Le Sommet des affameurs» s`est tenu pour la troisième

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Le Sommet des affameurs» s`est tenu pour la troisième
«Le Sommet des affameurs» s’est tenu
pour la troisième fois consécutive à
Lausanne
« Champ de blé sous ciel orageux ».
Auteur: Elian Chrebor.
Lausanne a accueilli dans les salons feutrés de l’Hôtel Beau Rivage, du
31 mars au 2 avril, les dirigeants des sociétés multinationales de négoce
et autres groupes spécialisés dans le commerce des matières premières à
l’occasion du troisième Sommet mondial des matières premières. En
parallèle, une manifestation a été organisée par différents collectifs de
gauche afin de dénoncer cette rencontre.
La Suisse occupe une place fondamentale dans le négoce des matières
premières, malgré le fait qu’elle ne possède pas de matières premières
sur son sol. Plusieurs facteurs ont contribué à l’essor du négoce dans ce
pays : le secret bancaire, le faible taux d’imposition sur les sociétés,
la faible propension à la régulation politique et la stabilité politique
et sociale.
Une manifestation « contre la spéculation »
Photo: Voix d’Exils
Afin de dénoncer ce troisième sommet mondial des matières premières, une
manifestation «contre la spéculation» a été organisée le lundi 31 mars
dans les rues de Lausanne par le Collectif contre la spéculation sur les
matières premières composé de formations de gauche avec un cortège qui
est parti de la Place Saint-François pour se terminer aux abords l’Hôtel
Beau Rivage. Cette manifestation s’est globalement déroulée dans le calme
avec des slogans comme « La famine cotée en bourse !», «Les spéculateurs
s’enrichissent, les peuples s’appauvrissent» ou encore «Les affameurs
pillent, les réfugiés paient». Des coups de sifflets et des carillons de
casseroles égayaient le parcours. La tension est cependant montée vers 19
heures dans les jardins du Beau Rivage entre les manifestants et les
forces de l’ordre. Ces dernières ont utilisé des sprays au poivre pour
arroser quelques centaines des plus de 500 manifestants qui avaient
franchi le dispositif de sécurité. Trois ou quatre personnes ont été
interpellées et quelques blessés sont à déplorer. Jusqu’à 20 heures, plus
d’une centaine de personnes protestaient encore dans les jardins du
palace.
Un commerce basé sur la corruption et l’impunité des maisons-mères de la
négoce
Photo: Voix d’Exils
« Depuis plus de 15 ans, des sociétés de négoce des matières premières
installées à Genève ou à Zoug génèrent des milliards de dollars par
année. Certaines ont un chiffre d’affaires supérieur au PIB des pays
producteurs des matières premières sur lesquelles elles négocient: les
pays en développement ». James Dunsterville, responsable du Global
Commodities Group, une entreprise basée à Genève spécialisée dans la
création d’événements et la production d’informations dans le domaine des
matières premières, explique que «le commerce de matières premières
fonctionne grâce à la corruption. Il s’agit toujours d’aller acheter les
politiciens» en achetant la protection de certains États. Dans des pays
et des régions instables politiquement comme la RDC, le Darfour, le
Soudan ou le Delta du Nigéria, l’implantation de multinationales du
négoce dans ces pays génère partout les mêmes conséquences désastreuses:
fuite des matières premières et, par conséquent, fuite des capitaux que
représentent ces matières premières, appauvrissement des populations et
migration. Or, le problème est que dans le droit Suisse, les maisonsmères ne sont pas responsables des violations des droits humains ou des
dégâts environnementaux de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger.
Dans une interview dans les colonnes de la Neue Zurcher Zeitung en date
du 19 octobre 2013, la Conseillère fédéral socialiste Simonetta Sommaruga
n’utilise pas le dos de la cuillère et estime « que les grandes sociétés
du secteur des matières premières portent une part de responsabilité dans
les tragédies des migrants au large des côtes européennes. » Pourquoi
donc tolérer un tel Sommet sur le sol helvétique ?
