Marc Van Peteghem, architecte naval

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Marc Van Peteghem, architecte naval
22
Vendredi 8 juillet 2016
le marin
Enquête
Marc Van Peteghem, architecte naval
« L’aile est la voie du futur »
I
Fort de l’expérience de la Coupe de l’America 2010, Marc Van Peteghem travaille sur un projet de caboteur équipé d’ailes épaisses.
Associée à un moteur électrique, la formule permettrait un gain de consommation de fuel de 30 à 60 % suivant les trajets.
Nous partons de l’expérience de la Coupe de l’America
2010 remportée par le trimaran
USA 17 du team BMW Oracle.
Nous avions fait le choix de remplacer la grand-voile par une aile
rigide pivotante et réglable. Je
suis convaincu que l’aile est la
voie du futur pour la propulsion
éolienne. La réussite dépend de
deux paramètres : la stabilité du
navire et la capacité à automatiser la manœuvre. C’est ce qui
permettra de convertir des gens
ayant l’habitude de la navigation
au moteur. Ce que nous envisageons, c’est une propulsion
hybride, l’aile servant de propulsion principale et un moteur
électrique de propulsion auxiliaire. Le moteur électrique est
efficace – il offre du couple à
bas régime – et consomme
peu. Il permet de remédier au
manque de vent mais aussi
d’améliorer le rendement de
l’aile en augmentant le vent
apparent.
Quels types de navires pourraient être équipés ?
entre Le Havre et New York.
L’idéal, ce serait bien sûr d’effectuer une boucle au portant
Europe - Afrique - Brésil - Antilles Amérique du Nord et retour en
Europe ! Il y aura un surcoût initial de construction à amortir.
Le budget peut être estimé à
20 millions d’euros. Nous évaluons entre cinq et dix ans la
période du retour sur investissement avec un prix du fuel détaxé
à 50 centimes d’euro le litre.
Nous avons présenté lors du
dernier Monaco yacht show
un concept de superyacht de
86 mètres hybride, doté de deux
ailes, baptisé Komorebi. Nous
travaillons aussi sur un caboteur
de 80 mètres de long et d’un
port en lourd de 1 000 tonnes. Il
s’agit d’un monocoque stabilisé,
c’est-à-dire en fait un trimaran,
doté de deux ailes de 40 mètres
d’envergure et d’une surface de
450 à 475 m². Il pourrait atteindre
10 nœuds avec un vent de travers de 20 nœuds.
Avec un prix du baril qui a
plongé, la période ne semble
pas très favorable à ce type de
projet…
Quel marché pour ce caboteur hybride ?
Il permettrait de desservir
des petits ports qui ne peuvent
accueillir les navires géants d’aujourd’hui. On pense aux îles du
Pacifique ou aux côtes d’Afrique.
Ce caboteur transporterait des
marchandises et des passagers. On ne parle pas de trafic
à forte valeur ajoutée. On fait
coup double. On économise sur
le carburant et les émissions de
gaz à effet de serre.
Cyril Lagel
Vous travaillez sur un projet
d’aile épaisse pour navires de
plaisance ou de commerce.
Quels sont les obstacles à surmonter ?
« Si un armateur décide de se lancer, un navire de commerce
doté d’ailes épaisses peut naviguer dans trois ans »,
estime Marc Van Peteghem.
Quels sont les principaux
gains attendus ?
Nous estimons le gain de
consommation entre 30 et 60 %
suivant les trajets et la direction
des vents. On gagne 30 % sur
une transatlantique aller-retour
Quand nous avons démarré
en 2010, le prix du baril était
au plus haut. Aujourd’hui, il est
retombé à 50 dollars mais ça
ne va pas durer. Nous avons
obtenu un sacré coup de main
de l’Ademe à travers son dispositif Initiative PME. Je suis confiant.
Si un armateur décide de se lancer, un navire de commerce doté
d’ailes épaisses peut naviguer
dans trois ans.
Propos recueillis
par Olivier MÉLENNEC
Le Neoliner est taillé pour l’Atlantique
I
Le projet de Neoliner porte sur la construction d’un grand voilier de commerce d’un port en lourd de 5 300 tonnes.
