Télécharger ce fichier PDF

Transcription

Télécharger ce fichier PDF
HEMATO-ONCOLOGIE
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 53-55
Fait Clinique
FASCIITE NECROSANTE APRES ADMINISTRATION DE RITUXIMAB
CHEZ UN PATIENT ATTEINT DE LYMPHOME NON HODGKINIEN
A.TALEB1, O. EL MESBAHI2, S. ARIFI2, H. ERRIHANI1
1. Service d’Oncologie Médicale, INO Rabat, Maroc ; 2. Service d’Oncologie Médicale, CHU Hassan II, Fès, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique anti-CD20
qui a bouleversé la prise en charge des lymphomes non hodgkiniens
(LNH) B exprimant le CD20. Ce médicament est globalement bien
toléré. Nous rapportons un cas fatal de fasciite nécrosante suite à
l’administration du rituximab chez un patient suivi pour LNH.
NECROTIZING FASCIITIS FOLLOWING THE USE
OF RITUXIMAB IN PATIENT WITH NON-HODGKIN’S
LYMPHOMA
Rituximab is a chimeric anti-CD20 immunoglobulin monoclonal
antibody which considerably modified the therapeutic strategy for
CD20-positive non-Hodgkin’s lymphoma (NHL). This drug has a
limited toxicity. We report a fatal case of necrotizing fasciitis following
the use of rituximab in patient with NHL.
Mots clés : rituximab, lymphome non hodgkinien, fasciite nécrosante
Correspondance : Dr. A. TALEB. Service d’Oncologie Médicale,
INO, Rabat, Maroc. E-mail : [email protected]
Key words : rituximab, non-Hodgkin’s lymphoma, necrotizing fasciitis
INTRODUCTION
et une chimiothérapie de type ICE (ifosfamide, carboplatine
et étoposide) fut démarrée avec poursuite évolutive après 3
cures. L’évaluation avait montré la persistance des signes
généraux et une tomodensitométrie thoraco-abdominopelvienne objectivait la présence de multiples adénopathies
sur tous les étages. Une biopsie ostéomédullaire faite était
également envahie.
Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique antiCD20 qui fait actuellement partie du traitement standard des
LNH B exprimant le CD20 qu’il soit administré seul ou en
association avec la chimiothérapie. Il est également utilisé
dans d’autres indications incluant les maladies auto-immunes
et en particulier la polyarthrite rhumatoïde. Le rituximab
détruit les cellules B par différents mécanismes incluant la
cytotoxicité dépendante du complément (CDC) et la
cytotoxicité cellulaire dépendante de l’anticorps (ADCC) [1].
Les études rapportant les résultats des traitements comportant
le rituximab ont montré qu’il avait une faible toxicité. Nous
rapportons à travers cette observation le cas d’un patient suivi
pour LNH qui a développé une fasciite nécrosante suite à
l’administration de rituximab.
Le rituximab a été introduit en monothérapie à la dose de
375 mg/m2 (1 dose/semaine pendant 4 semaines). 36 heures
après l’administration de la première dose de rituximab, le
patient a développé une ecchymose du flanc droit, chaude,
douloureuse, avec œdème en regard, le tout évoluant dans un
tableau de sepsis grave avec une fièvre à 39°C, une tachycardie
à 110 battements/min et une hyperleucocytose avec des
polynucléaires neutrophiles à 22000/mm3.
Le diagnostic de fasciite nécrosante a été posé et l’évolution
a été marquée par l’extension de l’inflammation à la fesse, la
cuisse droite et à la face postérieure de l’hémithorax droit
(fig. 1 et 2).
OBSERVATION
B.L., patient âgé de 65 ans, sans antécédents pathologiques
notables, était suivi depuis 2002 pour LNH centrofolliculaire
CD20 positif stade initial IIBb, traité initialement par 6 cures
de chimiothérapie selon le protocole CHOP
(cyclophosphamide, doxorubicine, oncovin et prednisone)
suivi de radiothérapie avec réponse complète. L’évolution a
été marquée par une rechute en 2005 ; un bilan réalisé a
stadifié le patient au stade IVBb avec forte masse tumorale
Une triple antibiothérapie probabiliste (pénicilline A +
aminosides + métronidazole) a été introduite immédiatement.
