Le Mabthéra ® dans la polyarthrite rhumatoïde
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Le Mabthéra ® dans la polyarthrite rhumatoïde
Journal de L’ANDAR (Association Nationale de Défense contre l’Arthrite Rhumatoîde) octobre2008 Le Mabthéra dans la polyarthrite rhumatoïde Pr Bernard Combe Immuno-Rhumatologie, Hôpital Lapeyronie – CHU de Montpellier La prise en charge thérapeutique des rhumatismes inflammatoires et notamment de la polyarthrite rhumatoïde (PR) a été transformée par l’avènement des biothérapies et notamment des inhibiteurs du TNF. Les anti-TNF (etanercept, infliximab, adalimumab) ont montré d’une part, leur grande efficacité clinique, notamment en association avec le methotrexate, mais également leur capacité à bloquer ou à prévenir la destruction articulaire de la PR. Plus récemment, on a également montré la capacité de ces drogues à diminuer la morbidité cardiovasculaire et probablement la mortalité, de la maladie. Ils ont également permis d’améliorer les capacités fonctionnelles, la qualité de vie des patients et de réduire la corticodépendance. Ils ont enfin modifié les objectifs thérapeutiques puisqu’actuellement chez tout patient atteint de PR, l’objectif doit être l’obtention de la rémission clinique et l’arrêt de la progression articulaire radiologique. Cependant, ces médicaments ont montré certaines limites dans la PR puisqu’ils peuvent induire une rémission clinique que dans 30 à 50 % des cas et que 20 à 30 % des malades sont considérés comme non-répondeurs. De plus, des échappements thérapeutiques peuvent être observés à moyen ou long terme. Enfin, ils présentent un certain nombre d’effets indésirables et de contre-indications, notamment sur le plan infectieux. Il est donc apparu important de pouvoir disposer d’autres alternatives thérapeutiques et c’est ainsi que de nouvelles biothérapies ont été développées à partir des hypothèses physiopathologiques de mieux en mieux connues sur la PR. Les cibles privilégiées de ces nouveaux traitements biologiques restent les cytokines pro-inflammatoires et notamment l’interleukine 6, mais aussi des cellules telles que le lymphocyte B et le lymphocyte T. Ceci a permis de commercialiser deux médicaments : le rituximab (Mabthera) qui inhibe les lymphocytes B et l’abatacept (Orencia) qui inhibe l’activation des lymphocytes T. Un 1 inhibiteur du récepteur de l’IL6, très prometteur, est actuellement également en voie de commercialisation. 1- Le rituximab Le lymphocyte B joue un rôle important dans la pathogénie des maladies auto-immunes, et en particulier dans la PR. Le rituximab est un anticorps monoclonal anti-CD20 qui est une molécule spécifique du lymphocyte B mature. Cet anticorps est dit chimérique car il est partiellement humanisé et contient des séquences d’origine murine. La fixation du rituximab sur le CD20 entraîne la lyse du lymphocyte B. Ce médicament a obtenu l’AMM en France en 1997 dans le traitement des lymphomes B et en 2006, dans celui de la PR active, après échec d’au-moins un anti-TNF. Son efficacité a été démontrée au cours de 3 principales études cliniques randomisées contre placebo dans la PR (1,2,3). La première étude (1) a été réalisée chez 161 patients insuffisamment répondeurs au methotrexate et a permis de montrer que l’association du rituximab au methotrexate était supérieure à la poursuite du methotrexate seul et que l’association paraissait donner des résultats supérieurs au rituximab administré seul. Un résultat supplémentaire très intéressant de cette étude est la constatation que l’administration de ce médicament en perfusion intraveineuse de 1 g, au jour 1 et au jour 15, permettait d’obtenir une réponse thérapeutique durable supérieure à 6 mois et pouvait même se prolonger au-delà d’une année. On a constaté parallèlement que le rituximab entraînait une disparition des lymphocytes B sanguins dans la majorité des cas pendant plus de 6 mois. L’ étude DANCER (2) administrée également chez des patients insuffisamment répondeurs au methotrexate, a confirmé que deux perfusions de rituximab à J1 et J15, de 1 g ou 500 mg par perfusion, permet d’obtenir deux fois plus de répondeurs que la poursuite du methotrexate seul. Enfin, l’étude REFLEX (3) a montré que le rituximab administré à 1 g à J1 et J15, en coadministration avec le methotrexate, permettait également une réponse thérapeutique supérieure à la poursuite du methotrexate seul, dans une population de patients insuffisamment répondeurs à au-moins un anti-TNF. Cette étude a également permis de montrer que le rituximab diminuait la progression radiologique de la PR. Retraitement par le rituximab Après deux perfusions de rituximab, comme nous l’avons vu dans les études précédentes, les patients ont eu une réponse thérapeutique durable, en moyenne de 