Staging Going on stage - Saison Mo - 2013

Transcription

Staging Going on stage - Saison Mo - 2013
Editorial
Saison Vidéo 2013
Chaque année La Saison Vidéo reçoit des propositions d’artistes via son site Internet. À partir de ces propositions l’ensemble de la programmation est élaboré. Des projections sont organisées suivies de rencontres d’artistes. De mars à décembre, et tous les quinze jours,
durant toute la durée de la Saison Vidéo 2013, des programmes en ligne sur le site : www.saisonvideo.com, dialoguent avec ces rencontres et les prolongent.
En 2012, les programmes en ligne GHOST TOWN ont remporté un vif succès. De nouveaux artistes nous ont sollicités proposant leurs
villes fantômes. C’est la raison pour laquelle GHOST TOWN #3 et #4 existent aujourd’hui. AVIS A LA POPULATION et ses œuvres participatives est aussi poursuivi pour les mêmes raisons. Parmi les nouvelles orientations, le programme en ligne QUE LA BÊTE MEURE qui
évoque l’assimilation de l’homme à l’animal ouvre la Saison Vidéo. Il annonce la rencontre avec Rémy Yadan, cinéaste et chorégraphe,
à la Fac d’Arts Plastiques à Tourcoing. Cet artiste participe aussi au nouveau programme NUR/LUX. La rencontre avec Arnold Pasquier,
danseur, chorégraphe et cinéaste à l’ESA à Tourcoing sera accompagnée de séquences en ligne intitulées DANCERS. Laura Huertas Millan
dont le travail est parcouru de visions de jungles, rencontre les étudiants de l’ESAAT à Roubaix tout en participant au programme en
ligne UN EFFET DE JUNGLE. Les rencontres avec Christian Barani au Centre d’Arts plastiques et visuels et avec Tadzio au CAUE à Lille
se complètent et livrent leurs représentations de villes. Puis ON STAGE, ATOMIC TOURISM, CADENSES, BREAKS, ECHO s’organisent à partir de vidéos qui dialoguent entre elles.
Enfin LA LIGNE D’OMBRE #3 et #4 poursuivent la mise en vue de très jeunes artistes. Ceux qui y ont participé en 2012 et de nouvelles
candidatures enrichissent ces deux nouveaux programmes en ligne. Ils encadrent l’exposition du même nom qui se déroule à l’Espace
Croisé de mai à juillet 2013.
Every year La Saison Vidéo receives proposals from artists through its website. The whole programme is duly worked out on the
basis of these proposals. Screenings are organized, followed by meetings with artists. From March to December, once a fortnight,
throughout the 2013 Saison Vidéo, on-line programmes on www.saisonvideo.com dialogue with these meetings, and extend their range.
In 2012, the on-line GHOST TOWN programmes enjoyed a brisk success. New artists approached us, proposing their own ghost
towns. This is why GHOST TOWN #3 and #4 exist today. AVIS A LA POPULATION, which presents participatory works, is also being
followed up for the same reasons. Among new directions, the on-line programme QUE LA BETE MEURE/THE BEAST MUST DIE dealing with the likeness between people and creatures, opens the Saison Vidéo. It announces the encounter with Rémy Yadan, filmmaker and choreographer, at the Visual Arts faculty in Tourcoing, also followed by the new programme NUR/LUX. The meeting
with Arnold Pasquier, dancer, choreographer and film-maker at the ESA in Tourcoing will be accompanied by on-line sequences
from the DANCERS programme. Laura Huertas Millan, whose work is informed by visions of jungles, meets ESAAT students in
Roubaix, while at the same time taking part in the on-line programme UN EFFET DE JUNGLE/A JUNGLE EFFECT. Meetings with
Christian Barani at the Plastic and Visual Arts centre and with Tadzio at the CAUE in Lille complement each other, and offer their
respective visions of cities. Then ON STAGE, ATOMIC TOURISM, CADENSES, BREAKS and ECHO are organized on the basis of videos
which have recently caught our eye.
Lastly, LA LIGNE D’OMBRE/SHADOW LINE #3 and #4 continue the focus of very young artists. Those who participated in 2012, plus
new proposals, are enriching these two new on-line programmes. They provide a setting for the exhibition of the same name
which will be held at the Espace Croisé from May to July 2013.
Mo Gourmelon
Photographie extraite de la vidéo Moderate manipulations, 2012, de Henna Riikka Halonen, p. 49
Saison Vidéo 2013
4 - 1 7 M a r s 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
QUE LA BÊTE MEURE
Les films qui suivent véhiculent une assimilation de l’homme à la bête.
The following films convey an assimilation of man to beast.
À la fin du film de Claude Chabrol Que la bête meure, 1969, l’on
entend : “Il existe un chant sérieux de Brahms qui paraphrase l’Écclésiaste : Il faut que la bête meure ; mais l’homme aussi. L’un et l’autre doivent mourir”.
The end of Claude Chabrol’s film Que la bête meure, 1969, refers
to this: “There is a serious song by Brahms which paraphrases
Ecclesiastes: The beast must die; but man too. Both must die.”
Livre de l’Écclésiaste, chap. 3:19 à 21 : “Car ce qui arrive aux fils des
hommes est aussi ce qui arrive aux bêtes ; il y a pour tous un même
sort : comme celle-ci meurt, ainsi meurt celui-là ; et ils ont tous un
même souffle, et l’homme n’a point d’avantage sur la bête, car tout
est vanité. Tout va dans un même lieu, tout est de poussière et tout
retourne à la poussière. Qui est-ce qui connaît l’esprit des fils des
hommes ? Celui-ci monte-t-il en haut, et l’esprit de la bête descendil en bas dans la terre ?”
Book of Ecclesiastes, 3,19-21: “Surely the fate of human beings is
like that of the animals; the same fate awaits them both: As one
dies, so dies the other. All have the same breath; humans have no
advantage over animals. Everything is meaningless. All go to the
same place; all come from dust, and to dust all return. Who knows
if the human spirit rises upward and if the spirit of the animal
goes down into the earth?”
Luca Wyss
Omelia agli uccelli, 2012, 9 mn
Production les inquiets
Prêcher aux oiseaux, pour les convaincre de diffuser les récits des
gens qui parlent peu, pour qu’ils transportent la nouvelle du naufrage
en cours. Les oiseaux sont une onde radiophonique. Ils portent les
récits dans des lieux insoupçonnés. “Quand le vent cruel, démonte
les mers, brouille les cieux, fait tomber les montagnes, dévore les
villes, détruit les provinces, il fait du monde un naufrage.” LW
Preaching to birds, to persuade them to distribute tales of people
who talk little, so that they will bear the news of the shipwreck
under way. The birds are a radio wave. They carry the tales into
unsuspected places. “When the cruel wind dismantles seas,
scrambles skies, topples mountains, devours cities and destroys
provinces, it turns the world into a shipwreck.” LW
2
Saison Vidéo 2013
Arash Khakpour and Arash Radkia
Safia Benhaim
Le Combat, 2007, 4 min
Une nuit, un enfant roux se bat contre un lapin à l’œil rouge :
animal réel fuyant la cruauté de l’enfant, créature imaginaire qui
l’accompagne dans ses rêves, ou double bestial ? SB
One night, a red-haired child has a fight with a red-eyed rabbit: a real animal escaping from the child’s cruelty? an imaginary creature which is part of the child’s dreams? or a
beastly double? SB
Teheran Zoo, 2009,10 mn
Cette vidéo est un documentaire expérimental sur le zoo de Téhéran.
Sommes-nous devenus fous, tels des animaux en cage ? Quel effet les
habitations modernes ont-elles eu sur nous ? Sommes-nous les
constructeurs de nos propres cages ? Voilà les idées qu’explore ce
court-métrage iranien. Les réalisateurs ont pu s’éloigner du bruit
ambiant pour partager leur vision des dangers de la cohabitation de
masse moderne et de sa gestion. Parmi eux, le danger psychologique
qui, pour les hommes, est le plus difficile à résoudre. AR & AK
Experimental documentary that portrays the wildlife zoo in
Tehran. Have we become disturbed, like animals in cages?
What have modern inhabitations done to us? Have we built our
own cages? These are ideas explored in this short film from
Iran. The film makers have been able to step back from the
noise to show a lucid view of the hazards of modern mass coexistence and its management; psychological hazards, which,
for humans, are the most difficult to resolve. AR & AK
3
Saison Vidéo 2013
Jean Charles Hue
El perro negro, 2009, 7 mn 03
Le capitaine Angel Soto longe la frontière américano-mexicaine de nuit en écoutant le corrido (chanson populaire)
du “Perro negro” (le chien noir). Tout comme son papa, Angel Soto aime les chiens. Est-ce pour cela qu’il abrège
leurs souffrances en mettant fin à leur vie ? JCH
Captain Angel Soto walks along the border between The United States and Mexico by night, listening
to the corrido (popular song) of the “Perro negro” (black dog). Just like his dad, Angel Soto likes dogs.
Is this why he shortens their sufferings by putting an end to their lives? JCH
4
Saison Vidéo 2013
Diana Chaumontet
Déplacer le centre, 2012, 2 mn
Un chien à trois pattes s’agite et joue devant une fontaine classique.
Les postures, l’équilibre du corps diffèrent de ce à quoi s’attend
le regard. Il défie tranquillement les lois de l’empathie. Ce sont
deux systèmes sculpturaux face à face. DC
A frisky three-legged dog is playing in front of a classic fountain.
The postures and equilibrium of its body differ from what the
eye expects. He quietly defies the laws of empathy. Here we
have two sculptural systems face to face. DC
Nicola Bergamaschi
Le poisson des abymes, 2011, 29 mn
Le film déploie, à travers le territoire trouble ou limpide du poisson,
des tentatives de contacts sensoriels. Le sujet regardé, désiré,
finit par s’approcher à la surface où s'agitent l’œil et la main. NB
Through the fish’s territory, be it blurred or limpid, the film develops attempts at sensory contact. The subject watched and desired ends up approaching the surface where eye and hand move
about. NB
5
Saison Vidéo 2013
MERCREDI 6 MARS 2013 À 14 H. TOURCOING, DÉPARTEMENT ARTS PLASTIQUES, UNIVERSITÉ DE LILLE III
29-31 RUE LEVERRIER – 59000 TOURCOING - + 33 3 20 01 07 20
R É M Y YA D A N
Du sang au cœur, 2012, 20 mn
6
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Saison Vidéo 2013
Du sang au cœur met en lumière un couple de paysans dans son
intimité : ici, la mise à mort et le dépeçage d’un lapin, cible
d’échanges tranchants. Un dernier sacrifice, dans l’urgence de
la mémoire obscurcie. Le rire ignore la cruauté de la boucherie. L’autorité est impérieuse dans l’agonie. Le geste sanguinaire est aussi celui, confus, du bourreau-boucher dont le
regard semble perdu, acculé dans la douceur. Tels des dieux de
la mythologie grecque rattrapés par les lois et les sentiments
des hommes, dans cette campagne française aux traditions
séculaires, ils découpent l’animal, accomplissent le rituel,
sublimisent un peu de leur légende, dans l’horreur de la catabase prochaine; la rivière coule en-dessous, oublieuse, méandre d’un amour malade. Le couteau ne coupe plus mais la mort
est là, elle sonne la curée, elle sonne comme un reproche à
celui des deux qui s’en ira. Une vie repliée, un temps libéré et
une poétique vieillesse s’emparent des images. RY
Mo Gourmelon : Qui est ce couple de paysans ?
Rémy Yadan : Je ne crois pas que la réponse soit nécessaire à
la poétique des images. Je tiens à la notion d’anonymat dans
l’ensemble de mes réalisations et comme vous pouvez le
constater dans cette vidéo, je ne laisse rien paraître qui puisse
donner une quelconque clef, ni sur l’identité du couple de paysans, ni sur la région dans laquelle je les ai filmés. La première
version de la vidéo Du sang au cœur remerciait très simplement
tous les protagonistes actifs et intermédiaires qui m’ont permis
de réaliser ces images. Après réflexion autour de ce travail, j’ai
décidé de me débarrasser du cadre. Il était clairement plus fort
de ne pas inscrire ces données identitaires et matérielles, à
mon goût trop réelles et circonstancielles, pour une œuvre
vidéo qui ne revendique pas sa posture documentaire.
Malgré la vertu tellurique de cette vidéo, j’ai opté pour la laisser
exister comme une irrationnelle parenthèse, sans motif, sans nom
et sans nécessité apparente. La poésie de cette séquence est de ce
fait renforcée. La suspension narrative de cette vidéo n’est donc
plus rattrapée, ni par la racine du nom, ni par la rationalité du
lieu. Cependant, il est important de dire que ces deux « acteurs »
étaient dans leur longue carrière de campagne de véritables éleveurs, bouchers et charcutiers. Cette donnée est sensiblement
importante puisque nous sommes confrontés à un geste quotidien
mais perdu, à une familiarité confuse qui pose la question du souvenir et de la mémoire.
MG : Pourquoi avez-vous décidé de filmer cet abattage ?
RY : Certes, il y a un abattage. Celui du lapin. Hormis les scènes
sanguinaires qui peuvent parfois même alimenter un affreux sentiment de dégoût, la trame et la tragédie de cette réalisation est à
mon sens principalement axée sur : la relation, la dérive amoureuse, l’hégémonie protectrice, la force des rôles, l’opiniâtreté
précise de l’une et l’égarement maladif de l’autre. Cet agencement humain qui mêle à la fois coutume commune et intimité
malade pose la question de la mort sur un plan littéral et sublimé.
L’humour et les écarts des répliques réamorcent aussi la poétique
de cet univers rural.
En second plan seulement, la vidéo pose évidemment la question
de l’alimentation. Dans une société où le commerce Bio explose
face à la mondialisation qui réorganise les marchés, en imposant à
l’Europe des règles hygiéniques qui éradiquent les petits éleveurs
(avec des résultats peu probants en matière de santé publique) ;
j’avais envie de faire la focale sur la mise à mort courante d’un
lapin d’élevage de pleine campagne. Ces dures images de l’égorgement posent aussi la question de la consommation de la viande.
Manger de la viande implique la mort d’un animal. On aurait tendance à l’oublier. Ce lapin met implicitement en rapport le
contexte de la ferme avec celui de l’abattoir.
7
Saison Vidéo 2013
Du sang au coeur (Blood in the heart) focuses on a couple of countryfolk in their privacy: here, killing and
cutting up a rabbit, target of caustic exchanges. A last sacrifice, in the urgency of a darkened memory.
The laughter glosses over the cruelty of the slaughter. Authority is imperious in the death throes. The
bloody gesture is also the confused one of the butcher-cum-executioner, whose gaze seems lost, brought
to bay in gentleness. Like gods of Greek mythology caught by the laws and feelings of people, in this
French countryside with its age-old traditions, they cut up the animal, accomplish the ritual, sublimate
their legend a bit, in the horror of the next katabasis or retreat; the river flows below, forgetful, meander of a sick love. The knife does not cut any longer, but death is there, it tolls the quarry, it tolls like a
rebuke to the one of the two who will go away. A withdrawn life, a time freed, and a poetic old age take
hold of the images. RY
8
Saison Vidéo 2013
Mo Gourmelon: Who is this pair of peasants?
Rémy Yadan: I don’t think the answer is necessary for the
poetics of the images. I hold by the notion of anonymity in
all my works and as you can see in this video, I don’t let anything appear which might offer any kind of key, either about
the identity of the pair of peasants, or about the region
where I filmed them. The first version of the video Du sang
au coeur very simply thanked all the people involved, actively and as intermediaries, who enabled me to produce
these images. After thinking about my work, I decided to get
rid of the frame. It was obviously more powerful not to
include those identity-related and material data which
were, for my taste, too real and factual, for a video work
making no claims to have any documentary stance.
Despite the earthly quality of this video, I decided to let it
exist as an irrational, motif-less parenthesis, with no name
and without any apparent necessity. The poetry of this
sequence is thereby strengthened. So the narrative suspension of this video is no longer caught up, either by the root of
the name, or by the rationality of the place. For all that, it’s
important to say that these two “actors” were, in their lengthy country careers, real farmers and butchers. This fact is
clearly significant because we are faced with an everyday
gesture but one that is lost, and with a confused familiarity
which raises the issue of recollection and memory.
repartee also re-trigger the poetics of this rural world. In the background,
and only there, the video obviously poses the question of food. In a society
where the “Organic” business is exploding in the face of the globalization
that is re-organizing markets, by imposing on Europe health regulations
which are getting rid of small farmers (with not very cogent results in
terms of public health); I was keen to focus on the ordinary killing of a rabbit reared in the depths of the countryside. These hard pictures of its
throat being slit also raise the issue of eating meat. Eating meat involves
the death of an animal. People tend to forget that. This rabbit implicitly
links the farm context with that of the slaughterhouse.
MG: Why did you decide to film that slaughter?
RY: Sure, there’s a slaughter. Of the rabbit. Apart from
bloody scenes which can sometimes even fuel a horrid feeling of disgust, the plot and the tragedy in this work are, to
my eye, focused mainly on: relationship, the drift of love,
protective hegemony, the power of roles, the precise stubbornness of one of the pair, and the sickly distractedness of
the other. This human arrangement which mixes both common custom and sick intimacy raises the issue of death, on a
literal and sublimated plane. The wit and the asides of the
9
Saison Vidéo 2012
JEUDI 14 MARS À 14 H. TOURCOING, ESA NORD-PAS DE CALAIS/DUNKERQUE-TOURCOING
36 BIS RUE DES URSULINES - 59200 TOURCOING - +33 3 59 63 43 20 - http://www.esa-n.info - [email protected]
A R N O L D PA S Q U I E R
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Arnold Pasquier présente La vie continuera sans moi, 2010, 16 mn et L’Italie, 2012, 20 mn
un film en intérieur et un autre ouvert à la ville.
