Les études culturelles, une mutation démocratique des sciences

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Les études culturelles, une mutation démocratique des sciences
Sous la direction de
Bernard Darras
Études culturelles &
Cultural Studies
L’Harmattan
Paris
5-7, rue de l’ÉcolePolytechnique
75005 Paris (France)
L’Harmattan
Budapest
L’Harmattan
Kinshasa
Könyvesbolt, 1026
Université de Kinshasa,
Kossuth L. u. 14-16
Faculté des Sc. soc., pol.
1053 Budapest (Hongrie)
et administratives
BP 243, KIN XI
(R. d. du Congo)
2006
L’Harmattan
Turin
Via Degli Artisti, 15
10124 Turin (Italie)
L’Harmattan
Ouagadougou
1200 logements villa 96
12B2260
Ouagadougou 12
(Burkina Faso)
MEI « MÉDIATION & INFORMATION ».
Revue internationale de communication
UNE « REVUE-LIVRE. — Créée en 1993 par Bernard Darras (Université de Paris I) et
Marie Thonon (Université de Paris VIII), MEI « Médiation et information » est une revue thématique bi-annuelle présentée sous forme d’ouvrage de référence. La responsabilité éditoriale et scientifique de chaque numéro thématique est confiée à une Direction invitée,
qui coordonne les travaux d’une dizaine de chercheurs. Son travail est soutenu par le
Comité de rédaction et le Comité de lecture.
UNE « REVUE-LIVRE » INTERNATIONALE. — MEI « Médiation et information » est une publication internationale destinée à promouvoir et diffuser la recherche en médiation,
communication et sciences de l’information. Onze universités françaises, belges, suisses
ou canadiennes sont représentées dans le Comité de rédaction et le Comité scientifique.
UN DISPOSITIF ÉDITORIAL THÉMATIQUE. — Autour d’un thème ou d’une problématique,
chaque numéro de MEI « Médiation et information » est composé de trois parties. La première est consacrée à un entretien avec les acteurs du domaine abordé. La seconde est
composée d’une dizaine d’articles de recherche. La troisième présente la synthèse des
travaux de jeunes chercheurs.
Monnaie Kushana, représentation de Miiro
Source : Hinnels, J., 1973. Persian Mythology.
Londres : Hamlyn Publishing Group Ltd.
Médiation et information, tel est le titre de notre
publication. Un titre dont l’abréviation MEI
correspond aux trois lettres de l’une des plus
riches racines des langues indo-européennes.
Une racine si riche qu’elle ne pouvait être que
divine. C’est ainsi que le dieu védique Mitra en
fut le premier dépositaire. Meitra témoigne de
l’alliance conclue entre les hommes et les dieux.
Son nom évoque l’alliance fondée sur un contrat. Il est l’ami des hommes et de façon plus
générale de toute la création. Dans l’ordre cosmique, il préside au jour en gardant la lumière.
Il devient Mithra le garant, divin et solaire pour
les Perses et il engendre le mithraïsme dans le
monde grec et romain.
Retenir un tel titre pour une revue de
communication et de médiation était inévitable.
Dans l’univers du verbe, le riche espace sémantique de mei est abondamment exploité par de
nombreuses langues fondatrices. En védique,
mitra signifie “ami ou contrat”. En grec,
¢me…<ein signifie “échanger”, ce qui donne
naissance à ¢mo…<aioj “qui change et se répond”. En latin, quatre grandes familles seront
déclinées : mutare “muter, changer, mutuel…”,
munus “qui appartient à plusieurs personnes”,
mais aussi “cadeau” et “communiquer”, meare
“passer, circuler, permission, perméable, traverser…” et enfin migrare “changer de place”.
