Réflexions sur la mesure de l`« empowerment » des femmes

Transcription

Réflexions sur la mesure de l`« empowerment » des femmes
C ahiers
genre et développement
Réflexions sur la mesure
de l’« empowerment » des femmes
Naila Kabeer*
In: Discussing Women’s Empowerment – Theory and Practise, Sida Studies
n° 3, Stockholm, 2002**
Traduit de l’anglais par Emmanuelle Chauvet
Conceptualiser l’empowerment
Introduction
Deux types d’arguments ont été invoqués pour promouvoir les droits des
femmes: la pertinence intrinsèque des idées féministes d’un côté, et de l’autre la possibilité de synergies entre ces idées et les priorités officielles du
développement. Reçu plus favorablement, le second type d’argument a permis de mettre la défense des droits des femmes à l’ordre du jour des politiques classiques de développement. En effet, dans un contexte où les décideurs politiques doivent allouer des ressources limitées et trancher entre des
projets concurrents, prendre en compte les objectifs intrinsèques du féminisme les oblige à s’éloigner de leurs domaines de prédilection (protection
sociale, pauvreté, efficacité) et à aborder ceux, plus hasardeux, du pouvoir et
de l’injustice sociale. La raison en est également politique: les principaux
bénéficiaires de ces programmes, c’est-à-dire les femmes, et en particulier
les femmes des ménages pauvres, n’ont que peu d’influence sur ceux qui
conçoivent les programmes au sein des grandes institutions politiques.
* Professeure à l’Institute of Development Studies, University of Sussex, Brighton.
** Reproduit avec l’autorisation de Sida, Institute of Social Studies, La Haye, et UNRISD, Genève.
253
C ahiers
254
genre et développement
Par conséquent, tant qu’on a défendu l’empowerment des femmes
comme une fin en soi, il a été considéré dans les cercles politiques comme
un jeu «à somme nulle» avec des gagnants politiquement faibles et des perdants politiquement puissants. En revanche, les formes instrumentalistes de
défense des droits des femmes, qui promeuvent l’égalité des genres et l’em powerment des femmes en en démontrant les nombreux effets positifs, permettent aux décideurs politiques d’atteindre des objectifs connus et approuvés, bien que par des moyens inhabituels. L’argument selon lequel
l’empowerment des femmes pourrait être politiquement payant est convaincant, notamment quand on parle d’attitude en matière de fertilité et de transition démographique, de bien-être des enfants et de mortalité infantile, de
croissance économique et de lutte contre la pauvreté. De ce fait, des défenseurs inattendus de l’empowerment des femmes sont apparus dans le
domaine du développement international, par exemple la Banque mondiale,
les grandes agences des Nations unies et le groupe CAD de l’OCDE.
Mais le succès des formes instrumentalistes de défense de l’empower ment a un coût. Il implique la transposition de la pensée féministe dans le
discours politique techniciste, processus par lequel l’avant-gardisme politique du féminisme a en partie été sacrifié. Cette transposition passe entre
autres par un processus de quantification. La mesure quantitative est bien
sûr une préoccupation importante en politique. Elle traduit un souci justifié
du rapport coût/bénéfice de revendications concurrentes pour des ressources
limitées. Pour de nombreux décideurs politiques, l’idée même de l’empo werment des femmes est le symbole par excellence de l’intrusion hasardeuse
de concepts métaphysiques dans le monde concret et pratique de la politique
de développement. Une quantification de l’empowerment confère donc au
concept des bases plus solides et objectivement vérifiables. De nombreuses
études ont donc été entreprises dans ce but. Certaines ont cherché à permettre des comparaisons géographiques et diachroniques, d’autres à prouver
l’impact de projets spécifiques sur l’empowerment des femmes, et d’autres
enfin à démontrer que l’empowerment des femmes a permis d’atteindre des
objectifs politiques fixés.
Mais l’idée même de parvenir à définir clairement l’empowerment, sans
même parler de le mesurer, ne fait pas l’unanimité. Bien des féministes pensent que la valeur du concept tient justement à son imprécision. Pour reprendre les termes d’une activiste, membre d’une ONG, citée dans Batliwala
(1993): «J’aime le mot empowerment parce qu’il n’a pas encore été clairement défini; il nous laisse une marge pour le pratiquer avant même de
devoir essayer de le définir. Je continuerai à l’utiliser tant que je serai certaine qu’il décrit ce que nous faisons.» Cet article propose une évaluation
critique des différentes mesures de l’empowerment des femmes qui ressortent de la littérature de plus en plus abondante sur le sujet. A partir de cette
C ahiers
genre et développement
évaluation, il propose une réflexion sur les effets des tentatives de quantification d’un concept difficilement mesurable. Il réfléchit également sur l’impact de la substitution des arguments intrinsèques du féminisme par des
arguments instrumentalistes. Mais, le concept étant contesté, il est important
de clarifier d’emblée la façon dont il sera utilisé dans cet article, car cette
conception influencera l’évaluation des différentes tentatives de mesure.
[…]
Conceptualiser l’empowerment : ressources, capacité d’action et résultats
Une approche possible de la notion de pouvoir est celle de la capacité à faire
des choix: être exclu du pouvoir implique alors d’être privé de choix1. Ma
conception de l’empowerment est inextricablement liée au manque d’accès
au pouvoir. Elle se réfère aux processus par lesquels les personnes dépourvues de la capacité à faire des choix acquièrent cette capacité. En d’autres
termes, l’empowerment implique un processus d’évolution. Ceux qui font de
nombreux choix dans la vie sont peut-être très puissants, mais ils ne sont pas
concernés par l’empowerment tel que je l’entends parce qu’ils n’ont jamais
été exclus du pouvoir.
Mais pour être pertinente dans l’analyse du pouvoir, la notion de choix
doit être clairement circonscrite. Tout d’abord, le choix implique nécessairement une alternative, la possibilité de faire un autre choix. Pauvreté et exclusion du pouvoir sont logiquement liées car le manque de moyens pour satisfaire ses propres besoins essentiels empêche souvent de faire de véritables
choix. Mais même une fois la survie acquise, tous les choix n’ont pas la
même pertinence pour la définition du pouvoir. Certains choix sont plus
importants que d’autres par les conséquences qu’ils ont. Nous devons donc
faire une distinction entre les choix de premier et de second ordre. Les premiers sont les choix de vie stratégiques, tels que le choix des moyens de
subsistance, du lieu de vie, de se marier, de la personne épousée, d’avoir ou
non des enfants, la liberté de mouvement et le choix des amis, autant d’éléments déterminants qui permettront aux personnes de vivre la vie qu’elles
ont choisie. Ces choix de vie stratégiques créent un environnement dans
lequel d’autres choix trouvent leur place, des choix de second ordre moins
lourds de conséquences, importants pour la qualité de vie mais qui n’en
déterminent pas les paramètres.
L’empowerment est donc le développement de la capacité à faire des
choix de vie stratégiques dans un contexte où cette capacité ne pouvait
s’exercer.
On peut penser l’évolution de la capacité à choisir à partir de l’évolution
de trois dimensions interdépendantes qui définissent le choix: les ressources,
255
C ahiers
genre et développement
qui déterminent le contexte dans lequel sont faits les choix; la capacité d’action, qui est au cœur même du processus de choix; et les résultats, qui sont
les effets des choix. Ces dimensions sont interdépendantes car chacune est à
la fois la cause et la bénéficiaire de l’évolution des deux autres. Les résultats
à un moment en particulier se traduisent donc par des ressources ou une
capacité d’action meilleures, et donc ultérieurement par une meilleure capacité à faire des choix.
