d’ordinateur à la maison. Le cybercafé dans lequel
elle va est toujours plein. Des fois, elle attend plus d’une heure
pour avoir accès à un écran.
Quels sont les avantages de communiquer par Internet et de voir ses
interlocuteurs ?
La première fois que mon fils m’a vu sur Skype, il ne m’a pas
reconnu, il était trop petit. Maintenant, il a presque 2 ans. Quand
il me voit, il crie « Appa! » (Papa, ndlr) et il rit.
Racontez-nous une anecdote avec votre fils ?
Un jour, il ne voulait pas manger et ma femme ne savait plus que
faire. Elle l’a amené devant l’écran, je lui ai dit qu’il devait
manger et il l’a fait. Depuis lors, à chaque fois qu’il refuse de
manger, c’est moi qui l’incite à le faire.
Que pensez-vous des espaces internet que met gratuitement à
disposition l’EVAM ?
C’est un système qui fonctionne. Mais tout ce que l’on dit peut
être entendu par les autres personnes. Comme il n’y a pas de cabine
personnelle, il n’y a pas d’intimité.
Arrivez-vous à créer de la proximité grâce à Skype ?
Grâce à Skype et au téléphone, je peux voir grandir mon fils,
communiquer avec lui et je maintiens avec ma femme un lien qui
reste fort.
Propos recueillis par:
Keerthigan SIVAKUMAR
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Portrait d’une requérante d’asile
Portrait d’une requérante d’asile. Auteur: keerthigan SIVAKUMAR
« Regardez le monde à travers les yeux des requérants d’asile et vous vous
rendrez compte alors de la valeur de votre pays d’origine »
Keerthigan SIVAKUMAR
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Portrait inspiré d’une peinture de Patrick Debbie « Refugee »
Les Tamouls vivant en Suisse
craignent d’être renvoyés
Situation géographique du Sri Lanka.
Depuis le 1er mars 2011, les Tamouls dont la demande d’asile a été rejetée
doivent quitter la Suisse. Cette décision est manifestement prématurée, car la
fin de la guerre, en 2009, ne signifie pas que les droits de l’Homme sont
respectés au Sri Lanka.
Selon l’OSAR (l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés), la situation dans le
Sri Lanka d’après-guerre reste précaire, notamment dans la région Tamoul où la
présence militaire est forte, ce qui incite ses habitants à quitter le pays
encore aujourd’hui. « Le nord et l’est de l’île sont toujours le théâtre
d’arrestations, d’enlèvements, de meurtres, de sévices sexuels, et de la
disparition de dizaines de milliers de veuves et de femmes célibataires »,
souligne l’OSAR, dans un rapport daté du 22 septembre 2011.
Selon ce même rapport, 11’000 personnes ont été arrêtées en 2009 car soupçonnées
d’appartenir au mouvement de libération des Tigres Tamouls, et placées dans des
centres dits de « réhabilitation ». En juillet 2011, on estimait à environ 3’000
le nombre de personnes encore détenues dans ces centres. Pour l’heure, le
gouvernement Sri Lankais refuse de publier la liste des noms des détenus. D’une
façon générale, il rejette les accusations de violences, alors même que des
exécutions filmées et photographiées par des médias étrangers prouvent le
contraire.
Pour faire taire les critiques, le gouvernement Sri Lankais déclare assurer les
soins et la protection des Tamouls qui sont retournés au pays après des années
d’exil, et il montre une version présentable des centres de réhabilitation aux
diplomates étrangers en visite dans l’île.
Le rêve d’une nouvelle vie en Suisse
Dans les pays européens, le nombre de Tamouls demandeurs d’asile a fortement
diminué. Ils étaient
de 470 en Suisse en 2011, contre 939 en 2010, et 1415 en
2009. Si le nombre de demandeurs a diminué, le nombre de Tamouls dont la demande
d’asile a été rejetée a doublé.
En 2011, 175 Tamouls à qui la Suisse a refusé l’asile ont fait recours. Un de
mes amis, appelé Thinesh, est l’un de ceux-là. Il passe beaucoup de temps à
proximité des boîtes aux lettres de son bâtiment. Un jour, je lui ai demandé :
« Tu attends un courrier avec de bonnes nouvelles? ». Il m’a répondu : « Je suis
heureux quand je ne reçois pas de lettres » « Pourquoi? » « J’ai peur… Je
m’attends toujours à de mauvaises nouvelles de la part de l’Office fédérales des
Migrations de Berne. »
Il y a beaucoup de Tamouls qui s’inquiètent comme Thinesh. Lorsqu’ils sont
arrivés en Suisse, ils ont appris la langue, ils ont cherché un emploi pour
subvenir à leurs besoins, ils ont envoyé leurs enfants à l’école. Maintenant,
ils rêvent de recommencer une nouvelle vie en Suisse. Pour eux, le Sri Lanka est
une perle de l’océan Indien qu’ils ne peuvent plus enfiler dans leur collier!
Sara
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils