Scandaleux : la fortune des 10 Français les plus riches a

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Scandaleux : la fortune des 10 Français les plus riches a
Scandaleux : la fortune des
10 Français les plus riches a
triplé depuis 2009
24 août 2015 La Redac
Economie
Ceux qui réfutent l’existence de
la haute bourgeoisie n’ont qu’à
bien se tenir. En pleine période
de crise économique, entre
chômage record et récession de
la production, les Français les
plus riches ont vu leur fortune
littéralement
exploser.
La
vitesse inouïe à laquelle le
grand capital se développe creuse le fossé entre les classes
sociales et confirme la domination de la caste des
milliardaires sur l’outil productif français. Les ennemis du
progrès social ont un visage, et le faire connaître relève
d’un intérêt supérieur pour la nation et son avenir.
Par Benoit Delrue. Lien court : http://wp.me/p6haRE-rd
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Ils ne s’en cachent pas. Les Français les plus riches voient
leur fortune gonfler à vue d’œil, tandis que la morosité
imbibe toujours l’économie nationale. Sorti au début du mois
dernier, le classement annuel du magazine Challenges étale les
richesses d’une petite caste, si gigantesques qu’elles sont
une injure pour le commun des travailleurs. En décryptant ces
chiffres, la société française apparaît sous son vrai jour :
un système capitaliste dans l’intérêt exclusif de la haute
bourgeoisie, qui tire toujours ses abondantes ressources de
l’exploitation de la classe ouvrière.
L’immense fortune des plus riches
Le capital cumulé des 500 Français les plus riches s’élève en
2015 à 460 milliards d’euros, cinq fois plus qu’en 1996. Si
cet amas de richesses a tant augmenté, c’est notamment au
cours des cinq dernières années : ce même montant n’était
« que » de 200 milliards d’euros en 2009 – il a donc fait plus
que doubler en cinq ans. « Pour accéder à ce club très fermé
des 500, s’enthousiasme Challenges, la barre est élevée : il
faut désormais peser plus de 80 millions d’euros, alors qu’il
y a vingt ans il suffisait de l’équivalent de 16 millions
d’euros. »
Les mois qui viennent de s’écouler forment une « année
exceptionnelle » selon Challenges ; plus on remonte le
classement des grandes fortunes, et plus cette affirmation se
vérifie. Les augmentations les plus fulgurantes s’affichent en
haut du tableau, en particulier en ce qui concerne les seuls
10 Français les plus riches. D’à peine 20 milliards d’euros en
1996, leurs richesses ont atteint 71 milliards 322 millions
d’euros en 2009 (1), pour s’élever en 2015 à 195 milliards 30
millions d’euros, selon les estimations relativement précises
de l’hebdomadaire économique (2). En l’espace de cinq années,
le capital des dix plus gros milliardaires français a bondi en
moyenne jusqu’à 273% de leur montant initial.
Ce quasi-triplement de leur capital témoigne d’une opulence
aux accents injurieux quand, dans la même période, l’économie
française se trouve en berne et connaît même des années de
récession. Tous les plus riches ont vu leur fortune
s’envoler entre 2009 et 2015 : Gérard Mulliez et sa famille
sont passé de quinze milliards à vingt-trois ; Liliane
Bettencourt, de dix milliards à plus de trente ; Bernard
Arnault, qui affichait déjà en 2009 un capital de 14 milliards
583 millions, culmine désormais à 34 milliards 660 millions
d’euros. La fortune du vendeur d’armes Serge Dassault est
passée de 4,7 milliards à 17,5 milliards d’euros sur la même
période, et celle de François Pinault de 4,96 milliards à 12,7
milliards d’euros. Déjà milliardaires en 2009, Martin Bouygues
a vu son capital doubler en quatre ans – malgré des pertes
réalisées par son groupe en 2013 – tandis que le capital de
Bruno Bich, propriétaire de la marque Bic, a gonflé de 40% en
un an.
L’ensemble du tableau affiche cette croissance inédite des
richesses – mais c’est bien en haut que se trouve
l’accroissement le plus phénoménal. Jamais les plus riches ne
se sont enrichis aussi rapidement que lors des trois dernières
années, tandis que des « nouveaux riches », comme le magnat
des télécoms Patrick Drahi ou le fondateur de Free Xavier
Niel, ont fait leur apparition dans le top 10 avec
respectivement 16,7 et 7,8 milliards d’euros de capitaux.