8 mois, justifiant chez les patients ayant répondu au traitement, la réadministration d’une cure de 2 perfusions de rituximab. On ne dispose pas actuellement de données d’efficacité claires 2 sur ces cures successives de retraitement mais les résultats de nouvelles études vont être bientôt disponibles. Tolérance du rituximab La tolérance du rituximab est globalement bonne. L’évènement indésirable principal constaté dans les études cliniques a été la réaction aux perfusions, notée dans 30 à 40 % des cas et qui est diminuée par l’administration concomitante de corticoïdes. Des infections sévères sont également légèrement augmentées, par rapport à un traitement de fond classique et cette augmentation semble du même ordre que ce que l’on observe avec les autres biothérapies et notamment les anti-TNF. A noter cependant, que lors de retraitement au long cours, une diminution progressive du taux des immuno-globulines est fréquente et semble associée à la survenue de ce type d’infection. De nouvelles études seront également bientôt disponibles, mais une surveillance à long terme du rituximab chez des patients traités dans la « vraie vie » c'est-à-dire hors des études cliniques est indispensable pour bien évaluer son rapport bénéfice/risque. En France c’est l’objectif du registre AIR-PR sous l’égide de la Société Française de Rhumatologie. a- Le rituximab en pratique Le rituximab est actuellement indiqué « dans le traitement de la PR active en cas de réponse inadéquate ou d’intolérance aux traitements de fond, dont au moins un antiTNF ». Cependant, compte-tenu de l’efficacité actuelle des anti-TNF, notamment sur la capacité à bloquer la progression radiologique de la PR, de la possibilité d’avoir une efficacité en cas de l’utilisation d’un deuxième anti-TNF et de la sécurité dont on dispose à moyen terme avec ces médicaments, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande plutôt en pratique, d’utiliser le rituximab après échec et/ou intolérance, et/ou contreindication à deux anti-TNF. Cette biothérapie s’utilise en co-administration avec le methotrexate ou à défaut avec un autre traitement de fond. La posologie recommandée actuellement est de 1g en 2 perfusions IV à 15 jours d’intervalle. Chaque perfusion de rituximab est précédée d’une administration de 100 mg IV de methylprednisolone afin de diminuer les réactions aux perfusions. Un anti-histaminique et un anti-pyrétique peuvent également être administrés en même temps. L’efficacité est progressive et ne se juge qu’entre le 4 ème et le 6 ème mois. Pour envisager de réadministrer une cure (2 perfusions) de rituximab à un patient 3 préalablement traité, il faut que celui-ci ait répondu à la première cure de rituximab et que la tolérance soit satisfaisante(4).. Il n’est pas recommandé de retraiter les patients moins de 6 mois après la cure précédente, compte tenu de la déplétion lymphocytaire B prolongée induite par chaque cure. Conclusion Le domaine des biothérapies a transformé la prise en charge thérapeutique de la PR mais surtout le pronostic et l’évolution de cette maladie. Actuellement, à côté du methotrexate, les anti-TNF représentent le traitement de référence dans les PR actives et potentiellement sévères. Le rituximab et l’abatacept, récemment commercialisés, ont montré une efficacité et une tolérance tout à fait acceptable et sont une alternative aux anti-TNF, en cas d’échec, intolérance ou contre-indication à ceux-ci. Le rituximab à la particularité de ne pas être administré de manière continue puisqu’après une cure de 2 perfusions il se produit un effet rémanent qui peut durer plusieurs mois (8 à 10 le plus souvent). La tolérance est bonne mais il existe de fréquentes réactions aux perfusions et un risque d’infections sévères du même ordre que les autres biothérapies. 4 Bibliographie 1- Edwards JCW, Szxzepanski I, Szechinski J et al. Efficacy of B-cell-targeted therapy with rituximab in patients with rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2004;350:2572-81 2- Emery P, Fleischmann R, Filipowicz-Sosnowski A et al. The efficacy and safety of rituximab in patients with active rheumatoid arthritis despite methotrexate treatment. Results of a phase IIb randomised, double-blind placebo-controlled, dose ranging trial. Arthritis Rheum 2006;54:1390-400 3- Cohen SB, Emery P, Greenwald MW et al. Rituximab for rheumatoid arthritis refractory to antitumor necrosis factor therapy : results of a multicenter, randomized, double-blind, placebo controlled, phase III trial evaluating primary efficacy and safety at twenty-four weeks. Arthritis Rheum. 2006;54:2793-806 4- Smolen J, Keystone E, Emery P. et al. Consensus statement on the use of rituximab in patients with rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2007;66:143-150 5