1 - The Super Lover

Transcription

1 - The Super Lover
 © 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 1 SUPERLOVER 2.0
Chapitre Bonus : "Les tribulations d'Amina"
Aujourd'hui, ça fera quasiment deux semaines que je n'ai pas croisé
SuperLover. Et pourtant le gars n'habite que deux étages plus bas, il faut
dire que je m'arrange toujours pour être la plus discrète possible. Lorsque
je descends les escaliers au moindre bruit suspect je m'arrête de respirer
et cherche à me cacher. Me cacher, cela consiste à rester derrière la porte
du couloir du troisième étage dès que j’entends quelqu’un arriver.
Ma naïveté me laisse croire qu’une simple porte me permettrait de ne pas
affronter SuperLover si je le croisais. Alors qu’en réalité, je détalerai
comme un mec qui n'accepterait pas ses responsabilités si j’étais amenée
à le rencontrer.
Je savais que cette partie de cache-cache allait très certainement me
causer des problèmes et ça n'a pas manqué.
Je rentrais chez moi après le taffe, comme à mon habitude depuis
presque deux semaines je choisissais de prendre l'escalier au lieu de
l'ascenseur. Vous vous doutez bien que ce n'était en rien pour dessiner
ma silhouette pour cet été.
La perspective d'attendre l'ascenseur en appuyant frénétiquement comme
si ma vie en dépendait, voir les portes s'ouvrir et tomber nez à nez avec
SuperLover ; serait la pire des choses qui puisse m'arriver. Je suis de
nature à vouloir tout contrôler, tout calculer, vouloir prévoir l'imprévisible.
Le souci, c'est qu'en amour, il n'y a rien de prévisible, les choses te
tombent dessus sans prévenir. Comme si Cupidon à l'heure du numérique
ne pouvait m'envoyer un SMS du style :
« Amina, ici l'organisation Cupidon-Corp, après étude de votre dossier
nous vous enverrons aujourd'hui à 15 h 47 un prétendant qui n'aura rien
d'un serial-séducteur. Pour confirmer cette réservation, envoyez #prince
au 6009 »
Tout ça pour vous dire que je ne veux pas me retrouver face à face avec
lui.
Alors je prends les escaliers, j'arrive au niveau de son étage et j'entends
une porte qui claque et une personne qui s'approche du couloir. Je reviens
sur mes pas afin de me cacher derrière la porte. Dans la précipitation, la
ceinture de mon trench resta coincé. Ce détail n’avait pas échappé à la
personne qui descendait les escaliers. Elle s’arrêta devant la porte et la
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 2 tira lentement, à la manière d'un tueur sorti tout droit d’un scénario de
film. J’étais à deux doigts d’hurler, lorsque j’ai reconnu la voix de M.
Sissoko.
— Amina ? Mais pouqwa tu cass derrière li porte ? Ti weu me faire li criss
cardiaque.
M. Sissoko était le voisin de palier de SuperLover. C'était un papa Malien
d'une cinquantaine d'années bien connu dans l'immeuble pour sa
gentillesse et son franc-parlé.
J'avais trop honte, je me confondais en excuse et ne pouvait me retenir de
pouffer de rire en le voyant se tenir le cœur. Il éclata également de rire
avant de demander des nouvelles de mon père et de mes frères. Puis,
après avoir repris ses esprits M. Sissoko descendit les escaliers son sacpoubelle à la main.
J'étais amusée par la scène, mais ma frayeur atteignit son paroxysme
lorsque j'entendis une autre porte s'ouvrir et la voix de SuperLover. Je
pouvais la reconnaître entre mille. J'ai détalé manquant même de me
ramasser avec mes talons. Lorsque je suis rentrée, je me suis rendue
compte de l'absurdité de la situation.
J'ai repensé à ce qu'il m'avait dit, tentant de justifier ce qu'il éprouvait
pour moi comme un gamin pris la main dans le sac en train de taper dans
un paquet de bonbons. SuperLover, je le connais depuis la maternelle, je
peux voir lorsqu'il me ment ou me dit la vérité. En l'occurrence là il était
sincère. C'est bien cela qui m'avait étonné. Pourquoi maintenant ? Qu'estce qui se passe, ses ex ont remis ma tête à prix ? Je plaisante même si je
sais que certaines rêveraient de me mettre dans le coffre d'une voiture
afin de me faire disparaître.
Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi il a attendu que je lui
annonce mes fiançailles pour me parler de ses sentiments ? Je ne pense
pas qu'il voit en moi un amour de substitution, si toutefois ce qu'il
éprouvait était de l'amour. Tenter de comprendre un mec, c'est un peu
comme lorsqu'on essaie obstinément de rentrer dans un jean taille 36
alors qu'on met deux tailles au-dessus. En définitif, quelque chose
d'insensé.
J'ai beau spéculer là-dessus, mon calvaire s'achève aujourd'hui. Dans
quelques heures, SuperLover sera au bled. Lorsque je repense à cela, j'ai
comme un pincement au cœur. C'était comme si quelque chose allait
changer entre nous. J'ai la sensation d'être vraiment naïve lorsque je me
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 3 surprends à penser cela. Les choses ont déjà changé. La complicité que
l'on avait, nos délires et le soutien mutuel que l'on s’apportait, tout cela
est aux oubliettes maintenant. Je reste intimement convaincue que
retrouver tout cela chez un autre mec me sera difficile.
J'essaie pourtant d'entrevoir en mon futur fiancé, quelques traits d'un
SuperLover. Autant, être franche tout de suite, il en est loin. Avec lui, pas
trop de place pour le rêve. M'aimer avec passion, me faire une déclaration
ce n'est pas vraiment son genre. Pour lui arracher un « je t'aime » je
devrais le braquer avec mon gloss sur la tempe. Il est vrai que dans notre
culture on ne parle pas de nos sentiments ouvertement ; allons nous
reproduire le même schéma que nous parents ? Vivre ensemble, avoir des
enfants et troquer l’amour contre de l’affection, que l’on pourrait avoir
l’un pour l’autre ? Moi j’ai besoin d’être aimé. Limite je pourrais lui
chanter « Drunk in Love » de Beyoncé et il me donnerait la réplique
comme Jay-Z. Mais lorsque je vois comment les choses se profilent, j’ai la
nette sensation que ce n’est pas demain la veille, qu’il jouera le Casanova
avec moi. Pourtant, je n’ai pas l’impression d’abuser, je ne demande pas
à ce que ma vie soit une comédie romantique hollywoodienne. Est-ce que
demander à son fiancé de mettre des mots sur ses sentiments serait la fin
du monde ?
Ce qu'il éprouve ? Il est bien là le problème, est-ce qu'il éprouve
réellement quelque chose ?
La dernière fois, que je l'ai eu en ligne, je lui ai demandé pour quelle
raison j'avais attiré son attention lors de ce mariage.
La question que n'importe quelle fille en manque de confiance ou non
poserait.
Sa réponse :
— C'est ma mère qui t'a remarqué, elle m'a dit que tu étais de bonne
famille.
« Amina, une demoiselle ou par extension un produit certifié conforme
aux exigences de votre mère. Alors n'attendez plus ! Commandez un
exemplaire de cette fille et épousez là ! »
C'est ce que j'aurais aimé lui répondre, au lieu de cela je lui ai fait
comprendre à ma manière mon mécontentement par un :
— OK...
Autant dire que cela a jeté un froid dans la conversation. Mes réponses
rythmées par un oui ou non ont vite fait de le saouler. Si bien qu'il a
écourté son appel.
Non, mais sérieusement, je suis supposée être ta future femme, la mère
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 4 de tes enfants ; alors, dis-moi qu'après la mariée j'étais celle qui brillait le
plus, que tu cherchais n'importe quel stratagème pour connaître mon
nom... Au lieu de cela, j'apprends que c'est ta mère qui drive ton cœur et
que tu n'as aucun mot à dire.
SuperLover lui aurait trouvé la punchline de circonstance, il en a toujours
une. Pourquoi lorsque je repense à lui, j’ai l’impression de faire une
connerie.
La sonnerie de mon téléphone retenti, m’arrachant d’un doux rêve, dans
lequel ma vie serait liée à celle de SuperLover.
Ne me jugez pas. Cette possibilité c'est lui qui me l'a offerte. Je sais que
je ne devrais pas songer à cette éventualité ; mais la perspective de
l'imaginer dans les bras d'une autre, je ne peux l'accepter. Tout cela est
entièrement de sa faute. On ne dit pas à son amie d'enfance que l'on est
croc' d'elle lorsque dans le cœur de celle-ci il y a un désert affectif.