© Auteurs & Éditions de l’Harmattan, 2006
ISBN : 978-2-296-02782-4
Direction de publication
Bernard Darras
Rédaction en chef
Marie Thonon
Édition
Pascal Froissart
Secrétariat
Gisèle Boulzaguet
Comité scientifique
Jean Fisette (UQÀM, Québec)
Pierre Fresnault-Deruelle (Paris I)
Geneviève Jacquinot (Paris VIII)
Marc Jimenez (Paris I)
Gérard Loiseau (CNRS, Toulouse)
Armand Mattelart (Paris VIII)
J.-P. Meunier (Louvain-la-Neuve)
Bernard Miège (Grenoble)
Jean Mouchon (Paris X)
Daniel Peraya (Genève)
Comité de rédaction
Dominique Chateau (Paris I)
Bernard Darras (Paris I)
Pascal Froissart (Paris VIII)
Gérard Leblanc (École nationale
supérieure « Louis-Lumière »)
Pierre Moeglin (Paris XIII)
Alain Mons (Bordeaux III)
Jean Mottet (Tours)
Marie Thonon (Paris VIII)
Patricio Tupper (Paris VIII)
Guy Lochard (Paris III)
Correspondants
Robert Boure (Toulouse III)
Alain Payeur (Université du Littoral)
Serge Proulx (UQÀM, Québec)
Marie-Claude Vettraino-Soulard (Paris VII)
Les articles n’engagent que leurs auteurs ; tous droits réservés.
Toute reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement
de son auteur ou de ses ayants droits, est illicite.
Université de Paris VIII
UFR de « Culture et communication »
Revue MEI « Médiation et information »
2, rue de la Liberté
93526 Saint-Denis cedex (France)
Tél. & fax : 33 (0) 1 49 40 66 57
Courriel : [email protected]
Revue publiée avec le concours du Centre national du livre
Illustration de couverture :
Rosario Marquardt & Roberto Behar, « La Malinche », 1992. Pastel à l’huile et crayon sur
papier, 17 x 23 pouces. (cf. article de Cristina Castellano, p. 187)
Les études culturelles, une mutation
démocratique des sciences humaines
Bernard Darras *
Université Paris I « Panthéon-Sorbonne »
& Centre de recherche Images, cultures et cognitions (CRICC)
Les Cultural Studies qui font l’objet de cet ouvrage sont apparues à Birmingham, deuxième ville du Royaume-uni, à quelques centaines de kilomètres de la France. Mais les thèses des Brummies 1 n’ont pas traversé la
Manche. De même, les French Theories qui ont participé à l’enrichissement
des études culturelles n’ont pas contribué en France à l’émergence d’un
secteur de recherche spécifique, ni à une réorganisation de la recherche
et des publications, ni à l’apparition de nouveaux objets d’études.
Aujourd’hui, timidement, dans l’Hexagone, des départements de sociologie, d’anthropologie, de culture et de communication ont profité de la
construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et du
“processus de Bologne” pour ouvrir des mentions ou des spécialités de
Master consacrées aux Études culturelles. Simultanément, quelques
centres de recherche commencent à afficher cette approche à leur programme et des recherches éparses commencent à se rassembler, l’édition
frémit, l’Internet fourmille.
Ce double numéro de MEI compte faire le point sur cette situation et
contribuer à éclairer ses lecteurs sur ce qu’est et pourrait bien être la
contribution des chercheurs francophones à cet élan.
Hors de France et de la zone francophone, et à l’exception du Québec,
les Cultural Studies et leur nombreuse descendance constituent un grand
mouvement de doute et de protestation, de questionnement et de
recherche, de décentrement et de recentrement, de désarticulation et de
re-articulation, de déconstruction et de re-signification qui s’intéresse à
toutes les institutions chargées de maintenir des rapports asymétriques de
pouvoir et de domination.
Le patriarcat oppressant, l’impérialisme écrasant, les États-nations uniformisant, l’Occident dominant, etc., sont tous de grands générateurs de
hiérarchies que les Cultural Studies démontent patiemment. Le sujet n’est
*
[email protected]
1
Nom donné aux habitants de la région.
1
MEI, nos 24-25 (« Études culturelles / Cultural Studies »), 2006
pas prêt d’être épuisé mais à chaque pas c’est un peu plus de démocratie
critique qui entre dans le monde académique et au-delà dans la société.