Simon Haikou et M.B.
Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Photo: Voix d’Exils
Commentaire
Ne rien dire, ne pas s’opposer à cette injustice, c’est se rendre
complice de celles et ceux qui créent la misère et la violence dans les
pays pauvres. C’est certainement cette solidarité à l’endroit des
victimes de ce trafic des matières premières qui a poussé les collectifs
de gauche ayant organisé la manifestation du 31 mars de demander à la
Suisse un accueil digne et durable des réfugiés en fustigeant «ce sommet
de la honte». Combattre les affameurs des peuples pauvres et permettre à
chaque citoyen ou citoyenne du monde de pouvoir vivre dans son pays est
un devoir pour toutes et tous.
S.H.
Sources :
Un ouvrage édité par la Déclaration de Berne et les Éditions d’En bas en
2011 intitulé « Swiss Trading SA – La Suisse, le négoce et la malédiction
des matières premières » analyse de manière intéressante les enjeux du
négoce des matières premières. Un article paru sur le site Internet «
Vivre Ensemble » reproduit quelques extraits du livre mentionné cidessus.
J’ai trouvé une lampe magique…
Une BD signée Hossein, membre de la rédaction
neuchâteloise de Voix d’Exils.
A la rencontre des écoliers valaisans
Marcus jouant au « Awele » avec les
élèves, un jeu typique d’Afrique de
l’Ouest. Photo: Voix d’Exils.
En Valais depuis près de 3 ans, Marcus est toujours dans l’expectative
concernant sa demande d’asile. En attendant une réponse des autorités
suisses, cet Ougandais en exil perfectionne son français et apprend à
découvrir le canton et ses habitants. Dernièrement, il a collaboré à un
projet pédagogique mené dans les écoles de la région. Une expérience
unique pour un contact privilégié avec les étudiants valaisans et leurs
enseignants. Des rencontres qui ont inspiré Marcus.
Depuis quelques temps, je n’ai plus beaucoup écrit. Plusieurs raisons à
cela : d’abord, j’ai essayé d’améliorer mon français, que ce soit écrit
ou parlé. Durant quelques mois, j’ai également participé à un programme
d’intégration.
Cette période n’a bien sûr pas été uniquement faite de travail. J’ai
aussi pris beaucoup de plaisir. J’ai d’ailleurs développé de nouveaux
intérêts en plus de mon obsession pour la course à pied, à commencer par
la danse et… les combats de reine, que j’ai découverts au Châble, près de
Verbier, invité par un ami suisse. Quel suspense ! J’ai adoré regarder
lutter ces animaux bien nourris. Peut-être vous en dirai-je d’avantage
dans mon prochain article.
Cette fois, je voudrais vous faire part des quelques jours que j’ai
passés à Conthey dans le cadre d’une exposition au cycle d’orientation
«CO de Derborence». Je n’étais pas là en tant qu’étudiant, mais pour
partager ma culture, mon expérience avec les élèves de l’établissement.
Un labyrinthe leur montrait également le processus que les requérants
d’asile traversent avant de se voir octroyer ou non le titre de réfugié.
Quelques jours avant l’exposition, l’excitation et la peur se mêlaient en
moi. J’étais heureux d’avoir à pratiquer ma nouvelle langue, content de
pouvoir redonner aux Suisses un peu de ce qu’ils m’avaient offert. Mais
j’étais aussi apeuré à l’idée du défi linguistique qui m’attendait. La
crainte envahissait mon esprit : et si les enfants ne comprennent pas ce
que je leur dis ? Aujourd’hui, je suis juste heureux que le positivisme
et le courage aient surpassé ma peur.
Le premier jour, la réception chaleureuse des enseignants et des
étudiants a rendu les choses plus faciles. Répondre à leur intérêt était
très encourageant. A ma grande surprise, les étudiants étaient très
intéressés à apprendre quelques chose de nouveau, alors qu’ils n’auront
peut-être jamais à jouer à nos jeux ou à parler nos langues. J’y vois là
une des raisons qui fait le succès de la Suisse : ce besoin inné
d’apprendre est un pas vers la créativité.
