Iwan Schuwey,le coach à tout faire d`une ambitieuse équipe de Suisse

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Iwan Schuwey,le coach à tout faire d`une ambitieuse équipe de Suisse
LA LIBERTÉ
Flavia Rigamonti
SPORT
JEUDI 7 AOÛT 2008
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NATATION Flavia Rigamonti veut s’amuser d’abord
ESCRIME Kalich pour une dernière touche suisse
FOOTBALL Le TAS donne raison au Barça
FOOTBALL Suisse: la rupture tranquille d’Hitzfeld
FOOTBALL Le FC Bâle peut croire aux miracles
FOOTBALL Fribourg et Guin passent. Pas La Tour
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TRIATHLON
Iwan Schuwey,le coach à tout faire
d’une ambitieuse équipe de Suisse
TRIATHLON • Le Fribourgeois fonctionne comme coach national depuis 2005.
Il évoque sa vie de bourlingueur, sa relation avec les athlètes. Et ses espoirs pour Pékin.
PABLO URETA-ZAUGG
STEFANO LURATI
Iwan Schuwey est un peu
l’homme à tout faire de
Swiss Triathlon. Ancien
fondeur, duathlète et triathlète, ce Fribourgeois de
39 ans était déjà du voyage
aux Jeux d’Athènes en
2004 en tant que coach assistant. Depuis 2005, il a repris le poste de coach
national. Il fait équipe avec un autre
Fribourgeois, Dominik Pürro, qui occupe la fonction de manager du sport
d’élite. Les deux compères sont partis le
29 juillet pour Jeju en Corée du Sud où
l’équipe suisse de triathlon a pris ses
quartiers jusqu’au 15 août. Elle s’envolera à cette date pour Pékin où la course des dames est agendée au 18 août et
celle des hommes le lendemain.
Swiss Triathlon fonctionne avec un
budget de 1,5 million de francs dont
650000 vont à l’élite. «Il me faudrait
900000 francs pour bien fonctionner et
être à l’aise…», glisse Iwan Schuwey.
Iwan Schuwey, en quoi consiste
votre rôle de coach national?
J’ai la responsabilité de tous les cadres
nationaux de triathlon et de duathlon
ce qui représente 35 athlètes. J’établis
les critères de sélection pour les différents championnats, j’organise des
stages d’entraînement avec l’équipe
suisse, j’accompagne les athlètes avec
mon petit staff aux Coupes du monde
où je fais le coaching sur place. Pour le
reste, chaque athlète dispose de son
propre entraîneur. En fait, je m’occupe
avec Dominik Pürro de tout ce qui
concerne le sport d’élite. Du design de
la combinaison à la réservation des
vols, tout est dans nos mains. C’est une
vie de folie absolue avec zéro vacances
et où on est tout le temps à plein gaz.
Mais c’est énorme aussi ce que tout
cela m’a apporté.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus
dans cette «vie de folie»?
Plusieurs choses. Le contact avec les
athlètes est un immense défi. Il y a des
décisions à prendre tous les jours. Je
pense et je respire triathlon 24 heures
sur 24 et 7 jours 7, et ça c’est fascinant.
C’est un mode de vie passionnant avec
une grande richesse et une grande
diversité de travail. Tu touches à tout
en permanence.
Combien de jours par année passez-vous
chez vous à Estavayer?
Je ne sais pas exactement, mais pas
plus de quelques semaines. Je passe
LDD
A Hawaï
pour la 4e fois
Le 11 octobre, Pablo Ureta-Zaugg sera
au départ de l’Ironman d’Hawaï pour la 4e
fois. Ce sera aussi le 15e Ironman de
sa carrière. A 29 ans, l’Argentin vient d’obtenir sa qualification à Francfort où il a
pris la 8e place dans sa catégorie M25-29
et la 46e au «scratch» sur 1908 concurrents classés. En 9h11’14’’, il a établi son
meilleur temps sur un Ironman (51’59’’
pour les 3,8 km de natation, 5h04’02’’
pour les 180 km de vélo, 3h10’27’’ pour
les 42,195 km de course à pied), la victoire revenant à la star australienne Chris
McCormack dans le temps exceptionnel
de 7h59’55’’. Hébergé depuis plusieurs
années à Môtier par la famille Derron,
Pablo Ureta-Zaugg est en passe d’obtenir
un bachelor en économie et gestion
d’entreprise à l’Université de Fribourg.
Iwan Schuwey (à droite) et Dominik Pürro: les deux Fribourgeois qui font tourner le sport de l’élite de la Fédération
suisse de triathlon. MÉLANIE ROUILLER-A
200 à 250 heures par année dans les
avions. Et, pour 2008, je n’ai pu faire
qu’un break de trois jours jusqu’à présent. Il m’arrive parfois de me demander pourquoi je n’ai pas reçu de mails
aujourd’hui et de me rendre compte
ensuite qu’on est dimanche…
Quelles sont les raisons de la force
du triathlon suisse?
Il y a une partie de chance. D’avoir actuellement trois triathlètes masculins
et trois féminines qui, en Suisse, sont
tellement au-delà des autres est tout
de même assez exceptionnel. C’est
une densité que très peu de nations
possèdent. Au niveau structurel, on est
petit et on a donc l’obligation d’être
très bien organisé, méticuleux, pointu.
Souple aussi. En parallèle, j’ai beaucoup travaillé l’ambiance de l’équipe.
En 2003 quand j’ai commencé ce travail, je me suis dit que j’allais faire cinq
mois avant de tout planter. Mais à force de discuter, de faire un pas en arrière mais deux en avant, une équipe est
née. On a des athlètes qui sont doués
et qui ont la volonté de vaincre. C’est
un mélange d’expérimentés et de
jeunes qui se retrouvent tous au sommet au même moment.