Le téléphone sonne à nouveau. Ça doit être SuperLover. Son vol est dans
quelques heures sans doute cherche t-il à me sonder une dernière fois
avant de s'envoler pour le bled. Si c'est le cas, j'accepterai sa proposition
de mariage. C'est fou, mais je me vois bien avec lui. Et quant à mon futur
ex-fiancé, je verrai avec ma sœur Myriam comment régler les choses sans
que ma mère me tombe dessus. Puis entre nous SuperLover ça restera
toujours son préféré.
Je me jette alors sur le téléphone comme une ado hystérique. Mais ma
joie fut de courte durée. J'ai décroché le téléphone en tentant de
dissimuler ma déception par une voix fatiguée.
C'était ma sœur qui était au bout du fil.
— Amina, je passe te déposer Bilal pour l'après-midi. J'ai quelques
courses à faire et l'avoir dans les pattes c'est juste impossible.
— Tu peux le déposer, je ne bouge pas de la journée.
Ma grande sœur, rien ne lui échappe, pas même ces larmes dans ma voix
que je tente de dissimuler.
— Amina, tu étais en train de pleurer ?
Surprise par cette question, j'ai mis du temps à répondre.
— Heu... Non j'étais devant une série.
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 5 Zéro crédibilité ! J'ai tenté de broder avec les moyens du bord. Mais ma
sœur on ne la lui fait pas. On a plus de chance de mettre une disquette à
un mec de la BAC qu'à Myriam.
Il aura fallu un coup de pression pour que je passe à table.
Ma sœur aimait beaucoup SuperLover, elle l'avait vu grandir et savait que
c'était le genre de mec qui prendrait soin de sa petite sœur. Pour elle, rien
n'avait été engagé avec mon « futur » ex-fiancé ; ses parents n'avaient pas
formalisé leur demande en rencontrant mes parents. Alors si mon cœur
battait pour SuperLover je devais foncer.
— Amina, arrête de croire que ta vie est un conte « made in » Disney.
SuperLover a fait sa demande tout en sachant qu'il risquait de prendre un
vent et tu le laisses dans le doute ?
Après coup, ma soeur avait raison, j'ai vraiment joué ma belle :
— Je ne peux pas te donner de réponse, je ne te dis ni oui ni non.
Voilà qu'elles furent mes paroles après que SuperLover ait fait sa
déclaration. En réalité, c'était juste une façon pour moi de lui faire
comprendre que je lui en voulais. C'est bête, mais oui, je lui en voulais de
ne pas m'avoir dit les choses avant, je lui en voulais d'avoir cherché sa
future femme auprès de meufs qui sans doute n'en valaient pas la peine,
je lui en voulais de m'avoir poussé dans les bras de ce pseudo fiancé.
La vérité, c'est que son entêtement à se marier cet été m'a poussé à
vouloir me marier également. La perspective que les choses puissent
changer après son retour du bled, aurait été quelque chose que je ne
pouvais assumer, même avec la meilleure volonté du monde. Est-ce qu'il
est possible de s'attendre à une vie digne des contes de fées lorsque l'on
reste intimement convaincue que : « Les princes n'existaient qu'au rayon
biscuits de chez Carrefour » ?
Dans les faits qu'importent les mésaventures amoureuses car dans le
cœur d'une fille, il y a toujours un espoir de voir débouler un prince
charmant en BMW cabriolet (à défaut d'un carrosse).
Dans mon cœur, c'était une copie conforme de SuperLover que je
recherchais, je ne lui ai jamais dit les choses de façon explicite car il y
avait de la pudeur et de la retenue. Puis le connaissant il aurait pris la
grosse tête ou m'aurait charrié.
— Amina, tu entends ce que je te dis.
Perdue dans mes pensées,
recommandations de ma sœur.
je
n'avais
pas
entendu
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. toutes
les
6 — Hein. Heu oui je comprends.
— Ce n'est pas l'impression que j'ai. Il décolle à quelle heure ? Appelle le
ça sera plus simple.
— Il doit partir de Charles de Gaulle en début d'après-midi, il faut que je
demande ça à Soso.
