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REPRĖSENTATIONS SOCIOCULTURELLES DES ENSEIGNANTS DE
CYCLE III ET PRATIQUES LITTĖRAIRES EN CLASSE
Sylvie DARDAILLON, IUFM d’Orléans-Tours, CD37, Fondettes, Équipe Dynadiv, France
RÉSUMÉ
Nous interrogerons ici les relations entre représentations des enseignants et choix de corpus
privilégiés pour initier à la lecture littéraire. Nombre de maîtres hésitent en effet à proposer la
littérature résistante présente dans les outils de référence. On peut alors émettre l’hypothèse
que, par une sorte de « déterminisme socioculturel » ils tendent à éviter l’œuvre ouverte jugée
inaccessible or c’est précisément l’ouverture de l’œuvre qui permet au lecteur littéraire
d’émerger.
Le recueil de représentations s’est effectué auprès d’une centaine de professeurs des écoles
titulaires, inscrits dans des stages de formation continue en didactique de la littérature et
auprès d’une cinquantaine de professeurs des écoles stagiaires. Il s’appuie sur une enquête et
des entretiens interprétatifs menés lors de la découverte d’albums ouverts par des enseignants
dont les réactions sont articulées à celles d’élèves de CM2 et de 6e de SEGPA confrontés aux
mêmes supports et dispositifs.
INTRODUCTION
Nous interrogerons ici les relations entre les représentations des enseignants sur la
littérature, sur leurs élèves et les choix de corpus qu’ils privilégient pour initier à la lecture
littéraire. Nombre de maîtres hésitent à proposer une littérature définie comme résistante par
Catherine Tauveron présente dans les outils de référence. Si nous interrogeons la posture du
sujet lecteur dans la classe : que s’autorise le lecteur adulte et qu’autorise-t-il à l’enfant ? On
émet alors l’hypothèse que par une sorte de « déterminisme socioculturel », les enseignants
tendent à éviter des œuvres ouvertes jugées trop difficiles d’accès alors que c’est précisément
l’ouverture de l’œuvre qui permet au lecteur littéraire d’émerger.
Le recueil de représentations s’est effectué de 2004 à 2007 auprès d’une centaine de
professeurs des écoles titulaires, inscrits dans des stages de formation continue en didactique
de la littérature et auprès d’une cinquantaine de professeurs des écoles stagiaires. Il s’appuie
sur une enquête et des entretiens interprétatifs menés lors de la découverte d’albums ouverts
par des lecteurs médiateurs dont les réactions sont articulées à celles d’élèves de CM2 et de 6e
de SEGPA confrontés aux mêmes supports et dispositifs.
1. DES CHOIX DE CORPUS RĖVĖLATEURS ?
1.1. Une difficile diversification
Lorsque les enseignants sont invités à noter les titres lus avec leurs élèves sur les trois
dernières années, les constats sont immédiats. On peut tout d’abord s’interroger sur la
variation. En effet, trou de mémoire ou tendance à la reprise, le nombre de textes cités est très
limité et si tous mentionnent spontanément entre quatre et quinze titres sous la rubrique
« Romans et récits illustrés », les références, plus sporadiques pour les albums et les bandes
dessinées, se font presque inexistantes quant aux recueils de poèmes et aux textes de théâtre.
On observe ces caractéristiques dans tout l’échantillon composé à part équivalente de classes
rurales, et de l’agglomération tourangelle, cette seconde catégorie se composant pour moitié
de classes de ZEP.
Nous reviendrons plus tard sur le désamour dont souffrent les autres genres, observons
d’abord de plus près le roman-roi. On trouve en bonne place quatre textes inscrits dans la
liste, avec toute l’ambiguïté terminologique montrée par Brigitte Louichon, au titre du
patrimoine ou des classiques : Le Petit Prince, La Villa d’en face, L’Oeil du loup et enfin
Fantastique Maître Renard et autres titres de Roald Dahl. Les enseignants de CE2 plébiscitent
pour ainsi dire Le Hollandais sans peine tandis que Verte et Journal d’un chat assassin
apparaissent très souvent en CM1 et CM2. Ces titres représentent à eux seul plus d’un quart
des lectures et si on leur ajoute les quelques mentions de L’Enfant Océan et de Léon, on peut
penser que la liste cycle III incite à un renouveau des choix et à la constitution d’un corpus
partagé… à moins qu’il ne se stéréotype.