“La vie continuera sans moi” est la dernière phrase prononcée par
Marlène Dietrich dans son dernier film, Gigolo de David Hemmings
(1979). C’est le point de départ pour la production de trois films
de courts métrages réalisés conjointement avec Stéphanie Ditche
et Christophe Pellet (avec Dans la nuit et Plus dure sera la chute),
des fictions dont toutes les répliques sont constituées de dernières
paroles d’acteurs. C’était aussi l’occasion de réaliser, très simplement, dans mon appartement de Charenton-le-Pont un film de
visages, sans scénario, motivé par le désir de rassembler dans un
lieu des personnes que j’aime, pour voir ce qui se passe. La
récente disparition de Pina Bausch, la participation d’une de ses
interprètes (Thusnelda Mercy) a donné au film sa circulation, cette
ronde d’interrogations et d’absence où chacun appelle et regarde
dans une direction qui se dérobe. La danse venant, finalement,
ouvrir une fenêtre vers une promesse de lendemain, une fête ?
L’Italie, c’est l’antithèse de ce court métrage en chambre. Un film
ouvert, en mouvement, uniquement tourné en extérieur dans les
rues du XIII arrondissement de Paris. Un film très écrit (quatre ans
de versions différentes du scénario), produit, tourné en 35 millimètres avec une équipe de 15 personnes. Un film qui tente de saisir un vocabulaire : la marche et le déplacement comme principe
de fiction, l’aventure du parcours agissant comme des accidents
narratifs ; la romance et le sentiment comme intrigue que la
10
parole fait advenir ; enfin la danse et le chant comme
résolution et miracle. L’Italie est un manifeste, j’y rassemble en forme de portrait les principes de ce qui
m’attache au cinéma : un pays que l’on désire et qui se
dérobe à mesure que l’on tente de s’en approcher, une
histoire d’amour qui est un ancrage à partir duquel dériver et la ville faite de surgissements et d’apparitions
pour nous ouvrir à l’inconnu, aux nouvelles histoires.
Arnold Pasquier
“Life goes on without me”… these are the last
words uttered by Marlene Dietrich in her last film,
Just a Gigolo, directed by David Hemmings (1979).
This is the springboard for the production of three
short films made with Stéphanie Ditche and
Christophe Pelley (with In The Night and The Harder
The Fall), fiction films where all the ripostes consist
of actors’ “last words”. It was also a chance to
make a movie, very simply, in my apartment at
Charenton-le-Pont, about faces, with no screenplay,
driven by my desire to bring together in one place
people I like and love, to see what happens. Pina
Bausch’s recent death, and the participation of one
Saison Vidéo 2013
of her dancers (Thusnelda Mercy) meant that the film was
distributed, and there was that round of questions and
absences where everyone calls out and looks in a direction
that shies away. With, in the end, dance coming to open a
window towards a promise of tomorrow, a party?
Italy is the antithesis of that indoor short. An open film, in
motion, shot solely outside in the streets of the 13th arrondissement in Paris. A very scripted film (four years of different
screenplay versions), produced, shot in 35 mm, with a crew
of fifteen people. A film which tries to grasp a vocabulary:
walking and movement/displacement as a principle of fiction,
the adventure of the itinerary acting like narrative accidents;
romance and sentiment as plot, which words bring on; lastly,
dance and song as resolution and miracle. Italy is a manifesto,
in it I bring together in portrait form the principles of what
links me to film: a country that you desire and which steals
away as you try to draw closer to it, a love story which is a
mooring from which to drift off, and the city made up of emergences and appearances to open us up to the unknown, and
new stories.
Arnold Pasquier
11
Saison Vidéo 2013
La vie continuera sans moi, 2010, 16 mn
avec Hugo Godart, Mickaël Phelippeau, Livio Garuccio et
Thusnelda Mercy
Il s’agit d’un film sur le deuil pour faire quelque chose de la disparition de Pina Bausch. Dans un appartement, trois hommes et une
femme cherchent quelque chose, qui manque. La disparition de la
chorégraphe Pina Bausch m’inspire une danse des sentiments.
Exprimer l’inconsolable en nous, creuser l’absence et la désolation
et nous rendre à notre dignité. AP
This is a film about mourning, to do something about the death of
Pina Bausch. In an apartment, three men and a woman are looking
for something that is missing. The death of the choreographer Pina
Bausch inspires in me a dance of feelings. Expressing what is inconsolable in us, looking into absence and desolation, and restoring
our dignity to ourselves. AP
12
Saison Vidéo 2013
L’Italie, 2012, 20 mn
Paolo veut aller en Italie pour oublier son chagrin d’amour. Arthur lui propose un étonnant raccourci : tous
les chemins mènent-ils à Rome ? Le désir du film est né d’une promenade dans le XIII arrondissement de
Paris. J’imagine alors une histoire d’amour qui se déroule - au sens propre - le long d’un chemin mais qui
s’établit sur un manque : un amour disparu et l’Italie où Paolo souhaiterait se rendre. Un passeur magicien
l’entraine par un détour dans une ville qui est un théâtre vertigineux où du banal surgit le merveilleux. AP
Paolo wants to go to Italy to forget his disappointment in love. Arthur suggests a surprising short-cut:
all roads lead to Rome, don’t they? The desire to make this film stemmed from a walk in the 13th arrondissement in Paris. Then I imagine a love story that unfolds—literally—along a road, but which is set up
on something missing: a love that is no more, and the Italy where Paolo would like to go. A passer-by
who is a magician draws him, by way of a detour, into a city which is a dizzy-making theatre where
something wonderful emerges from the commonplace. AP
13
Saison Vidéo 2013
1 8 M a r s - 1 e r Av r i l 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
DANCERS
La fée Utopia, Sarah Blouin, Emmanuel Eggermont, The Tun3r et la danseuse au
Bangladesh : artistes, danseurs et performer, ils s’en remettent à la danse.
The fairy Utopia, Sarah Blouin, Emmanuel Eggermont, The Tun3r and the dancer
in Bangladesh: artists, dancers and performers, dancing again.
Véronique Hubert
Danser avec Grisélidis, 2012, 5 mn 29
Ecrivaine, peintre et prostituée genevoise,
Grisélidis Réal (1929-2005), surnommée la “catin
révolutionnaire”, a souvent été censurée de son
vivant. Deux pages, écrites et publiées en 1971
sont murmurées par l’artiste Ninar Esber au Liban,
et moi-même à Paris. Grisélidis Réal y dénonce la
diabolisation de la sexualité, qui domine celle des
femmes. Utopia accueille un(e) à un(e) des
femmes et des hommes dans son cube transparent
le temps d’une danse intime. Elle semble évoquer
l’apaisement humain que procure les bienfaits de
la prostituée, et du sexe une fois dépouillé de la
domination et du profit. VH
Grisélidis Réal (1929-2005), nicknamed the “revolutionary trollop”, was a Genoese writer, painter and prostitute
who was often censured in her lifetime. Two pages, written and published in 1971, are read in a whisper by the
artist Ninar Esber in Lebanon, and myself in Paris. In them, Grisélidis Réal rails against the demonization of
sexuality, which dominates that of women. One by one, Utopia takes women and men into its see-through cube
for as long as an intimate dance lasts. There is an apparent evocation of the human alleviation obtained by the
benefits of the prostitute, and of sex once stripped of domination and profit. VH
14
Saison Vidéo 2013
Sarah Blouin
Tableaux, 2009, 10 mn 38
Un des points de départ de Tableaux est la peinture, celle
notamment qui affirme l’acte d’empreinte. L’espace pictural y
est rejoué de manière toute personnelle. J’effectue dans un rectangle de poudre blanche (talc) diverses traversées, des
marches, des petits sauts, des pas empruntés à un vocabulaire
de base de danse. Au gré des passages, la forme géométrique initiale s’abîme pour, à la fin, disparaître tout à fait. SB
One of the points of departure of Tableaux (Pictures) is painting, in particular the painting which asserts the act of imprinting. The pictorial space is re-enacted here in a very personal
way. In a rectangle of white powder (talc), I make various traverses, walks, little jumps and steps borrowed from a basic
dance vocabulary. With the various passages, the initial geometric form is broken up and, at the end, vanishes altogether. SB
Elise Vandewalle
Phantoms suns, 2011, 3 mn
Dans le film Phantom suns, Emmanuel Eggermont tire une
corde invisible entre une petite sculpture, copie romaine
d’un éphèbe de Praxitèle et l’image d’un jeune soldat tombé
au combat. Entre l’érigé et l’écroulé, entre le mort et le toujours vivant, il donne naissance à une danse immiscée dans
l’interstice qui sépare les deux figures. EW
In the film Phantom Suns, Emmanuel Eggermont draws an
invisible string between a small sculpture, a Roman copyof
an Adonis or ephebe by Praxiteles, and the image of a young
soldier killed in combat. Between the erected and the collapsed, between death and what is still living, he gives birth
to a mixed dance in the interstice separating the two
figures. EW
15
Saison Vidéo 2013
Arnaud Dezoteux
Hardstyle Lover, 2011, 5 mn 22
Anthony Lamarre, alias The Tun3r, est en plein tournage d’un clip de Jumpstyle (danse et style de techno né dans
les années 90 en Belgique). Alors que les décors virtuels sont déjà en place, une partie de la production semble
être encore à un stade de test technique : il n’y a pas de montage ou de doublage sonore, la caméra hésite entre
différentes valeurs de plans. À travers ces conditions de production instables, The Tun3r chante et danse en suivant ses propres motivations. On voit alors comment un jeune adolescent s’empare d’un environnement abstrait
pour le maîtriser et venir à bout d’une situation qui le met finalement à l’honneur. AD
Anthony Lamarre, alias The Tun3r, is in the middle of shooting a Jumpstyle clip (a techno dance and style
which hit the scene in the 1990s in Belgium). While the virtual sets are already set up, part of the production seems to be still in the technical test stage: there is no editing, and no sound over-dub; and the camera
is wavering between different shot values. Through these unstable production conditions, The Tun3r sings
and dances, following his own nose. We then see how a young teenager appropriates an abstract environment in order to control it and bring full circle a situation which finally gives him pride of place. AD.
16
Saison Vidéo 2013
Arnold Pasquier
La chanteuse et le ver de terre, 2010, 12 mn
Le film est tourné dans une base de loisirs à Nilachal, près de la ville de Bandarban, dans les Chittagong Hills Tratcs au Bangladesh.
La région est le théâtre, depuis le début des années 70, d’une révolte de la population locale, les Adivasis, qui a vu ses terres confisquées au profit d’une migration massive de Bengalis. La base de loisirs est installée sur une colline sacrée qui domine la région. Les
habitants du village voisin payent un droit d’entrée pour tenir des buvettes au service des touristes. Alors que la chanteuse patiente,
un ver de terre imaginaire perturbe le tournage de son clip. AP
The film is shot in a leisure centre at Nilachal, near the city of Bandarban, in the Chittagong Hill Tracts, the
only really hilly area in Bangladesh. Since the early 1970s, this region has been the theatre of an uprising
by the local populace, the Adivasi, who have seen their lands confiscated to usher in a massive migration
of Bengalis. The leisure centre is set up on a sacred hill which overlooks the region. The inhabitants of the
neighbouring village pay an entrance fee to set up refreshment stalls for tourists. While the singer bides her
time, an imaginary earthworm disturbs the filming of her clip. AP
17
Saison Vidéo 2013
JEUDI 28 MARS 2013 À 14 H. ESAAT (ÉCOLE SUPÉRIEURE DES ARTS APPLIQUÉS ET DU TEXTILE)
539 AVENUE DES NATIONS UNIES – 59100 ROUBAIX - +33 3 20 24 27 77 – [email protected] - www.esaat-roubaix.com
L A U R A H U E R TA S M I L L A N
Voyage en la terre autrement dite, 2011, 23 mn 30, et Aequador, 2012, 20 mn
Productions le Fresnoy, Studio national des arts contemporains
18
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Saison Vidéo 2013
Laura Huertas Millan présente les deux films qu’elle a réalisés au Fresnoy. Ces deux films mettent
en avant la cohérence de sa quête d’une figure de l’Ailleurs imaginaire et fantasmé, liée aussi à des
violences perpétrées souvent tues.
Voyage en la Terre Autrement Dite et Aequador s’inscrivent
tous les deux dans une série commencée en 2009 autour de la
notion d’“exotisme”. Cette série se décline pour l’instant en
cinq pièces : Sin Dejar Huella (Sans laisser de trace, 2009),
Voyage en la Terre Autrement Dite (2011), Aequador (2012)
ainsi que deux films en cours, Orénoque tourné en super 8
dans la serre tropicale du parc de la Tête d’Or à Lyon et
Evaristo, tourné en Amazonie Colombienne.
Cette série prend sa source dans une trouvaille faite au Chili
d’un livre de photographies représentant des indigènes
Mapuches au Jardin du Luxembourg à Paris au début du XXe
siècle. Ils y sont exhibés, probablement dans le cadre d’un zoo
humain comme ceux fleurissant lors des expositions coloniales
de cette époque. Le souvenir poignant des images de ces
hommes disparus, exilés de force et exhibés en France m’a
longtemps hantée et a resurgi lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux lieux, à Paris, représentant l’Ailleurs exotique et
tropical.
En effet, c’est en recherchant des décors pour un film mettant
en scène un texte, écrit par mon père, sur la disparition (l’histoire qu’il raconte en voix off dans Sin Dejar Huella (Sans laisser de trace) que je me suis intéressée à l’histoire des jardins
“tropicaux” en France : le jardin d’acclimatation, le jardin
tropical à Paris, par exemple. Ces lieux sont intrinsèquement
liés à l’histoire du colonialisme. Certains d’entre eux ont été
construits pour accueillir les expositions coloniales, mettant
en scène parfois dans des répliques architecturales ou espaces clos
des indigènes en provenance de l’Afrique, de l’Amérique et de
l’Océanie. L’idée de jardin tropical s’est déclinée par la suite dans
la figure de la serre tropicale et par extension de la jungle.
C’est la raison pour laquelle le titre “Un effet de jungle” m’a
immédiatement frappée, c’est en effet une question qui me fascine depuis maintenant quelques années : une figure de l’Ailleurs
imaginaire et fantasmé, mais aussi un relent ou une survivance,
trace “travestie” d’une histoire de violences.
Je voudrais donc proposer de mettre en lumière trois travaux dont
le lien se tisse en profondeur, et dont chacun est le résultat
logique du précédent. Ces trois films sont donc Sin Dejar Huella,
Voyage en la Terre Autrement Dite et Aequador. Sin Dejar Huella
a une autre facture dans sa réalisation, plus précaire probablement, mais s’y dessinent les enjeux des deux films suivants : l’évocation d’une Histoire dont subsistent très peu de traces (des traces
souvent manipulées ou effacées sciemment), le fragment de jardin
qui par sa dé-contextualisation évoque ou fait surgir l’archétype
de la jungle. Il me semble aussi que les renvois formels entre la
chanteuse et la femme camouflée, entre le bosquet devenu jungle
d’où elle surgit et le chasseur montré par fragments dans la forêt
amazonienne, ou enfin le récit en voix off de Sin Dejar Huella évoquant une histoire dont on a effacé toutes les traces et la fête indigène de la fin d’Aequador (des survivants d’un autre temps dont
l’existence est en permanence menacée) font sens et existent
ensemble.
Laura Huertas Millan
19
Saison Vidéo 2013
Laura Huertas Milan is showing the two films she made at Le Fresnoy. These two films highlight the coherence of her quest for a figure from an imaginary and fantasized Elsewhere,
also bound up with acts of violence that are committed and often hushed up.
Voyage en la Terre Autrement Dite (Journey to the Land
Otherwise Described) and Aequador are both part and parcel
of a series begun in 2009 around the notion of “exoticism”.
This series currently consists of five films: Sin Dejar Huella
(Without Leaving a Trace), 2009, Voyage en la Terre
Autrement Dite, 2011, and Aequador, 2012, as well as two
films currently being made, Orénoque (Orinoco), shot in
Super-8 in the tropical glasshouse of the Tête d’Or park in
Lyon, and Evaristo, filmed in Colombian Amazonia.
The source of this series lies in a discovery made in Chile of a
bookiof photographs depicting Mapuche natives in the Jardin
du Luxembourg in Paris in the early 20th century. They are on
display there, probably as part of a human zoo akin to those
which burgeoned during the colonial exhibitions of that
period. The poignant memory of these vanished people, forced into exile and exhibited in France, has haunted me for
many years, and came back to the surface when I started
becoming interested in venues and places, in Paris, representing an Elsewhere that is exotic and tropical.
It was actually by looking for décors for a film presenting a
script, written by my father, about disappearance (the story
he tells in a voice-over un Sin Dejar Huella) that I became
interested in the (hi)story of “tropical” gardens in France: the
jardin d’acclimatation, the tropical gardens in Paris, for
example. These places are intrinsically bound up with the history of colonialism. Some of these gardens were built to
accommodate colonial exhibitions, at times presenting natives
20
hailing from Africa, the Americas and Oceania in architectural
replicas and enclosed areas. The idea of the tropical garden
then developed into the figure of the tropical glasshouse or
greenhouse, and by extension the jungle.
This is why the title “A Jungle Effect” instantly struck me. It is
in fact an issue that has been fascinating me now for several
years: a figure of an imaginary and fantasized Elsewhere, but
also a residue or a survival, a “disguised” trace of a history of
acts of violence.
So I would like to suggest highlighting three works where the
link is deeply woven, each one of which is the logical outcome
of the one before. These three films are Sin Dejar Huella
(Without Leaving a Trace), Voyage en la Terre Autrement Dite,
and Aequador. The first one has another style in the way it is
made, probably more precarious, but in it the challenges of the
next two films are traced out: the evocation of a History, very
few signs of which remain (signs often shrewdly manipulated or
deleted), the fragment of garden which, by its de-contextualization, conjures up or brings forth the archetype of the jungle.
