1. Qu`est-ce qu`une politique orientée clients ?

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1. Qu`est-ce qu`une politique orientée clients ?
LES ENTREPRISES FRANÇAISES ET L’ORIENTATION CLIENT
enquête réalisée par
Gaëlle Petitprés, Responsable ISMQ
et Rose Sourang, ISLI promo 94
Pour faire face à une concurrence
exacerbée, les entreprises au niveau
international redoublent d'efforts pour
satisfaire leurs clients. Des stratégies
particulièrement centrées sur le client sont
développées et déploient des procédures et
des méthodes spécifiques.
Où en est la prise de conscience client dans
les entreprises françaises aujourd'hui et
quelles sont les méthodes appliquées ?
Une enquête réalisée par l'ISMQ et l'ISLI
propose un état des lieux et une évaluation
de l'orientation-client dans les entreprises
françaises.
Dans l'environnement très concurrentiel
que nous connaissons actuellement, les
clients disposent d'un choix étendu de fournisseurs sur lesquels ils ont un pouvoir
grandissant car ils peuvent accroître sans
cesse leurs exigences. En effet, une entreprise ne peut subsister sans clients , et seules celles qui sauront mieux leur plaire, les
convaincre et les satisfaire pourront subsister.
1. Qu’est-ce qu’une politique
orientée clients ?
Le nouvel enjeu de la concurrence est donc
la satisfaction d’un client de plus en plus
difficile, qui a le sens du détail. Les progrès de la technologie se sont vulgarisés et
ils sont offerts par la plupart des entreprises, avec de bonnes garanties techniques.
Les éléments de différenciation se situent
désormais au niveau du service offert en
sus du produit, mais surtout au niveau de
l’exactitude de l' offre : les clients attendent un produit et un service parfaitement
adaptés à leur situation particulière, ni plus
ni moins.
Les politiques orientées clients sont donc
des politiques qui préconisent la mobilisation de tous les moyens de l’entreprise
vers la découverte des attentes du client
et la satisfaction de ces attentes.
La politique orientée client se déroule en
plusieurs phases :
1 - Découverte des besoins et des attentes
des clients (mise en oeuvre de moyens et
de procédures d’investigation)
2 - Organisation interne de l’entreprise pour
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traduire ces attentes en spécifications des
produits ou services offerts (mise en place
de standards, de normes de satisfaction)
3. Suivi de la satisfaction des clients (mise
en place de procédures d’investigation,
d’indicateurs et de tableau de bord de suivi)
4. Correction des défaillances (mise en
place de procédures de détection et de correction des défaillances).
L’orientation-client, au bout du compte,
consiste à recueillir les informations du
client tant en amont (attentes) de l’entreprise qu’en aval (satisfaction), afin de prendre en compte ces informations dans la gestion stratégique, commerciale et financière
de l’entreprise et d’en faire de véritables
outils du management.
Vulgarisées aux Etats-Unis, les politiques
d’orientation-client sont devenues le support des stratégies de toutes les entreprises,
qui ne font plus un geste sans consulter
d’abord le client : que désire-t-il ? Que
pense-t-il des solutions qui lui sont proposées ? Des moyens considérables sont mis
en place pour répondre à ces questions.
Microsoft par exemple a financé la mise en
place d’un véritable centre d’essais où le
public peut tester les logiciels déjà sur le
marché ainsi que ceux qui sont encore en
projet. Les réactions, comportements et
commentaires des utilisateurs sont observés, décortiqués et analysés afin de déceler
les plus petites failles des logiciels proposés.
Quel est l’état de la connaissance de ce concept en France ? Les entreprises y accordent-elles l’importance nécessaire ? Engagent-elles les moyens nécessaires ?
2. Présentation de l’enquête
L’ISLI (Institut Supérieur de Logistique
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Industrielle) et l’ISMQ (Institut Supérieur
du Management par la Qualité) ont réalisé
cette enquête dans le but d’évaluer l’importance attachée par les entreprises françaises à leurs clients, en essayant de détecter les démarches et les moyens mis en
oeuvre par ces dernières pour assurer la
satisfaction de leur clientèle. Les questions
de cette enquête se succèderont selon la
même chronologie que les étapes d’une
politique d’orientation-clients.
Les 300 entreprises contactées ont été choisies parmi les 1000 premières entreprises
françaises en terme de Chiffre d’Affaires,
auxquelles ont été ajoutées quelques entreprises de la région Aquitaine. Les questionnaires d’enquête ont été envoyés aux entreprises qui, d’abord contactées par téléphone, ont fourni le nom du responsable
de l’entreprise susceptible de pouvoir répondre aux questions. Cette première étape
a donc éliminé les entreprises refusant de
participer à ce genre d’enquête, ainsi que
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celles où il était impossible d’identifier le
service ou la personne concerné par ce sujet.