Pékin, ce sera vraiment l’enfer décrit
par tout le monde?
L’année passée quand j’ai atterri à Pékin, il y avait une petite boule vaguement jaune à la place du soleil et du
smog «sucré» qui grattait un peu dans
la gorge à la place de l’air. Mais les Chinois sont capables de tout faire pour
que cela soit une réussite, y compris
de cacher leurs problèmes derrière
des murs. Les épreuves de triathlon
ont lieu plus au nord de Pékin, là où il
y a souvent un petit vent. Je ne parlerais
pas d’enfer mais plutôt de défi parce
que les conditions de course seront de
toute façon très dures. On a intégré
ces paramètres dans la préparation,
mais on ne veut pas faire un plat de
tout ça.
Pour un athlète, les Jeux olympiques
s’apparentent souvent au sommet
d’une carrière. Et pour un coach national?
Je ne considère pas ça comme un accomplissement personnel. Je vais aux
Jeux parce que je veux suivre et accom-
pagner cette équipe jusqu’au bout. Ma
satisfaction interviendra au moment
de voir les athlètes sur le ponton de départ. Je sais que je serai complètement
vidé, mais je pourrai me dire que j’ai
tout fait pour que cette équipe soit
prête. Le résultat obtenu sera ensuite
du baume.
Quelle est votre relation avec les athlètes
présents aux Jeux?
J’ai d’abord été le concurrent de certains, Reto Hug par exemple, du temps
où j’étais encore compétiteur. Ensuite
j’ai été coach assistant. Je me lâchais
vraiment et j’étais copain avec tous.
Aujourd’hui, j’ai une relation de
confiance saine et amicale, plus forte
avec certains qu’avec d’autres. Je trouve que c’est un très bon équilibre.
Allez-vous rentrer de Pékin avec
une médaille?
J’y crois fortement. Mais il faudra être
là du premier mètre dans l’eau, à
chaque coup de pédale, à chaque pas.
Et que tout soit parfait. Si tout est
réuni, on aura une médaille. Sinon,
on n’en aura pas. I
ÉQUIPE DE SUISSE
Six atouts
pour une médaille
En 2000 à Sydney, le triathlon faisait sa grande
entrée dans le programme des Jeux olympiques.
Magali di Marco y remportait la médaille de
bronze. Quatre ans plus tard à Athènes, c’est
Sven Riederer qui terminait troisième du triathlon
olympique. A Pékin, l’équipe de Suisse sera l’une
des cinq nations à être parvenues à qualifier le
contingent maximal de six athlètes. Objectif:
une médaille et un diplôme. Les six atouts helvétiques seront, debout de gauche à droite, Sven
Riederer, Reto Hug, Nicola Spririg et, assis,
Magali di Marco, Daniela Ryf et Olivier Marceau. SL
PHOTO STEPHAN BÖGLI
Comment avez-vous préparé
cet Ironman de Francfort?
Pour Francfort, comme pour d’autres Ironmen d’ailleurs, il faut s’inscrire une année à
l’avance. Les 2300 places disponibles partent en 4 heures… En m’inscrivant l’été
passé, je savais que ma préparation ne serait
pas optimale parce que je partais étudier
huit mois à Stuttgart. Mais j’avais envie de
tenter le coup. A Stuttgart, je n’ai pas pris
mon vélo. Par contre, j’ai beaucoup nagé
et, bien entendu, couru.
Et ensuite?
Je suis rentré à Môtier en avril. J’ai alors
contacté mon ancien entraîneur en Argentine
qui s’était occupé de moi de 18 à 24 ans. Il
me connaît bien, m’écoute et sait que je n’ai
pas toujours beaucoup de temps pour m’entraîner. Les plans qu’il me prépare me
conviennent très bien.
Qu’entendez-vous par «pas beaucoup
de temps»…?
C’est très variable d’une semaine à l’autre.
Cela peut être 4 heures comme 20 ou 25
heures dès que j’ai du temps. II y a 15 ans que
je fais du triathlon et ce sont aussi toutes ces
années d’expérience qui me permettent de
faire de bonnes courses. Avec l’âge, je cours
de façon plus intelligente et je pense que je
suis prêt pour descendre sous les 9 heures.
Comment s’est déroulée la course?
J’étais confiant pour la natation. Par contre,
je redoutais le vélo avec seulement 2300 km
dans les jambes, ce qui est peu. J’en avais
davantage en course à pied… (2500 km). En
vélo, il me semble que le niveau est de plus en
plus élevé. Même quand j’étais à fond à 42 ou
43 km/h, il y avait encore des gars qui me
dépassaient à 50 km/h… Avant le marathon,
je savais que je n’étais que 22e dans ma catégorie, seuls les 8 premiers étant qualifiés
pour Hawaï. Cela allait être très compliqué.
Comme d’habitude, j’ai eu un trou entre le
25e et le 35e km. Je me rappelle de dix
minutes de conflit intérieur. Cela valait-il vraiment la peine de se faire autant mal pour
payer les 400 euros d’inscription à Hawaï? Je
finis 8e, deux minutes devant le 9e…
Quelles sont les qualités qui font
un bon triathlète d’Ironman?
Mis à part l’entraînement, il faut deux choses:
la patience et le mental. La tête, c’est 70% du
marathon final. On a trop mal, mais tout le
monde a mal. La différence, c’est la capacité
de chacun à supporter la souffrance.
STEFANO LURATI