It also seems to me that the formal references between the
female singer and the camouflaged woman, between the copse
become jungle, from where she looms up, and the hunter
shown in fragments in the Amazon forest, or lastly the voiceover narrative in Sin Dejar Huella evoking a history where all
traces have been erased and the native feast at the end of
Aequador (survivors of another time, whose existence is being
forever threatened) make sense and exist together.
Laura Huertas Millan
Saison Vidéo 2013
21
Saison Vidéo 2013
2 - 1 4 Av r i l 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
UN EFFET DE JUNGLE
Ces vidéos explorent le potentiel imaginaire lié à la jungle.
Un imaginaire qui se substitue aux faits avérés difficiles à admettre.
These videos explore the imaginary potential linked to the jungle.
An imaginariness that replaces proven facts that are not easy to admit.
Simon-Pierre Coftier
Palanakili, 2010, 9 mn 40
Dans l’école d’un village amérindien de Guyane, des enfants s’exercent
à la lecture. Dans cet espace improbable en lisière de forêt amazonienne, tout autant lieu d’apprentissage que d’acculturation,
résonne le récit mythique de l’arrivée des premiers blancs sur les
côtes amérindiennes. Collecté par des ethnologues, transcrit, traduit et imprimé dans un livre, ce mythe issu d’une culture orale est
passé de l’expérience vivante de la narration à l’espace silencieux
de la page imprimée. Les enfants redonnent corps et vie à ce texte,
mais l’oralité n’en reste pas moins assujettie à l’écrit. S-P C
In the school of an Amerindian village in Guyana, children are
doing reading exercises. In this unlikely area on the edge of the
Amazon forest, as much a place of apprenticeship as of acculturation, the mythical tale of the arrival of the first white man
on Amerindian shores rings out. Collected by ethnologists,
transcribed, translated and printed as a book, this myth, issuing
from an oral culture, has moved from the living experience of
narrative to the silent space of the printed page. The children
restore blood and flesh to this text, but, for all this, oralness
remains subordinate to what is written. S-P C
22
22
Saison Vidéo 2013
Anne Durez
Mlua, 2007, 11 mn 58
Un homme est progressivement aveuglé par la pluie en pleine lecture
de l’Aveuglement de José Saramago. Mlua signifie en dialecte Baham
ouest du Cameroun une sensation atmosphérique liée au brouillard,
au manque de visibilité. AD
Nicolas Carrier
Mr. Robinson, 2012, 7 mn 26
A man is gradually blinded by rain as he is absorbed in reading
José Saramango’s book Blindness. In the Baham dialect in western Cameroon, Mlua means an atmospheric sensation associated with fog, and a lack of visibility. AD
Un homme explore la Palm House de Belfast, un jardin d’hiver
construit en 1840, et réveille le potentiel d’imaginaire de la jungle
tropicale. NC
A man explores Palm House in Belfast, a winter garden built in
1840, and re-awakens the imaginary potential of tropical
jungle. NC
23
Saison Vidéo 2013
Laura Huertas Millan
Sin Dejar Huella, 2009, 2 mn 58
Un homme nous raconte, en off, la mort accidentelle d’un ouvrier dans son quartier lors
d’une fusillade. Les voisins, témoins de l’événement, s’évertuent à en nettoyer toutes les
traces avant même l’arrivée des secours. En contrepoint à cette histoire apparaissent à
l’image un paysage et une femme. Elle s’avance vers la caméra en chantant un bullerengue, chant traditionnel colombien des cimarrones, les premiers esclaves rebelles. Ce
chant puissant et sa présence rentrent en claire opposition avec le récit de la disparition
scandé par la voix, comme pour le combattre ou lui résister. LHM
In voice-over, a man describes the accidental death of a worker in his neighbourhood during a shoot-out. The neighbours, who witness the event, do their utmost to erase all traces before the rescue services arrive. As a counterpoint
to this story, we see appear a landscape and a woman. She moves toward the camera singing a bullerengue, a traditional Colombian song of the cimarrones, the first rebel slaves. This powerful song and her presence clash visibly with
the tale of the death chanted by the voice, as if to combat or resist it. LHM
24
Saison Vidéo 2013
Basim Magdy
Time Laughs Back at You Like a Sunken Ship, 2012, 9 mn 31
La scène se déroule dans l’environnement clos d’une serre isolée. Un homme est assis, équipé d’un mystérieux système réfléchissant. Ce qu’il voit à travers les œilletons ressemble à ce qui se reflète à sa surface. Le
temps passe dans sa propre ombre tandis que la réalité et sa représentation se confondent. L’homme attend
que quelque chose se passe. Un navire danse à l’horizon. Un entrelacs de ruines et monuments antiques se
mêle à celles de sociétés modernes avortées. La lumière se répand dans la caméra et sur la pellicule, créant
une impression d’imprévu poétique. Le protagoniste commence à s’ennuyer, se lève et se met à marcher en
rond. La bande son s’intensifie, mais rien ne se passe. Il se rassoit alors que la nuit commence à tomber. La
dernière scène (la plus longue) montre le temps qui se consume dans sa propre obscurité, au rythme du balancement d’un arbre. BM
An enclosed environment of isolated
preservation is the setting. A man sits
with his mysterious reflective device.
What he sees through its eyeholes
resembles what is reflected on its surface. Time passes in its own shadow
as reality and its representation
merge. The man waits for something
to happen. A ship dances on the horizon. Intricate ancient ruins and monuments intertwine with failed modern
societies. Light leaks through the
camera and onto the film, creating a
sense of poetic unexpectedness. The
protagonist gets bored, stands up and
starts walking around in circles. The
soundtrack becomes more intense.
Nothing happens. He sits down again
as night starts falling. The last scene
– the longest – shows time consuming
itself in its own darkness as a tree
swings back and forth. BM
25
Saison Vidéo 2013
JEUDI 4 AVRIL À 19 H 30. LILLE, CAUE DU NORD
98 RUE DES STATIONS - 59000 LILLE - + 33 3 20 57 67 67 - www.caue-nord.com
TA D Z I O
Projection et rencontre organisées dans le cadre du cycle
“Architectures filmées” 2012-2013, programmé par le CAUE du
Nord et le Goethe-Institut, Lille.
Après les artistes Andreas Fohr, Cédrick Eymenier, Anu Pennanen,
Patrice Goasduff, Raphaël Grisey, Tadzio nous livre ses visions de villes.
After the artists Andreas Fohr, Cédrick Eymenier, Anu Pennanen,
Patrice Goasduff and Raphaël Grisey, Tadzio offers us his visions of
cities.
C’est lors d’un séjour de plusieurs mois à Bangkok que j’ai découvert
l’univers des mégapoles. Ayant grandi à Paris, où l’histoire imprègne
chaque bâtiment, le caractère impersonnel et écrasant des villes
asiatiques modernes m’a profondément interpellé. J’ai alors entamé
plusieurs séries photographiques interrogeant la relation de l’homme
à son environnement urbain.
Dans mon travail de vidéaste, je filme en plans fixes les mouvements
et les tressautements des villes, en les privant de son. À travers l’utilisation d’images floues, j’aime ainsi apporter une texture poétique à
un cadre qui en est a priori dénué. Cela permet d’accéder à une autre
dimension, quasi surréelle, des villes. Il m’arrive aussi de filmer à
grande vitesse, comme s’il s’agissait d’une traversée fulgurante. Ce
mode opératoire crée une vision survolée à laquelle, à ma demande,
un musicien ajoute un son accablant. Cela permet de dire toute
l’absurdité du rapport entre l’homme contemporain et un urbanisme
stérile, qu’il n’a pas encore eu le temps d’imprégner de son individualité. Ce survol, qui exacerbe le flou et l’évanescence du sujet filmé,
rappelle à quel point on oublie de s’interroger sur le sens de la vie
urbaine.
26
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
J’envisage les villes comme des êtres vivants, autonomes, qui
respirent. Elles sont notre enveloppe, une peau où l’on habite et
qui nous absorbe. Je trouve donc intéressant de m’en extraire afin
de porter sur elles un regard lucide mais qui distord leur réalité.
D’ailleurs, mon travail ne se veut ni documentaire ni didactique. Il
entend simplement offrir un survol, une traversée, une plongée
onirique.
Je suis attiré par les villes qui n’ont pas eu le temps de se forger
une histoire architecturale. À l’inverse des métropoles européennes qui ont traversé les guerres et les générations, et dont
l’évolution est lente et continue, les mégapoles ne cessent de se
détruire et de se reconstruire. Elles sont engendrées par la société
qui nous entoure et nous sont presque entièrement contemporaines. Leur absence de charme devient alors une substance où
puiser de la beauté. Ces villes sont rarement structurées, et c’est
dans leur chaos que je recherche une cohérence. J’aime travailler
la “matière urbaine”, une matière malléable, en mutation et en
perpétuel mouvement.
Ma première vidéo est l’extension d’une série photographique. Il
s’agit d’un plan fixe, sans son. À l’inverse, certaines photographies
sont une décomposition de mouvements, formant l’équivalent
d’une seconde de film. J’utilise donc toujours un mode à la frontière de l’autre.
Certaines villes, comme Kuala Lumpur ou Bangkok, m’inspirent
plutôt l’utilisation de la vidéo. Cela vient de leur caractère effréné
qui demande spontanément une image en mouvement. Mais ce
choix peut être aussi commandé par le bruit, la chaleur ou l’odeur.
Au contraire, des environnements plus statiques, comme Paris (à
l’exception du périphérique) ou Tokyo, m’inspirent plutôt une douceur que j’ai envie de figer. C’est une histoire qui se raconte en
silence.
Tadzio
Saison Vidéo 2013
27
Saison Vidéo 2013
28
Saison Vidéo 2013
It was during a stay of several months in Bangkok that I discovered the
world of megalopolises. Having grown up in Paris, where every building
is steeped in history, the crushing and impersonal nature of modern
Asian cities has exercised me a great deal. So I embarked on several
photographic series questioning man’s relationship to his urban surroundings.
In my work as a video-maker, I use static shots to film the movements
and judders of cities, removing all sound from them. So through the
use of blurred images, I like to introduce a poetic texture into a framework which, on the face of it, is bare. This makes it possible to have
access to another almost surreal dimension of cities. Sometimes I also
manage to film very fast, as if what were involved is a lightening traverse. This modus operandi creates a skimmed vision to which, at my
request, a musician adds an overwhelming sound. This makes it possible to express the whole absurdity of the relation between contemporary man and a sterile urbanism, which he has not yet had time to
steep with his individuality. This skimming element, which exaggerates
the blurredness and evanescence of the subject filmed, reminds us
how much we keep forgetting to question ourselves about the meaning
of city life.
I see cities like living, autonomous beings which breathe. They are our
envelope, a skin in which we live, and which absorbs us. So I find it
interesting to remove myself from them in order to cast a lucid eye on
them, but one which distorts their reality. What’s more, my work is not
intended to be either documentary or didactic. It simply wants to offer
a quick look, a passage through, a dreamlike plunge.
I’m attracted by cities which haven’t had time to forge an
architectural history for themselves. Unlike the European
metropolises, which have gone through wars and generations,
and whose development is slow and on-going, other megalopolises are forever being destroyed and rebuilt, They are brought
into being by the society surrounding us, and are almost totally
contemporary with us. Their lack of charm thus becomes a
substance from which to service beauty. These cities are rarely
structured, and it’s in their chaos that I look for a coherence.
I liking working the “urban matter”, a malleable matter, changing and in perpetual motion.
My first video is the extension of a photographic series. It
involves a static shot, with no sound. Conversely, some photographs are a breakdown of movements, forming the equivalent
of a second of film. So I invariably use a method that is on the
boundary of the other.
Some cities, like Kuala Lumpur and Bangkok, tend to inspire
me to use video. This comes from their frenzied character
which spontaneously calls for an image in motion. But this
choice can also be dictated by noise, heat and smell. On the
other hand, more static environments, like Paris (with the
exception of the ring-road) and Tokyo, tend to inspire in me a
gentleness which I want to hold on to. It’s a story that’s told in
silence.
Tadzio
29
Saison Vidéo 2013
1 5 Av r i l - 5 M a i 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
G H O S T TO W N # 3
Marcel Dinahet
Famagusta-Varosha 1, Chypre (côté turc) 2009, 4 mn 33
L’année dernière GHOST TOWN #1 et GHOST TOWN #2 ont fait
réagir les artistes qui nous ont adressé leurs films récents. Ainsi
se poursuit en 2013 le programme. Que reste-t-il des villes
vidées sous la contrainte de conflits politiques ou de récessions
économiques ? Famagusta-Varosha à Chypre, ville gardée par
l’armée, émerge de son front marin. La ville de Cairo, située à
la confluence des rivières Ohio et du Mississippi, se désagrège.
Une nouvelle vision de l’aéroport Berlin-Tempelhof est proposée par Sun Noh. Elle fait écho à celle de Maria Frycz, l’année
dernière. A Tanger, projet et réalité se scrutent.
Last year Ghost Town #1 and Ghost Town #2 elicited
reactions from the artists who submitted their recent
films to us. So the programme is being carried on in
2013. What remains of cities gutted by the constraints
of political conflicts and economic recessions?
Famagusta-Varosha in Cyprus, a city guarded by the
army, looms up from its sea front. The American city of
Cairo, lying at the confluence of the river Ohio and the
river Mississippi, is breaking apart. A new vision of the
Berlin-Tempelhof airport is being proposed by Sun Noh.
It echoes the one proposed by Maria Frycz, last year. In
Tangiers, project and reality eye one another.
30
Production Suspendedspaces, Amiens
La ville de Famagusta-Varosha à Chypre a été vidée de ses habitants par l’armée turque en 1978. C’est une ville fantôme vide
qu’il est interdit de photographier et de filmer. Elle est gardée par
l’armée. MD
The city of Famagusta-Varosha in Cyprus was emptied of its inhabitants by the Turkish army in 1978. It is an empty ghost town
which you are not allowed to photograph or film. It is guarded by
the army. MD
Saison Vidéo 2013
Pieter Geenen
Nocturne #2, 2012, 12 mn
Production : Cultuurcentrum Brugge with the support of Flemish Community
Filmé à l’aide d’un téléphone portable au printemps 2011, Nocturne #2 montre les rues et places du
centre de Téhéran la nuit, lorsqu’il est au plus calme. Dans l’histoire récente, le quartier de la tristement célèbre Tour Azadi (Tour de la Liberté) fut le théâtre d’une série de contestations, manifestations, et d’une violente répression. La Révolution Iranienne de 1979 et les manifestations nationalistes et patriotiques qui s’ensuivirent au cours de la guerre Iran-Irak, ainsi que les conséquences de
l’élection présidentielle de 2009, sont autant d’éléments de notre mémoire collective. Au moment
où le film a été tourné, le dénommé “Printemps Arabe” occupait un rôle déterminant dans la vie du
monde arabe. Les Révolutions qui éclatèrent dans ces pays furent déclenchées par des actes de résistance dans ces mêmes rues et sur ces mêmes places locales. PG
Registered with a mobile phone camera in the
spring of 2011, Nocturne #2 shows the central
lanes, squares and streets of Tehran at night,
at the most quiet moment of the day. In recent
history, the area around the infamous Azadi
Tower (Freedom Tower) was the backdrop of
various protests, demonstrations, and violent
repression. The Iranian Revolution of 1979 and
the nationalistic and patriotic demonstrations
during the following Iran-Iraq War, or the
aftermath of the 2009 presidential elections
are part of our collective memory. At the
moment of filming, the so called “Arabic
Spring” determined life in the Arabic world.
Revolutions in these countries started after
acts of resistance on the infamous local
streets and squares. PG
31
Saison Vidéo 2013
Jacob Cartwright & Nick Jordan
Cairo : the breaking up the ice, 2009, 16 mn
Cairo conte le récit que l’ornithologue du 19e siècle John James Audubon fit des six semaines qu’il
passa isolé à la confluence de l’Ohio et du Mississippi, en 1810. C’est à cet emplacement que se
trouve aujourd’hui la ville de Cairo, à la pointe sud de l’Illinois. Coincée entre les deux fleuves et
entourée de digues, Cairo, qui fut jadis une ville prospère, est désormais en grande partie à l’abandon et délabrée. Le film explore les environnements à la fois naturels et artificiels qui bordent le
haut Mississippi, jusqu’au segment final où la désolation de l’ancien centre commercial de Cairo sert
de toile de fond au récit dramatique de l’épreuve d’Audubon. JC&NJ
Cairo features 19th century ornithologist John
James Audubon’s tale of the six weeks he
spent stranded at the frozen confluence of
the Ohio and Mississippi rivers, in 1810. Today
this is the location of Cairo, a town at the southernmost tip of Illinois. Wedged between the
two rivers, and encircled by levees, the once
prosperous Cairo is today a largely abandoned
and derelict town. The film explores both
manmade and natural environments along the
frozen upper Mississippi, leading to a concluding segment where Audubon’s dramatic narrative of hardship is set against the desolation
of Cairo’s historic commercial centre. JC&NJ
32
Saison Vidéo 2013
Safia Benhaïm
Cap Tingis, 2012, 6 mn
Production : Red Shoes, avec l’aide du CNAP
Sun Noh
Tempelhof, Janvier 2012, 2012, 11 mn
A Tanger, au bord d’une route, un panneau invite à venir visiter un
appartement témoin dans une résidence en construction. Sur l’affiche, un homme est dessiné, habitant virtuel de la résidence dominant la mer. L’homme accoudé à son balcon regarde. Un grincement
sourd résonne : deux enfants jouent à la balançoire. Les regards des
enfants vivants et de l’homme virtuel s’échangent, se croisent, habitants d’un même entre-monde. SB
Issu de captations de l’ancien aéroport de Berlin-Tempelhof, le film
s’ouvre sur un horizon monumental. Ce fut bien ici qu’Hitler prononça un discours devant plus d’un million de personnes. Le film propose de contempler ce paysage à la fois vide et plein, en tant que
monument fantôme, en projetant la part invisible qui imprègne ce
lieu historique. SN
In Tangiers, beside a road, a board invites people to visit a show
apartment in a residential complex under construction. On the
poster, there is a drawing of a man, a virtual occupant of the residence overlooking the sea. The man, with his elbows propped on
his balcony, is looking out. There is a dull creaking sound: two
children are playing on a swing. The eyes of the living children
and the virtual man intersect, overlap—inhabitants of a same inbetween world. SB
Resulting from shots of the old Berlin-Tempelhof airport, the film
opens with a monumental skyline. It was indeed right here that
Hitler delivered a speech before more than a million people. The
film offers us a contemplation of this landscape which is both
empty and filled, as a ghostlike monument, by projecting the invisible part which steeps this historic place. SN
33
Saison Vidéo 2013
6 – 2 0 m a i 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
G H O S T TO W N # 4
L’année dernière Ghost Town #1 et Ghost Town #2 ont fait réagir les artistes qui nous ont
adressé à leur tour leurs films récents. Ainsi se poursuit en 2013 le programme. Cork, Bakou,
Bamako, Moscou, si distantes donnent à voir des formes de désolation et d’effacement.