Pour le genre d’administration des questionnaires choisi (envoi postal nominatif), le
taux de retour obtenu (10%) fut acceptable. Compte-tenu de la précision de certaines questions, il est tout à fait logique que
la plupart des entreprises, peu ou pas du tout
engagées dans des démarches structurées de
satisfaction des clients, n’aient pu répondre à un grand nombre de questions et se
soient abstenues de nous retourner leurs réponses. Ceci témoigne de l’avancement
moyen des entreprises françaises dans la
mise en oeuvre de ce genre de démarches.
Enfin, les données recueillies par le biais
du questionnaire reflètent les perceptions et
les connaissances d’un individu sur l’orientation-client dans son entreprise, et peuvent
donc être non-objectives, ou erronées. Cependant, les personnes contactées nous ont
été désignées lors de notre prospection téléphonique préalable.
Participation à l’enquête
Répartition par taille (effectif)
Répartition par secteur
Moins de 500 personnes
De 500 à 999 personnes
De 1000 à 4999 personnes
De 5000 à 10 000 personnes
Plus de 10 000 personnes
Secteur Tertiaire
Secteur Industriel
47%
53%
Les entreprises répondantes sont à peu près
également réparties entre entreprises industrielles et entreprises de service. Ceci tend
à montrer que tant les entreprises du tertiaire que les entreprises industrielles sont
sensibilisées aux politiques orientées-client.
15,4%
15,4%
30,8%
15,4%
34,3%
Ce sont plutôt les entreprises de taille assez conséquente qui ont répondu à ce questionnaire (plus de 1000 personnes). Ceci est
cependant dû pour une grande part aux entreprises ciblées, choisies parmi les 1000
premières entreprises françaises, et pour la
plupart avec des effectifs nombreux. Il semble cependant logique que les grosses entreprises aient des moyens plus importants
pour mettre en place des démarches et des
processus permettant de suivre plus précisément la satisfaction de leur clientèle.
3. Principales
conclusions de l’enquête
* Le concept d’orientation-client en France
semble bien répandu, et ses enjeux sont bien
perçus par les entreprises du secteur industriel autant que par les entreprises tertiaires. 93% des entreprises répondantes déclarent avoir une politique de satisfaction
des clients clairement définie. Elles considèrent qu’adopter ses principes permet
d’assurer la Qualité de la prestation afin
de satisfaire totalement le client et également de lutter contre la concurrence.
* Cependant, les démarches d’orientationclient ont été assez tardives en France (après
1990 dans plus d’un tiers des cas), et très
peu d’entreprises ont mis en place des services spécialement dédiés au suivi des
clients (le service clients n’existe que dans
13,3% des cas).
La satisfaction du client est donc prise en
compte par le service Qualité, le service
commercial ou les directions régionales, et
les éléments de mesure tangibles manquent
souvent. Ainsi, très peu d’entreprises parviennent à chiffrer les gains que l’on peut
espérer de la démarche orientée-clients, et
s’appuient donc sur des éléments qualitatifs, comme l’amélioration de l’image de
l’entreprise.
Ancienneté
non réponse
avant 1985
de 1985 à1987
de 1988 à 1990
après 1990
Fréquence
20%
20%
7%
20%
33%
Service en charge du suivi de la
satisfaction du client
Service qualité
Service commercial
Service client
Direction Générale
Directions régionales
Service exploitation
46,6%
13,3%
13,3%
6,7%
13,3%
6,7%
gains espérés
image
parts de marché
CA
notoriété
non-réponse
autre
80%
60%
60%
33%
13%
13%
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* Les méthodes utilisées par les entreprises pour analyser les attentes ou la satisfaction de leurs clients sont souvent assez
traditionnelles (questionnaires, analyse des
ventes et des réclamations), et ne favorisent pas le contact direct avec le client qui
est permis par d’autres méthodes (clubs
d’utilisateurs, sondages téléphoniques,
groupes tests). La détection des besoins et
attentes des clients ne reçoit donc pas une
attention particulière de la part des entreprises françaises, qui ne développent ni
moyens puissants ni procédures régulières
pour cette étape de la politique d’orientation-clients.
* Tout comme l’analyse des besoins et des
attentes des clients, l’analyse de leur satisfaction se fait selon des méthodes assez traditionnelles. Elle s’établit en fonction de
critères fixés par les clients eux-mêmes, la
Direction de l’entreprise ou les normes de
la profession et fait l’objet d’investigations
plutôt régulières (mensuelles). On peut noter que le prix est considéré par les entreprises comme un critère de satisfaction important pour leur clientèle (arrive en 4° position des critères cités) alors qu’il n’arrive
pas au même rang parmi les engagements
des entreprises (arrive en 6° position des
engagements cités). En revanche, le respect
des délais semble être une des préoccupations majeures des entreprises autant que
des clients.