Figure 1. Les dimensions de l’« empowerment»
Ressources
256
(conditions)
Résultats
(conséquences)
Capacité d’action
(processus)
Les ressources peuvent être matérielles, sociales ou humaines. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement des ressources économiques conventionnelles telles que la terre, l’équipement, les finances, les fonds de roulement, etc.; mais aussi des diverses ressources humaines et sociales
permettant d’améliorer la capacité à faire des choix. Les ressources humaines sont propres à l’individu, et elles comprennent ses connaissances, ses
compétences, sa créativité, son imagination, etc. Les ressources sociales sont
les contraintes, les obligations et les attentes inhérentes aux relations, aux
réseaux et aux liens existant dans différents domaines, et qui permettent aux
personnes d’améliorer leurs situations et leurs perspectives au-delà de ce qui
serait possible par leurs seuls efforts individuels.
Les ressources sont distribuées par diverses institutions et processus.
L’accès aux ressources va être déterminé par les règles, les normes et les
pratiques dominantes dans différentes sphères institutionnelles (par exemple
les normes familiales, les relations patron-clients, les accords salariaux
informels, les transactions contractuelles formelles, les prestations sociales
publiques). Ces règles, normes et pratiques donnent à certains acteurs le
pouvoir de déterminer les principes de distribution et d’échange dans une
sphère particulière, et de ce fait leur donne une autorité sur les autres. La
distribution des ressources «allocatives» se confond donc souvent avec la
distribution «de l’autorité» (Giddens, 1979), que l’on peut définir comme le
pouvoir de définir les priorités et de faire valoir ses revendications. Les
chefs de ménages, les chefs de tribus, les directeurs d’entreprises, les dirigeants d’organisations, les élites d’une communauté sont tous dotés de l’autorité décisionnaire dans un certain contexte institutionnel en vertu de la
position qu’ils occupent au sein de ces institutions.
C ahiers
genre et développement
Les conditions dans lesquelles sont acquises les ressources sont aussi
importantes que les ressources elles-mêmes quand on parle d’empowerment.
L’accès peut être subordonné à des formes très clientélistes de dépendance
ou à des conditions de travail de l’ordre de l’exploitation, mais il peut aussi
se faire dans la dignité et dans l’estime de soi. L’empowerment induit autant
une évolution des conditions d’acquisition des ressources qu’un meilleur
accès aux ressources.
La deuxième dimension du pouvoir est celle de la capacité d’action, la
capacité de chacun à définir ses objectifs et à s’y conformer. La notion de
capacité d’action va au-delà de l’action visible; elle inclut également le sens
donné à l’action, la motivation et les objectifs de l’acteur, en bref, son sens
de l’action, son «pouvoir individuel». A l’étape opérationnelle, la capacité
d’action est souvent traduite en «prise de décision individuelle», en particulier dans la littérature économique traditionnelle. Elle englobe en réalité des
actions plus diverses ayant un but déterminé, comme le marchandage, la
négociation, la tromperie, la manipulation, la subversion, la résistance et la
protestation, ainsi que des processus de réflexion cognitifs et intangibles. La
capacité d’action comprend aussi la réflexion et l’action collective, autant
qu’individuelle.
La capacité d’action a un sens à la fois positif et négatif quand on la
relie au pouvoir2. Dans le sens positif du «pouvoir de», elle désigne notre
capacité à définir nos propres choix de vie et à poursuivre nos propres objectifs, quitte à s’opposer aux autres. La capacité d’action peut aussi être exercée dans le sens plus négatif du «pouvoir sur», c’est-à-dire de la capacité
d’un acteur ou d’une catégorie d’acteurs à étouffer la capacité d’action des
autres, notamment par la violence, la coercition ou la menace. Mais le pouvoir peut également s’exercer sans action explicite. Les normes et les règles
du comportement social garantissent souvent la reproduction de certains
résultats sans exercice apparent d’une action. Lorsque les conséquences portent sur les choix de vie stratégiques que l’on a évoqués précédemment, ils
témoignent de l’exercice d’un pouvoir «non décisionnaire» (Lukes, 1974).
Les normes du mariage en Asie du sud-est par exemple donnent aux parents
l’autorité de choisir les partenaires de leurs enfants, mais elles ne sont très
probablement pas vécues comme une forme de pouvoir – sauf quand elles
sont contestées.
Ensemble, les ressources et la capacité d’action constituent ce que Sen
appelle les potentialités, le potentiel qu’ont les individus de vivre la vie
qu’ils souhaitent, d’être et d’agir de façon valorisante. Sen utilise le concept
de «fonctionnements» pour désigner les différentes façons «d’être et
d’agir» auxquelles les personnes aspirent dans un contexte donné, et celui
de «résultats des fonctionnements» pour désigner les façons d’être et d’agir
257
C ahiers
genre et développement
réelles des individus. Ces résultats, qu’ils soient atteints ou non, constituent
notre troisième dimension du pouvoir. La question du pouvoir n’est évidemment pas pertinente si l’impossibilité d’un individu à être et agir comme il le
veut tient à sa paresse, à son incompétence ou à toute autre raison qui lui est
spécifique. Mais lorsque l’échec traduit des asymétries dans la distribution
sous-jacente des potentialités, il peut être interprété comme une manifestation de l’exclusion du pouvoir.
[…]
Empowerment : dimension, niveaux et processus d’évolution
258
[…] La capacité à choisir est au centre du concept de pouvoir utilisé ici.
Cependant, il a été nécessaire de circonscrire le concept de choix afin de
s’assurer de sa pertinence. Les conditions du choix varient et sont de deux
types. Les premiers sont faits dans un contexte favorable où les alternatives
sont réelles. Dans le cas des seconds, les alternatives sont soit absentes soit
potentiellement porteuses de conséquences dont le coût est totalement dissuasif. Les restrictions portant sur les conséquences du choix montrent qu’il
est également nécessaire de distinguer les choix de vie stratégiques, qui ont
pour objectif certaines façons d’être et d’agir, des autres choix plus banals
qui interviennent après que ces choix de premier ordre ont été faits. On
peut aller plus loin dans l’évaluation des conséquences du choix par l’analyse des transformations qu’il peut entraîner. Il faut alors se poser les questions suivantes: dans quelle mesure ces choix peuvent-ils remettre en question et déstabiliser les inégalités sociales? Ou au contraire dans quelle
mesure sont-ils l’expression et les outils de perpétuation de ces inégalités?
Les choix qui traduisent les inégalités fondamentales d’une société, qui
empiètent sur les droits des autres ou qui dévalorisent systématiquement le
moi ne sont pas compatibles avec la notion d’empowerment présentée dans
cet article.
Ces restrictions permettent d’intégrer les dimensions structurelles du
choix dans notre analyse. Les structures agissent par l’intermédiaire des
règles, des normes et des pratiques de différentes institutions qui déterminent les ressources, capacité d’action et résultats accessibles aux différents
groupes sociaux: notre notion des «alternatives» (un autre choix aurait-il
été possible?) tient compte de ces contraintes plus vastes. Mais les actions et
les choix individuels et collectifs peuvent finalement également affecter les
contraintes structurelles en les renforçant, en les modifiant et en les transformant: notre notion des «conséquences» met l’accent sur ces éventualités.
