Un toit – pour tous les cas

Transcription

Un toit – pour tous les cas
accent l Logement l
Un toit – pour tous les cas
Des conditions de logement sûres sont un élément essentiel de l’intégration sociale. C’est
la tâche d’un service social de soutenir les bénéficiaires de l’aide sociale si nécessaire
dans la recherche et la sauvegarde d’un logement. Aperçus de la pratique de la Ville de
Bienne.
Avec 50’000 habitants, Bienne est la plus grande ville
bilingue de Suisse. Une des particularités de la ville avec
ses 27’955 immeubles d’habitation réside dans la
proportion élevée d’appartements locatifs, dans la
proportion au-dessus de la moyenne d’appartements de
1 à 3 pièces ainsi que dans la faible proportion
d’appartements de 5 pièces et plus. Après la pénurie du
logement de la fin des années 80 et du début des années
90, le nombre d’appartements disponibles est à nouveau
suffisant depuis un certain temps. Ceci s’explique en
partie par la perte démographique à la suite du chômage
élevé dont la ville a souffert pendant longtemps. Avec
2,4%, le taux de vacances est plus de deux fois plus élevé
que la moyenne suisse.
Vaste offre, grand potentiel d’assainissement
A Bienne, les appartements sont relativement avantageux,
mais leur standard d’aménagement est plutôt modeste et
ne répond pas aux exigences actuelles en matière
d’isolation sonore et thermique, ce qui engendre des
charges élevées. L’état souvent vétuste et mal entretenu
Vétuste et en mauvais état: l’espace d’habitation à Bienne.
ZeSo 4/2009
de l’habitat à Bienne est confirmé par l’étude réalisée par
Michael Arend à la demande des Offices fédéraux de la
migration et du logement et publiée en janvier 2008
sous le titre «Integration und Quartierentwicklung in
mittelgrossen und kleineren Städten der Schweiz». Ce
segment du marché du logement nécessitant des
assainissements comprend, en dehors des nombreux
immeubles d’habitation le long des grands axes de
circulation avec une forte concentration de bénéficiaires
de l’aide sociale et de personnes socialement défavorisées,
également les coopératives d’habitation nées dans les
années d’après-guerre. Au cours de ces dernières années,
de nombreux nouveaux immeubles d’habitation ont été
construits, notamment des appartements en PPE et des
appartements locatifs haut de gamme. Par rapport à
d’autres villes, ces appartements sont eux aussi
relativement avantageux.
Soutien aux cas difficiles
Compte tenu de l’offre quantitativement suffisante
d’appartements, la recherche d’un logement ne pose pas
i Logement i accent
de problème particulier à la plupart des clientes et clients.
Ceux-ci trouvent des appartements à des loyers qui
correspondent aux normes en vigueur à Bienne et, avec
de légers écarts, dans l’ensemble de la région. La plupart
du temps, un soutien n’est nécessaire que lorsque la
« compétence habitative » est limitée ou que la situation
individuelle est particulièrement difficile. C’est souvent
le cas par exemple pour les familles nombreuses du fait
de l’offre insuffisante de grands appartements. Ce sont
également les personnes avec une origine migratoire,
notamment africaine, et les personnes qui font l’objet
d’une poursuite ou qui ont des problèmes liés à des
relations de location antérieures qui ont besoin d’être
soutenues. Du fait qu’à Bienne, un certain nombre de
bailleurs n’arrive à louer leur mauvais espace d’habitation
plus qu’aux couches inférieures, à des personnes
d’origine étrangère ou ayant des problèmes particuliers,
même ces personnes-ci trouvent en général un
appartement, m^me si c’est au prix d’un loyer trop élevé
par rapport à la qualité.
Offres spéciales pour personnes socialement
plus faibles
Le département des affaires sociales dépense environ 1,8
millions de francs par an pour les loyers de quelque
2’000 appartements. Des loyers non payés ainsi que le
travail administratif et les frais qui y sont liés ont amené
le service, malgré des hésitations méthodologiques, à
verser les loyers directement au bailleur dans 80% des
cas. L’ensemble des bénéficiaires de l’aide sociale est
assuré pour responsabilité civile auprès de la même
compagnie, ce qui facilite la gestion des sinistres. A
quelques rares exceptions près, le service social ne se
charge pas de dépôts de loyers. La collaboration avec les
régies immobilières fonctionne en général bien. Des
problèmes surviennent notamment lorsque des rapports
locatifs se terminent sur des frais non couverts et que les
bailleurs imaginent que le service social est responsable
de « ses » locataires et prend les dommages non couverts
en charge. Certaines régies immobilières ne louent
cependant par principe pas d’appartements aux
bénéficiaires de l’aide sociale, alors que d’autres les
exploitent de manière éhontée en fixant des loyers qui
correspondent au franc près aux montants maximaux.
En dehors du marché ordinaire du logement, le
département des affaires sociales peut faire appel aux
offres des institutions les plus diverses qui proposent des
solutions pour des groupes cibles ayant des problèmes Site typique pour les personnes socialement défavorisées: grands axes de circulation.
de logement particuliers. Après la dissolution du service > Photos: Rudolf Steiner
4/2009 ZeSo accent i Logement i
> municipal du logement en 2005, la Ville de Bienne
a délégué la tâche d’assurer logement aux habitants
socialement plus faibles à des tiers avec lesquels la
collaboration est réglée par des contrats de prestation et
qui, selon le mandat, sont subventionnés par le Canton
de Berne ou la Ville de Bienne. Il s’agit de l’Armée du
salut, du Sleep-in, de la Maison d’accueil des femmes
et de la Fondation Femmes & enfants qui empêchent
le manque de logements. Pour les personnes à capacité
d’habitation limitée en raison de problèmes de santé, on
fait appel à des institutions telles que la Fondation Foyer
Schöni qui dispose de deux immeubles d’habitation avec
possibilité d’occupation.