L’apyrexie a été obtenue au bout de 48 heures. L’évolution
a été marquée par le décès du patient à J+7 suite à un choc
septique avec défaillance multiviscérale (anurie, trouble de
la conscience, hypotension persistante malgré le remplissage).
53
Fasciite nécrosante après administration de rituximab chez un patient atteint de lymphome non hodgkinien
A.TALEB et coll.
Fig. 1 et 2. Photographies du patient montrant l’étendue des lésions
cutanées liées à l’administration du rituximab
DISCUSSION
paranéoplasique, le syndrome de Stevens-Johnson [8], la
dermatite lichénoïde, la dermatite vésiculobulleuse. Le moment
de l'apparition de ces réactions cutanéo-muqueuses est variable
et s'échelonne de 1 à 13 semaines après le traitement par le
rituximab. Seuls 20 cas de réactions cutanéo-muqueuses
sévères sont rapportés dans la littérature dont 8 étaient fatales.
Néanmoins, le taux d’infections liées au rituximab est très
négligeable (< 1/10.000 cas).
Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique antiCD20 qui a considérablement modifié la stratégie thérapeutique
des maladies lymphoprolifératives à cellules B incluant les
LNH. Concernant le mécanisme d’action du rituximab, quand
la cellule est au contact de l’anticorps anti-CD20, l’immunité
humorale devient alors altérée, les immunoglobulines Ig
circulantes et IgA sécrétoires sont éliminées sans être
compensées, et l’immunité contre les bactéries et les virus se
trouve altérée. En effet, le rituximab s’attaque aussi bien aux
cellules normales qu’aux cellules pathologiques qui expriment
le CD20 ; ainsi, le taux de cellules B normales décroît dans
les 2 à 6 mois qui suivent l’administration du rituximab et
retrouve un taux qui avoisine la normale après un délai de 12
mois [2, 3]. Malgré cette déplétion en cellules B, le taux
d’immunoglobulines reste stable sans majoration de la
fréquence ou de la gravité des complications infectieuses. Le
taux global d’infections liées au rituximab est négligeable et
les différents essais testant le rituximab ont montré que le
taux d’infections n’était pas significativement majoré par
l’administration de cet anticorps [3, 4, 5]. En effet, une étude
récente comparant le CHOP versus CHOP-rituximab n’a pas
révélé d’augmentation du taux d’infections dans le bras
association [6].
La fasciite nécrosante (FN) est une complication possible du
rituximab. Seuls deux cas de FN ont été rapportés dans la
littérature suite à l’utilisation de rituximab dont un était fatal
[9]. C’est une infection profonde des tissus sous-cutanés
résultant de la destruction progressive du fascia et de la graisse
qui est causée à la fois par des bactéries aérobies et anaérobies
et survient le plus souvent après une chirurgie ou chez les
patients diabétiques ou ayant une pathologie vasculaire
périphérique [1, 10]. Le germe le plus retrouvé est le
streptocoque du groupe A. Le diagnostic précoce de la FN est
important car l’évolution des symptômes qui sont inapparents
au début peut être foudroyante (destruction massive des tissus,
perte de substance et parfois la mort). L’érythème peut être
localisé ou diffus mais parfois seule une douleur atroce en
l’absence de signes cutanés peut être un indicateur de
l’infection. En 24-48h, l’érythème se développe ou prend une
couleur rouge pourpre avec apparition de phlyctènes et de
bulles, le tout évoluant le plus souvent dans un contexte fébrile.
Le traitement consiste en une exploration chirurgicale urgente
et agressive avec excision des tissus nécrosés, une
antibiothérapie et une prise en charge hémodynamique si
nécessaire. Le pronostic est sombre, la FN est associée à une
morbidité et une mortalité considérables malgré un traitement
optimal. L’association à un choc est décrite dans plus de 90%
des cas avec un taux de mortalité qui avoisine les 30%. En ce
qui concerne notre patient, il n’était pas diabétique et n’avait
pas d’antécédent de traumatisme ni de chirurgie mais, par
contre, avait une forte masse tumorale, ce qui pourrait
prédisposer à développer plus facilement une infection.