Cette conceptualisation de l’empowerment crée un cadre susceptible d’inclure le changement à différents niveaux (figure 2).
C ahiers
genre et développement
Figure 2 : Les niveaux de l’« empowerment»
Niveaux « plus profonds » :
Relations structurelles
de classe/caste/genre
Niveaux intermédiaires :
Règles institutionnelles
et ressources
Niveaux immédiats :
Ressources, capacité d’action
et résultats individuels
Cette conceptualisation traduit l’évolution aux niveaux individuel et
collectif, celle du sentiment du moi et du sentiment identitaire, de la perception des intérêts et de la capacité à agir. Cette évolution peut se produire au
niveau intermédiaire, dans les règles et les relations qui prévalent dans les
domaines personnel, social, économique et politique. Elle peut également se
produire au sein des structures plus profondes, et cachées, qui déterminent et
reproduisent la distribution des ressources et du pouvoir dans une société.
Mais pour que ces évolutions induisent des processus significatifs et durables d’empowerment, ils doivent en fin de compte englober les niveaux tant
structurels qu’individuels. L’institution de droits dans le cadre légal d’une
société n’a aucune signification si ces droits ne diversifient pas réellement
les possibilités offertes à chaque individu. De la même façon, une modification des ressources mises à la disposition des individus qui laisse intacte les
structures d’inégalité et de discrimination peut, certes, améliorer le bien-être
mais ne renforce pas pour autant le pouvoir des individus.
Dans la suite de cet article, j’analyserai une sélection d’études qui tentent
de mesurer l’empowerment des femmes, études majoritairement tirées des études de développement, et particulièrement de la littérature économique, démographique et de genre. Comme nous allons le voir, ces diverses études traitent
de l’idée de l’empowerment de façons très diverses. Elles se concentrent sur
des dimensions différentes de l’empowerment, et traitent le pouvoir soit
comme un attribut individuel, soit comme un attribut des structures. Elles diffèrent également dans leur conceptualisation du changement social.
Dans certains cas, l’évolution d’une dimension ou d’un niveau est supposée entraîner, ou traduire, des évolutions dans les autres dimensions ou
niveaux. Les études se limitent alors aux indicateurs de cette évolution.
L’Indicateur de participation des femmes du PNUD, qui se concentre sur la
représentation politique des femmes ou sur le nombre de femmes aux postes
d’encadrement, est un exemple de cette approche. On suppose que ces indicateurs nous donnent des informations importantes, même indirectes, sur la
capacité des femmes à faire des choix stratégiques dans d’autres domaines.
D’autres études adoptent une logique linéaire de cause à effet pour modéliser
259
C ahiers
260
genre et développement
la relation entre les évolutions dans différents niveaux ou dimensions de
l’empowerment. Elles se limitent souvent aux évolutions au niveau individuel, en explorant par exemple les relations entre les évolutions dans l’accès
des femmes à des activités lucratives et celle de leur pouvoir décisionnaire au
sein du ménage. Quelques unes ont pourtant cherché à modéliser les effets
des évolutions au niveau structurel sur le choix individuel. La littérature sur
la mesure quantitative manque d’exemples de modèles de changement social
qui soient plus de l’ordre du processus, comme ceux qui sont défendus par de
nombreuses féministes, et dont voici un exemple dans ces citations de
Batliwala :
… l’exercice d’un choix en connaissance de cause dans un cadre plus
large d’information, de connaissance et d’analyse… un processus qui
doit permettre aux femmes de découvrir de nouvelles possibilités, de
nouvelles options… des possibilités de choix de plus en plus diverses…
qu’elles mènent un lutte indépendante pour faire évoluer leurs condi tions de vie matérielles, leurs vies personnelles, et la façon dont elles
sont considérées dans la sphère publique… Le processus de mise en
cause des relations de pouvoir existantes, et d’accès à un plus grand
contrôle des ressources du pouvoir… (Batliwala 1993 et 1994).
Perçu comme un processus, le changement social sera souvent plus
indéterminé. Cette perception part en effet du postulat que l’action humaine
est imprévisible, et les circonstances de cette action très diverses. Elle identifie éventuellement certains éléments clés de la structure et de l’action ayant
un potentiel catalyseur, mais n’essaie pas de déterminer à l’avance comment
ce potentiel va se développer en pratique. L’empowerment est donc considéré comme une forme de changement social difficile à retranscrire par des
données quantitatives.
Mesurer l’empowerment : le problème du sens
Mesurer les «ressources»
Au premier abord, la dimension «ressources» de l’empowerment pourrait
paraître la plus facile à mesurer. Mais une lecture critique des mesures qui
en ont été faites montre que la tâche est moins simple qu’il n’y paraît, même
lorsque les ressources sont étroitement définies, en termes matériels, comme
elles le sont en général. Dans la littérature sur l’empowerment, il est très
courant de parler de «l’accès aux ressources» de façon générale, comme si
parler des relations entre les femmes et les ressources indiquait automatiquement les choix possibles. En réalité, les ressources ne sont pas synonymes
de choix, et en les mesurant on évalue une possibilité plutôt que la réalisa tion d’un choix. D’autres éléments, qui touchent aux conditions dans les-
C ahiers
genre et développement
quelles les femmes font leurs choix, déterminent en partie si les évolutions
dans leurs ressources vont leur donner de nouvelles possibilités de choix.
Prenons par exemple «l’accès» des femmes à la terre.
Au niveau systémique, on schématise souvent l’accès des femmes à la
terre en faisant une distinction entre différentes catégories de droits fonciers, partant de l’hypothèse que les femmes sont plus autonomes dans les
régions où elles ont les droits fonciers les plus forts (par exemple, Dyson et
Moore, 1983; Boserup, 1970). Mais les études qui utilisent la mesure de
l’accès des femmes à la terre comme indicateur de leur empowerment ne
réfléchissent que rarement sur le chemin qui mène de « l’accès » à la capacité d’action et à des résultats, et cherchent encore moins à comprendre
empiriquement ce cheminement. Par exemple, la plupart des études menées
dans le sous-continent indien ont mis en évidence une corrélation entre les
principes patrilinéaires de transmission et d’héritage et le niveau d’autonomie des femmes. Dans ces études, cette corrélation permet d’expliquer en
partie le plus faible niveau d’autonomie des femmes dans les plaines du
Nord. Mais les règles de transmission de la terre ne sont absolument pas les
mêmes partout dans la région. Chez les Hindous, la propriété collective
familiale est le principe central des pratiques de succession, et est interprété
de façons diverses localement. La copropriété familiale est en général détenue en indivision par les hommes, le plus souvent les pères et leurs fils, et
exclut totalement les femmes (Mukhopadhyay, 1998). Chez les Musulmans
en revanche, les femmes ont toujours eu le droit d’hériter, et en tant qu’individus. Musulmans et musulmanes jouissent donc de droits de propriété
individuels, absolus mais inégaux: les hommes héritent en général d’une
part deux fois plus importante que celle des femmes. La loi hindoue a été
réformée après l’indépendance indienne afin de donner aux femmes et aux
hommes les mêmes droits de succession; les principes de succession
musulmans n’ont pas été réformés.