Gestion immobilière a caractère social
Le soutien pour assurer un logis et un appartement aux
personnes socialement défavorisées et marginalisées se
fait par l’Association Casanostra fondée en 1991. Celleci s’entend comme régie immobilière avec un travail
social professionnel qui propose des appartements de sa
propriété ou loués sur le marché privé à des personnes
qui, tout en ayant une « compétence habitative », ont
besoin d’un accompagnement. Au cours de ces dernières
années, le besoin des services de Casanostra a augmenté
sans cesse, rien qu’en 2008 de 40%. L’une des causes
majeures de cette évolution réside dans les modifications
intervenues en psychiatrie et dans la lutte contre la
toxicomanie : le déplacement des traitements stationnaires
vers les traitements ambulatoires fait que les personnes
concernées ne disposent souvent pas de la structure et de
l’accompagnement absolument indispensables dans le
domaine du logement. En 2008, 155 parties locataires
ont habité dans les 101 unités de logement de Casanostra.
Ce qui est préoccupant, c’est qu’au moment de leur
accueil, 60% des personnes sont déjà sans logis ou ont
trouvé un refuge temporaire chez des proches, des
connaissances, dans des foyers ou des abris d’urgence. En
plus de l’habitation assistée, l’association propose depuis
peu le service « wohnfit », une habitation assistée
préventive dans des logis n’appartenant pas à Casanostra.
Le but de ce service est de sauvegarder le logis pour des
personnes disposant de compétences habitatives
insuffisantes.
«Habiter à Bienne, c’est jouir d’une qualité de vie sur
le mode bilingue», écrit la Ville sur son site web. Afin que
la ville puisse répondre à ce slogan, la question de la mise
à disposition d’un espace d’habitation a été intégrée
dans la politique du Conseil municipal pour les années
2009 à 2013. Une stratégie sur la base d’une analyse
des besoins ainsi que des offres existantes doit assurer
que les personnes socialement plus faibles trouvent
également à l’avenir un espace d’habitation et de vie
approprié à Bienne. 
Beatrice Reusser
Responsable du département des affaires sociales
de la Ville de Bienne
BieNNE EN CHIFFRES
Cet appartement est réservé à une personne socialement
défavorisée : l’Association Casanostra offre non seulement
de l’espace, mais également une habitation assistée.
ZeSo 4/2009
• Langue: 60,7 % des Biennoises et Biennois sont
germanophones, 39,3% francophones; 36,9% sont
monolingues, 32,9% bilingues et 20,3% tri- ou
plurilingues.
•Etrangers: En 2008, la proportion des étrangers était
de 27,8% et donc légèrement inférieure à la moyenne
des dix villes les plus grandes de Suisse.
•Infrastructure: La ville dispose de 13 structures
d’accueil de jour pour enfants, de 10 groupes de jeu,
de 50 jardins d’enfants, de 14 écoles primaires et de
6 écoles secondaires, de 4 collèges, de 6 écoles de
formation professionnelle, de 6 écoles de sport et de
culture, d’une école de musique et de 4 Hautes écoles.
•Marché du logement: 26’167 immeubles collectifs et
1’888 maisons individuelles, ou 77,2% d’appartements
locatifs, 16,4% d’appartements en PPE et 18,6% de
maisons individuelles: selon le recensement des
logements de l’Office fédéral de la statistique (OFS) de
2006.
• Service social : Bienne compte quelque 5’000
bénéficiaires de l’aide sociale ou 3’300 cas de soutien
dont 57% vivent dans des ménages d’une seule
personne.
interview l Ueli Tecklenburg, Secrétaire général sortant de la CSIAS l
«J’ai toujours fait des efforts
pour l’intégration»
Au fond, son cœur bat pour la gauche, mais dans sa fonction de Secrétaire général de
la CSIAS, Ueli Tecklenburg a cherché l’équilibre. A la fin de l’année, il prendra sa retraite
heureux de ne plus jamais devoir faire de budget.
Monsieur Tecklenburg, comment vous sentirezvous le 1er janvier 2010?
Je pense que j’aurai des sentiments mitigés : d’une
part, je prendrai conscience que c’est le début de mes
vacances éternelles et d’une grande liberté. D’autre part,
il y aura sans doute un peu de tristesse, puisque le quotidien au travail avec toutes ses activités et les contacts avec
les collègues appartiendra définitivement au passé.
Vous avez dirigé le Secrétariat central de la CSIAS
depuis 2003. Avez-vous connu un temps particulièrement fort?
Pour moi, le temps le plus fort était la révision des
normes CSIAS. C’était un immense travail avec des discussions animées, parfois chargées d’émotions. Malgré
des critiques justifiées, nous avons réussi à venir à bout
de cette révision et à trouver un compromis bien helvétique. L’engagement en a valu la peine, puisque le résultat
est important pour la politique sociale.
compétition à la baisse, c’est à dire que certains cantons
et villes auraient commencé à réduire les prestations et
les autres les auraient suivis. Pour les bénéficiaires de
l’aide sociale, cela aurait été une catastrophe.