Lorsque je leur présentais l’un des jeux pratiqués dans mon pays,
l’Awele/Manchala, les enfants et enseignants m’écoutaient religieusement.
Au début, je voyais bien que le nombre de graines dans le support en bois
sculpté les faisait douter. Ils se demandaient s’ils pourraient un jour
apprendre ce jeu. Mais, à la fin de la séance, leurs sourires ne
mentaient pas. Certains m’ont même demandé où ils pouvaient acheter ce
jeu. Qu’aurais-je pu demander de plus : non seulement ils ont compris le
jeu, mais en plus ils l’ont aussi apprécié.
Une autre leçon importante pour moi a été de constater la paix et le
calme qui régnaient dans cette école. Étant donné l’âge des élèves, pour
la plupart adolescents, j’ai été stupéfait par l’harmonie qui y régnait.
Aucun signe de gang ou d’agression entre étudiants. Je comprends
maintenant pourquoi beaucoup de parents vivant dans d’autres pays veulent
envoyer leurs enfants dans des écoles helvétiques.
J’ai aussi découvert le secret qui se cache derrière la paix en Suisse.
C’est la formation donnée aux enfants. De gros fusils et une armée de
l’air
hypersophistiquée
protègent
peut-être
contre
une
agression
extérieure, mais la paix civile ne peut être maintenue que par la bonne
éducation des enfants à la maison, à l’école et dans la société.
Depuis, il n’est plus surprenant pour moi d’être arrêté par ces charmants
enfants qui me tendent une main et me saluent. J’oublie peut-être leurs
noms, mais je me rappelle clairement de leurs visages défilant devant les
stands où nous présentions nos cultures, dans une ambiance familiale.
Le dernier jour, lorsque nous nous sommes dit au-revoir, les émotions
étaient très fortes. J’aurais aimé passer plus de jours dans cette école
mais comme le disait le roi Salomon : il y a un temps et une saison pour
chaque chose. La saison était arrivée à sa fin. Nous devions partir.
Durant cette période, les souvenirs de mes écoles primaire et supérieure
me sont également revenus. Je me suis aperçu à quel point les années
passent. Les générations vont et viennent comme le monde continue de
tourner.
Quand nous avons passé l’enceinte de l’école, je me suis rappelé de la
diversité de toutes les cultures à l’école : les enfants d’Asie,
d’Afrique et de différentes parties d’Europe. Discrètement, je me suis
mis à chanter le refrain d’une chanson populaire appelée «Black and
white », de Three dogs a night. Voici quelques paroles de sa version
originale : «The paper is white, the ink is black, the child black, the
child is white and together we learn to read and write. What a wonderful
world».
Marcus
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d‘Exils
Le labyrinthe, qu’est-ce que c’est ?
Le labyrinthe. Photo: Voix d’Exils
Le labyrinthe est un parcours cheminant entre des panneaux en bois. Il
permet de suivre l’histoire du requérant arrivé en Suisse et plus
précisément en Valais.
Des dessins de François Maret accompagnent des textes basés sur des
histoires réelles. Des jeux d’adresse et de mémoire proposent également
aux visiteurs de s’adonner à des activités.
Ce labyrinthe a été conçu par le centre «Le Botza», qui forme et occupe
des requérants d’asile. Le projet est né de l’envie de montrer le chemin
physique et émotionnel de la personne qui arrive en Valais. Il doit
permettre aux visiteurs de se rendre compte des difficultés rencontrées
par les migrants, mais aussi de leurs étonnements à notre égard.
La première ouverture au public de ce parcours didactique a eu lieu en
2013 dans le cadre du Festival des Cinq Continents à Martigny. Depuis, il
est exposé au cycle d’orientation de Derborence, à Conthey.