Bien que les femmes musulmanes et hindoues aient des statuts coutumiers et légaux différents, la littérature les présente souvent comme de facto
exclues de toute propriété. Pour les Hindoues, les normes et coutumes
anciennes restent puissantes, et Agarwal (1994) montre les difficultés qu’elles rencontrent si elles veulent que soit appliqué le droit plutôt que la coutume en matière de succession foncière. Les Musulmanes préfèrent en général renoncer à leurs droits à la propriété parentale en faveur de leurs frères,
ou elles sont fortement encouragées à le faire, si bien qu’elles aussi sont traitées comme de facto exclues de la propriété. La mesure de l’accès des femmes à la terre tel qu’il est présenté dans la littérature indienne porte donc sur
les faits plutôt que sur le droit. Selon cette mesure, il existe peu de différences entre les communautés hindoue et musulmane.
261
C ahiers
262
genre et développement
Mais il n’est en aucun cas évident que l’observation de la propriété de
facto nous donne les informations nécessaires sur le domaine du choix. Il a
été montré, par exemple, que les Musulmanes renoncent certes à leurs droits
fonciers en faveur de leurs frères (et peuvent être soumises à de fortes pressions pour le faire), mais que par là même elles légitiment les demandes
qu’elles feront plus tard à leurs frères si leur mariage échoue. L’Islam donne
aux frères le devoir de s’occuper de leurs sœurs, et par la transmission de
leurs droits fonciers à leurs frères, les femmes donnent un fondement matériel à un droit moral. La nécessité de consentir à cet échange peut traduire le
statut de subordonnées des femmes au sein de la communauté, mais la
reconnaissance de principe des droits fonciers des femmes par la communauté leur donne une ressource négociable, dans une situation où elles n’en
ont pas beaucoup d’autres. En outre, la situation évoluant, les femmes pourraient commencer à réclamer cette ressource. Dans des régions rurales du
Bangladesh, j’ai constaté que des femmes commencent à vouloir faire valoir
leurs droits de succession, même si c’est souvent sous la pression de leurs
maris (Kabeer, 1994), et Razavi a également noté, dans des zones rurales
d’Iran, une plus forte volonté des femmes de faire valoir leurs droits à la
propriété devant les tribunaux, dans ce contexte pour compenser leur
manque croissant de perspectives professionnelles (Razavi, 1992). Les femmes vivant dans des communautés où leurs droits fonciers ne sont pas
reconnus par la loi coutumière et la tradition n’ont pas les mêmes possibilités, même si ces droits ont été créés par une mesure législative, comme en
Inde. En effet, Das Gupta (1987) a montré, dans son étude sur le système de
parenté jat au Pendjab, qu’il était hors de question qu’une femme possède de
la terre: «Si elle insistait sur son droit à hériter la terre de la même façon
que les hommes en vertu de la loi civile, elle risquerait certainement d’être
assassinée.»
Du point de vue méthodologique, ce débat montre que, pour permettre
de mesurer l’empowerment, la définition de la dimension des «ressources »
doit aller plus loin que les indicateurs d’accès. Elle doit donc mieux expliciter le potentiel de ces ressources en terme de capacité d’action et de résultats
attendus. L’une des limites de la mesure factuelle des droits fonciers tient à
ce qu’elle ne prend pas en compte les divers processus aboutissant à une
possession ou à une dépossession. Elle ne peut donc pas évaluer l’impact du
statut juridique des femmes sur les possibilités de choix qui leur sont offertes. En outre, ces études montrent la suprématie des constructions légales
coutumières sur les constructions législatives récentes, et suscitent un questionnement sur les processus de changement social. La littérature sur l’em powerment n’a pas encore répondu à cette question: comment, en essayant
de faire évoluer des structures profondément ancrées, dans ce cas en opposant la loi aux règles légitimées par la tradition et la religion, fait-on évoluer
la capacité individuelle d’action et de choix?
C ahiers
genre et développement
Reconnaissant la nécessité d’aller au-delà du simple indicateur
« d’accès » pour appréhender tous les effets des « ressources » sur la réalisation du choix, de nombreux analystes ont utilisé divers concepts liant les
droits aux ressources formels et effectifs. Ils ont en général introduit dans la
mesure quantitative des nuances liées à la capacité d’action. Le concept le
plus utilisé est celui du « contrôle », qui se traduit opérationnellement le plus
souvent par un droit à s’exprimer sur la ressource en question. L’importance
donnée au « contrôle » est une grande avancée conceptuelle, mais elle ne permet toujours pas de mieux identifier ce qui doit être mesuré. La littérature
tend à utiliser indifféremment les concepts d’accès, de propriété, de droit et
de contrôle, et rend la signification réelle du « contrôle » encore plus confuse.
Par exemple, Sathar et Kazi (1997) assimilent «l’accès» et «le
contrôle» au droit à la parole dans les décisions prises au sein du ménage
sur des ressources particulières. Leur mesure de «l’accès aux ressources» se
base sur la participation des femmes à la décision relative aux dépenses du
ménage et à leur montant, et à la liberté d’acheter des vêtements, des bijoux
et des cadeaux pour leurs proches. Le «contrôle des ressources» revient à la
personne qui garde les recettes du ménage et qui participe à la décision sur
les dépenses du ménage. Dans l’analyse de Jeejheboy (1997), les concepts
« d’accès», de «contrôle» et de «décision» sont tous utilisés en lien avec
les ressources, le «contrôle» étant parfois lié à la propriété, et parfois à la
décision. Kishor définit l’ empowerment comme «le contrôle par les femmes
des aspects clés de leur vie», mais sa mesure de ce «contrôle» est vaste et
inclut: la décision portant sur les recettes et les dépenses; l’autosuffisance
(les femmes peuvent-elles vivre sans le soutien financier de leurs maris); la
décision (qui a le dernier mot dans les diverses décisions); le «choix »
(choisir son époux ou être consultée pour le choix du partenaire).
La définition et la façon de mesurer le «contrôle» ne sont ni claires ni
consensuelles. Mais en donnant de l’importance au contrôle en lien avec la
dimension ressources de l’empowerment, les analystes reconnaissent que
« l’accès» aux ressources ne donnera du pouvoir aux femmes que si elles
peuvent agir sur ces ressources ou grâce à elles de façon décisive. On peut
définir un critère permettant d’évaluer la validité d’un indicateur de l’empo werment des femmes fondé sur les ressources. Pour une ressource donnée,
ce critère est celui de la validité des hypothèses implicites ou explicites sur
l’impact qu’aura l’accès à cette ressource en termes de capacité d’action et
de droits pour les femmes qui en bénéficient.
Mesurer la «capacité d’action»
La capacité d’action des femmes est mesurée de façons très diverses
dans la littérature des études de développement. On trouve des formes négatives d’action, comme la violence masculine, et des formes positives,
263
C ahiers
genre et développement
comme la mobilité des femmes dans la sphère publique dans des régions où
elles sont généralement recluses. Mais je limiterai mon analyse aux mesures
les plus courantes de l’activité des femmes liée à leur empowerment : la
capacité d’action décisionnaire. On mesure en général cette action en interrogeant les femmes sur le rôle qu’elles jouent dans des décisions spécifiques. Les réponses sont parfois rassemblées en liste, et parfois séparées.