Vous est-il déjà arrivé d’avoir des nuits d’insomnie ?
Oui – c’est justement dans le contexte de la révision
des normes que les positions parfois fortement polarisantes au sein de l’association se sont manifestées. Réunir
les différentes opinions et positions me tenait toujours
énormément à cœur. Ensuite, il y avait des projets de
recherche qui devaient être réalisés dans des conditions
difficiles. Cela aussi m’a parfois privé de sommeil. Et
puis ce cher argent: avant l’augmentation des cotisations
des membres, nous devions toujours compter avec un
déficit. Je me suis souvent demandé comment on pouvait gérer la „boutique“ si on était obligé de retourner
trois fois chaque centime avant de le dépenser. Cela ne
laisse plus de marge pour des innovations.
Pourquoi ?
Avant la révision, les normes CSIAS ont fait l’objet de
vives attaques. Certains cantons et villes ont menacé de ne
plus les appliquer ou de quitter la CSIAS. S‘ils l’avaient
fait, la CSIAS aurait perdu sa crédibilité et il n’y aurait
aujourd’hui plus un ensemble de règles porté par la majorité des cantons. Je pense que cela aurait provoqué une
Ueli tecklenburg
Ueli Tecklenburg, qui dirige le Secrétariat central de
la CSIAS à Berne depuis six ans et demi, prendra sa
retraite fin 2009. Il a fait des études de sociologie et
d’histoire à Zurich et – après un séjour auprès d’une
université chilienne – il a assumé différentes fonctions dans le domaine social en Suisse romande.
Entre autres, il a travaillé auprès du service social
de la Ville de Genève et ensuite, pendant 12 ans, au
département des affaires sociales du Canton de Vaud.
Ueli Tecklenburg a 63 ans, il est marié et père d’un fils
adulte.
16 ZeSo 4/2009
Vous travaillez comme sociologue dans le domaine
social depuis plus de 35 ans. Qu’est-ce qui a déterminé cet engagement ?
Ces derniers temps, j’ai souvent repassé en revu mon
parcours professionnel et privé et j’ai constaté que cet engagement social et politique traverse ma vie comme un
fil rouge. Je suis un pur produit de 1968!
Un vrai soixante-huitard?
Oui, j’ai été un de ceux-là!
C’est-à-dire?
En 1968, j’ai participé au Globuskrawall de Zurich
et ensuite, je me suis engagé au sein d’un groupe politique. A l’Uni, qui était en pleine ébullition, j’ai fait partie des étudiants progressistes et j’ai été le cofondateur
d’un groupe syndical. Mais il semble que je me suis fait
remarquer déjà auparavant... Au collège déjà, mon prof
d’histoire – qui était d’ailleurs le père du Président de
la CSIAS Walter Schmid – m’a traité de «pré-soixantehuitard“!
l Ueli Tecklenburg, Secrétaire général sortant de la CSIAS l interview
«Suis-je plutôt un Suisse alémanique ou plutôt un Romand?» Certains soixante-huitards changent de camp au
cours de leur vie. Manifestement, ce n’est pas votre cas.
J’ai une idée assez précise d’une société équitable qui
donne leur place également aux plus faibles et ne connaît
pas de différences sociales énormes. Mais le fait est que
beaucoup de gens vivent dans l’abondance et la surabondance. Ils ont de l’argent et ainsi également du pouvoir.
Ceux qui ont des moyens matériels plus modestes ont
moins, voire pas de possibilités de faire respecter leurs
intérêts. En 1968, nous nous sommes engagés pour une
meilleure position sociale de ces gens-là. Bien sûr, nos
idéaux étaient utopiques dans un sens, et au fil des années, j’au du mettre de l’eau dans mon vin... Mais dans
les principes, je suis resté fidèle à moi-même.
Photos: Béatrice Devènes
j’ai donc appris qu’il y a des situations difficiles.
Vous avez grandi dans la ville de Zurich et puis, très
jeune déjà, vous êtes parti en Suisse romande – pour
suivre votre cœur. C’est là que vous avez passé plus
de la moitié de votre vie adulte. Etes vous davantage
Romand ou Suisse allemand?
Je n’aime pas cette question. Cela m’indiffère d’être
perçu comme Suisse allemand ou Romand. En Suisse
romande, on me dit que je suis un Romand, les Alémaniques me considèrent comme un des leurs. Au fond, j’en
suis fier. J’ai toujours fait de grands efforts – également
à l’étranger – pour m’intégrer dans le contexte culturel
et linguistique et m’adapter à l’environnement social et
politique.
Vous est-il aussi arrivé d’être du mauvais côté de la
vie?
Cela sonne un peu cérébral. Votre cœur, il bat où
ou pour qui ?
J’ai grandi avec mes trois frères dans des conditions
que je qualifierais de précaires. Je n’irais pas jusqu’à dire
que nous étions pauvres, mais nous n’avions que très peu
d’argent. Nous n’avions jamais de voiture, pas le téléphone à la maison et quant à la télévision, il ne fallait même
pas y penser. Les vacances à l’étranger étaient également
hors de question. Quand en été, nous allions en Suisse
centrale, nous dormions dans le foin. En plus, ma mère
devait soutenir sa mère à elle, c’est pourquoi elle allait
travailler – derrière le dos de mon père. Si elle ne l’avait
pas fait, nous ne nous en serions pas sortis. Enfant déjà,
On dit que la langue dans laquelle on rêve est déterminante. Alors: je rêve et je compte en allemand!