Pour ce qui concerne l’album et la bande dessinée, les références sont déjà moins
nombreuses. Si quelques rares enseignants proposent une dizaine d’albums, un cinquième
d’entre eux n’en indique aucun et la plupart se contentent d’un ou deux titres avec une
surreprésentation d’Histoire à quatre voix et de fréquentes références aux albums de Rascal et
de Pommaux. L’album semble donc entrer peu à peu au cycle III avec toutefois une
homogénéité des choix qui laisse deviner l’influence des animations pédagogiques. Timide
percée cependant de l’image dans le corpus littéraire des cycles III, puisque presque un tiers
des enseignants sollicités ne cite aucun titre de bande dessinée, trois au maximum chez les
bédéphiles, avec une écrasante préférence pour Angelot du lac, voire Marion Duval en tout
cas Pommaux à nouveau. Ce choix serait là aussi à interroger de plus près : influence des
formations et publications diverses ou préférence pour une bande dessinée de facture
classique, très lisible, et qui s’apparente aux deux sous-genres très présents dans ce recueil
sous des titres divers, à savoir les romans historiques et policiers.
Théâtre et poésie quant à eux laissent à l’évidence les enseignants perplexes et ont raté leur
entrée. Aucun recueil, mis à part Cent Onze Haïku de Bashô, aucune anthologie poétique si ce
n’est celles consacrées à Tardieu et Prévert. Les enseignants déclarent travailler sur Les
Fables, sur des sélections de poèmes personnelles ou proposées par des manuels, laisser les
élèves libres de choisir les poèmes à lire ou à dire dans des fichiers mis à leur disposition. Le
théâtre est le plus maltraité : en dehors de Salvador : la montagne, l’enfant, la mangue, Le
petit Violon : théâtre, et Le Long Voyage du Pingouin vers la jungle, aucune mention de la
création théâtrale contemporaine pour la jeunesse et des textes les plus novateurs.
Ce constat nous contraint à moduler nos premières déductions : si la liste de référence
officielle a bien joué un rôle, comme le déclarent les enseignants, dans l’évolution de leurs
choix de corpus, la rencontre avec les titres les plus résistants, les plus ouverts semble
différée…
1.2. Le poids des représentations
Les réponses aux deux questions complémentaires sur les préférences et les réticences
éprouvées par rapport aux genres confirment l’observation des listes d’ouvrages : le roman
reste le support majoritairement privilégié tandis que poésie, bande dessinée et théâtre sont
l’objet de réticences. Les justifications quant à elles sont de divers types, impliquant non
seulement les goûts mais aussi les représentations qu’ont les enseignants de leurs élèves et de
la littérature. Ainsi se trouve évoquée, en particulier à propos de la bande dessinée, la question
de la concurrence entre lecture privée et scolaire :
« Les enfants en lisent beaucoup seuls et je souhaite leur faire découvrir d’autres genres littéraires. », « Il me
semble qu’il vaut mieux pousser les élèves vers ce qu’ils fréquentent le moins. Ils lisent tous des BD mais ont
plus de difficulté à lire les romans. », « La BD est le type d’écrit que les enfants lisent très souvent parce que
c’est rapide. ».
Ces quelques extraits de corpus, très représentatifs du recueil de données montrent
combien l’ambiguïté reste entière quant à ce genre entaché, malgré son entrée dans les
programmes et sur la liste de référence, de loisir et de facilité. L’enfant sait le lire d’emblée et
l’école va s’appliquer à l’en détourner pour l’amener ailleurs. On note parfois un rien de
condescendance dans les propos : « Je n’ai aucune série (mais je ne fais aucun effort pour en
trouver…) ». Elle est par ailleurs souvent opposée au roman qui lui est alors préféré parce que
« l’absence d’illustrations permet aux enfants d’imaginer », parce que « les écrits de romans
sont beaucoup plus riches que les bandes dessinées au niveau de tout ce qui est de l’ordre du
ressenti ». Ne s’agit-il pas implicitement ici d’un aveu d’ignorance, de méconnaissance du
genre ? À moins que ne perdure la conviction que l’ouvrage illustré, qu’il soit album ou bande
dessinée s’adresse aux plus jeunes, détourne de l’écrit…
La poésie et le théâtre quant à eux sont traités de manière similaire sur le mode d’abord des
goûts de l’enseignant qui se place ici en sujet lecteur :
« je n’aime pas trop personnellement alors je trouve toujours autre chose à faire, j’oublie quoi », « je n’y
adhère pas spécialement et j’ai du mal à le faire “passer” dans la majorité des cas… », « difficile d’accès »,
« peu d’intérêt personnel, pas assez de connaissances dans le domaine », « un ouvrage entier de poésies est
souvent trop long pour les élèves »
On voit qu’interfèrent ici des réactions de l’ordre de l’affectif et de l’acquis. Ces deux
genres déroutent, questionnent les compétences de lecteur expert de la plupart des enseignants
a contrario du roman « qui correspond le plus à l’idée que j’ai reçue de la culture ».