Voici un aperçu des décisions qui figurent typiquement dans les projets de
mesure, ainsi que leur contexte géographique:
Décisions typiques inclues dans les indicateurs de décision
264
• Egypte : budget du ménage; mets cuisinés; visites; éducation des
enfants; santé des enfants; utilisation de méthodes de planification
familiale (Kishor, 1997)
• Inde : achats de nourriture, de biens importants, de petite bijouterie ;
action à suivre si un enfant est malade; enfants et discipline; décision
sur l’éducation des enfants et sur le type d’école (Jejeebhoy, 1997)
• Nigeria : achats du ménage; travail de l’épouse; façon de dépenser le
revenu du mari; nombre d’enfants; achat ou vente de la terre; utilisation de méthodes de planification familiale; scolarisation des enfants, et
jusqu’à quel âge; date du mariage des fils et des filles; consultation
d’un docteur si un enfant est malade; type d’éducation des enfants
(Kritz, Makinwa et Gurak, 1997)
• Zimbabwe : travail de l’épouse en dehors du ménage; achats importants;
nombre d’enfants (Becker, 1997)
• Népal : type de nourriture acheté; travail de l’épouse en dehors du
ménage; principales transactions sur le marché; nombre d’enfants
(Morgan et Niraula, 1995)
• Iran : type et quantité de nourriture; participation, salaire et vente de la
production agricole (Razavi, 1992)
• Pakistan : achat de nourriture; nombre d’enfants; scolarisation des
enfants; mariage des enfants; principaux achats du ménage; travail de
l’épouse en dehors de la maison; vente et achat de bétail; dépenses du
ménage; achat de vêtements, de bijoux et de cadeaux pour la famille de
l’épouse (Sathar et Kazi, 1997)
• Bangladesh : possibilité de faire des achats de consommation courante ;
possibilité de faire de gros achats de consommation; remise en état de
C ahiers
genre et développement
la maison; élevage de bétail; fermage; achat de biens d’équipement
importants (Hashemi et al., 1996)
• Bangladesh: éducation des enfants; visites aux amis et à la famille ;
achats du ménage; questions liées à la santé (Cleland et al., 1994)
On peut immédiatement constater que toutes ces décisions ne sont pas
également pertinentes comme indicateurs de l’empowerment des femmes,
car leurs conséquences éventuelles ne sont pas toutes également déterminantes. Peu de cultures distribuent le pouvoir de façon absolument dichotomique, les hommes prenant toutes les décisions et les femmes aucune. On
trouve plus communément une hiérarchie des responsabilités décisionnaires
reconnue par la famille et la communauté. Cette hiérarchie réserve aux hommes en tant que chefs de ménages certains domaines clés de décision, et certains autres domaines aux femmes en tant que mères, épouses, filles, etc.
Les témoignages réunis en Asie du sud, par exemple, laissent penser qu’au
sein de la famille l’achat de nourriture et d’autres produits de consommation
du ménage, ainsi que les décisions liées à la santé des enfants, relèvent de la
décision des mères. En revanche, les décisions portant sur l’éducation et le
mariage des enfants ainsi que sur les transactions marchandes pour les biens
importants, sont en général prises par les hommes.
[…]
En termes méthodologiques, ces distinctions montrent que la sélection
et la quantification des décisions comme indicateurs d’empowerment doivent être mieux pensées. On doit prendre en considération l’importance
des conséquences des diverses catégories de décisions ou des différentes
étapes du processus de décision. Savoir que les femmes ont joué un rôle
dans des décisions ayant des conséquences minimes ou dans des domaines
qui, de toute façon, relèvent de leurs attributions en vertu de la division
sexuelle des rôles et des responsabilités nous en dit peu sur la capacité de
choix des femmes. Savoir qu’elles ont participé à des décisions portant sur
des choix de vie stratégiques ou sur des choix auxquels elles n’avaient pas
droit auparavant nous en dit bien plus. On pourrait également introduire
une distinction entre différents «points de contrôle» critiques internes au
processus de décision. Le contrôle se définit ici par la capacité à influencer
les résultats précisément à chacun de ces « points » (Beneria et Roldan,
1987). Par exemple Pahl (1989) différencie le « contrôle » ou la fonction
politique par laquelle sont prises des décisions sur la distribution des ressources, et la fonction de « gestion », qui concerne les décisions de mise en
application. Cette distinction explique peut-être les résultats de l’Enquête
sur les hommes en Egypte de 1992 (citée dans Ali, 1996), selon lesquels
les hommes l’emportent dans les décisions pour l’adoption de méthodes
contraceptives, la décision politique donc, mais laissent en général le
choix de la méthode aux femmes (même si l’enquête qualitative d’Ali a
265
C ahiers
genre et développement
montré que la participation des hommes se prolongeait jusque dans le
choix de la méthode contraceptive).
266
En fin de compte, il convient aussi de garder à l’esprit ce que sont les
perspectives «statistiques» sur la prise de décision : de simple fenêtres
ouvertes sur une réalité complexe. Elles nous donnent peut-être un aperçu
des processus de décision, mais elles nous en apprennent très peu sur les
subtiles négociations qui se déroulent entre les femmes et les hommes dans
le privé. Elles risquent donc de sous-évaluer l’action informelle que les femmes exercent souvent en matière de décision, comme le montre la comparaison faite par Silberschmidt (1992) entre les décisions formelles et informelles chez les Kisii du Kenya. Dans leurs récits formels de prises de décision,
les femmes attribuaient la plus grande partie du pouvoir aux hommes: «Les
époux étaient présentés comme les chefs de ménages, et comme leurs “propriétaires” » – et elles ajoutaient parfois: «Ils peuvent nous acheter comme
du bétail». Mais leur récit des prises de décisions «réelles» montrait une
réalité très différente:
« [Les femmes] reconnaissaient que les hommes étaient consultés sur
toutes sortes de questions, et qu’ils étaient censés décider de diverses mesures. Mais en réalité de nombreuses femmes prenaient ces décisions ellesmêmes. Le plus souvent, elles évitaient toute confrontation ouverte tout en
se tenant à leur ligne de conduite… Indéniablement, de nombreuses femmes
manipulent leurs partenaires masculins et prennent leurs décisions en toute
indépendance. Par exemple, la terre étant la propriété de l’homme, il doit
décider de la répartition des cultures sur les terrains. Si sa femme n’est pas
d’accord, elle va rarement le dire, mais elle fera tout simplement les semis
de la façon qui lui semble la meilleure. S’il découvre qu’elle n’a pas suivi
ses instructions, elle s’excusera, mais elle expliquera que, les graines ne germant pas, elle a dû les replanter d’une façon différente ou sur un autre terrain.» (p. 248)
Une approche purement statistique ne permet pas d’appréhender cet
aspect informel. Cette lacune a aussi des conséquences conceptuelles. Une
partie importante de la recherche menée en Asie du sud laisse penser que la
renégociation des relations de pouvoir, notamment au sein de la famille, porte
souvent justement sur les évolutions dans les décisions informelles. Les femmes optent pour des formes privées d’empowerment qui laissent intacte l’image publique et l’honneur du décisionnaire tout en augmentant l’influence
qu’elles ont «en coulisse» sur les décisions (Chen, 1983; Kabeer, 2000;
Basu, 1996). Ces stratégies reflètent une certaine prudence des femmes qui
font preuve de qualités stratégiques dans des situations où elles ont autant à
perdre qu’à gagner de la perturbation des relations sociales.
