PA Charles-de
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PA Charles-de
ÉCONOMIE R É V É L AT I O N S 15 femmes (un tiers des effectifs) travaillent au poste de manœuvre avant. Au total, l’équipage en abrite 300. Elles disposent de leurs propres quartiers, car les relations amoureuses sont interdites à bord. 160 boîtes de 10 kilos de raviolis sont avalées en un repas. 30 personnes triment en cuisine et 40 au service. Les officiers et sous-officiers ont leur mess, mais le menu est le même pour tous. DANS LES ENTRAILLES DU Nous avons pu arpenter les coursives de notre porte-avions nucléaire en mission au Proche-Orient. Impressionnant. 4 unités de désalinisation comme celle-ci produisent 520 tonnes d’eau douce par jour. Les deux tiers sont utilisés par les seules catapultes de pont qui fonctionnent avec de la vapeur haute pression. 106 CAPITAL쏒MAI 2016 20 marins sont chargés de guider les avions sur le pont. On les appelle «chiens jaunes», en référence à leur brassière et à leur habitude de hurler les ordres. Ils utilisent cette maquette pour planifier leur service. PAR ÉRIC WATTEZ 1JOYSTICK fait office de barre. Relié à un système hydraulique ultrasophistiqué, il permet d’orienter les deux gouvernails et de diriger le bateau d’une simple pression du doigt. 7HEURES du matin, c’est le moment de la «cueillette» quotidienne. Aucun appareil ne décolle avant cette opération qui consiste à ramasser le moindre débris traînant sur la piste d’envol. “CHARLES-DE-GAULLE” 1200 baguettes et 10000 petits pains sont cuits chaque jour par les trois boulangers du bord. Les réserves de farine dépassent les 20 tonnes, de quoi tenir un mois et demi au large. PHOTOS: ENVOYÉ SPÉCIAL POUR CAPITAL FRANCOIS GUENET - PATRICK BAZ / AFP La prochaine révision de notre navire amiral va coûter 1,7 milliard d’euros! 120 palettes de vivres sont amenées tous les dix jours par le bâtiment ravitailleur «Marne». Ce dernier livre aussi des munitions et du matériel militaire, ici dans les caisses vertes. MAI 2016쏒CAPITAL 107 ÉCONOMIE R É V É L AT I O N S 310 millions d’euros, c’est le prix à l’unité d’un Hawkeye, l’appareil à hélices de surveillance et de commandement fabriqué par l’américain Northrop Grumman, qu’on voit ici parqué dans le garage central. L envoyé spécial du «New York Times» n’en est pas encore revenu. Fin décembre, alors qu’il accompagnait Ashton Carter, le secrétaire à la Défense américain sur le «Charles-de-Gaulle», au large du détroit d’Ormuz, ce reporter yankee a fait une amusante découverte qu’il s’est empressé de rapporter dans sa prestigieuse gazette : au mess des officiers du fleuron de notre marine nationale, on sert de la bière, du vin et même du champagne ! Bien sûr, la consommation de ces breuvages est limitée à deux verres par jour. Mais ce petit plaisir serait inimaginable sur les bâtiments de l’US Navy, où l’alcool est totalement prohibé. N’importe, le chef du Pentagone n’était pas là pour trinquer avec le «pacha», le capitaine de vaisseau Eric Malbrunot, mais pour saluer un 30000 tonne de carburant à l’heure en vol, c’est ce que consomme chacun des deux réacteurs Snecma de type M88 du Rafale, dont un exemplaire est amené ici au banc d’essai dans l’atelier mécanique. événement totalement inédit : le catapultage du porte-avions tricolore et de son escorte – deux frégates, un destroyer, un ravitailleur, un sous-marin d’attaque… – à la tête de la Task Force 50, l’une des composantes de la Ve Flotte, qui bombarde les combattants de Daech. LONGTEMPS MOQUÉ pour ses avaries mécaniques d’avant sa mise en service en 2001, notre navire amiral a donc fini par faire la preuve de son utilité. Cela n’a pas été sans mal. Outre son coût de construction assez vertigineux (3 milliards d’euros) et ses onéreuses révisions (la prochaine, qui démarrera en 2016 pour dix-huit mois, reviendra à 1,7 milliard), l’unique porteavions nucléaire européen présente un gros défaut : celui justement d’être seul. Et ce n’est pas près de changer en ces temps de disette budgétaire. Lorsqu’il est euros, c’est le prix unitaire de ces bombes à guidage laser de 250 kilos Paveway GBU-12, fabriquées par l’américain Raytheon. Elles équipent les Rafale et les Super Etendard. 