Last year Ghost Town #1 and Ghost Town #2 elicited reactions from the artists who submitted their recent films to us. So the programme is being carried on in 2013. Cork,
Baku, Bamako, Moscow, all so far away from each other, present forms of desolation and
erasure.
Nicolas Carrier
It’s the ghost, 2012, 6 mn 15
Tournée dans les “ghost estates” de Cork en Irlande,
cette vidéo explore la manière dont les enfants et les
adolescents se réapproprient ces lotissements inachevés ou partiellement inoccupés en raison de la récession des années 2000. NC
Shot in the ghost estates of Cork, in southern
Ireland, this video explores how children and teenagers re-appropriate these unfinished or partly
unoccupied housing estates because of the recession
of the 2000s. NC
34
Saison Vidéo 2013
François Daireaux
Surface, 2003, 16 mn
Lingjie Wang
Flotter dans le noir, 2011, 6 mn 36
Que ce soient des installations, des photographies ou des images en
mouvement dans lesquelles les espaces publics et privés, intérieurs
et extérieurs se télescopent, toutes ces zones finissent par s’imbriquer dans le réel et raconter un récit fragmenté, une sorte de simulacre supplanté par son propre pouvoir fictionnel. Surface a été réalisé dans les champs de dériks à Bakou en Azerbaïdjan. FD
Be it installations, photographs or moving images in which
public and private places, interiors and exteriors are imbricated, all these zones end up by becoming dovetailed in reality,
and telling a fragmented tale, a sort of simulacrum replaced
by its own fictional power. Surface was filmed in the oil fields
of Baku in Azerbaijan. FD
Déambulation dans la nuit. Vidéo tournée à Bamako au Mali, dans
le quartier Djicoroni Para, avec l’appel du muezzin radiodiffusé.
Par manque d’éclairage public, le paysage de la rue ne nous est
plus familier. Tout l’environnement a changé. Les maisons, les surfaces, les déchets, les plantes, jusqu’aux vêtements des passants,
tout se fond dans le noir. LW
A night stroll. A video filmed in Bamako, in Mali, in the
Djicoroni Para neighbourhood, with the muezzin’s radiobroadcast call to prayer. Because of a lack of public lighting,
the landscape of the street is no longer familiar to us. The
whole environment has changed. The houses, surfaces, rubbish, plants, and even the clothes worn by passers-by, all
blend into one in the darkness. LW
35
Saison Vidéo 2013
Matthew Verdon
One thing after another, 2012, 8 mn 30
Cette œuvre superpose des images d’une sculpture vieillissante de Donald Judd et un dialogue sur
l’adaptation, les fonctions et les structures résiduelles biologiques. Il en résulte une mise en question
de l’original, ainsi que du rôle de l’art dans la société, du potentiel inhérent ou de l’usage de structures physiques, sociales ou historiques, et de la perméabilité ou de la résistance au changement. MV
The work juxtaposes images of an ageing Donald Judd sculpture with a dialogue about biological adaptation, function and vestigial structures. The result is a questioning of the original as well as the role of art
in society, the inherent potential or use of physical, social and historical structures and permanence or
resistance to change. MV
36
Saison Vidéo 2013
Yakov Kazhdan
Golden mile, 2011, 11 mn
Production Warsaw Museum of Modern Art
Golden mile est le nom que les habitants donnent à ce lieu. Les promoteurs immobiliers ne l’apprécient
guère, mais il est désormais très utilisé. Le but de la vidéo est de mettre
en scène le silence qui y règne. Filmée
du point de vue d’un piéton, elle montre combien ce nouveau paradis néomoderne pour les ultra-riches en plein
cœur de Moscou influence la vie de la
population locale. Même les agents de
sécurité dans la rue sont glacés, battus
par le vent qui secoue les arbres. Le
film, qui débute par un récit nostalgique, se transforme en documentaire
sur une nouvelle facette méconnue de
Moscou. YK
Golden mile is a name given to this place by the citizens. The developers don’t like it
but it is already become widespread. The film is aimed to display the silence of the
place. Shooted from a position of a standing person it shows how this new-modernistic ultra-rich paradise in the heart of Moscow influences the people here. Even the
security guys on the street are froozen, while the wind is moving the trees. The film
started from the nostalgic moments transforms to a document of the unknown New
Moscow. YK
37
Saison Vidéo 2013
MERCREDI 15 MAI 2013 À 20 H 30. LILLE, CENTRE D’ARTS PLASTIQUES ET VISUELS
4 RUE DES SARRAZINS – 59000 LILLE – +33 3 20 54 71 84 – [email protected] - http://capv.mairie-lille.fr
CHRISTIAN BARANI
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Christian Barani est allé marcher dans Dubaï, une ville où rien n’est pensé pour le corps
en mouvement. Une ville qui s’est construite par et pour les flux. Il a marché pour se
perdre dans ces espaces de fiction. C’est ainsi qu’il s’est accordé avec le hasard.
Christian Barani went walking in Dubai, a city where nothing is conceived for the
body in motion. A city that is built by and for traffic. He walked in order to become
lost in.
My Dubaï life, 2011, 60 mn
Production : Khiasma
Aide à la production : Département
de la Seine-Saint-Denis
38
Saison Vidéo 2013
MG : Quel est le point de départ de My Dubaï Life?
CB : Le point de départ de mon expérience à Dubaï est une proposition d’Oliver Marboeuf, directeur artistique de l’espace
Khiasma. Il me propose d’intervenir dans le cadre d’un projet qui
s’intitule “Le Manifeste pour des villes invisibles” (initialement
prévu pour la biennale d’art contemporain de la Seine Saint
Denis). J’étais un peu hésitant, au départ, car d’habitude je travaille sur des pays peu connus et en retrait de l’événement
médiatique. Mais en commençant à me documenter, je me suis
aperçu que dans cette ville post-moderne tout était conçu pour
et par le flux. Rien n’était pensé pour la marche. Alors je me suis
dit qu’il s’agissait d’un beau défi que d’aller marcher dans cette
ville où rien n’est prévu pour cela et où le mode de vie se
construit autour du flux et de l’air conditionné.
MG : Filmer n’est pas anodin ni sans risque à Dubaï comme le
laisse entrevoir votre film. Comment êtes vous entré en contact
avec les différents protagonistes de votre film qui ne se croisent
pas ?
CB : Filmer à Dubaï révèle des contradictions. La première est
que tout le monde qui va à Dubaï, filme. Pour les touristes, la
question ne se pose absolument pas. Munis de leur appareil photo
et/ou téléphone, ils sont libres de filmer ce qu’ils veulent dans
le cadre prévu et organisé d’un séjour de vacances à Dubaï. Tout
est permis comme également la prostitution, la drogue et l’alcool. Ce système de représentation est même valorisé car il
représente l’image attendue que Dubaï veut communiquer. C’est
à dire une ville où le plaisir et l’argent coulent à flot. Le problème apparaît lorsque vous commencez à filmer et à poser certaines questions dans des lieux comme les quartiers populaires.
Tout commence en fait à être problématique, lorsque vous vous
intéressez au sort des ouvriers.
La Police secrète est très active. Les chauffeurs de taxi participent activement à cette écoute de la société. La délation fait
également partie de ce système de surveillance. Elle est assez
répandue dans les rues car il s’agit de bien figurer sur les listes
administratives afin d’obtenir le renouvellement de son
contrat de travail. Contrat de travail qui régit la société. Sans
ce contrat, aucune possibilité d’être sur le territoire et donc
d’essayer de gagner de l’argent.
Mais cette peur de la parole est aussi répandue dans la classe
dirigeante expatriée. Personne n’a osé ou voulu parler face à
la caméra, voire seulement face à un micro. Personne ne veut
prendre le risque d’être expulsé. Seul, un courageux Libanais a
bien voulu affronter la caméra.
Dans Deira, quartier essentiellement ouvrier, j’ai pu travailler
relativement tranquillement grâce aux conseils d’un jeune
Afghan qui me montrait les têtes de la Police secrète qui
étaient présentes dans le quartier. Mais aussi grâce à la grande
mobilité que j’ai. Lorsque je tourne, je me déplace beaucoup
et ne reste jamais longtemps sur un même lieu.
Les rencontres qui s’opèrent dans le film, se font grâce à la
marche et au hasard. Chaque jour, je marche environ 8 à 10
heures, ce qui fait environ 25 à 30 kilomètres. Le corps s’engage. Dans cette dérive, la psycho-géographie m’entraîne dans
des espaces, des lieux totalement imprévus. Et c’est dans
cette perte de repère que la relation, la rencontre avec l’autre s’opère. Rien n’est prévu à l’avance.
39
Saison Vidéo 2013
40
Saison Vidéo 2013
MG: What is the starting point of My Dubai Life?
CB: The point of departure of my experience in Dubai was
a proposal made by Olivier Marboeuf, artistic director of
the Espace Khiasma. He suggested I should work within
the framework of a project called “The Manifesto for
Invisible Cities” (initially planned for the Seine Saint Denis
contemporary art Biennale). I was a bit hesitant to begin
with, because I usually work on little known countries,
removed from media happenings. But when I started to
gather information, I realized that in this postmodern city
everything was designed for and by the traffic. Nothing
was conceived for walking. So I said to myself that this
presented a fine challenge, to go walking in that city
where nothing is planned for any such activity, and where
the life style is built around the traffic and air conditioning.
MG: Filming is neither a trifling matter nor risk-free in
Dubai, as your film shows in glimpses. How did you get in
touch with the different people involved in your film, who
don’t meet?
CB: Filming in Dubai brings contradictions to light. The
first one is that everyone who goes to Dubai films. For
tourists, there are absolutely no questions asked, ever.
Clutching their cameras and/or telephones, they are free
to film what they want within the planned and organized
framework of a holiday visit to Dubai. Everything is permitted, just as prostitution, drugs and alcohol are all permitted. This system of representation is even promoted,
because it depicts the unexpected image that Dubai wants
to get across. Meaning, a city where pleasure and money
are bottomless wells. The problem surfaces when you
start filming and asking certain questions in places like
working-class neighbourhoods. Everything in fact starts to
become problematic, when you show an interest in the lot
of workers.
The Secret Police is very busy. Taxi drivers play an active
part in this eavesdropping on society. Denunciation and
informing are also part and parcel of this surveillance system. They are quite widespread in the streets because it is
important to feature properly on administrative lists if you
want to have your work contract renewed. The work
contract is what governs the society. Without this contract,
there’s no way you can be in the emirate, and thus try and
earn money.
But this fear of words is also widespread in the expatriate
ruling class. Nobody dared or wanted to talk in front of the
camera, only in front of a mike. Nobody wants to risk being
expelled. Only one brave Lebanese guy was prepared to talk
in front of the camera.
In Deira, an essentially working-class quarter, I was able to
work in a relatively undisturbed way thanks to the advice of
a young Afghani who showed me the faces of the Secret
Police present in the neighbourhood. But also thanks to the
great mobility I have. When I film, I move about a lot and
never stay for long in the same place.
The meetings that take place in the film do so a result of
walking and chance. Every day, I walked for about 8-10
hours, which means between 25 and 30 kilometres. The
body became involved. With this system, psycho-geography
drew me into completely unforeseen spaces and places. And
it was in that loss of reference that my relations and meetings with other people took place. Nothing was planned in
advance.
41
Saison Vidéo 2013
2 1 M a i - 9 J u i n 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
LA LIGNE D’OMBRE #3
Ce programme poursuit les deux séquences de 2012 qui présentaient des jeunes artistes dont certains étaient
encore étudiants. Sophie Valero et Laura Haby faisaient partie de ces programmes et reviennent avec de nouveaux
films. De plus de nouvelles artistes sont à découvrir. Elles participent toutes à l’exposition du même nom à
l’Espace Croisé : www.espacecroise.com.
This programme carries on the two 2012 sequences which presented young artists, some of whom
were still students. Sophie Valero and Laura Haby were involved in these programmes and have
returned with new films. New artists are waiting to be discovered.
Elise Vandewalle
Negative site, 2011, 7 mn 10
Dans Negative Site, une danse érotique s’instaure entre le danseur
et la caméra. Celle-ci effleure son sujet à travers l’écran noir
que porte le danseur et qui vient occulter l’image. L’absence de
vision créée le désir et charge érotiquement les images données
à voir au spectateur. EW
In Negative Site, an erotic dance gets under way between the
dancer and the camera. This latter skims over its subject
through the black screen carried by the dancer, which hides
the image. The absence of vision creates desire and erotically
loads the images shown to the viewer. EW
42
Saison Vidéo 2013
Laura Haby
Ours, 2012, 5 mn
C’est l’hiver et il se dégage comme un léger fumet d’angoisse. Un jour de novembre, un agent forestier
que j’ai rencontré disait avoir perdu le fil du temps, le rythme lent des bois. Je produis des visions,
cadrages spatiaux, prélevés dans un répertoire autobiographique que cristallisent la vidéo ou la peinture
afin de tenter de montrer leur essence autonome et subtile. LH
It is winter and there is a whiff of something akin to a slight aroma of anxiety. On a November day, a forest
ranger whom I met said he had lost time’s thread, the slow rhythm of the woods. I produce visions, spatial
frames, taken from an autobiographical repertory crystallized by video and painting, in order to try and
show their subtle and autonomous essence. LH
43
Saison Vidéo 2013
Louise Deltrieux
Lutra, lutra, 2011, 9 mn 49
Sur les traces de Christian Bouchardy, naturaliste autodidacte, lui-même sur les traces de la loutre d’Europe (lutra
lutra), aux bords de la Sioule (Auvergne). La particularité de la loutre est d’être invisible, et par là même, de rendre visible tout ce qui l’environne, en faisant redoubler d’attention celui qui la piste. La quête du naturaliste est
quasiment vaine, la rencontre avec l’animal n’arrivant qu’exceptionnellement. D’empreintes en épruntes (nom
donné aux excréments de la loutre), tout comme l’enquêteur se met dans la peau du criminel, le naturaliste doit
se mettre dans la peau de l’animal pour pouvoir le suivre. Et l’artiste à la recherche de son sujet fuyant devient
lui-même ce sujet. À défaut d’apercevoir la loutre, elle en sera une. Il faut toujours un plan B. LD
In the footsteps of the self-taught naturalist Christian Bouchardy, himself in the
footsteps of the European otter (Lutra
lutra), on the banks of the river Sioule, in
the Auvergne. The distinctive feature of
the otter is that it is invisible and thereby
makes everything around it visible, by
greatly increasing the attention of
anyone tracking it. The naturalist’s quest
is almost futile, because meetings with
the animals only happen very exceptionally. From footprints to the otter’s droppings, just like the investigator puts himself in the criminal’s shoes, the naturalist
has to put himself in the otter’s to be
able to follow it. And the artist looking
for his flee(t)ing subject becomes that
subject himself. If no otter is spied, it
will become a subject. You must always
have a plan B. LD
44
Saison Vidéo 2013
Sophie Valéro
La Rivière Inversée, 2012, trailer
Ce film est construit sur plusieurs parcours croisés. Avec une guide et des visiteurs nous explorons une caverne plongeant
progressivement dans l’obscurité. La guide met en parallèle la visite de la caverne avec son passé de projectionniste.
Nous croisons ensuite une expédition de spéléologues partis à la recherche d’un glacier disparu. L’expérience se termine
sur la description de la rivière qui se trouvait là dans un temps immémorial et dont la forme, inversée, a créé la grotte
qu’on a désormais sous les yeux. Le thème de la persistance et de l’oubli résonne dans les différents lieux traversés. SV
With a guide and a group, we visit a cave turning progressivly into darkness. The guide compares the visit and
her past as a projectionnist in a cinema. Our path crosses caves explorers looking for a mysterious glacier. At the
end, the guide describes us the river that once has been there, from time immemorial, and that created the cave
as a reversed shape. The topics of oblivion and persistance echoes in the different places of the cavern. SV
45
Saison Vidéo 2013
1 0 a u 2 3 J u i n 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
O N S TA G E
Mettre en scène, rentrer en scène, se mettre en scène.
Staging, going on stage, self-staging.
Marie Lancelin
Sans titre (Dravolda), 2011, 13 mn 09
A l’intérieur d’un scénario abstrait, un film sans
intrigue, des tableaux mouvants se succèdent. Autour
d’un même décor, aux multiples facettes, des personnages s’adonnent à des rituels. Ils créent un ensemble
de gestes, de formes dont la conception et la réalisation dépendent des possibilités de permutations de
cette construction géométrique. Il s’agit de créer une
communauté dont l’esthétique, les actions, les codes
sociaux sont régis par cette géométrie. La mise en
scène est artificielle, artisanale, les postures sont
mimoplastiques. Des gestes individuels évoluent vers
des gestes collectifs, pour proposer des variantes
d’utilisation et d’activation. ML
Inside an abstract screenplay, a plotless film,
moving pictures (tableaux) follow one another.