Vous vous intéressez depuis de nombreuses années à la politique des différents cantons et vous
connaissez parfaitement les différentes orientations. Si vous deviez demander de l’aide sociale,
dans quel canton aimeriez vous vivre?
Oh là là... il faut que je réfléchisse. – Je crois
que les conditions que je connais le mieux sont celles dans
le canton de Vaud. Ce qui m’y plait, ce sont les efforts de >
4/2009 ZeSo 17
interview i Ueli Tecklenburg, Secrétaire général sortant de la CSIAS i
> professionnalisation et de régionalisation de l’aide sociale
qui ont commencé dès les années 1990. Pour un bénéficiaire de l’aide sociale, il est sans doute plus agréable de
s’adresser à un service professionnalisé que de demander
au secrétaire communal s’il a droit à l’aide sociale.
Pendant votre mandat de Secrétaire générale de
la CSIAS, le climat de politique sociale en Suisse a
changé. Quelles sont les évolutions que vous avez
observées?
Je constate très nettement une polarisation. Tout particulièrement dans la politique sociale, les discussions
sont devenues plus âpres. Les positions sont figées et on a
tendance à exagérer. La discussion sur les abus en est un
bon exemple. Le débat politique se focalise sur un aspect
partiel et oublie le problème central, c’est-à-dire qu’il
y a effectivement des hommes et des femmes pauvres
dans notre pays. De manière générale, j’ai l’impression
que l’échiquier politique s’est déplacé vers la droite. Les
contenus idéologiques sont fortement axés sur la compétition et donc sur le principe de «la raison du plus fort ».
Quelles ont été les répercussions de ces changements sur votre activité?
C’est également au sein de la CSIAS que les positions
polarisées ont augmenté. La CSIAS est un reflet de l’ensemble de l’échiquier politique.
Y a-t-il des évolutions politiques qui vous font
peur?
Si la pression à l’encontre des œuvres sociales continue à augmenter et s’il devient plus difficile d’y accéder,
je me demande ce qui se passera des personnes concernées. J’ai l’impression que les gens responsables de cette
évolution ne se posent pas ce genre de questions et que le
sort de ces personnes leur est indifférent. C’est effrayant.
On part de l’idée que l’aide social s’en occupe d’une manière ou d’une autre. En même temps, l’aide sociale est
attaquée pour ses dépenses trop élevées. L’exclusion de
l’AI des personnes souffrant de problèmes psychiques
par exemple permet peut-être de résoudre tant bien que
mal un problème technique d’assurance, mais les personnes concernées n’ont toujours pas d’emploi ni de revenu provenant d’une activité lucrative.
«J’ai grandi avec mes trois frères dans des contions que je qualifierais de précaires.»
Avez-vous une vision de politique sociale pour la
Suisse?
A long terme, il faut une solution de droit fédéral en
matière de couverture du minimum vital et d’intégration. Ce n’est que par cette voie que l’égalité de droit
et la sécurité de droit peuvent être réglées de manière
uniforme. Aujourd’hui, un tel système global devrait
être une tâche de l’ensemble de la politique sociale. Personnellement, je crois de moins en moins aux mesures
coercitives : l’intégration doit se faire sur une base plus
ou moins volontaire.
Qu’est-ce qui vous rend si sûr?
18 ZeSo 4/2009
i Ueli Tecklenburg, Secrétaire général sortant de la CSIAS i interview
C’est déjà à l’époque où j’étais actif dans la politique
sociale dans le canton de Vaud que j’ai constaté qu’il faut
un rapport équilibré entre les droits et les devoirs. On attend des personnes concernées qu’elles remplissent leurs
obligations – mais c’est aussi la collectivité publique qui
a des obligations, et ceci pas uniquement en termes matériels : elle doit fournir une aide effective à l’intégration,
une aide motivante et qui fonctionne. Si les gens ne sont
pas motivés, la contrainte n’apporte rien.
On peut imaginer qu’Ueli Tecklenburg, même retraité, continuera à participer activement à la vie
politique. Aujourd’hui, on parle souvent des jeunes
vieux et des seniors bon pied bon œil. Pouvez-vous
vous identifier à une telle image ?
Pour l’instant, pas encore ! Mais je sais ce que j’entends par là. Aujourd’hui, la situation matérielle des retraités est nettement meilleure qu’il y a 50 ans. On peut
donc prendre sa retraite sans se faire trop de soucis. Et
aussi sur le plan physique, de nombreuses personnes de
65 ans sont toujours en forme. Au troisième âge, on a le
privilège de ne devoir faire plus que ce dont on a réellement envie!
Que faut-il entendre par là?
Je vais m’adonner à mon hobby, la photographie.
L’année prochaine, une exposition de mes travaux est
prévue à Berne. Les voyages sont également au programme, il se peut que je fasse même un voyage autour du
monde. Et je pourrais imaginer suivre certains cours à
l’université populaire ou du troisième âge – notamment
dans le domaine de l’histoire sociale.
Il y a certainement des activités qui ne manqueront
pas le moins du monde au Secrétaire général retraité de la CSIAS que vous serez. Citez-en une... …
Faire le budget!
Ça, ça vient du fond des tripes!
Je ne vous le fais pas dire !
Où en sera la CSIAS dans dix ans?