C ahiers
genre et développement
Mesurer les résultats
Comme pour les autres dimensions de l’empowerment, le point méthodologique déterminant pour les indicateurs de résultats est la précision analytique dans la sélection de ce qui est à mesurer. J’ai déjà souligné la nécessité
de distinguer les résultats qui découlent d’une différence entre les valeurs et
les préférences des hommes et des femmes et ceux qui révèlent des inégalités dans la capacité à faire des choix. L’examen de certaines des études qui
ont inclus des indicateurs de résultats dans leur analyse de l’empowerment
des femmes va permettre de rejeter d’autres critères de sélection de ces indicateurs.
Kishor (1997) a utilisé des données nationales égyptiennes pour explorer
les effets tant indirects que directs de l’empowerment des femmes sur deux
résultats de fonctionnement importants: les taux de survie et la vaccination
des enfants. Cette sélection découlait de la conceptualisation par Kishor de
l’empowerment des femmes comme «la capacité à accéder à l’information, à
prendre des décisions et à agir dans leur propre intérêt ou dans l’intérêt des
personnes qui dépendent d’elles» (p. 1). Les femmes étant avant tout responsables de la santé des enfants, elle avait posé l’hypothèse d’un lien entre
l’empowerment des femmes et une amélioration de l’état de santé et de la
survie des enfants. Son analyse reposait sur trois catégories d’indicateurs
composites de l’empowerment : «les signes directs d’empowerment », les
«sources d’empowerment » et le «contexte de l’empowerment ». Je les ai
résumés ci-dessous, ainsi que les variables les plus importantes de chaque
indicateur :
Signe direct d’empowerment
• Dévalorisation des femmes: cas de violence domestique; dot
• Emancipation des femmes: importance donnée à l’éducation des filles ;
liberté de déplacement
• Cas de partage des rôles et des décisions: rôles de genre égaux; prise de
décision égalitaire
• Egalité dans le mariage: moins de motifs requis pour le mari que pour
la femme pour justifier une demande de divorce; égalité des motifs de
divorces pour les époux et les épouses
• Autonomie financière: la femme contrôle ses revenus; part des revenus
de la femme par rapport à celle de son mari dans les revenus du ménage
267
C ahiers
genre et développement
Sources de l’empowerment
• Participation au secteur moderne: liste des biens possédés; éducation
des filles
• Possibilités d’emploi en fonction de l’âge: la femme a travaillé avant
son mariage; elle contrôlait ses revenus avant son mariage
Indicateurs de contexte
268
• Structure familiale permettant éventuellement un renforcement du pouvoir: ne vit pas et n’a jamais vécu avec sa belle-famille
• Avantage matrimonial: faible différence d’âge entre les époux; la
femme a choisi son mari
• Mariage traditionnel: la femme a un niveau d’éducation bien plus faible
que son époux; elle n’a pas choisi son mari
Une analyse à variables multiples a révélé que les indicateurs indirects
de source et de contexte avaient beaucoup plus d’impact que les mesures
directes dans la détermination quantitative des résultats. On peut avancer
deux explications, qui ne s’excluent pas nécessairement. En premier lieu, les
indicateurs directs d’empowerment tels qu’ils avaient été déterminés ne permettaient pas de bien appréhender l’empowerment. Cette explication est très
plausible car de nombreux indicateurs rassemblaient des informations très
liées aux valeurs sociales portant sur les attitudes et les relations dans le
mariage; par exemple les motifs qui, selon les femmes, justifient qu’un
homme divorce; s’il était justifié qu’hommes et femmes divorcent pour les
mêmes motifs; et si les femmes devraient s’exprimer si elles ne sont pas
d’accord avec leurs maris. Mais d’autres indicateurs directs plus factuels
(comme «l’autonomie financière» et «la liberté de déplacement») se sont
aussi avérés non significatifs.
En second lieu, les résultats dont il est question ne dépendaient pas en
réalité de l’empowerment direct des femmes mais plutôt d’autres facteurs
relevant plutôt des variables de «source» et de «contexte». […]
Cette discussion met donc en évidence un révélateur de l’empowerment
des femmes en cas de discrimination liée au genre: le fait que les progrès de
la capacité d’action des femmes aboutissent à une réduction éventuelle des
inégalités de genre existantes. Cette idée induit que les femmes peuvent
exercer leur capacité d’action dans leur propre intérêt, mais ne doit pas faire
penser que l’empowerment est la défense des intérêts personnels. Elle doit
C ahiers
genre et développement
plutôt faire reconnaître que les inégalités de genre se traduisent généralement par le fait que le bien-être des femmes passe après celui des hommes
[…]. Dans certains contextes, ce statut de subordonnée entraîne des formes
extrêmes et potentiellement mortelles d’inégalités de genre. Dans d’autres
contextes, il prend des formes moins dangereuses, comme par exemple celle
des inégalités de genre dans l’éducation. Dans la plupart des cas, il semble
raisonnable de supposer qu’une amélioration des conditions de vie des femmes aura un impact positif sur celles des autres membres de la famille. En
revanche, les femmes ne profiteront pas forcément du progrès des conditions
de vie des autres membres du groupe familial.
Triangulation et signification:
l’indivisibilité des ressources, de la capacité d’action et des résultats
Jusqu’à maintenant, l’analyse de la «correspondance» entre les différentes
dimensions de l’empowerment et les indicateurs utilisés pour les mesurer a
essentiellement consisté en une analyse des correspondances entre les significations attribuées à une mesure et ce que cette mesure a empiriquement
révélé. Il ressort clairement qu’il est impossible d’établir la signification
d’un indicateur, quelle que soit la dimension de l’empowerment qu’il est
censé mesurer, sans faire référence aux autres dimensions de
l’empowerment. En d’autres termes, pour déterminer la signification d’un
indicateur, et donc sa validité pour une mesure de l’empowerment, il
convient de considérer ses trois dimensions comme indissociables.
«L’accès» à une ressource évoque un choix potentiel plutôt que réel, et la
validité d’une mesure de «ressource» comme indicateur d’empowerment
dépend largement de la validité des hypothèses portant sur la capacité d’action ou les droits potentiels rattachés à cette ressource. Il est tout aussi difficile de juger la validité d’une mesure de résultat sans pouvoir identifier, ou
sans pouvoir raisonnablement faire d’hypothèse sur la personne dont la
capacité d’action a été réalisée. Il faut aussi pouvoir déterminer à quel point
le résultat en question a transformé ou renforcé les inégalités existantes dans
les ressources et dans la capacité d’action. Les mêmes considérations valent
pour la capacité à agir: nous avons besoin de connaître la portée des conséquences qu’elle peut avoir sur les choix de vie stratégiques des femmes, sur
leur capacité à être et agir comme elles le souhaitent. Il est aussi nécessaire
de savoir jusqu’à quel point leur capacité à agir transforme les conditions de
son propre exercice.