Around the same multi-facetted décor, figures are
busy with rituals. They create a set of gestures,
forms whose conception and execution depend on
the possible permutations of this geometric
construction. What is involved is the creation of a
community where the aesthetics, actions and social
codes are governed by this geometry. The staged
presentation is artificial, craftsmanlike, and the
postures are mime-like and plastic. Individual gestures evolve towards collective ones, proposing
variants of use and activation. ML
46
Saison Vidéo 2013
Azin Feizabadi
Time, Space, Karbala, 2009, 11 mn
Performance : Rehan Bashir
Le Pardeh-Khani est l’art de conter des récits épiques, tels la bataille de Karbala ou le martyre de Hussein (symbole chiite de
la résistance). Le Pardeh-Khan (narrateur) utilise généralement une grande toile ou rideau peint comme support pour réciter
et jouer les histoires choisies. Le style de peinture du Pardeh (rideau) et son manque volontaire de perspective permettent
au peintre de mettre en scène plusieurs intrigues principales et secondaires sur un même plan unidimensionnel.
Cette vidéo reconstitue la mise en scène d’une prestation de Pardeh-Khani, à la différence que dans celle-ci, l’objet physique
du rideau est remplacé par une image projetée. Le Pardeh-Khan, ou narrateur, reproduit des gestes similaires à ceux de la
bataille de Karbala, alors qu’on lui demande en fait, à l’occasion du tournage de la vidéo, de rejouer les scènes d’émeutes
de la révolte iranienne de 2009. Les temporalités et les espaces se mêlent pour engendrer un sentiment d’urgence alternative – au delà du schisme politique orient/occident – qui s’étend de 680 après JC à 2009. La vidéo fait partie de la série en
cours A Collective Memory (Une mémoire collective). AF
Pardeh-Khani is the art of narrating epic stories
such as the battle of Karbala, the martyrdom of
Hussain (Shia symbol of resistance). Usually the
Pardeh-Khan (narrator) uses a large curtain, a
painting, to recite and perform the depicted stories.
The style of painting within the Pardeh (curtain)
–the deliberate lack of perspective– enables the
painter to visualize different plots and sub-plots
within the same one-dimensional set.
The video re-stages a Pardeh-Khani event, in
which the curtain transforms from a physical
object of painting into a projected image; the
Pardeh-Khan, so the narrator reenacts and performs gestures similar to the events of the battle
of Karbala while actually being directed for the
video shoot to reenact images of street riots from
the events of the 2009 Iranian uprising. Times and
spaces melt into each other and provide an alternative urgency –beyond western/eastern political
grammar– running from 680 CE through 2009. The
video is part of the ongoing series A Collective
Memory. AF
47
Saison Vidéo 2013
Sylv ie Ungauer
Prêt-à-porter, défilé/performance, 2012, 35 mn (extrait)
Cette vidéo est la captation du défilé performance Prêt-à-porter du 7 mars 2012 au Centre d’art contemporain
Passerelle à Brest. Pour donner vie à ces Bunker-burqa, modèles réduits de dix blockhaus réellement construits
pour le mur de l’Atlantique, je me suis associée au chorégraphe Gaël Sesboüé, au compositeur musicien Paul
Laurent et à un groupe de danseurs amateurs brestois. Ces Bunker-burqa armés d’une structure métallique
extrêmement légère sont recouverts d’un feutre brut de couleur grise afin d’incarner un possible “être avec /
être dedans”. Cette performance s’inspire des codes du défilé de mode, auxquels s’ajoute un travail d’observation au quotidien des “corps portants” dans l’espace urbain. SU
This video is the capture of the performance show Prêt-à-porter of 7 March
2012 at the Passerelle Contemporary Art
Centre in Brest. To give life to this
Burkha-Bunkers, scale models of ten bunkers really built for the Atlantic Wall, I
joined forces with the choreographer
Gaël Sesboüé, the composer and musician
Paul Laurent, and an amateur group of
Brest-based dancers. These BurkhaBunkers, clad with an extremely lightweight metal structure, are covered with
rough, grey felt in order to incarnate a
possible “being with/being within”. This
performance is inspired by the codes of
the fashion show, to which is added
observation of the daily round of “bearers and porters” in the urban space. SU
48
Saison Vidéo 2013
Henna Riikka Halonen
Moderate manipulations, 2012, 6 mn 35
With Financial Support of Saari Manor Residency and AVEK, Finland
Cette vidéo propose une vision critique de notre position au sein d’un environnement et d’une politique en mutation. Elle
cherche à mettre en évidence la façon dont les positions sont sujettes à de constantes modifications internes et externes
et à examiner le lien entre la construction et l’environnement naturel. Le film a été tourné dans l’une des dernières maisons futuristes existantes, Futuro, conçue par l’architecte finlandais Matti Suuronen en 1968. Deux mannequins professionnels y sont vêtus de tenues qui évoquent les robes de haute couture de Marimekko.
La répétition constante de formes et de reprises met non seulement l’accent sur les rapports de force entre chaque objet,
mais aussi sur l’anticipation du futur. Le film devient ainsi un dispositif syntagmatique, comme un jeu d’échecs virtuel, où
les positions sont constamment répétées, calculées et légèrement réajustées. L’idée de scénario est utilisée pour souligner
les différentes positions adoptées vis à vis de l’avenir, tout en fonctionnant comme composante réflexive dans la construction même du film. HRH
The video offers a critical view towards the one’s position within the changing of environment and politics.
It aims is to show how positions are subject to
constant internally and externally driven change and
examine the relation between build and natural environment. The film was done by and in one of the last
remaining futuristic houses, designed by Finnish
Architect Matti Suuronen in 1968, called Futuro. Two
professional advertising models were hired and dressed in outfits reminiscent of Marimekko’s fashion
gowns.
Constant repetition in a form of a retake puts emphasis not only on the power relations of each object but
also expectations of the future to come. The film
becomes as a syntagmatic apparatus, almost as simulation of a chess game, where positions are constantly
repeated, calculated and slightly adjusted. The idea
of scenario is used in order to underline the different
positions one takes in relation to future but also to
function as reflexive component referring to the
construction of the film itself. HRH
49
Saison Vidéo 2013
Anne Durez
Les mains fragiles, 2012, 6 mn 32
Assise. Immobile. Laisser le silence s’installer. Effeuiller, dessiner, chercher des yeux, scander.
Effeuiller encore. Les feuilles sont tombées. Les mains ont parlé. 18 minutes. Stop. AD
Sitting down. Motionless. Letting silence become installed. Stripping off (leaves), drawing, scrutinizing,
scanning. Stripping off again. Leaves have dropped. Hands have spoken. 18 minutes. Stop. AD
50
Saison Vidéo 2013
Vincent Ciciliato
Ordinary Compulsions, 2011, 18 mn
Production le Fresnoy, Studio National des arts contemporains
Mise en scène de plusieurs personnages aux prises avec différents troubles : vérification, ordonnancement, lavage.
Chacun d’entre eux renvoie à un aspect particulier du TOC. Ils en sont les incarnations et d’une certaine façon les
allégories. Le plan est fixe et large, aux allures théâtrales.
Un personnage apparaît, au loin, dans un espace noir, vide. Il s’approche du premier plan, agité, comme gêné par
ses vêtements. Puis, une chaise apparaît. Un premier objet avec lequel le sujet pourra entrer en relation. C’est
ici que débute une étrange histoire de corps solitaires, isolés et autonomes, aux prises avec leurs compulsions
intimes. Chaque personnage personnifiera une compulsion particulière (vérification, lavage, grattage, etc.) envahissant un espace de plus en plus limité et contraint. VC
Presentation of several characters grappling
with different problems: verification, organization, washing. Each one of them refers to
a particular aspect of the TOC. They are the
incarnations of them and in a way their allegories. The shot is static and broad, with a
theatrical look. A character appears, far off,
in a dark, empty space. He walks towards the
foreground, restless, as if bothered by his
clothes. Then a chair appears. A first object
with which the subject can have a connection. This is the beginning of a strange tale of
solitary bodies, isolated and autonomous, at
grips with their private compulsions. Each
character will personify a particular compulsion (verification, washing, scratching, etc)
invading a space that is increasingly cramped
and restricted. VC
51
Saison Vidéo 2013
2 4 J u i n - 1 4 J u i l l e t 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
LA LIGNE D’OMBRE #4
Ce programme poursuit les deux séquences de 2012 qui présentaient des jeunes artistes dont
certains étaient encore étudiants. Arnaud Dezoteux et Olivier Pierre Jozef faisaient partie de
ces programmes et reviennent avec deux nouveaux films. De nouveaux artistes sont à découvrir.
Ils participent à l’exposition du même nom à l’Espace Croisé : www.espacecroise.com.
This programme carries on the two 2012 sequences which presented young artists, some of
whom were still students. Arnaud Dezoteux and Olvier Pierre Jozef were involved in these
programmes and have returned with new films. New artists are waiting to be discovered.
Lucie Deschamps
Rose, 2012, 4 mn 17
Les gestes soignés des ouvriers sont apportés à la
fabrication d’un meuble. La bande son (sifflements,
frottements, souffle…) est mêlée au son des
machines. C’est dans une approche pudique que la
caméra filme cette chaine de fabrication. Au début,
on ne sait pas ce qui est fabriqué. L’objet ne se
révèle qu’à la fin. LD
The careful gestures of workers are brought to
the making of a piece of furniture. The sound
track (whistling, rubbing, blowing…) is mixed
with the sound of the machinery. It is with a
demure approach that the camera films this
production line. To start with, we don’t know
what is being made, the object is revealed at
the end. LD
52
Saison Vidéo 2013
Arnaud Dezoteux et Nicolas Siuda
Chronique d’une invasion reptilienne, 2012, 4 mn
Alerte! Alerte! Nous sommes depuis toujours enchâssés dans une matrice, conçue par des forces reptiliennes invisibles,
qui contrôlent l’humanité depuis des millénaires. Aujourd’hui nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère : la prise de pouvoir
des reptiles. Fini l’invisibilité, il est temps pour eux de se dévoiler et d’en finir avec les hommes. En France, ils profitent
de la trêve estivale pour infiltrer le nouveau gouvernement - déjà en mal d’action politique - et pour installer au sommet
de Montmartre une antenne relais. Ce document rassemble les preuves d’une invasion en marche et d’une détermination
reptoïde, ce que les méta-historiens appelleront plus tard : le Putsch des Lézards. AD & NS
Warning! Warning! We have forever been enshrined in a matrix, devised by invisible reptilian forces, which have
been controlling humankind for millennia. Nowadays, we are at the dawn of a new age: reptiles will take over.
Invisibility is a thing of the past, it is time for them to reveal themselves and be done with humans. In France, they
make the most of the summer truce to infiltrate the new government—already deficient in terms of political action—
and set up a relay antenna on top of Montmartre. This document brings together the proof of an invasion on the
move and a reptoid determination, which, later on, meta-historians will call The Putsch of the Lizards. AD & NS
53
Saison Vidéo 2013
Rémi Fouquet
Regard(s), 2012, 17 mn
Emma, 16 ans est lycéenne. Surfant sur le web, ses envies, ses sentiments, nous passons trois jours avec elle dans son intimité. Nous
voyons ses rapports aux autres : ses parents, ses amis et ses
contacts virtuels. Quelle place occupe-t-elle entre eux ? RF
Sixteen-year-old Emma is at high school. Surfing the Internet,
with her desires and feelings, we spend three days with her in
her private zone. We see her relations with others: her
parents, her friends, and her virtual contacts. What place does
she have among them? RF
54
Gaëlle Cintré
Maladresses et embarras, 2012, 8 mn
Face caméra, un jeune homme se livre et nous raconte une série
de petites histoires de maladresses et d’embarras qu’il semble collectionner. Un cactus, un tire-bouchon, une moustache ou encore
des lunettes de plongée, tous ces accessoires ne sont peut-être
qu’autant de prétextes pour inventer ces histoires. GC
Looking at the camera, a young man comes clean and tells a
series of little stories of clumsiness and embarrassment which
he seems to collect. A cactus, a corkscrew, a moustache, and
underwater goggles, all these props are perhaps just so many
pretexts for inventing these tales. GC
Saison Vidéo 2013
Oliv ier Pierre Jozef
Bockspringen, 2012, 30 s, trailer
Bockspringen est une séquence d’entraînement pour un saute-mouton, entre deux hommes. Réalisée à
Salzburg, dans un cadre intime, cette vidéo met en scène une tentative absurde et impossible de communication entre ces deux personnages. Tournée puis montée sur une courte bande son extraite du film de Michael
Haneke Le septième continent, elle cite et détourne une certaine idée “d’incommunicabilité qui tue”. Mes
vidéos sont des “training performances”, c’est-à-dire des espèces de mode d’emploi pour des performances à
réaliser. Ce trailer montre la fin du vidéo-clip de 2 min qui est présenté dans une installation, dans l’exposition La ligne d’ombre à l’Espace Croisé. OPJ
Bockspringen is a training
sequence for leapfrog, between two men. Made in
Salzburg, in an intimate setting, this video shows an
absurd
and
impossible
attempt to communicate
between these two characters. Shot and then edited
over a short sound track
taken from Michael Haneke’s
film The Seventh Continent,
it quotes and appropriates a
certain idea of “incommunicability which kills”. My
videos are “training performances”, meaning kinds of
instructions for performances to be given. This
trailer shows the end of the
2-minute video clip which is
presented in an installation,
in the exhibition Shadow
Line at the Espace Croisé.
OPJ
55
Saison Vidéo 2013
1 5 J u i l l e t 2 0 1 3 - 4 A o û t . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
AV I S A L A P O P U L AT I O N # 3
De nouvelles interprétations d’œuvres participatives dans des contextes différents qui s’ajoutent à celles
de l’année dernière.
New interpretations of participatory works in very different contexts which are added to last year’s.
Céline Ahond
Dessiner une ligne orange, 2011, 14 mn
Production communauté de communes du pays mélusin
Deux hommes discutent et vivent dans un pays
inconnu. L’un a perdu son portable. L’autre le
guide jusqu’à la porte en pierre. Le quotidien
énigmatique des habitants de ce film organise
une circulation visuelle qui donne vie aux
images. Un camion transporte des images :
celles d’un décor qui capte et mime une réalité. Et une voiture orange sillonne le paysage
pour dessiner une ligne. CA
Two men, living in an unknown country, are
talking. One has lost his cell phone. The
other guides him to the stone door. The enigmatic daily round of the inhabitants in this
film organizes a visual circulation which
gives life to the images. A truck transports
images: those of a set which captures and
imitates a reality. And an orange truck drives
through the landscape to draw a line. CA
56
Saison Vidéo 2013
Arnold Pasquier
C’est déjà demain, 2011, 12 mn
Un film présenté dans le cadre du projet participatif de déambulation spectaculaire C’est déjà demain dans la cité
de la Busserine, Marseille 14ème, le samedi 7 mai 2011.
Un projet de la Cie À Table, Clara Le Picard (direction artistique), assistée de Hélène Devaux (administration),
Louise Ravel (diffusion).
A film presented as part of the participatory project of spectacular strolling C’est déjà demai (It’s
Already Tomorrow) in the La Busserine housing estate, in Marseille’s 14th arrondissement, on
Saturday 7 May 2011.
57
Saison Vidéo 2013
Badr El Hammami
Mémoire #2, 2012, 6 mn
Production Abdellah Karroum (L’appartement 22)
La vidéo montre une trentaine d’enfants dans la cour de
récréation avec un miroir à la main. Je leur ai demandé
de se disposer dans la cour en bougeant leur main dans
toutes les directions avec des mouvements lents et en
dirigeant de temps à autres le reflet de la lumière vers la
caméra. Dans le montage final, j’ai ralenti la vidéo au
maximum à la limite entre photographie et vidéo. Le
reflet de la lumière sur la caméra laisse apparaître des
zones blanches en apparition/disparition. Cette vidéo a
été réalisée pendant mon intervention avec les élèves de
l’école primaire “Moulay rachid” à Al Hoceima au Maroc.
J’ai moi-même fréquenté cette école dans les années 80,
et j’y ai appris à lire et à écrire. AK
The video shows about thirty kids in a playground holding mirrors. I asked them to arrange themselves in the
yard moving their hands in all directions with slow
movements, and from time to time aiming the reflection of the light towards the camera. In the final edit,
I slowed down the video as much as possible to the limit
between photograph and video. The reflection of the
light on the camera gives glimpses of blank zones
appearing and disappearing. This video was made
during my work with pupils at the “Moulay Rachid” primary school at Al Hoceima in Morocco. I myself attended this school in the 1980s, and that’s where I learnt
to read and write. AK
58
Saison Vidéo 2013
Anahita Hekmat
104 – 3 + 23, 2010, 6 mn
production Le Centquatre
Dans un parking sous-terrain, des enfants jouent à une sorte de cache-cache avec la caméra. Mais
une ambiance inquiétante et électrique se dégage de ces présences fugitives que l’on croirait être
des survivants de la dernière explosion atomique dans un jeu vidéo. AH
In an underground carpark, children are playing a kind of hide-and-seek with the camera. But a
disquieting and electric atmosphere is released from these fleeting presences who you would think
were the survivors of the last atomic explosion in a video game. AH
59
Saison Vidéo 2013
2 - 1 5 s e p t e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
AT O M I C T O U R I S M
60
Dans un essai récemment traduit en français, À l’aube de la
destruction, Alena Graedon, s’applique en treize points à
énoncer la relation paradoxale qu’entretiennent les Américains
vis à vis des abris antiatomiques. Leur coût est une des raisons
majeures qui explique en définitive le peu d’engouement qu’ils
ont suscité aux Etats-Unis, en comparaison à d’autres pays a
priori moins exposés. En cas d’attaque nucléaire, les propriétaires d’un abri privé allaient nécessairement être exposés
avant tout aux assauts des amis et voisins moins bien dotés. La
perspective du “gun-thy-neighbor” (tire sur ton prochain)
effrayait autant que la réclusion sous terre.