Si dans dix ans, nous avons effectivement une loi fédérale cadre sur la couverture du minimum vital et l’intégration, la fonction de la CSIAS devrait en principe être
reprise par un office fédéral. Ce n’est pas que je souhaite
la mort à la CSIAS, mais cette évolution est indiquée
– même si elle est malheureusement improbable. C’est
pourquoi il y a de fortes chances pour que la CSIAS existe
toujours dans dix ans. Je lui souhaite que – malgré les
tendances polarisantes – qu’elle sache préserver sa cohésion. Car ce n’est que de cette manière qu’elle pourra
se faire entendre et poursuivre finalement son objectif
principal: soutenir les femmes et les hommes pauvres en
Suisse. 
Propos recueillis par
Monika Bachmann
Walter Schmid
Président de la CSIAS
MERCI, Ueli Tecklenburg!
C’est une chance qu’Ueli Tecklenburg se soit porté candidat pour le poste de secrétaire général de la CSIAS il y a un peu plus de six ans. D’autant plus que nous n’osions
pas vraiment compter avec lui: Ueli Tecklenburg vivait à Genève, le secrétariat central de la CSIAS se trouve à Berne. Son environnement professionnel était la Suisse
romande, la CSIAS travaille majoritairement en allemand. Le Comité directeur n’a pas
hésité à se décider pour lui – et il ne l’a jamais regretté.
Ueli Tecklenburg a repris le secrétariat en 2003 après une crise au sein de l’association. En peu de temps, il a créé un climat de confiance et réussi à faire du secrétariat central de la CSIAS une équipe qui, au cours de ces dernières années, a fourni
un travail excellent. Grâce à ses relations professionnelles, il a rapidement su nouer
de multiples liens avec des partenaires de la CSIAS et se faire accepter pleinement
par les autorités.
D’emblée, Ueli Tecklenburg a été mis à rude épreuve: les normes CSIAS devaient être soumises à une révision en profondeur. Et ceci à une époque marquée par
des controverses publiques autour de l’aide sociale. Un défi énorme pour le Comité
directeur, les commissions RIP/RETE et le secrétariat central. Et nous avons réussi,
en peu de temps et étonnamment bien, à venir à bout de cet ouvrage de réforme et
à renforcer le mandat d’intégration de l’aide sociale en introduisant des éléments
axés sur la prestation. Au cœur de cette entreprise titanesque s’est tenu Ueli Tecklenburg. Comment a-il fait? Son secret, ce sont les qualités et les capacités que nous avons appris à tant
apprécier au cours de ces dernières années : Ueli Tecklenburg a un grand talent analytique et un jugement très sûr. Pour la CSIAS, il a été une sorte de système d’alerte
précoce; il a souvent prévu ce que l’avenir proche nous réservait. Ueli Tecklenburg
s’est distingué également par son énorme capacité de travail. Jamais pour ainsi dire
il ne s’est plaint de la charge de travail, parfois peut-être presque trop peu. Homme
d’équipe d’un fair-play remarquable, il n’a jamais mis son ego en avant. Il a toujours
fait preuve de loyauté et d’une grande fiabilité.
Pour Ueli Tecklenburg, la solidarité est le noyau d’une société digne d’être vécue.
C’est pourquoi la participation à la construction d’une Suisse sociale était une de ses
préoccupations centrales. Les attaques contre l’Etat social et tout particulièrement
contre l’aide sociale ne l’ont pas laissé indifférent. Le préambule de la Constitution
fédérale qui mentionne le bien-être des faibles comme critère de la force d’un peuple n’était pas lettre morte pour lui : au cours de ces dernières années, il s’est tout
particulièrement engagé dans la lutte contre la pauvreté.
Nous remercions Ueli Tecklenburg du fond du cœur et nous lui souhaitons joie et
bonheur pour l’avenir. Du temps aussi pour son hobby, la photographie. Ceux qui ont
vu ses œuvres y reconnaissent un Ueli Tecklenburg qui sait plonger dans un univers
de couleurs, de formes et de structures, de poésie, de visions et d’émotions - un
univers d’une esthétique parfait.
4/2009 ZeSo 19
csias l Pratique l
La franchise est-elle accordée
également en cas de maladie ou
d’accident?
Une personne qui exerce une activité lucrative et dont le revenu est complété par des
prestations d’aide sociale ne reçoit la franchise sur le revenu provenant d’une activité
lucrative que si elle travaille effectivement.
Question
Monsieur H avec sa famille de quatre personnes est
soutenu par l’aide sociale en complément à son salaire.
En raison de son activité lucrative, il touche une franchise
sur le revenu provenant de celle-ci. Puis, Monsieur H
subit un grave accident à la suite duquel il est en en
incapacité de travail à 100%. Après une intervention
chirurgicale, on constate qu’il devra encore passer par
une phase de rééducation. Son salaire continue à lui être
versé à 80% dans le cadre de l’assurance accidents
obligatoire.
Son cas soulève les questions suivantes:
1. Monsieur H continue-t-il à avoir droit à une franchise
sur le revenu pendant la période de son incapacité de
travail?
2. Si oui, ce droit existe-il indépendamment de la durée
de l’incapacité de travail?
3. Si non, Monsieur H reçoit-il un supplément minimal
d’intégration?
4. Quelles sont les critères déterminants pour l’octroi
une franchise provenant d’une activité lucrative?
Bases
Les normes CSIAS ne fournissent pas de réponse concrète
à ces questions. Mais dans la pratique, la position qui
veut que la franchise sur le revenu provenant d’une
activité lucrative soit tout d’abord mise en relation avec le
volume de l’activité lucrative s’est imposée.