108 CAPITAL쏒MAI 2016 1,5 12 indisponible, ce qui arrive régulièrement, notre force aéronavale est donc réduite à néant. Dans ces moments-là, nos pilotes, qui doivent bien continuer à s’entraîner, vont faire leur appontage dans la base bretonne de Landivisiau, tandis que les élèves pilotes, eux, sont carrément envoyés dans une école américaine du Mississippi. Reste qu’aux yeux des locataires successifs de l’Elysée, ce bâtiment hors norme permet de rappeler que la France conserve les atours d’une grande puissance. «Le “Charles”, c’est 42 000 tonnes de diplomatie», sourit-on au ministère de la Défense. Même François Hollande, qui avait envisagé de le vendre pour faire des économies, s’est entiché du navire. Et il n’a pas hésité à l’utiliser. Après les attentats du 13 novembre, par exemple, il l’a envoyé frapper l’Etat islamique, sans rechigner à la dépense. Selon nos informations, contrepoids d’une masse totale de 240 tonnes ont été installés perpendiculairement à la coque. Leur déplacement automatique permet de réduire la gîte, ce qui facilite l’appontage. marins sont employés à la lingerie. La vingtaine de machines à laver tournent 16 heures sur 24. Chacun de ces gros engins coûte dans les 5000 euros et peut traiter 30 kilos de linge à chaque cycle. l’engagement, qui a duré quatre mois, serait revenu à pas loin de 90 millions d’euros, dont un bon quart pour les munitions et un autre pour les primes de mission versées à l’équipage. Mais le résultat est là. Pour ce prix, les 28 avions de combat embarqués et de reconnaissance (18 Rafale, 8 Super Etendard modernisés et 2 Grummann E-2C Hawkeye) ont effectué 530 sorties et frappé 102 fois contre des objectifs liés à Daech en Syrie et en Irak. Ce qui fait quand même cher la cible. LES PHOTOS PRISES EN EXCLUSIVITÉ par Capital lors de ce périple laissent entrevoir l’ambiance industrieuse qui règne 24 heures sur 24 parmi les 2 000 membres d’équipage, dont 600 rattachés au groupement aérien. En dépit de ses dimensions impressionnantes – 261 mètres de long, 62 de large, 75 de haut – et de ses onze étages, 5500 18 kilos. C’est le poids de l’équipement porté par les pompiers en service, qui se relaient en permanence pour assurer la sécurité sur le pont d’envol. Au total, la brigade compte 103 soldats du feu. LES BÂTIMENTS DU GROUPE AÉRONAVAL TRICOLORE Frégate multimission «Aquitaine», 142 mètres Porte-avions nucléaire «Charles-de-Gaulle», 261 mètres Frégate de défense aérienne «Chevalier-Paul», 153 mètres Navires de la marine nationale ayant accompagné le «Charlesde-Gaulle» lors de sa dernière mission. Bâtiment de commandement et de ravitaillement «Marne», 157 mètres Sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Rubis (73 mètres) euros net par mois, c’est environ ce que touche un pilote de l’aéronavale de 30 ans, prime de déploiement incluse. Il vole au moins cinq jours par semaine en mission de reconnaissance ou de frappe. l’espace, dans le «Charles-de-Gaulle», est confiné à l’extrême. Dans cette véritable ville flottante, qui file 27 nœuds en vitesse de croisière (50 kilomètres-heure), sont entassés une tour de contrôle, une centrale nucléaire (pour faire tourner les hélices), un dépôt de munitions, une passerelle de commandement bourrée d’électronique, une usine de dessalement d’eau de mer, un hangar à avions grand comme un demiterrain de foot, un hôpital et des réfectoires capables de servir 4 000 repas par jour. Le plus étonnant et à bien des égards le plus difficile à endurer pour ceux qui vivent à bord, c’est qu’ils ont de bonnes chances de ne jamais voir la lumière du jour : les trois quarts de l’équipage n’accèdent pas au pont d’envol, car ils n’ont rien à y faire. Après plusieurs mois dans les soutes, on imagine que les gars de la marine sont bien heureux de revenir au bercail. c PHOTOS: ENVOYÉ SPÉCIAL POUR CAPITAL FRANCOIS GUENET 15 2 secondes après avoir été projetés par la catapulte, les Rafale décollent à 250 kilomètres-heure. Le navire fait face au vent de façon à ce que l’avion soit porté quand il arrive en bout du pont d’envol. MAI 2016쏒CAPITAL 109