Il bénéficie notamment du soutien du bureau d’études créé par le navigateur Michel Desjoyeaux.
2018 » à la mise en service d’un
premier navire.
L’année 2016 apparaît cruciale. « Nous entamerons à
l’automne les négociations
avec les chargeurs pour remplir les bateaux et fixer les
Neoline
Verra-t-on bientôt des navires
rouliers naviguant à la voile effectuer la traversée de l’Atlantique ?
Ce n’est pas impossible si le projet de Neoliner voit le jour. Ses
promoteurs y travaillent depuis
2011 et espèrent aboutir « fin
Le Neoliner se présente comme un navire roulier de 120 mètres
de long doté d’un gréement duplex. Les quatre mâts sont disposés
en paires perpendiculaires à l’axe du navire.
escales, indique Jean Zanuttini,
directeur général de la société
Neoline SAS. Le deuxième
semestre 2016 sera aussi le
moment où nous comptons
procéder à une première levée
de fonds. »
Le projet de Neoliner est à la
fois ambitieux et raisonnable. Il
porte sur la construction d’un
navire roulier de 120 mètres de
long et d’un port en lourd de
5 300 tonnes. Innovant, le gréement duplex comprend quatre
mâts disposés en paires perpendiculaires à l’axe du navire.
Chaque mât porte une grandvoile et un génois. La surface de
voilure totale atteint 4 300 m².
« Cette formule est plus efficace au près et au portant, précise Jean Zanuttini. Elle assure
une meilleure constance de
la vitesse commerciale sous
voiles. » Celle-ci doit atteindre
11 nœuds.
Deux ailerons rétractables
anti-dérives sont des éléments
clés de la performance au près.
L’utilisation combinée des voiles
et d’une propulsion auxiliaire
diesel-électrique doit permettre
d’optimiser la marche du navire.
Le Neoliner n’est pas un
concept-ship. Les promoteurs
du projet se sont gardés de
pousser l’innovation trop loin.
Ainsi, ils ont opté pour des
voiles souples, « formule maîtrisée industriellement ». Cela ne
les empêche pas de viser haut.
Ils se proposent de réduire de
90 % la consommation de fuel
sur une route océanique.
Cette performance dépendra
beaucoup de la conception du
navire mais aussi du routage et
de la façon de le manœuvrer. Le
facteur humain apparaît primordial. C’est ce que tend à montrer l’expérience de l’E-Ship 1
allemand doté de rotors Flettner.
« Entre un capitaine issu de la
mar-mar et un autre issu du
milieu de la voile, on a observé
un doublement des économies
d’énergie, le programme étant
le même. »
Le Neoliner s’inscrit dans
une logique de ligne entre deux
continents développés, l’Europe
et l’Amérique du Nord, avec un
flux de marchandises équilibré.
Avec 745 mètres linéaires de
pont garage, il vise à être compétitif sur des marchés de niche
comme celui du transport de
fret hors normes. La capacité de
transport de conteneurs atteint
230 EVP. « Nous ne visons pas
la compétitivité coût dans le
transport de conteneurs. Mais
nous misons sur la plus-value
marketing qu’offre un transport
décarboné. »
Le budget de construction
est estimé à 45 millions d’euros,
soit un coût de 40 % supérieur à celui d’un navire roulier
classique de même taille. Le
chantier serait confié au cluster Neopolia. Les autres partenaires techniques du projet
sont Bureau Mauric, Mer forte, le
bureau d’études créé par Michel
Desjoyeaux, les sociétés d’ingénierie Avelaj et Europe technologies, ainsi que l’École nationale
supérieure maritime.
S’il voit le jour, le Neoliner n’a
pas vocation à rester un prototype. « Nous souhaitons développer toute une flotte. Nous
envisageons d’aller vers le zéro
émission et des navires de
plus grande taille, jusqu’à 200220 mètres. » L’ambition est
là. Rendez-vous fin 2016 pour
savoir si elle séduit les chargeurs
et les investisseurs.
O. M.

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