C’est pourquoi la plupart des cantons fixent la
franchise en fonction du degré d’activité.
Si la personne bénéficiaire de l’aide sociale touche
des indemnités journalières de l’assurance chômage,
on n’octroie en général pas de franchise sur le revenu.
Ainsi, dans le sens d’une égalité de traitement, il faut
une prestation effective en travail pour que la franchise
puisse être octroyée. Les revenus de substitution tels que
les indemnités journalières de maladie ou d’accident
ou les indemnités de maternité ne remplissent pas ces
conditions.
Par ailleurs, les normes prévoient le respect du
principe de la proportionnalité (normes CSIAS A.4.2).
En vertu de celui-ci, les personnes bénéficiaires de l’aide
sociale ne doivent pas être privilégiées par rapport aux
20 ZeSo 4/2009
personnes vivant dans des conditions économiques
modestes. Les revenus de substitution ne représentent
souvent qu’un faible pourcentage du revenu provenant
d’une activité lucrative. C’est pourquoi les personnes
malades ou accidentées subissent une perte sensible de
revenu. Ceci concerne également les chômeurs. En raison
du principe de l’égalité de traitement, le non-octroi d’une
franchise sur le revenu provenant d’une activité lucrative
pendant la période où le revenu de substitution est versé
est donc proportionnel et justifié.
Si, pour des raisons objectives et subjectives, la
personne bénéficiaire de l’aide sociale n’est pas en
mesure de fournir la contre-prestation demandée – selon
les normes CSIAS -, il s’agit d’octroyer un supplément
minimal d’intégration.
Réponse
1. Pendant la période de son incapacité de travail,
Monsieur H perd son droit à une franchise sur le
revenu provenant d’une activité lucrative.
2. La durée de l’incapacité de travail est sans importance.
Il est toutefois recommandé de ne supprimer la
franchise sur le revenu provenant d’une activité
lucrative qu’à partir d’un mois après l’incapacité de
travail afin de permettre que les absences brèves dues
à la maladie soient comblées de manière appropriée.
Des exceptions sont toutefois réservées et peuvent
être raisonnables lorsqu’une rapide reprise de
l’activité lucrative est prévisible. Dans ce contexte,
il est recommandé d’indiquer dès l’octroi d’un
supplément d’incitation les conditions de la
suppression de celui-ci.
3. Dans les cas où une contre-prestation est impossible
à fournir, les normes CSIAS recommandent l’octroi
d’un supplément minimal d’intégration.
4. Une franchise sur le revenu provenant d’une activité
lucrative n’est octroyée que si une prestation en
travail est fournie. La capacité de travail est donc une
condition indispensable.

Daniela Moro
Membre de Rete
(Groupe de travail de la Commission normes de la CSIAS)
csias i Exposition itinérante i
«Si jamais»:
L’aide sociale part en tournée
L’exposition itinérante «Si jamais», lancée par la CSIAS, prend forme. Entre avril et octobre
2010, elle sera montrée dans différentes villes et communes.
En 2010, l’aide sociale sera un sujet public en vedette
dans une quinzaine de villes de Suisse allemande et de
Suisse romande: l’exposition itinérante « Si jamais » offre à
l’aide sociale une plate-forme lui permettant de présenter
son travail, d’entrer en dialogue avec les habitantes et habitants des communes et de discuter sur la pauvreté et l’exclusion sociale dans la riche Suisse. La politique pourra
également prendre la parole pendant l’exposition : dans le
cadre de tables rondes et d’interventions, des questions actuelles de la politique sociale seront abordées et débattues.
Ce projet a été réalisé en lien avec l’Année européenne
de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale 2010. La
CSIAS a saisi cette occasion pour lancer avec l’exposition
itinérante « Si jamais » une campagne d’information de
grande envergure. Le plus grand défi dans la création de
l’exposition consiste à présenter la vie de 234’000 bénéficiaires de l’aide sociale de manière exemplaire, aussi
authentique que possible et nullement tapageuse. C’est
pourquoi l’exposition est réalisée en équipe entre les professionnelles de la CSIAS et les créatifs expérimentés de
la société Blattwerk ainsi qu’avec d’autres expertes et experts. Mais sans le soutien actif des responsables des lieux
d’exposition et des spécialistes de l’aide sociale, la réalisation de ce vaste projet ne serait pas possible. 
Caroline Knupfer
Responsable secteur Rechercher, CSIAS
Les objets d’exposition
«Si jamais» montre ce que c’est d’être pauvre dans la
riche Suisse. Des hommes et femmes qui vivent de l’aide
sociale parlent de leurs soucis, de leurs rêves et de leurs
peines. Ci-dessous, nous allons présenter trois des 15
objets clés de l’exposition.
Les images que les enfants ont de la pauvreté
Comment les enfants perçoivent-ils la pauvreté ?
Quelles sont les images dans leurs têtes ? Où voientils les causes et que faudrait-il faire à leur avis pour
réduire la pauvreté ? Les réponses à ces questions
sont données à titre exemplaire par une classe d’école
primaire. Un sondage-test auprès d’une 6ème classe
primaire dans une région rurale fournit un large éventail
de réponses étonnamment nuancées. Ainsi, un élève
écrit par exemple : « La pauvreté en Suisse, c’est quand
on n’a pas assez à manger. Quand la famille ne peut
pas payer l’école. Quand on porte de vieux
habits ou toujours la même
chose. » Une autre
22 ZeSo 4/2009
i Exposition itinérante i csias
«SI JAMAIS»: DATES DE LA TOURNÉE 13.04.-30.04. Berne (Kornhausforum)
07.04.-11.04.