Parmi les éléments du paradoxe, Alena Graedon souligne la
promiscuité d’une telle tentative de survie avec la mort : “1 –
La logique dominante du bunker veut que pour survivre, vous
soyez enclins à vivre avec les morts et à simuler votre propre
enterrement”*. “9 – L’autre paradoxe inhérent à la vie dans un
abri consiste dans le fait que les gens que l’on protège dans un
bunker privé sont ceux avec qui on ne pourra jamais propager
l’espèce, on laisse ainsi mourir tous les étrangers avec qui on
aurait pu s’accoupler.”* A l’extrême opposé, la Suisse n’a pas
connu la même retenue multipliant les abris publics et privés
jusqu’à connaître un excédent d’abris par rapport au nombre
d’habitants.
In an essay recently translated into French titled A l’aube de la
destruction (On the Dawn of Destruction), Alena Graedon sets
herself the task, in thirteen points, of stating the paradoxical
relationship between Americans and nuclear shelters. Their cost
is one of the major reasons which explains, once and for all, the
lack of interest they have aroused in the United States, in comparison with other countries which are, on the face of it, less
exposed to nuclear danger. In the event of a nuclear attack, the
owners of a private shelter would perforce be exposed, above all
else, to attacks by their less well equipped friends and neighbours. The prospect of “gun-thy-neighbour” was as scary as the
idea of underground reclusion.
Among the factors in the paradox, Alena Graedon stresses the
overcrowding implicit in this kind if attempt to survive with
death: “I – The predominant logic of the bunker has it that, in
order to survive, you are ready to live with the dead and simulate your own burial”.* “9 - The other paradox inherent in life
in a shelter is the fact that the people being proitected in a private bunker are those with whom you will never be able to propagate the species, so you let all the strangers with whom you
might have been able to mate die.”* At the very opposite end of
the spectrum, Switzerland has not experienced the same reluctance: it has increased the number of public and private shelters
to the point where there is a surplus number of shelters in relation to the number of inhabitants.
* Alena Graedon, “A l’aube de la destruction, Cormac McCarty
Friedrich Nietzche et l’importance paradoxale du Bunker dans
la psyché américaine”, in Le Believer, éditions inculte, Paris,
n°1, printemps 2012.
* Alena Graedon, “At the Dawn of Destruction, Cormac McCarty,
Frriedrich Nietzsche and the paradoxical importance of the Bunker
in the American psyche”, in Le Believer, Editions inculte, Paris, no. 1,
spring 2012.
Saison Vidéo 2013
Adrienne Alcover
Trinity Site, 2012, 5 mn 20
Trinity Site est un diaporama animé de la journée pendant laquelle s’ouvrent aux touristes les portes d’une
base militaire américaine où se trouve Trinity Site, le lieu où explosa la première bombe atomique en juillet
1945, et qui était de même puissance que celle lancée sur la ville d’Hiroshima peu après. L’emplacement
exact de l’explosion est marqué par un monument pyramidal de pierres sombres. AA
Trinity Site is an animated slide show
of the day when tourists are given
access to a military base where
Trinity Site is located, this being the
place where the first atomic bomb
was exploded in July 1945. The bomb
had exactly the same power as the
one that was dropped on the city of
Hiroshima not long afterwards. The
exact place of the explosion is marked by a pyramid-shaped monument
made of dark-coloured stones. AA
61
Saison Vidéo 2013
Mo Gourmelon : Dans quelles circonstances avez-vous décidé de filmer
Trinity Site et comment l’avez-vous filmé ? Quels sont les abords du
site et son inscription dans le paysage ? Avez vous voyagé en voiture ou
dans un car affrété pour cette étape de tourisme nucléaire ? Qu’avezvous retenu du comportement et des réactions des autres visiteurs ?
Adrienne Alcover : En préparant mon voyage au Nouveau Mexique, je
me suis intéressée aux nombreuses bases militaires de la région et j’ai
découvert Trinity Site. J’ai fait correspondre les dates de mon voyage
avec le jour d’ouverture de la base au public. J’avais déjà construit
des sculptures en suivant les instructions et les plans des abris anti
atomiques de la défense civile américaine pendant la période de la
guerre froide, donc me rendre à Trinity Site était une suite logique.
Mon idée était d’y faire une mesure de la radioactivité à l’aide d’un
compteur Geiger et de garder une trace de mon passage par quelques
images. Craignant des problèmes à l’aéroport avec un tel équipement,
j’ai commandé un petit dosimètre sur internet et l’appareil m’attendait à mon arrivée à El Paso, au Nouveau Mexique. Le paquet provenait de la région de Chelyabinskaya, célèbre pour son complexe de
retraitement du plutonium construit en 1945 et qui permit aux Russes
de posséder la bombe nucléaire. Le site américain est au milieu d’une
base militaire, White Sand Missile Range. Comme on le voit dans mon
film, il s’agit d’une vaste plaine désertique entourée de majestueuses
montagnes. On croise quelques installations militaires que j’ai évité de
filmer. La traversée de cette zone se fait en voiture. Certaines personnes voyagent en autocar, mais tout le monde doit franchir l’entrée
de la zone militaire en même temps avec une escorte et se suivre
jusqu’au lieu appelé Trinity Site. La plupart des visiteurs sont américains. Tout le monde est très calme. La visite ressemble à celle d’un
musée en plein air, sans ferveur ni recueillement, sauf que le sol est
légèrement radioactif et qu’il n’y a pas grand chose à voir.
MG : Vous avez un parti pris de ne pas user de la parole mais d’associer
une bande sonore à vos images. Dans un tel site peut-on tout filmer ?
A quoi a-t-on accès et que voit-on ? Deux touristes, par exemple, se
font photographier à la suite, à côté du monument pyramidal qui
matérialise la première explosion.
62
Saison Vidéo 2013
AA : Le point d’impact est marqué d’un monument en pierres sombres.
Mais celui-ci ne célèbre que la puissance militaire et scientifique
américaine à travers le Manhattan project de cette période. Seul
l’aspect sinistre du monument rappelle les conséquences de cette
“avancée” scientifique car il fait penser à un monument aux morts.
La bande son que j’ai choisie correspond à cet aspect sombre du
monument. Elle sonne comme un bruit de fond inquiétant, rappelant
la radioactivité du site, ainsi qu’une alarme avec le son de cloche
synthétique qui monte vers la fin. J’ai filmé tout ce que je voyais
parce que je me suis mise à la place d’un touriste américain et j’ai
filmé avec le même angle et le même matériel. Au début du voyage,
je me permets de m’attarder sur la beauté de la chaine de montagne.
Puis je filme tout, comme quelqu’un qui ne sait pas au juste ce qui
lui importe de filmer. En effet, les questions sont bien : pourquoi
venir ici, pour voir quoi et par quelles images représenter ce lieu ?
On a accès en premier à la base militaire elle même, qui se confond
avec un vaste plateau désertique entouré de montagnes. Ce désert
s’appelle “Jornada del muerto” parce qu’un homme risquait sa vie
à le traverser. On a donc accès à un lieu vaste et frappant de beauté,
mais interdit au public. Après une heure de route, on arrive au pied
du monument. On peut se promener un peu partout. Il est cependant déconseillé de ramasser les petits cailloux verts très jolis faits
de “trinitite” radioactive. À quelques kilomètres, on a accès à l’ancien baraquement des militaires. Une petite exposition avec
quelques photos rappelle le quotidien joyeux de tous ces hommes
des sciences : plongeon dans la piscine, sourires, poses avec bières
et cigarettes, une publicité récente pour le fournisseur d’acier de
l’époque qui de nos jours est partenaire des technologies les plus
pointues. À l’extérieur une plaque de métal donne les explications
suivantes : “en 1983 fut restauré ce bâtiment qui vit naitre les
miracles de l’atome, partis des nécessités de la guerre, Il sauve
maintenant des vies, c’est un honneur pour les générations futures
de venir ici... etc”.
truction *, par une visite du Greenbrier, complexe hôtelier de luxe,
situé dans la chaîne des Allegheny Mountains en VirginieOccidentale. De 1962 à 1992, un abri atomique de deux étages
couvrant 10 405 140 m2 a été construit. Il était destiné à accueillir l’ensemble du congrès américain en cas d’attaque. Depuis 1995,
le complexe hôtelier est aussi une étape de tourisme nucléaire.
AA : Il suffit de taper “atomic tourism” et l’on obtient une liste de
sites accessibles au public dont Trinity Site et Greenbrier. La plupart sont aux Etats Unis. Les sites français sont moins documentés,
mais il existe une centrale désaffectée transformée en musée. Le
pays le plus intéressant est sans doute la Russie, car en plus du site
de Tchernobyl qui s’ouvre aux bus de touristes, les amateurs de
poussières radioactives se délecteront avec le site de Maïak où eut
lieu un grave accident en 1957 transformant la ville mitoyenne en
lieu secret.
* Alena Graedon, “A l’aube de la destruction, Cormac McCarty
Friedrich Nietzche et l’importance paradoxale du Bunker dans la
psyché américaine”, in Le Believer, éditions inculte, Paris, n°1,
printemps 2012.
MG: Existe-t-il beaucoup de sites répertoriés liés au tourisme
nucléaire ? Alena Graedon commence son essai A l’aube de la des63
Saison Vidéo 2013
Mo Gourmelon: In what circumstances did you decide to film Trinity
Site, and how did you go about filming it? What are the boundaries
of the site like and how are they incorporated into the landscape?
Did you travel by car, or in a chartered bus for that nuclear tourism
stage? What do you remember about the behaviour and reactions
of the other visitors?
Adrienne Alcover: As I got ready for my trip to New Mexico, I got
interested in lots of military bases in the region, and I discovered
Trinity Site. I got the dates of my journey to link up with the opening of the base to the public. I had already made some sculptures
following the instructions and plans of American civil defence
nuclear shelters during the Cold War period, so for me to go to
Trinity Site was a logical sequel. My idea there was to take a
radioactivity measurement with the help of a Geiger counter and
keep a record of my passage with a few pictures. I was worried
about problems at the airport with this kind of equipment, so I
ordered a small dosimeter on the Internet and it was waiting for
me when I arrived in El Paso, on New Mexico’s southern border with
Texas. The package came from the Chelyabinskaya region, famous
for its plutonium reprocessing complex built in 1945, which
enabled the Russians to get the nuclear bomb. The American site
is in the middle of a military base, White Sands Missile Range. As
you can see in my film, this is a huge desert plain surrounded by
majestic mountains. You come across a few military installations
which I didn’t film. You cross that zone by car. Some people take
the bus, but everyone has to enter the military zone at the same
time with an escort, and follow each other to the place called
Trinity Site. Most visitors are Americans. Everyone is very calm.
The visit is like a visit to an open air museum, neither enthusiastic
nor contemplative, except that the ground is slightly radioactive
and there isn’t a whole lot to see.
MG: You decided not to use words but to associate a sound track
with your images. In a site like that can you film anything? What do
64
Saison Vidéo 2013
you have access to and what do you see? Two tourists, for example, have themselves photographed one after the other, beside the
pyramid-shaped monument which represents the first atomic
explosion…
AA: The point of impact is marked by a monument made of dark
stones. But this just celebrates American military and scientific
power of that period by way of the “Manhattan Project”. It is only
the sinister look of the monument which reminds you of the consequences of that scientific “progress”, because it calls to mind a
war memorial. The soundtrack I chose corresponds to that gtim,
sombre character of the monument. It rings out like a disquieting
background noise, reminding us of the site’s radioactivity, as well
as an alarm with the sound of a synthetic bell which rises towards
the end. I filmed everything I saw because I put myself in the place
of an American tourist and I filmed with the same angle and the
same gear. At the beginning of the trip, I let myself dwell on the
beauty of the mountain range. Then I film everything, like
someone who doesn’t quite know what is important to film. The
issues are actually these: why come here? to see what? and with
what images is this place to be depicted? First off, you have access
to the military base itself, which merges with a vast desert plateau
ringed by mountains. This desert is called “Jornada del muerto”
/Day of Death because you risked your life by crossing it in the old
days. So you have access to a vast and strikingly beautiful place,
but one that is prohibited to the public. After driving for an hour,
you reach the foot of the monument. You can walk about more or
less anywhere. But you are advised not to pick up the very pretty
little green pebbles made of radioactive “trinitite”. A few kilometers away, you can visit the old military barracks. A small exhibition with a few photos reminds you of the merry daily round of all
those scientists; dips in the pool, smiles, posing with beer and cigarettes, a recent advertisement for the steel supplier of the day, who
is nowadays a partner in the most state-of-the-art technologies.
65
Saison Vidéo 2013
Outside, a metal plaque explains that the year 1983 saw the restoration of this building which saw the birth of the miracles of the
atom, part of the necessities of war. It now saves lives, it is an
honour for future generations to come here, and so on.
MG: Are there many listed sites connected with nuclear tourism?
Alena Graedon starts her essay At the Dawn of Destruction* with a
visit to the Greenbrier, a luxury hotel complex, located in the
Allegheny Mountains in West Virginia. Between 1962 and 1992 a
two-storey nuclear shelter covering 10,405,140 sq,m. was built. It
was designed to accommodate the whole of the US Congress in the
event of an attack. Since 1995, the hotel complex has also been a
nuclear tourism stopover.
AA: All you have to do is type in “atomic tourism” and you get a
list of sites accessible to the public, including Trinity Site and
Greenbrier. Most of them are in the United States. French sites are
less documented, but there’s a disused power station that’s been
turned into a museum. The most interesting country is
probably Russia, because in addition to the Chernobyl site, which
takes in tourist buses, people who are fond of radioactive dust will
love the Mayak site where there was a serious accident in 1957,
turning the adjoining town into a secret place.
* Alena Graedon, “At the Dawn of Destruction, Cormac McCarty,
Frriedrich Nietzsche and the paradoxical importance of the Bunker
in the American psyche”, in Le Believer, Editions inculte, Paris, no. 1,
spring 2012.
66
Saison Vidéo 2013
Jeanne Susplugas & Alain Declercq
Protection civile, 2011, 15 mn
Music Eddie Ladoire
Ce film apparaît comme la suite logique du premier
film co-réalisé par les deux artistes Plan Iode (qui
interroge la distribution de l’iodure de potassium,
médicament vital en cas d’attaque nucléaire). Ici ce
sont les abris antiatomiques suisses qu’ils sont allés
explorer. Le pays regorge d’abris sous-terrains et
chaque individu y a une place. De la cave particulière
aux immenses abris médicalisés, ils répondent tous à
une organisation stricte et efficace. Le film interroge
alors une éventuelle présence sous terre, les limites
de la cohabitation, la promiscuité et les inévitables
problèmes d’organisation que soulève un tel plan de
protection. Sous forme panoptique et systématique,
apparaissent tour à tour des dortoirs, cuisines, blocs
opératoires... Dans certains de ces espaces, s’opèrent
des mutations, des changements d’affectation ou
d’utilisation. Ainsi, certains abris peuvent servir de
lieux de stockage hétéroclites qui peuvent parfois
prendre un aspect incongru. JS & AD
This film appears as the logical sequel to the first film jointly directed by the two artists, called
Plan Iode (which questions the distribution of potassium iodide, a vital medicine in the event of
nuclear attack). Here it is Swiss nuclear shelters that they have gone to explore. The country is full
of underground shelters and each person has a place in one. From the private cellar to huge medicalized shelters, they are all part of a strict and efficient organization. The film then questions a
possible presence under ground, the limits of living together, overcrowding, and the possible organizational problems raised by such a protection plan. In panoptic and systematic form we see, turn
by turn, dormitories, kitchens, operating theatres… In some of these areas mutations occur,
changes of use. So some shelters can act as eclectic storage places which can sometimes look
rather incongruous. JS & AD
67
Saison Vidéo 2013
Mo Gourmelon : La Suisse détient le record mondial de la construction
d’abris antiatomiques appliquant à la lettre le slogan : “La neutralité
ne protège pas de la radioactivité”. Leur implantation relève en
théorie du secret. Comment y avez-vous eu accès et l’autorisation
de filmer ? Protection civile et Pill boxes se complètent, de l’appréhension sous-terraine au camouflage en surface.
Jeanne Susplugas & Alain Declercq : Ce slogan en vogue faisait partie intégrante de la stratégie de la Suisse au moment de la guerre
froide. On sait en tout cas que la neutralité ne protège pas d’une
forme de paranoïa puisque 110% de la population a une place en
abris. Il existe des abris publics et privés. Les abris privés se trouvent la plupart du temps dans les caves des immeubles, dans le
sous-sol des maisons ou accolés à une pièce. Les abris publics sont
plus énigmatiques. La population sait qu’ils existent, puisqu’ils sont
là pour les protéger, mais tout semble assez mystérieux.
Les constructions ont débuté dans les années 60 (la première base
légale en ce sens date du 4 octobre 1963). Chaque personne
devait, selon la loi, y avoir une place. Cet abri devait être situé “à
proximité du lieu d’habitation” et atteignable “dans un délai raisonnable”. Les propriétaires étaient non seulement tenus de les
équiper mais aussi de les entretenir. La Suisse n’a jamais abandonné les abris et leur fonction a évolué selon le contexte.
Aujourd’hui, ces abris sont là en cas d’accident nucléaire ou de
catastrophe naturelle. Les abris publics servent parfois à abriter
des réfugiés politiques, des sans-papiers ou des équipes sportives
en déplacement… tandis que les abris privés se sont changés en
cave ou garde manger… en attendant le prochain conflit !