Spéculation et exploitation
Le seul débat admis par le magazine économique sur le
classement qu’il publie se pose par une question fallacieuse :
les riches sont-ils héritiers ou entrepreneurs ? La France est
une « terre d’héritiers » semble regretter Challenges, qui
cite son homologue états-unien Forbes : « 30% des fortunes
professionnelles françaises sont héritiers, contre 16% des
fortunes américaines ». Et de mettre à l’honneur, tableau
coloré à l’appui, les milliardaires du top 15 qui ne devraient
leur empire commercial qu’à leurs propres efforts : Gérard
Mulliez, François Pinault ou Pierre Castel.
Cette fausse problématique ne résiste pas à l’épreuve du
réel : tous ceux qui tiennent la dragée haute dans le
classement sont issus de familles bourgeoises, millionnaires
au bas mot, qui leur ont fourni les richesses nécessaires à
l’établissement de leurs enseignes. Tous hommes d’affaires,
les personnalités figurant dans le classement de Challenges
sont rompus aux pratiques de la négoce et du commerce, qui ont
cours au sein de la classe capitaliste. Les 500 disposent, à
eux seuls, de la propriété de toutes les grandes banques, les
grandes entreprises et les grandes marques françaises – avec
parfois l’appui d’un capital étranger. La plupart d’entre eux
opèrent une « optimisation » fiscale, qui n’est rien d’autre
qu’une gigantesque fraude coûtant à la France des dizaines de
milliards d’euros par an. En outre, leur fortune n’est pas en
réalité un simple patrimoine : il s’agit du capital, qui leur
confère la propriété d’un vaste empire commercial bâti, le
plus souvent, à la sueur des travailleurs français, asiatiques
ou africains.
En haut du tableau, derrière chaque fortune colossale se
trouvent des milliers, des dizaines et parfois des centaines
de milliers de salariés. Derrière Gérard Mulliez et sa famille
par exemple, à qui appartiennent une foule d’enseignes –
Auchan, Décathlon, Kiabi, Leroy-Merlin, Saint-Macloud, Midas,
Flunch… – ce sont, au total, près d’un demi-million de
« collaborateurs » qui font vivre les commerces en Europe et
en Asie. C’est de leurs efforts, tant matériels
qu’intellectuels, qu’est tirée la richesse faramineuse du clan
Mulliez. Ce sont avant tout les travailleurs du Nord-Pas-deCalais qui ont permis l’essor de cette famille spécialisée
dans la distribution, qui, pour seul remerciement, fait
remplacer les caissières par des robots et se niche en
Belgique pour échapper à l’impôt français. Si le modèle des
Mulliez est unique, car ne reposant pas sur un actionnariat
boursier, il révèle les procédés qui ont lieu au sein de
l’ensemble de la haute bourgeoisie, qui tient dans l’hexagone
les rênes de la finance, de l’industrie et de l’agroalimentaire.
La haute bourgeoisie aux commandes
Le capitalisme est un système structuré dans l’intérêt
exclusif de sa classe dominante, à qui appartient le grand
capital. Les 500 familles citées par Challenges détiennent à
elles seules l’immense majorité des parts françaises des
marchés financiers ; et les relations de pouvoir au sein même
de la haute bourgeoisie se structurent sur un mode pyramidal.
L’incroyable santé financière des dix plus grands
milliardaires français, qui tirent à eux seuls le classement
total en avant, provient du gigantesque capital financier dont
ils sont les propriétaires, à une période où les actions
s’envolent à contre-courant de la croissance économique
réelle.