St-Gall (OFFA)
13.04.-20.04. St-Gall
26.04.-03.05. Bâle (Theaterplatz)
08.06.-12.06. Coire
15.06.-19.06. Zoug (Bundesplatz)
27.08.-03.09. Frauenfeld
01.09.-14.09. Thoune
élève qualifie de pauvre quelqu’un « qui n’a pas assez
d’argent pour acheter de la nourriture. Qu’on harcèle,
qu’on nargue et dont on se moque à l’école. Qui n’a pas
d’amis et est toujours seul. » Avec cet objet, l’approche
du thème de la pauvreté est aussi dépourvue que
possible de tabous. Par les yeux des enfants, il donne
de l’espace également aux propositions de solutions que
les adultes rejetteraient comme utopiques.
Portraits vidéo de bénéficiaires de l’aide sociale
Des bornes grandeur nature avec des portraits de
bénéficiaires d’aide sociale créent une rencontre
virtuelle entre différents mondes. Working poor, familles
monoparentales, chômeurs de longue durée d’un certain
âge et jeunes adultes racontent en courtes séquences
vidéo pourquoi ils doivent faire appel à l’aide sociale
et ce que cela signifie pour eux d’avoir besoin d’être
soutenus. Des questions et des réponses au sujet de
la vie quotidienne des personnes concernées montrent
les choses auxquelles elles doivent renoncer, leurs
rêves d’avenir ou encore leurs loisirs. Grâce au soutien
actif de certains services sociaux et d’organisations
privées, nous avons pu trouver plusieurs personnes
acceptant de se laisser filmer ou photographier par une
équipe de professionnels et d’être interrogées par une
collaboratrice de la CSIAS. La plupart des gens ne savent
pas combien d’argent ils dépensent par mois pour les
06.09.-22.09. 22.09.-27.09. 24.09.-03.10. 04.10.-17.10. 19.10.-31.10. Winterthur
Delémont
Soleure
Lausanne
Morges
Des négociations avec d’autres villes et communes sont
en cours.
besoins quotidiens en nourriture, vêtements, mobilité,
loisirs et sorties. Ainsi, peu d’entre eux sont conscients
des dépenses qu’un ménage soutenu par l’aide sociale
peut s’offrir. Un jeu informatique donne aux visiteurs et
visiteuses de l’exposition une idée de ce que c’est qu’une
vie aux faibles ressources. Dans une promenade à travers
sept mondes de consommation (son propre appartement,
un centre commercial, un restaurant, un magasin de
vêtements, l’univers des loisirs, la mobilité, un institut de
beauté et de santé), on peut faire des achats avec le forfait
pour l’entretien. Plus d’un visiteur et plus d’une visiteuse
de l’exposition seront stupéfaits de se rendre compte à
quelle vitesse les moyens à disposition s’envolent.
Une journée au quotidien
Des bénéficiaires engagés de l’aide sociale laissent
documenter leur journée. Pendant une journée tout à fait
ordinaire, ils prennent une photo toutes les heures. Ces
images donnent un aperçu du quotidien de personnes qui
vivent de l’aide sociale. Les visiteuses et visiteurs sont
invités à réfléchir aux questions suivantes : « Qu’est-ce qui
me manquerait dans les journées présentées et en quoi la
journée présentée se distingue-t-elle de la mienne ? Ou lui
ressemble-t-elle peut-être même? »
Pour plus d’infos: www.im-fall.ch
4/2009 ZeSo 23
impuls l Les révisions de l’assurance invalidité l
Sans égards pour
les éventuelles victimes
L’assurance invalidité reste un chantier. Après la votation sur le financement additionnel,
la 6ème révision est déjà à l’ordre du jour. Il s’agit de faire retourner aussi les bénéficiaires
d’une rente AI sur le marché du travail. Mais y arriveront-ils ?
La votation populaire sur le financement additionnel de
l’assurance invalidité a heureusement eu une issue
favorable. 54,47% très exactement des votantes et
votants l’ont approuvé. A première vue, cela semble être
une petite majorité. Mais les amis étrangers nous
rendent à juste titre attentifs au fait que dans leurs pays,
il ne serait guère possible de gagner une majorité du
peuple à la cause d’une augmentation d’impôts en
faveur d’une assurance invalidité. Apparemment, le
peuple suisse juge les projets de politique sociale à vue
d’œil. Le projet était associé à la promesse politique
d’augmenter non seulement les moyens financiers de
l’AI, mais de ré-examiner également les prestations
dans le cadre de la 6ème révision de la LAI. C’est pour
cette raison qu’une proposition correspondante a été
envoyée en consultation dès avant la votation.
24 ZeSo 4/2009
bien éloignée de la réalité. La progression fulgurante du
chômage suite à la crise financière montre clairement
que toutes les personnes ne trouvent pas de travail, et de
loin. Et c’est d’autant plus difficile pour les personnes à
performance réduite. C’est pourquoi les futures révisions
de l’AI devront se mesurer à la capacité d’accueil du
marché de l’emploi.