Conséquence : ils désertent les pratiques ordinaires.
1.3. Des genres plus ou moins scolarisables
Les enseignants déclarent en effet privilégier les genres en raison des activités qu’ils
autorisent, favorisent ou non. Là encore, dans les abîmes de réflexion où l’entrée de la
littérature comme nouvelle discipline d’enseignement a plongé nombre d’entre eux, le roman
semble offrir un refuge par la multiplicité des possibilités qu’il offre car « un texte long
permet au groupe classe de prendre le temps de s’immerger dans le monde décrit, de
s’identifier au héros », car « on y trouve une variété d’écriture (description, discours/récit) ».
Le roman apparaît alors comme le support didactique idéal permettant « de montrer aux
élèves qu’un texte peut se lire à plusieurs niveaux, de les amener à une lecture fine, à
découvrir des procédés d’écriture », « une exploitation en ORL ». À l’inverse, poésie et
théâtre laissent nombre d’enseignants démunis mis à part quelques trop rares explorations
orales et la plupart de ceux qui les mettent à l’écart de leurs pratiques déclarent le faire « par
manque de formation initiale, mauvaise connaissance de ces formes », ils disent ne pas savoir
les aborder, manquer de « pistes d’exploitation ». C’est d’ailleurs en relation avec les
perspectives didactiques que se manifestent les réticences à aborder des textes elliptiques,
jugés trop complexes, en particulier chez certains enseignants de ZEP.
2. ATTITUDES DE LECTEURS PRESCRIPTEURS
2.1 Impressions de lecture de l’œuvre de Poncelet
Interrogeons-nous à présent sur le comportement de lecteurs des médiateurs en formation
initiale ou continue. Invités à lire l’ensemble des albums de Poncelet, ils éprouvent souvent
des réticences qu’ils expriment lors des communautés interprétatives mises en place,
réticences perceptibles dans les quelques éléments transcrits qui suivent :
– Je n’aime ni les illustrations qui sont proliférantes, ni les textes qu’il faut chercher partout, qui sont ambigus
[…]
– Moi je dirais que c’est un livre-musée, il y a plein de références à la peinture, c’est un beau livre, toutes les
illustrations montrent une grande sensibilité artistique […]. Par contre au niveau du texte, c’est vrai que c’est
totalement hermétique, d’abord, moi je n’arrive pas à lire…
– Moi le seul texte dans lequel je suis entrée, c’est dans Chez Elle ou chez Elle. Celui-là me paraît plus
limpide, il me parle, il parle à mon enfance, il m’évoque des choses… personnelles… Mais par contre, moi il
y a un truc qui m’agace profondément, c’est le fait que quelquefois on a des textes qui sont cachés… Voilà,
ça, ça m’énerve !
Comme on le voit ici, les enseignants participants semblent déstabilisés par le caractère
proliférant des albums, or cette ouverture, ce foisonnement, ce jeu interculturel qui les
perturbe est précisément au cœur de l’œuvre, constitutif. Ils acceptent cependant de jouer le
jeu de l’interprétation, s’engage alors une discussion très ouverte sur un des albums :
– Moi, celui qui m’a rendue le plus mal à l’aise, c’est justement Chaise et café, je sais pas, j’ai pas très bien
compris, je suis pas entrée dans le texte…
– C’est l’enfant qui rentre dans le monde d’un adulte, qui y met ses petites choses, enfin ses barbouillis, ses
petites lettres, ses jouets, qui s’invente des histoires à partir de ce qu’il y a dans la pièce, avec un adulte… et
puis quand l’adulte s’en va, ça a l’air d’être quelque chose de dramatique pour lui mais finalement, on a
changé de décor et c’est la fête ! Je crois, que c’est simple les enfants…
– Après, c’est lui qui est devenu adulte […]
– Moi j’ai vu ça comme une déclaration d’amour, mais qui n’a jamais été dite quoi, je veux dire, un amour
partagé mais avec… enfin, plein de pudeur, de retenue, qui n’a jamais été dit, ni d’un côté ni de l’autre mais
qui a perduré jusqu’à la vieillesse.