— OK, tiens-moi au courant je déposerai quand même Bilal à maman. Je
t'embrasse.
L'appeler ? Hors de question ! Il faut que je le capte en live. Par contre,
appeler sa soeur Soso ça c'est faisable.
Je compose son numéro tout en retournant ma penderie à la recherche
d’une tenue adéquate. C’est bien ma chance elle est sur messagerie. Je lui
envoie un SMS avant de faire un passage éclair à la salle de bain.
7 % de batterie foutu iPhone et je ne sais même pas où est mon chargeur.
Je m'affaire à le chercher lorsque je reçois un SMS de Soso :
« On est sur la route, on décolle dans deux heures, je t'appelle dès que
j'arrive à l'aéroport. Kissou ma belle »
On va oublier le chargeur, la priorité c'est d'être fraîche en 20 min top
chrono. Le genre de choses qui sonne comme un supplice pour moi qui
aime prendre mon temps dans la salle de bains.
*
**
Une demi-heure plus tard, je suis dans ma voiture. Créteil/Charles de
Gaulle en réserve, je pense, que la mini-cooper n’assumera pas. Je fais un
détour par la station-service, encore des minutes précieuses que je vais
perdre. Les yeux rivés sur ma montre comme si ma vie en dépendait. Je
calcule le temps de trajet et envisage l'itinéraire le plus rapide. Autant dire
que le GPS Waze n’est pas de taille avec moi, tous les moyens sont bons
pour retrouver celui pour qui mon cœur bat. Pendant que je rêvasse, je
reçois un appel de Soso.
— Amina ma belle, désolé c'est la course.
— Ne t'inquiète pas, je peux comprendre la pression. Dis-moi, je suis sur
la route vous décollez de quel terminal ?
— Sérieux ? Il n’y a rien qui t'y oblige à venir, je peux te passer ma mère
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 7 pour que tu lui dises au revoir.
— Soso, je n'ai plus de batterie.
— On est au Terminal T1, je vou...
La communication se coupe. Mais pourquoi mon iPhone n'a pas
l'autonomie d'un Nokia 3310 ? Au moins dans mon malheur j'ai pu
entendre le numéro du terminal ça aurait pu être pire !
Ça y est mon plein est fait. Je regagne ma voiture après avoir réglé le
pompiste.
Je prends la A86 pour rejoindre la A1. Sur Skyrock c'est le son de Vitaa et
Gyms qui tourne. Je mets l'album de John Legend et je pense à lui. Le
trajet ne m'a jamais paru aussi long. Puis, des questions fusent dans mon
esprit ! S'il avait calé l'affaire ? Et s'il était tout simplement passé à autre
chose ?
Je n'avais jamais envisagé cette éventualité et il n'était pas question de
penser à cela pour l'instant. Dans l'immédiat, c'était juste répéter ce que
j'allais lui dire, structurer mes pensées pour ne pas m'éparpiller, justifier
le pourquoi de cette tentative de fiançailles Myriam
Il faut absolument que j'appelle Myriam.
Plus de batterie, mais je dois certainement avoir un autre chargeur dans la
boîte à gant, organisée comme je suis.
Comme je suis le genre de meufs prudentes, je chercherai ce fichu
chargeur après avoir dépassé la Touran devant moi. Conduire en île de
France, c’est parfois une mission, on doit slalomer entre les fous du
volant qui cela jouent à la Vin Diesel dans « Fast and Furious » et les
mecs deux de tensions. Un peu comme le conducteur de la Touran devant
moi. Depuis tout à l’heure, le gars freine pour rien et déboite sans
clignotant comme si l’autoroute appartenait à son père.
Je commence à le dépasser par la gauche et il récidive en déboitant sans
clignotant, sans même regarder ses rétros. Je tente un écart désespéré
pour l'éviter, mais le choc avec le X5 qui arrive derrière moi est inévitable.
Comme dans les films d'action, je n'entends plus les moteurs des
véhicules mais juste ce bruit de tôle froissée accompagné d'éclat de parebrise. Le choc est d'une telle violence que ma mini Cooper heurta les
glissières de sécurité avant d'être à nouveau éjectée sur la voie du milieu,
puis écran noir.