C’est par un système complexe de holdings et comptes
offshores – fonds de placements et comptes à l’étranger – que
la propriété des grandes entreprises revient à la haute
bourgeoisie. Bernard Arnault, selon Challenges, « possède 35%
(de LVMH) à travers une cascade de holdings » qui lui ont
permis, en une seule année, une augmentation de 10 milliards
d’euros de son actif financier ; tandis qu’il détient « des
(grandes) participations dans Carrefour (8,9%) et Hermès
(8,5%) ». C’est « via leur holding familial Thélys » que « les
héritiers d’Eugène Schueller détienne 33,09% » de L’Oréal,
entre Liliane Bettencourt et Françoise Meyers. Les « familles
Dumas, Guerrand et Puech, héritières de la marque Hermès, se
partagent 62,95% du capital, dont 50,15% sécurisés au sein du
holding H51 ». Inédite mais pas moins opaque, l’Association
familiale Mulliez (AFM) « détenue à 88% par les membres de la
famille » est une « communauté (de dizaines) d’entreprises »
et d’autant de marques. Le milliardaire Serge Dassault détient
ses parts dans ses sociétés d’aviation et d’immobilier à
travers le Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD), tandis
que le « nouveau milliardaire » Patrick Drahi contrôle le
groupe Altice – SFR, Numericable, L’Express, Libération ;
Suddenlink… – « à travers son holding Next LP ».
La complexité des montages financiers n’a d’égale que la
simplicité avec laquelle les empires commerciaux se
développent : c’est toujours et avant tout du travail des
employés, mis bout à bout le long d’une longue chaîne de
production, qui confère au capital ses richesses pratiquement
inépuisables. En la période de morosité économique que nous
vivons, il se trouve un lien direct entre la stagnation des
salaires, en particulier du salaire minimum interprofessionnel
(Smic), et l’augmentation des plus grandes fortunes. Les
centaines de milliers d’employés, dont la force de travail est
achetée au rabais en France, et plus encore en Europe de l’Est
et en Asie, sont les véritables pourvoyeurs du tas d’or sur
lequel la grande bourgeoisie est assise.
Il s’exerce, en France comme dans le monde capitaliste, un
rapport de forces permanent entre la classe capitaliste, qui
achète la force de travail, et la classe ouvrière qui la vend
– que ce soit dans les usines, sur les chantiers, ou dans les
magasins et la restauration. C’est parce que ce rapport est
toujours plus favorable à la haute bourgeoisie, en raison de
l’émiettement des unités de production et de la vague de
désyndicalisation opérée depuis un demi-siècle, qu’elle peut
se permettre de se goinfrer des gigantesques gains de
productivité réalisés par les salariés eux-mêmes, et reversée
aux actionnaires sous forme de dividendes ou d’augmentation de
l’actif. Le classe dominante capitaliste exploite la main
d’œuvre à travers le monde, pour extraire les richesses en
Afrique, transformer les biens en Asie puis vendre les biens
de consommation en France, où la production industrielle a été
consciemment mise à mort par une tertiarisation méthodique
opérée par les propriétaires des grandes entreprises. Ce n’est
qu’en prenant conscience de ce rapport de force, de son
existence propre et de la nécessité de s’unir contre le
véritable spoliateur, que la classe ouvrière française pourra
relever la tête et œuvrer à la construction d’un monde fait de
justice et de paix. Le chemin est encore loin tant les
divisions intestines du peuple de France détournent
l’attention des ultra-riches et de leur macabre entreprise de
domination.
A l’échelle du monde, 80 individus possèdent autant de
richesses que la moitié de l’humanité (3) ; il en est de même
en France, où une poignée de familles ont la main-mise sur
l’essentiel de l’économie, de son financement et de ses
formidables richesses. Ce n’est qu’en identifiant les ennemis
du progrès social tels qu’ils sont, c’est-à-dire la grande
bourgeoisie et les milliardaires qui la dominent, que les
travailleurs pourront mesurer l’inégalité et l’inefficience
inhérentes au système capitaliste, et découvrir par-là même
leurs propres intérêts. Seule une économie planifiée
permettrait de sortir de la barbarie libérale – où les plus
riches se divisent le gâteau, pendant que près de dix millions
de Français sont privés de travail – et permettrait également
d’atteindre, pour toutes et tous, l’authentique égalité
sociale qu’un monde plus civilisé pourrait offrir.
B.D.
Références :
1: http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20090709.CHA2945
/les-classements-des-fortunes-a-travers-lemonde.html(classement 2009 des dix Français les plus riches)
2 : Challenges du 9 juillet au 26 août, numéro spécial
Fortunes de France.
3
: https://www.oxfam.org/fr/salle-de-presse/communiques/2015-01
-19/les-1-les-plus-riches-possederont-plus-que-le-reste-de-la
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