Les lecteurs collaborent alors au service de la construction de sens, croisent leurs
interprétations.
2.2. Une possible médiation ?
Déstabilisés par l’œuvre d’un auteur généralement inconnu d’eux jusqu’alors, les
enseignants, sensibles à la manière dont l’œuvre en question s’adresse au sujet lecteur, à son
intimité, hésitent sur la place à réserver dans leur classe à ces albums qui les troublent :
– On peut se demander à qui ça s’adresse… […]
– Je ne me suis pas vue lire ou travailler ces livres dans une classe, par contre, je me suis tout à fait imaginée
lire ces livres à mon enfant, à mes petits enfants… Vous voyez, c’est quelque chose de plus…
– Intime, personnel (À voix basse)
– En classe, je le vois… enfin, y a peut-être des pistes de travail, mais… […]
– Finalement, elle a parlé pour elle J’ai plus l’impression que c’est un… le livre, il est fait vraiment au travers
d’yeux d’adultes que d’yeux d’enfants. Moi ça, ça m’a dérangée
Ces réflexions posent la question tout à fait légitime des motivations de l’auteur et du
lecteur idéal, programmé par l’œuvre évoqué par Umberto Eco. Pourquoi écrit Poncelet,
pourquoi dans le domaine de la littérature de jeunesse, de quel point de vue, regard d’adulte
ou d’enfant ? Mais tout artiste n’a-t-il pas comme le suggère Elzbieta, conservé une part
d’enfance?
Le mode de lecture imposé par les albums fait également débat au sein des groupes :
– Je dirais qu’elle pose trop de contraintes de lecture. Je trouve qu’il y a une telle prolifération de sensations,
de textes, dont on sait pas si ce sont les textes de l’histoire, des textes qu’elle cite comme exemples, il y a une
confusion assez générale je trouve entre texte et… enfin texte de l’histoire si on veut et illustration, donc ça
oblige vraiment à faire des sélections […]
– Y a plusieurs lectures en fait… c’est difficile de tout comprendre
– Est- ce que c’est possible et souhaitable de vouloir tout comprendre ?…
– Sans tout comprendre, c’est pas ça qui me dérange, mais j’ai vraiment le sentiment que c’est pas écrit pour
des enfants […]
– On a un rôle de transmission, si on a un livre qui NOUS plaît pas pour des raisons X ou Y, est-ce qu’on doit
bloquer ce livre-là par rapport aux enfants, est-ce que…
– Ce serait les priver peut-être de quelque chose parce qu’eux, ils ont eux-mêmes leur propre sensibilité
– Moi quand c’est comme ça, je le laisse traîner mais je le présente pas
Poncelet invite en effet à une lecture buissonnière, elle propose à chacun de tracer ses
chemins dans les albums, de se projeter. Elle place donc la communauté de lecteurs dans
l’impossibilité d’avoir tous lu la même chose au même moment. Voilà qui peut perturber tout
enseignant qui redoute de s’engager avec ses élèves sur les voies d’une lecture interprétative
difficile à circonscrire. Cet échange permet de voir à quel point les enseignants concernés sont
dans l’embarras : présenter, laisser à disposition, s’impliquer dans la découverte avec les
élèves ? Mais qu’en est-il lorsqu’on propose à des élèves de CM2 et de 6éme de SEGPA
d’explorer l’univers de cet auteur?
3. ATTITUDES D’APPRENTIS-LECTEURS
3.1. Premières impressions de lectures
Après un temps de lecture libre, les élèves ont renseigné un questionnaire de
représentations préalables et sont invités à croiser leurs points de vue au sein de communautés
interprétatives. Ce premier recueil de données met en évidence la multiplicité des points de
vue de lecteurs, de fréquentes difficultés d’entrée puis une familiarisation progressive
accompagnée souvent d’une envie de relecture. Un ensemble contrasté, voire conflictuel
parfois, passionné la plupart du temps, comme dans cet échange entre CM2 à propos du
narrateur.
– Dans Je le loup et moi c’est la petite fille heu la petite fille elle parle que d’elle, aussi heu elle raconte sa
journée avec sa grand-mère.