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Analyse attentes/satisfaction
non- réponse
groupes tests
clubs d'utilisateurs
sondages tel.
rencontres CF
analyse des ventes
analyse des réclamations
questionnaires
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13%
13%
13%
33%
40%
47%
53%
73%
* Les principales attentes des clients détectées par les entreprises françaises sont : la
garantie technique, le respect des délais, un
accueil convenable et une bonne qualité de
prestation.Viennent ensuite la qualité produit, le prix, le conseil information, le confort des équipements, puis des attentes diverses en matière de service, de rapidité,et
conformité de livraison
* La prise en compte de la satisfaction de
la clientèle comme véritable outil de gestion de l’entreprise, avec tableau de bord,
ne se réalise que dans 27% des cas. Ce sont
les entreprises ayant les démarches les plus
récentes qui les mettent en oeuvre : elles
adoptent un concept qui est mieux développé et connu qu’il y a une dizaine d’années, et peuvent construire une démarche
plus structurée.
Tableau de bord
mensuel
inexistant
trimestriels
anuel
non-réponse
27%
27%
20%
20%
7%
* Très peu d’entreprises disposent d’éléments tangibles pour évaluer la satisfaction
de leur clientèle : les taux de satisfaction et
les taux de réclamations ne sont connus que
dans la moitié des cas, la notion de fidélité
est quasiment oubliée, et pour chacun de
ces éléments, les entreprises disposent très
rarement d’objectifs clairement définis.
Quand ils existent, ces résultats sont moyens
(des taux de satisfaction en moyenne de
78,6%, des taux de réclamations de 1% à
5% dans le secteur industriel). Le suivi de
la satisfaction et la satisfaction des clients
ne semblent donc pas non plus être maîtrisés par les entreprises françaises dans le
cadre de leur politique orientée clients.
Cependant une analyse croisée de la typologie des clients ( entreprises ou particuliers), et des taux de satisfaction montre
que les entreprises ayant pour client d'autres
entreprises mesurent plus précisément la
satisfaction de leurs clients. A noter que ces
entreprises ont eu plus tôt des politiques
orientées client et elles seules affichent des
taux de satisfaction supérieur à 90%..
Taux de satisfaction
non-réponse
moins de 60%
de 60% à 85%
de 85% à 90%
plus de 90%
croit nos précédentes conclusions. Le traitement des défaillances en est rendu plus
difficile. Les entreprises essayent de répondre à la majorité des réclamations qui leur
parviennent, mais dans 53% des cas, cette
opération ne se fait pas selon une procédure bien établie (pas de délais d’intervention fixés).
Conséquences
47%
7%
33%
7%
7%
non-réponse
baisse du taux de satisfaction
baisse du taux de fidélité
baisse des parts de marché
baisse du CA
40%
33%
27%
20%
7%
% réclamations traitées
Taux de fidélisation
non réponse
moins de 90%
de 90% à 97%
98 et plus
87%
7%
0%
7%
non-réponse
moins de 15%
de 15 à 85%
plus de 85%
33%
7%
7%
53%
Délai-traitement
* Les principales insatisfactions des clients
concernent selon les entreprises le respect
des délais, les prix, la souplesse de réponse
de l’entreprise à la demande de produits
spécifiques des clients, l’accueil et l’information de ces derniers.
* Les conséquences des défaillances que
craignent les entreprises sont la baisse des
taux de satisfaction, de fidélité et la baisse
des parts de marché. Ces conséquences, entrevues par les entreprises, ne sont pas véritablement mesurées par elles si l’on en
non-réponse
oui
non
7%
40%
53%
Conclusion
A travers cette analyse, nous pouvons constater que, si les entreprises françaises se
préoccupent et s’intéressent de très près aux
démarches de satisfaction des clients, très
peu d’entre elles ont des démarches struc-
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turées, capables de fournir un outil de gestion de l’entreprise. Aucune des principales étapes ( analyse des besoins et attentes
des clients, analyse de la satisfaction des
clients, mise en place de procédures de traitement des défaillances ) de cette démarche n’est véritablement maîtrisée.
Cependant, cette enquête permet toutefois
de prévoir que cette situation ira en s’améliorant compte tenu de :
- la prise de conscience d’ores et déjà effectuée.
- la jeunesse de la plupart de ces démarches.
- l’évolution et la vulgarisation de ce concept.
- la pression concurrentielle qui obligera les
entreprises à s’y plier.
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- le soutien apporté à ce concept par des
politiques de Qualité Totale désormais pratiquement incontournables.
La prise de conscience des entreprises françaises est effectuée et la mise en place de
structures permettant de recueillir les attentes des client et de les satisfaire est donc en
bonne voie.
Cependant, ce système implique que les
clients soient intégrés comme des partenaires véritables des entreprises, qui expriment
leurs attentes et leur satisfaction. Les entreprises n’ont-elles pas alors un rôle
d’"éducation" de leurs clients ? Les clients
eux-mêmes sont-ils prêts en France à accepter que l’on sollicite leur participation
active à ce système ?