Ce constat entraîne la conséquence méthodologique suivante: il est
absolument nécessaire de trianguler les éléments révélés par un indicateur,
de les croiser avec d’autres sources et d’autres méthodes, afin de s’assurer
que cet indicateur a bien la signification qu’il est supposé avoir. Les indicateurs condensent un grand nombre d’informations en une seule statistique,
269
C ahiers
genre et développement
mais ils induisent également des postulats, souvent implicites, sur la signification de ces informations. Plus ces postulats seront étayés, plus nous pourrons nous fier à l’indicateur en question. […]
270
[…] Dans une évaluation de […] programmes de crédit au Bangladesh,
Hashemi et al. (1996) ont classé, dans leur échantillon, les femmes titulaires
des prêts en fonction des catégories de «contrôle gestionnaire» explicité par
Goetz et Sen Gupta. Les résultats étaient très différents selon l’ancienneté de
la participation des femmes à l’organisation de crédit, mais aussi d’une organisation à l’autre. L’étude a révélé que dans toutes les situations, une partie
importante des femmes de certains villages «perdaient» en fait le contrôle
de leurs prêts selon les critères de Goetz et Sen Gupta. Explorant alors la
relation entre l’accès des femmes au crédit et divers indicateurs d’empower ment, Hashemi et al. se demandèrent surtout si l’accès des femmes au crédit
pouvait entraîner des transformations dans leurs vie, indépendamment de la
personne qui exerce le «contrôle gestionnaire». Les indicateurs qu’ils utilisèrent étaient: la mobilité dans un certain nombre de lieux publics; la capacité à faire de petits achats et des achats plus importants, dont des achats
personnels; la participation aux principaux domaines de décision économique; les décisions relatives à la terre ou l’achat de biens importants; les
femmes avaient-elles été spoliées de leur argent ou de tout autre bien; les
avait-on empêchées d’aller dans leur famille ou de travailler à l’extérieur ;
l’importance de la contribution des femmes à l’économie familiale; la participation à des campagnes et à des manifestations publiques; la conscience
légale et politique des femmes; la sécurité économique, c’est-à-dire des
biens et une épargne à leur nom.
L’analyse a montré que l’accès des femmes au crédit faisait beaucoup
augmenter leur contribution aux ressources du ménage, renforçait la probabilité de voir augmenter le nombre de biens à leur nom, leur permettait d’exercer plus souvent leur pouvoir d’achat, améliorait leur prise de conscience
politique et légale, autant d’éléments constitutifs de l’index composite d’em powerment. En outre, un lien a été démontré entre l’accès au crédit et une
plus grande mobilité, une plus forte participation et un plus fort engagement
dans les «décisions importantes» pour certaines organisations de crédit.
Enfin, l’étude a exploré les effets de la contribution économique des femmes
au budget du ménage d’une part, et d’autre part de leur accès au crédit, sur
les divers indicateurs d’empowerment. Il s’est avéré qu’en ne tenant pas
compte de la participation économique des femmes ont réduisait l’impact de
l’accès des femmes au crédit, mais l’impact indépendant de l’accès des femmes au crédit sur les indicateurs d’empowerment restait significatif. En d’autres termes, l’accès au crédit, comme le montant des participations économiques, étaient suffisants mais pas nécessaires pour atteindre des résultats en
terme d’empowerment. Leurs effets conjugués se renforçaient mutuellement.
C ahiers
genre et développement
La comparaison de différentes approches de la mesure quantitative de
l’empowerment dans les mêmes programmes de crédit montre très clairement que la triangulation des données recueillies est nécessaire pour vérifier
que les indicateurs signifient ce qu’ils sont censés traduire. Sans ces données
corrélatives, les analystes risquent d’attribuer à leurs indicateurs des significations qui reflètent leurs propres penchants disciplinaires, méthodologiques
ou politiques plutôt que les réalités qu’ils essaient de décrire. La triangulation implique que l’on fasse appel à de multiples sources d’information pour
soutenir l’interprétation d’un indicateur et ainsi éviter le biais de l’analyste
dans l’interprétation. Il est important de noter que les indices d’Hashemi et
al. ont été construits à partir d’une étude ethnographique antérieure, et ne
découlaient pas d’hypothèses a priori. Ceci explique qu’ils aient eu une plus
grande pertinence dans la mesure de ce qu’ils étaient censés mesurer. Leurs
indicateurs mesuraient surtout divers aspects de la capacité d’action des
femmes, mais on pourrait dire que chaque manifestation de capacité d’action
mesurée constituait également un résultat valable en lui-même.
[…]
Conclusion
Les indicateurs d’empowerment doivent simplement «indiquer» la voie de
l’évolution plutôt qu’en donner une mesure exacte. Mais pour diverses raisons ils peuvent s’avérer inexacts voire trompeurs. Nous avons vu que des
mesures individuelles, extraites de leur contexte, se prêtent à des interprétations très diverses. Nous avons également noté que les notions liées à l’em powerment des femmes donnent lieu à une lutte entre des protagonistes qui
soutiennent des valeurs très différentes sur le développement et sur leur propre place dans ce processus. Enfin, on a constaté les problèmes de mesure
associés à l’appréhension d’un type particulier de changement social.
Beaucoup des indicateurs qui ont été cités dans cet article donnent des informations «instantanées», et ils utilisent souvent des variations transversales
pour appréhender le changement. Implicitement, on retrouve derrière beaucoup de ces mesures l’hypothèse selon laquelle il est possible de prédire au
moins approximativement les processus d’évolution en jeu dans l’empower ment, alors que l’action humaine est indéterminée et donc imprévisible.
Toute évolution dans la structure des possibilités et des contraintes à l’intérieur de laquelle les individus font des choix peut entraîner l’apparition de
différents types de réactions, lesquelles peuvent elles-mêmes avoir des
impacts et des significations diverses dans des contextes différents.
On peut donc penser qu’il n’existe pas de modèle unique et linéaire
d’évolution grâce auquel on peut identifier une «cause» de l’exclusion du
pouvoir qui touche les femmes et modifier cette cause pour susciter un
«effet» attendu.
271
C ahiers
genre et développement
En essayant de prédire, avant même le début d’un projet, les évolutions
précises qu’il aura sur les vies des femmes, sans connaître les façons «d’être
et d’agir» réalisables et souhaitées par les femmes dans ce contexte précis,
on risque d’imposer le processus d’empowerment et donc d’en violer l’essence même, qui est de développer la capacité des femmes à l’autodétermination.
272
Mais au-delà de ces réserves, cet article fait ressortir deux éléments pratiques généraux. Beaucoup des ressources, formes d’action et résultats qui
figurent dans la littérature sur l’empowerment font partie intégrante des programmes plus généraux de développement. Indépendamment de leurs conséquences potentielles sur les relations à l’intérieur du ménage et sur l’autonomie des femmes, les arguments défendant une plus grande égalité dans
l’accès à la santé, à l’éducation, au crédit, à la terre, aux moyens de subsistance et aux perspectives professionnelles (de même que l’égalité dans le
champ politique plus large, dont il n’a pas été question dans cet article) sont
solidement ancrés dans les concepts d’égalité entre les genres et de justice
sociale. Quelles que soient les priorités propres à chaque contexte, les agences officielles de développement et les mouvements sociaux peuvent apporter une contribution importante au projet d’empowerment des femmes grâce
aux avantages comparatifs qu’ils ont dans les différents domaines.
L’instauration d’une égalité d’accès à diverses ressources importantes pour
les groupes sociaux qui en sont exclus est évidemment un domaine vital et
légitime pour les interventions politiques publiques. Les évolutions dans
l’accès aux biens dont il est question ici sont beaucoup plus simples à mesurer, quel que soit le contexte, que les négociations subtiles et incertaines
qu’elles risquent de susciter dans des familles culturellement différenciées.