Grâce aux Cultural Studies, la lutte des classes pour l’appropriation des
moyens de production s’est doublée de la lutte des classes, des sexes, des
genres, des “races”, des âges et des minorités pour l’appropriation et la
reconnaissance des modes de représentation, d’interprétation et d’appropriation : c’est la lutte des signes contre les signes, des sémioses contre
les sémioses, des discours contre les discours, des décodages contre les
encodages, des systèmes horizontaux contre les systèmes verticaux. Marx
revu par Gramsci avec un zeste de pensée libertaire, de projet autogestionnaire, et d’horizon libéré, égalitaire et fraternel. Tout un programme
à descendre des frontons de pierre pour lui donner chair.
À l’époque de la Pop music et du Pop art, Birmingham a lancé la Pop
Research. Dès leur origine, les chercheurs des Cultural Studies ont inauguré
de nouveaux terrains d’étude et ils ont traité des sujets ordinaires avec
plus d’intérêt que celui qu’ils portaient jusqu’alors aux sujets extraordinaires, peu à peu leurs successeurs ont sorti de l’ombre ce que l’Université ne voulait pas voir et que la société refoulait : la vie, dans ses
constructions et conflits, ses hésitations, paradoxes, aveuglements, ignorances et rejets, dans ses jouissances aussi, toutes ses jouissances. Elles
ont déplacé les centres d’intérêt du haut vers le bas, vers la base plutôt,
de la production des chefs-d’œuvre et du culte de la culture à la production et à la réception de la culture de masse et mille autres relectures et
recadrages.
Entre marketing et ethno-socio-sémiotique critique des interstices permettaient que du politique s’infiltre, on s’est mis à regarder le consommateur
avec moins de condescendance, on s’est intéressé à ses usages et à ses
représentations, à ses stratégies de vie.
Historiquement et épistémologiquement, le déploiement des Cultural
Studies correspondait aux multiples mouvements de contestation des
mandarinats et des disciplines en place ainsi qu’à la montée en puissance
du constructivisme, des nouvelles sociologies et ethnologies et des
théories des signes et discours. Tous ont tenté de débusquer les essentialismes sur lesquels les anciens régimes de pouvoir adossaient leur
domination.
En s’appuyant sur des méthodes de recherche souvent astucieusement
bricolées et toujours plus proches des réalités humaines, le regard savant,
universaliste, objectif et surplombant a cédé du terrain. Des chercheurs
de plus en plus nombreux ont accepté de se situer là où ils sont vraiment,
à hauteur d’humain, à hauteur de science humaine donc.
Conformément à son endémique et regrettable manque de curiosité
internationale, la tradition universitaire française n’a même pas réagi au
développement mondial des Cultural Studies qui se sont répandues dans le
monde anglo-saxon avant de gagner la planète. Insularité française, aristocratisme académique, monolinguisme, protectionnismes disciplinaires,
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Les études culturelles, une mutation démocratique des sciences humaines
B. Darras
goût affiché du surplomb, peur de la contagion par les objets, conception
élitiste, libérale et patrimoniale de la culture, préférence pour les sujets
nobles qui ennoblissent, mépris pour les sciences appliquées et impliquées, préférence pour les débats franco-français, ont contribué (et
contribuent toujours) au renfermement de l’université sur elle-même.
Université sanctuaire qui cultive avec nostalgie un passé souvent
réinventé.
Trêve de généralisation. Ici et là les choses bougent, cette publication en
témoigne, c’est l’heure de l’état des lieux et des bilans, mais aussi de
l’action et du changement.
De Belgique, de Suisse, de Tunisie et de France, des chercheurs donnent
leur avis et rendent comptent de leurs recherches en sciences humaines,
très humaines.
N. B. — Nous remercions vivement Rosario Marquardt pour la
gracieuse autorisation de reproduire son œuvre : « La Malinche », figure
emblématique de la rencontre entre les cultures. L’article de Cristina
Castellano lui est consacré (p. 187 et suivantes).
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