Une évolution dynamique
On peut porter à l’actif du Conseil fédéral et de l’Office
fédéral compétent le dynamisme avec lequel ils se sont
attaqués à l’évolution de l’AI au cours de ces dernières
années. Dans les années 1990, l’AI a loupé des évolutions
importantes ce qui a entraîné un fort endettement. Avec
les 4ème et 5ème révisions de la LAI, on a essayé entre autres
de réduire l’augmentation des nouvelles rentes. Entretemps, cet objectif a été atteint dans une large mesure. Il
est toutefois intéressant de constater que cette évolution
a commencé déjà avant l’entrée en vigueur de la 5ème
révision de la LAI. Ceci indique clairement que par le
passé, les problèmes se situaient en premier lieu au
niveau de l’exécution.
C’est le marché de l’emploi qui détermine les chances
En principe, la direction prise par la 6ème révision de la
LAI dont l’objectif est la vérification régulière des rentes
octroyées est juste. Si elle permet à terme de réinsérer des
personnes handicapées dans la vie active, elle doit être
saluée. Par le passé, les bénéficiaires de rentes AI, même
jeunes, ont trop souvent été livrés à eux-mêmes pour le
reste de leur vie. De telles solutions sont non seulement
coûteuses, mais aussi erronées du point de vue de la
dignité humaine et de la politique sociale.
Mais la question se pose : est-ce que les personnes
actuellement bénéficiaires d’une rente AI peuvent-elles
réellement être réinsérées dans le monde du travail ?
Au paravant déjà, des décisions de rentes ont pu être
révisées pérriodiquement. Ainsi, une centaine de rentes
par an a été annulée. Mais dorénavant, les révisions
devront être menées à large échelle dans le but de
supprimer 12’000 rentes en l’espace de six ans et de
réduire ainsi l’effectif des rentes de 5%. Cet objectif se
base sur l’exigence qu’après l’augmentation de la TVA
limitée à sept ans, l’AI fonctionne sans financement
additionnel.
Vision et réalité
La 5ème révision de la LAI mise essentiellement sur le
diagnostic précoce et l’intervention précoce. Ces mesures
sont reconnues de toutes parts comme importantes et
pertinentes. Elles sont liées à un engagement déclaré –
mais seulement facultatif - des employeurs à réserver une
place dans le monde du travail aux personnes à
performance réduite. A ce jour, nous ne disposons pas
encore d’expériences qui prouveraient que ces promesses
ont été tenues.
Dans le cadre d’une initiative, les employeurs, les
employé-es et l’AI professent tout de même leur vision
d’un monde du travail dans lequel personne ne resterait
handicapé (www.job-iv.ch). Cette vision est toutefois
L’exclusion à la place de l’inclusion
Une telle perspective laisse dubitatif. En effet, le risque
est là que pour atteindre les objectifs financiers,
l’«inclusion par la sortie de la rente » se transforme
rapidement en « exclusion de la rente». Ce n’est pas le
Conseil fédéral, mais ce sont le marché de l’emploi et
l’évolution conjoncturelle qui décideront du nombre de
réinsertions par la sortie de la rente effectivement
possibles dans les années à venir. Personne ne peut
avancer un chiffre fiable, à moins de refuser tout
simplement la rente aux personnes concernées. En cas
d’échec de la tentative d’insertion, il est tout de même
prévu de réactiver la rente pendant deux ans. C’est une
disposition utile, bien qu’insuffisante, en vue de motiver
i Les révisions de l’assurance invalidité i impuls
les gens à tenter de travailler sans les priver tout de suite
de la protection de l’assurance.
L’aide sociale devient une bouée de sauvetage
La situation est différente pour les quelques 4’500
personnes qui, par le passé, bénéficiaient d’une rente
pour cause de douleurs somatoformes, de fibromyalgie
ou d’autres troubles. Pour elles, la rente est réduite ou
supprimée sans filet de sauvetage. Pour ces personnes, ce
ne sont pas les perspectives d’insertion objectives, mais
les conditions subjectives qui sont déterminantes. Il n’y
pas de doute que bon nombre de ces personnes auront
tôt ou tard besoin des prestations de l’aide sociale. Elles
rejoindront alors le groupe croissant de celles qui, pour
des raisons diverses, difficiles à prouver, ne sont plus en
mesure de s’affirmer sur le marché du travail, mais qui
sont exclues d’une rente. De cette manière, l’aide sociale
verra affluer une clientèle qui restera durablement
dépendante d’elle.
Le bien-être social pour toutes et tous L’aide sociale perdra son caractère de soutien temporaire
passager. Dès lors, ce qu’il faut - plutôt que la révision de
certaines branches d’assurance – c’est une vision globale
du système qui analyse de manière approfondie les
risques liés à la perte de l’emploi ou à l’exclusion du
monde du travail.
Il reste à espérer que le Conseil fédéral axera la 6ème
révision de la LAI sur la réalité et la faisabilité. Et il est à
souhaiter que les expériences de la 5ème révision de la
LAI soient intégrées dans les réflexions sur la 6ème – tout
particulièrement au regard des potentiels d’insertion
offerts par le marché du travail. C’est pourquoi il serait
indiqué d’attendre encore un peu avant de mettre en route
la 6ème révision de la LAI. Une proposition qui repose sur
des fictions et qui insécurise des milliers de personnes
doit être rejetée. Il n’est pas difficile d’assainir un système
d’assurance si on procèede à une définition de la rente qui
jette les personnes concernées en dehors du système.
L’assainissement des assurances sociales est une
vision trop étriquée. Il s’agit de l’assainissement du bienêtre social dans ce pays et celui-ci inclue tous les êtres
humains. 
Walter Schmid
Président de la CSIAS
4/2009 ZeSo 25