– Y a surtout des enfants
– Plutôt des garçons… plutôt des filles ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
– Je sais pas…
– Y a des deux…
– C’est comme Sébastien y a les deux c’est mélangé.
– Non, dans Chez elle ou chez elle heu, à la fin, on voit bien que c’est une fille qui parle… « Quand je serai
grande »…
D’autres transcriptions montrent, y compris chez les enfants de SEGPA, le questionnement
dynamique que provoque la rencontre avec le travail de Poncelet, les enfants se prenant au jeu
de l’interprétation.
3.2. Séquence didactique portant sur l’album Chez elle ou Chez elle
Le choix de l’album, présent sur la liste de référence destinée aux élèves de Cycle III, se
justifie en ce qu’il se compose de tableaux successifs, avec des éléments d’ouverture et de
clôture très repérables ; dont la découverte a engendré une réaction jubilatoire des élèves de
SEGPA. Il se présente comme un condensé des caractéristiques d’écriture de l’auteur. C’est
par ailleurs celui que les enseignants, dans les échanges transcrits en amont, pensent le plus
accessible. Afin de mettre en évidence, ses principales caractéristiques (structure, jeux
interculturels, exploration des univers sensibles…) et de permettre une réflexion sur sa
signification en alternant et croisant pratiques individuelles et interactions au sein du groupe
classe, les élèves sont amenés à produire un écrit réactif à partir de la dernière double-page
pour nourrir un débat interprétatif. Certains de ces écrits montrent une belle intuition du sens
et de la forme du texte chez les élèves de CM2 :
Elle veut dire que quand elle sera grande est-ce que elle sera toujours la même.
Elle dit ça car elle a appris beaucoup de choses avec tous les gens où elle était
Quand elle est chez elle ou chez lui elle ressent pas la même chose. Et l’espace veut dire qu’elle ne sait pas
encore si c’est bien comme ça.
Béatrice Poncelet n’a pas écrit « Enfin on verra » à côté de l’autre texte car la petite fille réfléchit.
Suit l’analyse par groupe d’un des univers proposés dans l’album pour permettre une
relecture de l’album et un travail de réception littéraire d’élaboration d’une page mettant en
mots, en image, en espace l’univers d’une personne chez qui l’enfant aimerait passer son
temps libre. Enfin, l’analyse orale collective des travaux produits met en évidence la
résurgence de caractéristiques d’écriture propres à l’auteur dans la production des élèves.
3.3. Parcours de lecture théâtralisée
Les élèves sont ensuite sollicités pour mettre en voix, en espace, en jeu des fragments
librement choisis dans l’ensemble des albums. Ce travail corporel d’exploration, de
questionnement, de mise à l’épreuve du texte débouchant sur l’élaboration d’un parcours de
lecture théâtralisée. Enfin, un temps de retour sur l’ensemble du travail dramaturgique a
permis de recueillir les réactions et réflexions des enfants, sur leurs choix interprétatifs et
l’intérêt de cette expérience du point de vue de l’accès à l’œuvre. Je laisse pour finir la parole
aux CM2 :
– Quand on lit le texte et quand on les entend qui sont joués, ben, on les comprend pas de la même façon :
Moi, ça m’a donné envie de relire des livres comme Framboise ou Cassis, parce que je l’avais pas du tout
aimé
– Moi, ça m’a servi à beaucoup de choses ce qu’on a fait avec toi, ça m’a servi à articuler, à augmenter le son
de ma voix… et à développer ma mémoire aussi à me mettre dans la peau du personnage et à prendre de
nouveaux livres…
CONCLUSION
Les premières analyses montrent que l’ensemble du dispositif mis en place pour faciliter
l’entrée en littérature des élèves à partir de l’œuvre de Poncelet fonctionne comme une
incitation à la relecture, à la réinterprétation, elles mettent en évidence l’intérêt des
communautés interprétatives, du passage à l’écrit créatif et de la mise en jeu dans
l’appropriation de l’œuvre. Ce dispositif plaide pour des choix de corpus moins frileux, tant
les élèves, même en grande difficulté, font preuve d’une grande liberté dans leur manière de
se lancer dans les textes, comme si leur résistance aiguisait leurs appétits de lecteurs. On ne
peut donc qu’inciter les enseignants à prendre le risque des écritures littéraires
contemporaines les plus créatives du domaine jeunesse.

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