Elles traduisent également les évolutions du contexte dans lequel s’opèrent
les choix. De plus forts investissements en faveur de la santé et du bien-être
des femmes dans des contextes où elles étaient démunies, un meilleur accès
à des activités rétribuées dans des contextes où ces chances leur étaient refusées, une participation plus explicite aux processus politiques de leurs communautés quand elles étaient privées de leurs droits électoraux, sont autant
de dimensions critiques de l’évolution de ces conditions du choix.
Parallèlement, l’égalité implique que les femmes pauvres et les autres
groupes exclus puissent non seulement accéder à des biens importants, mais
aussi y accéder dans des conditions qui respectent et développent leur capacité à définir leurs propres priorités et à faire leurs propres choix. Ce type de
résultat est moins facile à évaluer quantitativement car il porte plus directement sur la renégociation des relations de pouvoir, et parce qu’il est plus
sensible aux nuances culturelles locales. On devrait en suivre l’évolution par
des approches méthodologiques pluralistes conjuguant données quantitatives
et qualitatives, de préférence analysées par des organisations de base. Parce
C ahiers
genre et développement
qu’elles sont plus en prise avec la réalité locale et en raison de leur engagement sur le long terme, ces organisations ont une meilleure compréhension
sociosubjective (emic) et une meilleure analyse éthique (Harriss, 1994).
Notes
1
2
Le terme de choix a une forte connotation néolibérale, mais dans un certain contexte, la notion de
choix est implicite également dans la distinction que fait Marx entre le «domaine de la nécessité »
et le «domaine de la liberté». J’espère que les limitations du terme de choix qui seront faites dans
cet article permettront de le détacher de ses racines dans l’individualisme méthodologique et en
donneront une interprétation plus post-structuraliste.
Les concepts de capacité d’agir positive et négative font écho à la distinction que fait Sen entre la
liberté positive et la liberté négative. La liberté négative correspond à la liberté issue des effets de
l’action négative des autres, ou à leur utilisation du «pouvoir sur». La liberté positive, qui correspond
étroitement à la définition que je donne de la capacité d’action positive, correspond à la capacité de
vivre comme on l’entend, à avoir le pouvoir réel d’atteindre des résultats choisis (Sen A. K., 1985).
Bibliographie
Agarwal, B. (1994), A field of one’s own. Gender and land rights in South Asia, Cambridge:
Cambridge University Press.
Ali, K.A. (1996), «Notes on rethinking masculinities. An Egyptian case» in S. Zeidenstein and
K. Moore (eds) Learning about sexuality New York: Population Council and International
Women’s Health Coalition.
Basu, A. M. (1998), «Female schooling, autonomy and fertility change: what do these words mean in
South Asia» in R. Jeffery and A.M.Basu (eds) Girls schooling, women’s autonomy and fertility
change in South Asia.
Becker, S. (1997), «Incorporating women’s empowerment in studies of reproductive health: an
example from Zimbabwe». Présentation faite au séminaire sur l’empowerment des femmes et les
processus démographiques, à Lund.
Beneria, L. and M. Roldan (1987) Crossroads of Class and Gender, Chicago, IL: University of
Chicago Press.
Boserup, E. (1980), Women’s Role in Economic Development, New York: St. Martin’s Press.
Chen, M.A. (1983), A Quiet Revolution. Women in transition in rural Bangladesh, Cambridge,
Mass.: Schenkman.
Cleland, J., J.F. Phillips, S.Amin and G.M. Kamal (1994), The Determinants of Reproductive Change
in Bangladesh. Success in a Challenging Environment, World Bank Regional and Sectoral Studies,
World Bank, Washington.
Da Gupta, M. (1987), «Selective discrimination among female children in rural Punjab», Population
and Develoment Review, Vol. 13 (2): 77-100.
Dyson, T. and M. Moore (1983), «On kinship structures, female autonomy and demographic behaviour in India», Population and Development Review, Vol. 9(1).
Giddens, A. (1979), Central problems in social theory, London, Macmillan Press.
Harriss, J. (1996), «Between economism and post-modernism: reflections on research on “agrarian
change” in India» in D. Booth (ed) Rethinking social development. Theor y, research and practice,
Harlow, Essex: Addison Wesley Longman.
Hashemi, S.M., Schuler, S.R., and A.P. Riley, (1996), «Rural credit programs and women’s empowerment in Bangladesh», World Development Vol. 24 No. 4: 635-653.
Jejheebhoy, S., (1997), «Operationalising women’s empowerment: the case of rural India», Présentation faite au séminaire sur l’empowerment des femmes et les processus démographiques, à Lund.
Kabeer, N. (1994), Reversed Realities: Gender hierarchies in development thought, Verso
Publications, London.
273
C ahiers
274
genre et développement
Kabeer, N., (2000), The Power to Choose: Bangladeshi women and labour market decisions in
London and Dhaka, Verso, London and New York.
Kishor, S. (1997), «Empowerment of women in Egypt and links to the survival and health of their
infants», Présentation faite au séminaire sur l’empowerment des femmes et les processus démographiques, à Lund.
Kritz, M.M., P. Makinwa and D.t. Gurak (1997), «Wife’s empowerment and fertility in Nigeria: the
role of context» Paper presented at the seminar on Female Empowerment and Demographic
Processes, Lund
Lukes, S. (1974), Power. ARadical View, London: Macmillan.
Mukhopadhayay, M. (1998), Legally dispossessed. Gender, identity and the process of law, Calcutta,
Stree Publications.
Morgan, P. and B. Niraula (1995), «Gender inequality and fertility in two Nepali villages »
Population and Development Review, Vol 21(3).
Pahl, J. (1989), Money and marriage, London: Macmillan.
Razavi, S. (1992), Agrarian Change and Gender Power : A comparative study in South eastern Iran,
D.Phil.dissertation, St. Antony’s College, Oxford University, Oxford.
Razavi, S. (1997), «Fitting Gender into Development Institutions » World Development 25(7): 11111125.
Sathar, Z.A. and S. Kazi (1997), Women’s autonomy, livelihood and fertility. A study of rural Punjab
Islamabad, Pakistan Institute of Development Studies.
Silberschmidt, M. (1992), «Have men become the weaker sex? Changing life situations in
KisiiDistrict, Kenya» The Journal of Modern African Studies Vol. 30(2): 237-253.
J’existe, car tu existes
[…] Dans quelques écoles secondaires en Tanzanie, les filles ont
fondé des clubs, appelés Tuseme, pour tenter de changer leur situation. Elles utilisent la création – pièces de théâtre, chansons ou
œuvres d’art – pour communiquer leur point de vue sur divers problèmes. De cette façon, elles sont parvenues à faire cesser le harcèlement sexuel pratiqué par des enseignants et des garçons plus âgés.
Elles ont gagné le respect des professeurs et obtenu une révision des
programmes d’étude. Le fait de s’être exprimées et d’avoir été écoutées leur a fait prendre confiance en elles. Et leurs résultats scolaires
se sont améliorés. […]
Anita Theorell, In : Un seul monde, le magazine de la DDC
sur le développement et la coopération, n° 3, juin 2003, p. 31