Le marché de la bière en France, brasseur d`innovations.

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Le marché de la bière en France, brasseur d`innovations.
Le marché de la bière en France, brasseur d’innovations.
Cinquième pays producteur européen de bières en Europe, la France a
produit plus de 16.8 millions d’hectolitres en 20041, et enregistré un chiffre d’affaires
de plus de 2 milliards d’euros, représentant environ 4 500 emplois directs. La
Brasserie française se structure essentiellement autour de trois grands groupes
étrangers, Kronenbourg (Royaume-Uni ; qui domine le marché), Heineken (PaysBas) et InBev (Belgique-Brésil), qui représentent à eux seuls 85% du marché. A côté
de ces géants de la bière, le marché compte près de 200 micro-brasseries. Ces
dernières sont réparties un peu partout sur le territoire, et la plupart a vu le jour après
1990, hormis pour celles déjà présentes dans les régions du Nord et de l’Est (régions
fortes d’une grande tradition brassicole). Ce phénomène des « micro-brasseries » est
en fait mondial et a vu son origine aux Etats-Unis qui en comptent déjà près de 700
sur son territoire. L'Europe s'y est mise un peu plus tard et la France découvre
actuellement ce phénomène. On compterait cette année une centaine de microbrasseries à travers l'Hexagone, la plus ancienne étant la Brasserie des deux rivières
à Morlaix, en Bretagne, créée il y a une quinzaine d'années par deux employés de
banque2. Ainsi, actuellement, « de Bretagne à Rhône-Alpes, en passant par
l’Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur, toutes les régions françaises fermentent
de l’orge3 ». D’ailleurs, les régions brassicoles ne sont plus forcément les plus
pourvoyeuses de micro-brasseries ; la Bretagne par exemple domine en volume
cette micro-production avec 40 000 hl contre 36 000 hl dans le Nord. Les motivations
invoquées par ces micro-brasseurs, pour expliquer cet engouement sont, le plus
souvent, la passion pour le produit et le métier traditionnel qui l’accompagne, et/ou la
volonté de valoriser un patrimoine ou une région. D’où l’importance de ces créations
en Bretagne, au Pays Basque, en Ardèche ou encore en Corse…Mais aussi
l’originalité des bières que ces nouvelles brasseries proposent : de la bière bretonne
au Chouchen à la bière ch’ti à la chicorée, en passant par la bière sancerroise à la
lentille verte du Berry ou encore à la mirabelle en Lorraine…Ce qui renforcent ainsi
leur identité régionale, et valorisent la richesse du territoire français.
1
http://www.brasseurs-de-france.com/
http://www.alsapresse.com/jdj/99/04/23/IRF/1/article_1.html
3
http://www.rayon-boissons.com/infos/media_b6.php?id=511
2
Mais cet élan plus ou moins récent pour l’activité brassicole ne reflète pourtant
pas une tendance similaire au niveau de la consommation qui représentait en 2004,
20.2 millions d’hectolitres. En effet, contrairement aux idées reçues, la France est
l’avant dernier pays consommateur de bière d’Europe, avec 33.7 litres par an et par
habitant pour la même année. Ce qui est très loin des 118 litres irlandais et des 117
litres allemands1. Le marché de la bière a diminué de 25% en 25 ans, s’expliquant
d’une part par la diminution générale de la consommation d’alcool en France depuis
1960 et d’autre part, par une consommation se dirigeant davantage vers le vin (60%)
et les spiritueux (25%), la bière ne représentant alors que 15% de la consommation
d’alcool. La réglementation sur les consommations d’alcool qui est mise en place en
France, avec notamment le durcissement de la loi au début de l’année 2005, ainsi
que la multiplication, ces dernières années, des campagnes de communication
contre la consommation d’alcool, explique en grande partie cette baisse. Une étude
réalisée par TNS Sofres4 en juin 2005, à la demande de Kronenbourg, le confirme et
montre notamment que la prise de conscience touche aussi les conducteurs, dont
68% avouent être « plus vigilants et sensibles » au problème de l’alcool au volant
qu’il y a un an. Il ressort également de cette étude qu’alors que 47% des
consommateurs (soit 30% de l’échantillon) demeurent attachés au taux moyen actuel
de 5 degrés, 40% des français se prononcent en faveur d’un taux d’alcool compris
entre 1 et 4 degrés (les 12% restants prônant l’absence d’alcool dans la bière). Le
taux idéal d’alcool dans la bière serait ainsi de 3.37 degrés.