Les bunkers de Pill boxes se trouvent à des emplacements tenus
secrets même si certains ne le sont plus car ils ont été repérés. Il
est d’ailleurs difficile de faire la part des choses entre le fantasme
collectif et la réalité. Ce qui est sûr c’est qu’il existe des kilomètres de bunkers souterrains et des montagnes entières évidées !
Pour le tournage, nous avons travaillé avec notre producteur et
avec une association qui tente de préserver ce patrimoine singulier.
68
Car il s’agit bien d’un réel patrimoine unique au monde.
Aujourd’hui, ces kilomètres de montagnes creusés constituent un
nouvel or noir pour le pays qui cède ces espaces sécurisés aux compagnies qui installent des serveurs informatiques et vendent des
espaces de stockage.
Ce qui est étonnant lorsque l’on se penche sur cette incroyable
organisation, c’est qu’au final, les difficultés logistiques et psychologiques sont telles, qu’il est difficilement envisageable que ce
plan soit mis en place dans certains abris. C’est le cas de celui de
Lucerne, datant de 1976, s’étendant sur sept étages et près à
accueillir 20 000 personnes. Aujourd’hui démantelé, il abritait
entre autres, un hôpital, une salle d’opération, un poste de commandement et une prison!
MG : Vous avez fait le choix de visions panoptiques, accentuant
l’effet de surveillance mécanique, pouvez-vous expliciter ce choix ?
JS & AD : En effet, le choix de filmer à 360° collait parfaitement
à notre propos, c’était une manière pour nous de donner à voir en
injectant une dose de surveillance, de secret. Pendant que la
caméra tourne, la scène continue à se dérouler en hors champs. Le
spectateur a l’impression de tout voir alors que beaucoup lui
échappe. C’est encore plus vrai dans notre premier film Plan iode
car il est constitué de saynètes tronquées qui brouillent la lecture.
Cette manière de filmer est aussi un choix esthétique qui caractérise notre travail commun.
MG : Existe-t-il comme aux Etats-Unis un tourisme atomique ?
JS & AD : On ne peut pas vraiment parler de tourisme atomique.
Quelques abris ont été transformés en bar, boîte de nuit ou hôtel : le
“Null Stern hotel” (hôtel zéro étoile) créé par les frères Riklin,
ouvert dans un ancien abri à Teufen, transformé un an après son
ouverture, en musée. Les abris sont spartiates et se ressemblent
puisqu’ils s’appuient sur des bases réglementaires : lits, système
de chauffage, douches de décontamination, toilettes, système de
traitement de l’eau, nourriture et médicaments. Contrairement
Saison Vidéo 2013
aux Etats-Unis, où il règne une sorte de fierté individuelle, en
Suisse il semblerait que les mots d’ordre soient efficacité et discrétion.
Il faut garder à l’esprit que presque tous ces abris sont maintenus
en l’état et sont en fonction. Comme évoqué précédemment, ils
peuvent servir à accueillir des sans abris, mais aussi des associations ou servent de lieu de stockage pour des musées. Dans le film
Protection civile, on voit un stock d’animaux taxidermés qui appartient au Musée d’histoire naturelle de Lausanne. Ils sont censés
être opérationnels en quelques heures.
Mo Gourmelon: Switzerland holds the world record for the
construction of nuclear shelters, applying to the letter the slogan:
“Neutrality offers no protection from radioactivity”. Their installation is in theory secret. How did you gain access, and bet authorization to film? Civil protection and Pill boxes complement one another, from underground apprehension to surface camouflage.
Jeanne Susplugas & Alain Declercq: This fashionable slogan was
part and parcel of Switzerland’s strategy in the Cold War period.
We know, in any event, that neutrality offers no protection from a
form of paranoia, because 100% of the population has a place in a
shelter. There are public and private shelters. Private shelters are
located mainly in the cellars of buildings, in the basements of
houses, or attached to a room. Public shelters are more enigmatic.
The population knows that they exist, because they are there to
protect people, but everything seems rather mysterious.
The constructions were started in the 1960s (the first legal basis,
in this sense, dates from 4 October 1963). By law, each person had
to have a place in a shelter. This shelter had to be situated “close
to the dwelling place” and reachable “in a reasonable period of
time”. Owners were not only bound to equip them, but also to
maintain them. Switzerland has never abandoned its shelters and
their function has developed depending on circumstances.
Nowadays, the shelters are there in the event of nuclear accident
or natural catastrophe. The public shelters are sometimes used to
house political refugees, stateless persons and travelling shorts
teams… while the private shelters have been converted to cellars
and larders—waiting for the next war!
The bunkers in Pill boxes are located in secret sites even if some
are no longer secret because they’ve been detected. It’s also difficult to differentiate between collective fantasy and reality. What
is certain is that there are kilometers of underground bunkers and
whole mountains that have been hollowed out! For the filming, we
worked with our producer and with an association trying to preserve this unusual heritage. Because it is a real heritage, that is
unique in the world. Today, these kilometers of excavated mountains represent a new black gold for the country which is leasing
these safe areas to companies installing computer servers in them,
and selling storage spaces.
What is surprising when you focus on this incredible organization is
that, in the end of the day, the logistical and psychological difficulties are such that it hard to imagine this plan being introduced
in certain shelters. This is the case with the Lucerne shelter, dating
back to 1976, covering seven floors and capable of accommodating
20,000 people. It has been dismantled today, but it once housed,
among other things, a hospital, an operating theatre, a command
post, and a prison!
MG: You opted for panoptic views, emphasizing the effect of
mechanical surveillance. Can you explain this choice?
69
Saison Vidéo 2013
Jeanne Susplugas & Alain Declercq
Pill boxes, 2012, 9 mn
JS & AD: In fact the choice to film things at 360 degrees tallied
perfectly with our idea, it was a way for us to show things by injecting a dose of surveillance and secrecy. While the camera films, the
scene continues to unfold off screen. The viewer has the impression of seeing everything, whereas a lot eludes him. This is even
truer in our first film Plan Iode, because it is made up of abbreviated
cameos which scramble any reading of it.
This way of filming is also an aesthetic choice which hallmarks our
shared work.
MG: Is there atomic tourism, as there is in the US?
JS & AD: You can’t really talk in terms of atomic tourism. A few
shelters have been turned into bars, night clubs and hotels: the
“Null Stern Hotel” (No Star Hotel) created by the Riklin brothers,
opened in an old shelter at Teufen, turned into a museum a year
after it opened. The shelters are Spartan and all look alike because
they conform to basic regulation s: beds, heating systems, decontamination showers, toilets, water treatment system, food and
medicines. Unlike in the USA, where there is a sort of individual
pride, in Switzerland it would seem that the keywords are efficiency and discretion.
It’s worth bearing in mind that almost all these shelters are maintained in working order and are operational. As previously mentioned, they can be used to house stateless persons, but also associations, and they can be used as storage areas for museums. In the
film Civil protection, you can see a stock of stuffed animals belonging to the Museum of Natural History in Lausanne. They are supposed to be operational in a matter of hours.
70
Son : Eddie Ladoire
En Suisse, plus de trois-mille bunkers ont été construits entre
1882 et 1995. Les ouvrages militaires suisses ont été camouflés par d’étonnantes décorations, si bien intégrés au paysage
que personne ne les remarque: du sapin métallique (Fort PréGiroud, Vallorbe), à la porte rocher (Gütsch, Uri). Certains
d’entre eux ont aussi été camouflés après la guerre pour ne
pas gâcher le paysage, comme les deux jolies villas de Gland !
Cette singulière architecture qui témoigne de la neutralité de
la Suisse, pose la question de la relation architecture et paysage. Aujourd’hui, beaucoup de ces fortins sont désaffectés
et interrogent le devenir de cet important patrimoine. Ils
sont les témoins d’une histoire et questionnent aussi l’inconscient collectif sur le nombre de légendes qui ont et continuent à circuler autour de ces bunkers. JS & AD
More than 3,000 bunkers were built in Switzerland between
1882 and 1995. Swiss military constructions have been
camouflaged by amazing decorations, so well incorporated in the landscape that nobody notices them: from the
metal fir tree (Fort Pré-Giroud, Vallorbe) to the rock gate
(Güysch, Uri). Some of them were also camouflaged after
the war so as not to spoil the countryside, like the two
pretty villas of Gland! This unusual architecture, which
illustrated Switzerland’s neutrality, raises the issue of
the relationship between architecture and landscape.
Nowadays, many of these small forts are disused and
challenge the future development of this significant heritage. They are witnesses to a history, and they also question the collective unconscious about the number of
legends which have circulated, and continue to do so,
around these bunkers. JS & AD.
Saison Vidéo 2013
71
Saison Vidéo 2013
1 6 – 2 9 s e p t e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
CADENCES
Battre la mesure avec des mots. Des mises en situation de portraits (autour d’une table dans le film d’Elise
Florenty et entrecoupés de paysages dans celui de Erik Bullot) rythment la succession des images.
Making the beat with words. Situating portraits (around a table in Elise Florenty’s film and interspersed with landscapes in Erik Bullot’s) punctuates the succession of images.notre circulation
visuelle dans les images.
Elise Florenty
As a wave breaks, 2010, 9 mn 27, 16 mn transféré sur DVD
Production et collection : Frac Pays de Loire
avec Coline Barraud, Bérénice Briere, Lola Coipeau, Clément Goupille
Valentin Naulin et Mathilde Rio assistés de Matilde Aubineau.
Six personnages au visage de sable créent des vagues sonores autour
d’une table selon un mécanisme langagier faisant de chacun une
partie d’une conscience animée et commune. Texte adapté du livre
Les Vagues de Virginia Woolf qui consiste en un prélèvement non
exhaustif de phrases du livre où les personnages s’identifient à un
élément végétal, minéral ou animal comme s’ils s’étaient réunis
pour invoquer un devenir où le langage serait exclu. EF
Six characters with sand faces create sound waves around
a table using a linguistic mechanism making each one a
part of a shared and animated consciousness. Text adapted
from Virginia Woolf’s The Waves, consisting in a nonexhaustive sampling of sentences from the book where the
characters identify themselves with a vegetable, mineral
or animal element as if they were gathered together to
invoke something about to happen, where language would
be excluded. EF
72
Saison Vidéo 2013
Erik Bullot
Tongue twisters, 2011, 11 mn
“Un chasseur sait-il chasser sans son chien de chasse ?” Un “tongue twister” est une phrase difficile
à prononcer. Sous la forme d’un collage poétique, alternant paysages et portraits, ce film propose
à différents modèles, américains pour la plupart, filmés dans un studio à Berkeley, de dire des
tongue twisters dans leur langue maternelle ou seconde : allemand, anglais, arabe, arménien,
assyrien, chinois, coréen, croate, espagnol, français, hébreu, japonais, persan, portugais, tagalog,
vietnamien. EB
“How much wood would a woodchuck chuck if
a woodchuck could chuck wood ?” A “tongue
twister” is a sentence with much alliterations
and is complicated to pronounce. A tongue
twister must be spoken quickly and repeated a
few times. Langage breaks down between and
meaning. This film is a linguistic game between sound and meaning and a portrait of the
linguistic reality of Berkeley. Many American
people recite tongue twisters in different languages and/or in English as second language :
German, English, Arabic, Armenian, Assyrian,
Mandarin, Korean, Croatian, Spanish, French,
Hebrew, Japonese, Farsi, Portuguese, Tagalog,
Vietnamese. EB
73
Saison Vidéo 2013
3 0 s e p t e m b r e – 1 3 o c t o b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
NUR/LUX
Imaginer le visage du prophète Mahomet et suivre, dans une procession en Bretagne, le périple des statues de la Vierge Marie.
Imagine the face of the prophet Mohammed and, in a procession in Brittany, follow the itinerary of the statues of the Virgin Mary.
Xav ier Stentz
Eyewitness, 2012, 13 mn
La bande audio est composée des témoignages de cinq femmes (une mère
et ses filles) d’origine tunisienne vivant en France. Il est demandé à chacune d’entre elles de décrire précisément sa vision concernant l’aspect
physique du prophète Mahomet. L’image, un texte (noir sur fond blanc)
écrit en temps réel et en anglais, propose une traduction partielle de ces
interviews. XS
The sound track is made up of the statements of five women (a mother
and her daughters) of Tunisian origin, living in France. Each one of
them is asked to precisely describe their vision of the physical appearance of the prophet Mohammed. The image, a text (black on a white
ground) written in real time and in English, offers a partial translation
of these interviews. XS
74
Saison Vidéo 2013
Rémy Yadan
Le bois des fous, 2011, 28 mn
Le tournage a été réalisé au Folgoët dans le Finistère Nord. Le nom de ce village vient du surnom donné à Salaün
Ar Fol, “le fou du bois” qui habitait le bois où se trouve actuellement la commune. Depuis des siècles, un pardon
a lieu chaque année à la basilique, le premier dimanche de septembre. Les paroisses environnantes, avec leurs
croix et bannières portées par plus de 20 000 fidèles en costumes, établissent la grande procession dans laquelle
deux statues de la Vierge Marie (dont la vierge noire en kersanton) sont portées sous la loggia extérieure de la
basilique. Cette vidéo à caractère documentaire montre et conduit cette procession bretonne dans ses propres
dualités telluriques et célestes, au croisement du religieux, du légendaire, du celtique, du mystique, du magique,
de l’historique, de l’authentique, du souvenir et du secret, duquel émane inéluctablement la notion de refuge,
de repli et de retranchement. RY
The film was shot at Folgoët in north Finisterre.
The name of this village comes from the nickname given to Salaün Ar Fol, “the madman of the
woods”, who lived in the woods where the village is now located. For centuries a pardon is
pronounced every year in the basilica on the first
Sunday of September. The neighbouring parishes,
with their crosses and banners carried by more
than 20,000 believers in costumes, form the
great procession in which two statues of the
Virgin Mary (including the black Virgin made of
Kersanton stone) are carried beneath the basilica’s outer loggia. This video with its documentary overtones shows and leads this Breton procession in its own terrestrial and celestial dualities, at the crossroads where the religious, the
legendary, the Celtic, the mystic, the magic, the
historical, the authentic, memory and secrecy
all meet, from which is inexorably released the
notion of refuge, withdrawal and entrenchment. RY
75
Saison Vidéo 2013
1 4 o c t o b r e – 3 n o v e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
BREAKS #1
Des ambiances sourdes qui stipulent des violences à venir. Une chute volontaire sur
une voie ferrée, des jeunes en attente sur un terrain vague, une femme dans une
grotte, une autre femme déambule dans une ville et soudain tout bascule.
Dull ambiences which stipulate acts of violence in the offing. A deliberate fall
on a railway track, young people waiting on a patch of wasteland, another
woman in a cave, a woman strolls in a city and suddenly everything turns
around.
Elias Dellers
Himmelbank, 2011, 3 mn 24
Où vont les gens qui meurent trop tôt ?
Un court-métrage sur le lieu où se
retrouvent les gens qui attendent. ED
Where people go, which dyed too
early? A short film about the place,
where different people meet – to
await. ED
76
Saison Vidéo 2013
Thomas Couderc
Le Vallon, 2011, 9 mn 55
Un groupe de jeunes gens est réuni à l’aube dans un champ en friche
en marge d’une ville. Ils attendent, comme livrés à eux-mêmes sur
cette terre inculte, et s’ennuient, se chamaillent, s’observent, divaguent. On ne sait rien d’eux. Vision subjective en travelling arrière,
d’un corps traîné derrière un véhicule, et à la suite duquel tous se
lancent violemment. Ils se transforment alors en acteurs d’un étrange
rituel : prédation par lynchage, jeu initiatique ou document d’une performance surgie de nulle part? TC
A bunch of young people has gathered at dawn in a fallow field on
the edge of a city. They are waiting, as if left to their own devices
on this uncultivated land, and they get bored, squabble, look at
each other, wander about. We know nothing about them. A subjective vision, with a backward tracking shot, of a body being dragged
along behind a vehicle, following which they all go violently into
action. They then turn themselves into actors of a strange ritual:
preying by lynching, initiatory game or a document of a performance that has loomed up from nowhere? TC
Jing Wang
Madame a pris sa décision, en-fin, 2012
La vidéo raconte l’histoire métaphorique de Madame qui
passe un moment dans une grotte en dehors de la ville. Le
personnage principal instaure deux relations étranges : une
avec l’environnement; une autre avec la jeune fille fantomatique, qui est son enfance. Madame refuse complètement ce paysage, qui est à l’antipode du vécu de son
enfance. Quelques objets en commun (le découpage
rouge, le cerf-volant et le bracelet en jade) relient les
personnages. JW
The video tells the metaphorical tale of Madame who
spends a while in a cave outside the city. The main character
establishes two strange relations: one with the environment; the other with the ghostly young girl, who is her
childhood. Madame totally rejects this landscape, which is
the absolute opposite of her childhood experiences. One or
two objects in common (the red cut-out, the kite and the
jade bracelet) link the characters together. JW
77
Saison Vidéo 2013
Margarida Paiva
Every story is imperfect, 2012, 9 mn
La vidéo est un récit haché qui aborde la scénarisation des bulletins d’information et les histoires
fragmentaires. Le film débute comme une histoire banale, avec la diffusion radio de l’histoire d’une
femme disparue, mais bientôt des coupures, interruptions et actions incomplètes se font ressentir,
un effilochement de lieux et de voix. Les personnages restent émotionnellement distants et indisponibles,
errant distraitement dans des trains ou des salles vides. Entre la fiction et le documentaire, le film
aborde notre incapacité à communiquer lorsque nous sommes confrontés à des actes de violence
gratuits. MP
The film is an interrupted narrative which deals with the fictionalization of news reports and
fragmented stories. The film
starts as a common story, we
hear news on the radio about a
missing woman, but soon there
are breaks, interruptions, unfinished actions, an unraveling of
places and voices. The characters remain emotionaly distant
and unavailable, wondering
around in trains or empty
rooms, absentminded. Between
the fictional and the documentary, the film approaches the
inability to communicate when
confronted with random acts of
violence. MP
78
Saison Vidéo 2013
4 - 1 7 n o v e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
BREAKS #2
Des ambiances sourdes qui stipulent des violences à venir. Une fête de famille, un déjeuner en tête à tête,
un jeune homme est proscrit chez lui, des jeunes en attente sur un terrain vague et soudain tout bascule.