Les effets secondaires les plus décrits avec l’utilisation du
rituximab regroupent des réactions de courte durée ne dépassant
pas les deux heures en cours de perfusion à type de fièvre,
frissons, rash, nausées, bronchospasme et hypotension. Le
syndrome de libération des cytokines est rare et a été observé
en cas de LNH à forte masse tumorale. La toxicité
hématologique à type d’anémie, neutropénie ou thrombopénie
est également rare et a été rapportée chez seulement 2% des
patients. Une majoration des infections opportunistes chez
les patients atteints de SIDA en combinaison avec le CHOP
a été décrite [1]. Les patients recevant le rituximab ne présentent
généralement pas de toxicité cutanée mais des effets
secondaires cutanéo-muqueux graves ont été rapportés. Leur
incidence sur 125.000 patients traités par rituximab entre 1997
et 2001 est de 0,0008%, beaucoup plus faible que le taux
prévu d'incidence des réactions cutanées graves chez les
patients atteints de lymphome en général (0,07%) [7]. Les
effets indésirables signalés comprennent le pemphigus
CONCLUSION
Le but de cette observation est d’être plus vigilant lors de
l’administration du rituximab aux patients porteurs de facteurs
de risque tels que les patients diabétiques, ceux ayant une
54
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 53-55
forte masse tumorale, avec antécédent de chirurgie ou porteurs
d’une lésion préexistante et d’inciter les praticiens à
entreprendre une action agressive et rapide dès l’apparition
des premiers symptômes.
5.
Ghielmini M, Schmitz SF, Cogliatti SB, Pichert G,
Hummerjohann J, Waltzer U, Fey MF, Betticher DC, Martinelli
G, Peccatori F, Hess U, Zucca E, Stupp R, Kovacsovics T, Helg
C, Lohri A, Bargetzi M, Vorobiof D, Cerny T. Prolonged
treatment with rituximab in patients with follicular lymphoma
significantly increases event-free survival and response duration
compared with the standard weekly x 4 schedule. Blood 2004;
103 : 4416-23.
6.
Coiffier B, Lepage E, Briere J, Herbrecht R, Tilly H, Bouabdallah
R, Morel P, Van Den Neste E, Salles G, Gaulard P, Reyes F,
Lederlin P, Gisselbrecht C. CHOP chemotherapy plus rituximab
compared with CHOP alone in elderly patients with diffuse
large-B-cell lymphoma. N Eng J Med 2002 ; 346 : 235-42.
7.
Grillo-Lopez AJ, Hedrick E, Rashford M, Benyunes M.
Rituximab : ongoing and future clinical development. Semin
Oncol 2002 ; 29 (suppl 2) : 105-12.
8.
Lowndes S, Darby A, Mead G, Lister A. Stevens-Johnson
syndrome after treatment with rituximab. Ann Oncol 2002 ; 13:
1948-50.
9.
Krieger JA, Merin JM, Rabinowitz I. Necrotizing fasciitis
following rituximab therapy. J Oncol Pharm Practice 2002 ; 8:
127-9.
REFERENCES
1.
Kimby E. Tolerability and safety of rituximab (MabThera).
Cancer Treat Rev 2005 ; 31 : 456-73.
2.
Johnson P, Glennie M. The mechanisms of action of rituximab
in the elimination of tumor cells. Semin Oncol 2003 ; 30 (suppl
2) : 3-8.
3.
Maloney DG, Grillo-López AJ, White CA, Bodkin D, Schilder
RJ, Neidhart JA, Janakiraman N, Foon KA, Liles TM, Dallaire
BK, Wey K, Royston I, Davis T, Levy R. IDEC-C2B8
(Rituximab) anti-CD20 monoclonal antibody therapy in patients
with relapsed low-grade non-Hodgkin's lymphoma. Blood 1997;
90 : 2188-95.
4.
Czuczman MS, Fallon A, Mohr A, Stewart C, Bernstein ZP,
McCarthy P, Skipper M, Brown K, Miller K, Wentling D,
Klippenstein D, Loud P, Rock MK, Benyunes M, Grillo-López
AJ, Bernstein SH. Rituximab in combination with CHOP or
fludarabine in low-grade lymphoma. Semin Oncol 2002 ; 29
(suppl 2) : 36-40.
10. Gozal D, Ziser A, Shupak A, Ariel A, Melamed Y. Necrotizing
fasciitis. Arch Surg 1986 ; 121 : 233-35.
55

Documents pareils