Au regard de ce constat, et afin de relancer la consommation – ou du moins
de s’y adapter – les brasseries vont chercher à proposer de nouveaux produits, en
innovant dans la gamme même du produit ou dans son packaging. Ainsi, le créneau
des bières sans alcool ou light (n’exprimant pas, dans le cas de la bière, l’allègement
en sucre mais en alcool) s’est développé, avec l’arrivée sur le marché, de la Buckler
sans alcool (moins de 1.2 degrés d’alcool) et de la Panach (toutes deux produites
par Heineken), de la Kronenbourg 2.6 (titrant donc à 2.6°) relancée sous le nom
Extra 2.6, ou encore de la Stella Light… Kronenbourg va plus loin en jouant la carte
de la sécurité routière et en lançant un plan d’action baptisé « Ligne de conduite »,
dont l’objectif est de proposer aux consommateurs des cafés, hôtels et restaurants,
une alternative aux boissons alcoolisées. Le groupe développe ainsi sa palette de
4
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/200605_kronenbourg_n.htm
produits en proposant une bière pur malt sans alcool, une nouvelle pression à 2.6° et
de nouveaux verres 1664 à la contenance réduite de 15cl. Pour aller jusqu’au bout
de la prévention, il va même jusqu’à distribuer des éthylotests et des sous-bocks
aidant à estimer son taux d’alcoolémie5. En plus de répondre à ces nouvelles
tendances de la demande existante, ces nouvelles bières devraient même parvenir à
toucher une autre population, plus féminine et plus jeune. En effet, toujours selon
l’enquête TNS Sofres, les femmes consomment de la bière, mais moins souvent que
les hommes : elles sont près d’une sur trois à en boire, mais ne sont plus que 6% à
en boire au moins une fois par semaine. Ces nouveaux produits light, ainsi que les
nouvelles bières aromatisées comme la Desperados à la Téquila ou encore la Kriska
à la Vodka, devraient alors pouvoir attirer ces populations plus jeunes et féminines.
Sur ce plan, les grands groupes jouent aussi la carte du packaging pour attirer de
jeunes consommateurs ou des populations branchées, à l’exemple de Heineken, qui,
en 2002, a fait appel au designer français Ora-ïto pour lancer une bouteille en
aluminium, ou encore de Kronenbourg et du designer Philippe Starck sur des
produits de la gamme 16646. Toujours dans cette idée d’innovation en matière de
packaging, mais visant une autre population, les fûts pression se vendent de plus en
plus dans la grande distribution, permettant ainsi au particulier de bénéficier d’une
pression à domicile. Ainsi, à l’image des micro-brasseurs qui développent des
produits spécifiques et empreints de leur identité régionale, les géants « français »
de la bière n’hésitent pas à faire preuve d’imagination en mettant sur le marché de
nouvelles gammes de bières, répondant ainsi aux attentes de consommateurs mieux
ciblés.
Sandrine SELOSSE
ADMEO/CNRS
Université de Nice Sophia-Antipolis
[email protected]
http://hp.idefi.cnrs.fr/selosse
La Newsletter de l’ADMEO, n° 23, Rubrique « Bonus – Spécial Anniversaire », mars
2006
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http://www.zerotracas.com/securite_routiere/kronembourg_298.html
http://management.journaldunet.com/0602/0602120biere.shtml

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