Mon corps était comme passé sous un rouleau compresseur. Il m'était
impossible de dire où est-ce que j'avais mal, c'était mon corps tout entier
qui me faisait souffrir.
J'entendais une voix qui me paraissait lointaine :
— Mademoiselle, restez avec moi les secours arrivent.
J'ai tenté d'ouvrir les yeux, mais les rayons du soleil étaient trop
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 8 aveuglants.
L'homme continuait à me parler :
— C'est bien, ouvrez les yeux restez avec moi.
Peu à peu, sa voix devenait inaudible, mes yeux se fermaient, je ne luttais
plus, j'étais en train de partir.
*
* *
Le bruit d'un souffle saccadé alterné, par le bip d'une machine était aussi
régulier qu'une montre suisse. Par moment, j'avais l'impression de
n'entendre que cela. Il m'arrivait de distinguer des voix, des bouts de
conversation. J'ai même cru distinguer les pleurs de ma mère.
Des jours, des semaines s'étaient sans doute écoulés avant que je ne
puisse ouvrir les yeux pour la première fois. Je n'étais plus maîtresse de
mon corps, impossible pour moi de me redresser, de bouger mes
membres ou même de pouvoir parler. Mes yeux parcouraient la pièce.
Alors c'était ces machines qui me maintenaient en vie par la grâce de Dieu
?
Ce petit effort m'a tellement fatiguée que je replonge dans un profond
sommeil, bercée, par les versets du Coran qui tournaient en boucle.
Avais -je dormi quelques heures ou une journée entière ? Peu importe je
renouvelais mes efforts et cette fois je tentais d’enlever ce masque à
oxygène. Je me sens plus forte. La lumière du jour était encore aveuglante
mais j'ouvrais mes yeux. Myriam était à mon chevet. Je tentais d'enlever le
masque à oxygène mais ma main était tellement lourde que j'ai dû
abandonner. Alors je la fixais espérant qu'elle se réveille et qu'elle se
rende compte que j'étais là bien en vie.
Je ne peux pas vous dire combien
de temps je suis restée à la regarder. Certainement assez longtemps pour
me repasser en tête cette journée où tout a basculé. Superlover, le coup
de fil de ma sœur, le pompiste, l'autoroute, cette voiture qui déboite
subitement et ce gros X5 qui me rentre dedans.
C'était comme si je
revivais la scène, je me vois heurter la glissière de sécurité et là j'hurle.
Mon cri réveilla ma sœur en sursaut.
— Amina ! Dit-elle.
Avant d'éclater en sanglot et se jeter sur moi.
Je crois que ma sœur a oublié que j'ai subi un accident, qui sans doute a
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 9 failli me coûter la vie. Alors une étreinte dans mon état ce n’est pas
quelque chose qui serait approprié.
— Myriam tu me fais mal.
— Pardon, pardon, qu'est ce que l'on allait devenir ? Tu nous as fait peur.
Maman n'en dormait plus.
Elle m'embrassa sur le front avant de fouiller dans son sac à main et en
sortir son portable.
Myriam voulait annoncer la nouvelle à mes parents. Mais avant qu’elle le
fasse je voulais lui poser une question. J’avais complètement perdu la
notion du temps depuis cet accident.
— Myriam, combien de temps je suis resté dans cet état ?
— Tu es restée dans le coma pendant dix sept jours.
— Est- ce que SuperLover est venu me voir ?
Ma sœur n’a pas répondu à la question tout de suite.
Son silence voulait tout dire.
— Il est toujours au bled c’est ça ?
— Amina, il n’est pas au courant. Maman n’a pas voulu que l’on dise quoi
que ce soit. Lui et sa famille seraient rentré aussitôt et maman ne voulait
pas…
— Gâcher son mariage ?
— Oui.
Sans pouvoir me contrôler, je me suis mise à pleurer. Je l’avais perdu.
Myriam me prit dans ses bras et tentait de me consoler. Mais j’étais
inconsolable, l’homme que j’aimais était dans les bras d’une autre et moi
j’étais dans cette chambre d’hôpital. Je pleurais maintenant à chaudes
larmes. En plus d’un cœur brisé cet accident m’avait prit autre chose.
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 10 — Myriam, je ne sens plus mes jambes.
© 2014 IRINA EDITIONS -­‐ Tous droits Réservés. 11 

Documents pareils