Dull ambiences which stipulate acts of violence in the offing. A family gathering, a young man is
banished from his own home, an intimate breakfast, and suddenly everything turns around.
Saladin Dellers
Einmalig, wie immer, 2011, 4 mn 32
Tous les rituels du Noël familial semblent inchangés, bien que le père soit mort quelques jours plus tôt. Tous
les membres de la famille essaient de dissimuler leur tristesse et leur angoisse sous l’aspect lisse et scintillant de l’atmosphère de fête, jusqu’à ce que celle-ci devienne intenable. SD
All traditions seem to be still normal, at the family Christmas, for though the family father died a few days ago.
All family members try to conceal thous unhappiness and stress under the seemingly beautifull and glittering
christmas atmosphere, untill it escalates. SD
79
Saison Vidéo 2013
Aurelien Lemonnier
Non-lieu, 2011, 15 mn
Un jeune homme vit proscrit dans son appartement dans l’anxiété d’une guerre proche. Il se fera lyncher
dans un non-lieu, terrain vague en construction à côté d’une autoroute. AL
A young man lives banned in his apartment, anxious about an imminent war. He will be lynched
in a non-place, a wasteland area being built upon beside a motorway. AL
80
Saison Vidéo 2013
Charlie Jeffery et Dan Robinson
Eat of a table and smash it up #2, 2008, 14 mn
Produced during Labo HO#2 a short term residency working towards the exhibition
“Mud in your eye, Mud in your garden”, Histoire de L’oeil, Marseille, 2008.
Dans une arrière cour, deux protagonistes se préparent à manger, l’un servant l’autre. Ils profitent du soleil et des
sandwiches, qu’ils dégustent lentement, avant de prolonger leur moment de détente en détruisant le mobilier. Les
débris sont triés et catalogués, puis les deux hommes retournent travailler après cette pause déjeuner productive.
CJ&DR
In a back yard two protagonists
prepare to have lunch, one serving the other; they enjoy
sunshine and sandwiches eaten
at a leisurely pace, before prolonging the pause by smashing
up the furniture. The remains
are arranged and catalogued
and then the two men retire to
work after a productive lunch
break. CJ&DR
81
Saison Vidéo 2013
1 8 N o v e m b r e - 1 e r D é c e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
ECHO #1
Les vidéos Marija et CCCP sont des journaux photographiques et filmés, témoignages en voix off du quotidien en Lituanie avant et après le 13 janvier 1991, date de l’indépendance du pays. Marija Lincuité est
un témoin direct. Elle fait un travail de mémoire. Jean-Luc Dang découvre ce pays grâce et à travers
Marija. Il se repose aussi, dans ce pays qui lui est étranger, la question de son propre statut de Français
d’origine étrangère.
The videos Marija and CCCP are photographic and filmed journals, voice-over descriptions of
daily life in Lithuania before and after 13 January 1991, the date of the country’s independence. Marija Lincuité is a live witness. She undertakes a work of memory. Jean-Luc Dang discovers this country because of and through Marija. He also reintroduces, in this country which
is alien to him, the question of his own status as a Frenchman of foreign origins.
Marija Linciuté
CCCP, 2012, 20 mn 11
La vidéo avec voix-off est construite à partir d’images, de vidéos personnelles
et d’archives. Je raconte à travers mes souvenirs d’enfance, ainsi que
ceux que j’ai récoltés un peu partout dans mon entourage, notre quotidien
pendant l’Union Soviétique la veille du 13 janvier 1991. C’est à partir de ce
jour-là que tout a basculé et que la Lituanie a été l’une des premières
républiques soviétiques à proclamer son indépendance. Entrainant, petit
à petit, la chute du régime soviétique... MJ
The video with voice-over is constructed on the basis of images,
personal videos and archives. Through my childhood recollections,
as well as those that I have gathered here, there and everywhere
from my friends and acquaintances, I recount our daily life during
the days of the Soviet Union on the eve of 13 January 1991. It is
from that particular day that everything turned around, and
Lithuania was one of the first Soviet republics to declare its independence. Involving, little by little, the fall of the Soviet regime… MJ
82
Saison Vidéo 2013
Jean-Luc Dang
Marija, 2012, 17 mn 23
Cette vidéo, qui fait écho à CCCP, retrace à travers mon journal photographique, la Lituanie de nos jours via les
cinq membres d’une même famille. J’entretiens un lien très spécial avec ce petit pays perdu à l’autre bout de
l’Europe. Entre différences culturelles et barrière de la langue, je suis incapable de m’intégrer à la réalité qui m’entoure à chaque fois que j’y retourne. JLD
This video, which echoes CCCP, retraces Lithuania, through my photographic journal, as
it is today through the five members of one and the same family. I have a very special
bond with this little country lost at the other end of Europe. Between cultural differences
and language barriers, I am unable to become part of the reality that surrounds me every
time I go back there. JLD
83
Saison Vidéo 2013
2 - 1 5 d é c e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
ECHO #2
Laura Kuusk filme des individus qui ont des projets de films dont la finalisation ne semble pas a priori la
priorité. Dans cette série entamée et qui perdure, Almost film III s’avère une exception. Regarder
Expansion de Nicolas Boone permet ainsi de mesurer l’écart entre le projet annoncé et la réalisation.
Laura Kusuk films people who have film projects where, on the face of, it the top priority
does not appear to be finalizing them. In this series that has been embarked upon, and is still
going on, Almost film III turns out to be an exception. Looking at Nicolas Boone’s Expansion
also helps us to measure the gap between the announced project and its execution.
Laura Kuusk
Almost film III, 2011, 7 mn 37
Almost Film III est la troisième vidéo de la
série qui parle des gens qui font des films.
C’est l’archéologie d’un film qui n’existe pas.
On ne sait pas s’il va exister. LK
Almost film III is the third video in the
series which talks about people making
films. It is the archaeology of a film that
doesn’t exist. LK
84
Saison Vidéo 2013
Nicolas Boone
Expansion, 2012, 19 mn
Une mère et sa fille déambulent dans des paysages successifs (forêt, marais sauvages, canyon, plage). En quête
d’une destination, d’un but, la mère traque dans la nature les signes probants et les indices sensoriels d’une voie
à suivre. La petite fille se contente de suivre sa mère. Les deux femmes croisent des prédicateurs à la parole
incantatoire qu’elles ne semblent ni voir, ni entendre. Pourtant, par leurs discours, ces prédicateurs les stimulent,
créent de nouvelles règles d’action, influencent leurs décisions ou augmentent leurs données. Au terme de ce
parcours sous influences multiples, mère et fille rencontrent un groupe marchant vers une seule et même
destination. Rassurées, attirées, par la volonté et la puissance du collectif, elles se joignent à lui comme on
s’agrège à un réseau social. NB
A mother and her daughter are walking in a succession of landscapes (forest, wild marches, canyon,
beach). Looking for a destination, a goal, the
mother seeks in nature the telling signs and sensory
clues of a path to follow. The little girl is happy to
follow her mother. The two woman come upon some
preachers with incantatory words whom they appear
to neither see not hear. However, through what they
say, these preachers stimulate them, create new
rules of action, influence their decisions, and
increase their information. At the end of this journey, under many different influences, mother and
daughter encounter a group walking towards one
and the same destination. Reassured and attracted
by the determination and power of the group, they
join it, the way you subscribe to a social. NB
85
Saison Vidéo 2013
1 6 – 3 1 d é c e m b r e 2 0 1 3 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
PA R A D E
Comment s’infiltrer dans un village Irissarry attaché à ses traditions basques et dans le carnaval de Dunkerque qui est une institution.
Faire jouer les personnes présentes comme autant d’acteurs des deux films.
How to infiltrate a village called Irissarry, attached to its Basque traditions, and the Dunkirk carnival, which is an
institution. Get the people introduced to perform as so many actors in the two films.
Nicolas Boone
BUP Campagne, 2008, 7 mn
Deux leaders politiques font une campagne électorale pro BUP dans le carnaval de Dunkerque.
Plus leurs discours s’emballent, plus ils s’élèvent
dans la ville. NB
Two political leaders are running a pro BUP
campaign during a carnaval. The more their
discourses get carried away, the more elevated they get. NB
86
Saison Vidéo 2013
Bertrand Dezoteux
Txerri, 2011, 11 mn 11
Txerri (“cochon” en langue basque) met en scène l’arrivée d’un couple de cochons virtuels dans le village
d’Irissarry. Lors de leur périple, les animaux explorent le bourg et découvrent les coutumes locales : la musique,
la danse, les chasseurs, la boucherie, la pelote. Mais au tournage, les cochons manquaient à l’appel : modélisés
sur ordinateur, ils ont été rajoutés en post-production. L’enjeu du projet est ainsi de créer une action collective, à partir de l’absence des personnages principaux. La question est la suivante : comment faire exister ces
cochons ? Par l’imagination, en invitant les habitants à se projeter au contact de ces créatures. Par un système
de cordes, qui matérialise le passage des cochons, en animant, manœuvrant et pulvérisant les objets rencontrés sur leur chemin. BD
Txerri (“pig” in Basque) presents the arrival
of a pair of virtual pigs in the village of
Irissarry. During their journey, the animals
explore the place and discover local customs:
music, dance, hunters, butchery, pelota, But
the pigs miss the call for filming: modelled by
computer, they have been added in post-production. The challenge of the project is thus
to create a collective action, based on the
absence of leading characters. The question is
as follows: how to get these pigs to exist?
Through the imagination, by inviting the inhabitants to project themselves to contact
these creatures. Through a system of ropes,
which gives substance to the pigs’ passage, by
animating, manoeuvring and pulverizing the
objects encountered in their path. BD
87
Saison Vidéo 2013
Les artistes
88
Céline Ahond, née en 1979, vit à Montreuil
Born in 1979, lives in Montreuil
p. 56
Jean-Luc Dang, né en 1983, vit à Grenoble
Born in 1983, lives in Grenoble
p. 83
Adrienne Alcover, née en 1972, vit à Paris
Born in 1972, lives in Paris
p. 61
Elias Dellers, né en 1991, vit à Gümligen, Suisse
Born in 1994, lives in Gümligen, CH
p. 76
Christian Barani, né en 1959, vit à Paris
Born in 1959, lives in Paris
p. 38
Saladin Dellers, né en 1994, vit à Gümligen, Suisse
Born in 1994, lives in Gümligen, CH
p. 79
Safia Benhaïm, née en 1977, vit à Paris
Born in 1977, lives in Paris
p. 3 et 33
Louise Deltrieux, née en 1986, vit à Paris
Born in 1986, lives in Paris
p. 44
Nicola Bergamaschi, né en 1986, vit à Marseille
Born in 1986, vit à Marseille
p. 5
Lucie Deschamps, née en 1986, vit à Lille
Born in 1986, lives in Lille
p. 52
Sarah Blouin, née en 1960, vit à Montréal
Born in 1960, lives in Montreal
p. 15
Arnaud Dezoteux, né en 1987, vit à Paris
Born in 1987, lives in Paris
p. 16 et 53
Nicolas Boone, né en 1974, vit à Paris
Born in 1974, lives in Paris
p. 85 et 86
Bertrand Dezoteux, né en 1982, vit à Paris et Biarritz
Born in 1982, lives in Paris and Biarritz
p. 87
Erik Bullot, né en 1963, vit à Paris
Born in 1963, lives in Paris
p. 73
Marcel Dinahet, né en 1942, vit à Rennes
Born in 1942, lives in Rennes
p. 30
Nicolas Carrier, né en 1981, vit à Paris
Born in 1981, lives in Paris
p. 23 et 34
Anne Durez, née en 1969, vit à Paris
Born in 1969, lives in Paris
p. 23 et 50
Diana Chaumontet, née en 1983, vit à Bruxelles
Born in 1983, lives in Brussels
p. 5
Badr El Hammami, né en 1979, vit à Valence
Born in 1979, lives in Valence
p. 58
Vincent Ciciliato, né en 1978, vit à Tourcoing
Born in 1978, vit à Tourcoing
p. 51
Azin Feizabadi, née en 1982, vit à Berlin
Born in 1982, lives in Berlin
p. 47
Gaëlle Cintré, née en 1986 vit à Paris
Born in 1986, vit à Paris
p. 54
Elise Florenty, née en 1978, vit à Berlin
Born in 1978, lives in Berlin
p. 72
Simon-Pierre Coftier, né en 1985, vit à Saint Ouen
Born in 1985, lives in Saint Ouen
p. 22
Rémi Fouquet, né en 1989, vit à Lille
Born in 1989, lives in Lille
p. 54
Thomas Couderc, né en 1981, vit à Marseille
Born in 1981, lives in Marseille
p. 77
Pieter Geenen, né en 1979, vit à Bruxelles
Born in 1979, lives in Brussels
p. 31
François Daireaux, né en 1966, vit à Paris
Born in 1966, lives in Paris
p. 35
Laura Haby, née en 1988, vit à Lyon
Born in 1988, lives in Lyon
p. 43
Saison Vidéo 2013
0
Henna-Riikka Halonen, née en 1975, vit à Helsinski et
à Newcastle
Born in 1975, lives in Helsinki and Newcastle
p. 49
Anahita Hekmat, née en 1978, vit à Strasbourg
Born in 1978, lives in Strasbourg
Basim Magdy, né en 1977, vit à Bâle et au Caire
Born in 1977, lives in Basel and Cairo
p. 25
p. 59
Sun Noh, née en 1979, vit à Annecy
Born in 1979, lives in Annecy
p. 33
Véronique Hubert, née en 1970, vit à Vitry sur Seine
Born in 1970, lives at Vitry sur Seine
p. 14
Margarida Paiva, née en 1975, vit à Oslo
Born in 1975, lives in Oslo
p. 78
Jean-Charles Hue, né en 1968, vit à Paris
Born in 1968, lives in Paris
p. 4
Arnold Pasquier, né en 1968, vit à Paris
Born in 1968, lives in Paris
p. 10, 17 et 57
Laura Huertas Millan, née en 1983, vit à Paris
Born in 1983, lives in Paris
p. 18 et 24
Xavier Stentz, né en 1983, vit à Lyon
Born in 1983, vit à Lyon
p. 74
Charlie Jeffery & Dan Robinson, nés en 1975
vivent à Paris et Leeds
Born in 1975 live in Paris and Leeds
p. 81
Jeanne Susplugas & Alain Declercq, nés en 1974 et
1969, vivent à Paris
Born in 1974 et 1969, live in Paris
p. 67 et 70
Nick Jordan & Jacob Cartwright, nés en 1967 et 1969,
vivent à Manchester
Born in 1967 and 1969, live in Manchester
p. 32
Tadzio né en 1975, vit à Paris
Born in 1975, lives in Paris
p. 26
p. 55
Sylvie Ungauer, née en 1963, vit à Brest
Born in 1963, lives in Brest
p. 48
Olivier Pierre Jozef, né en 1987, vit à Paris
Born in 1987, lives in Paris
p. 37
Sophie Valero, née en 1987, vit à Lyon
Born in 1987, lives in Lyon
p. 45
Yakov Kazhdan, né en 1973, vit à Moscou
Born in 1973, lives in Moscow
p. 3
Elise Vandewalle, née en 1983, vit à Paris
Born in 1983, lives in Paris
p. 15 et 42
Arash Khakpour & Arash Radkia, nés en 1982 et 1978,
vivent à Téhéran
Born in 1982 and 1978, live in Tehran
Matthew Verdon, né en 1974, vit à Londres
Born in 1974, lives in London
p. 36
Laura Kuusk née en 1982, vit à Grenoble
Born in 1982, vit à Grenoble
p. 84
Jing Wang, née en 1983, vit à Corenc, France
Born in 1983, lives in Corenc, France
p. 77
Marie Lancelin, née en 1982, vit à Nantes
Born in 1982, lives in Nantes
p. 46
Lingjie Wang, né en 1984, vit à Metz
Born in 1984, lives in Metz
p. 35
Aurélien Lemonnier, né en 1986, vit à Marseille
Born in 1986, lives in Marseille
p. 80
Luca Wyss, né en 1987, vit à Paris
Born in 1987, lives in Paris
p. 2
Marija Linciuté, née en 1985, vit à Grenoble
Born in 1985, lives in Grenoble
p. 82
Rémy Yadan, né en 1976, vit à Paris
Born in 1976, lives in Paris
p. 6 et 75
89
Saison Vidéo 2013
90
4 – 17 mars 2013
www.saisonvideo.com
QUE LA BÊTE MEURE
p. 2
Mercredi 6 mars 2013 à 14 h
Fac arts plastiques, Tourcoing
rencontre avec REMY YADAN
p. 6
Jeudi 14 mars 2013 à 14 h
ESA, Tourcoing
rencontre avec ARNOLD PASQUIER
p. 10
18 mars – 1 avril 2013
www.saisonvideo.com
DANCERS
p. 14
Jeudi 28 mars 2013 à 14 h
ESAAT, Roubaix
rencontre avec LAURA HUERTAS MILLAN
p. 18
2 – 14 avril 2013
www.saisonvideo.com
UN EFFET DE JUNGLE
p. 22
Jeudi 4 avril 2013 à 19 h 30
CAUE, Lille
rencontre avec TADZIO
p. 26
15 avril – 5 mai 2013
www.saisonvideo.com
GHOST TOWN #3
p. 30
6 – 20 mai 2013
www.saisonvideo.com
GHOST TOWN #4
p. 34
Mercredi 15 mai 2013 à 20 h 30
Centre d’arts plastiques et visuels, Lille rencontre avec CHRISTIAN BARANI
21 mai – 9 juin 2013
www.saisonvideo.com
LA LIGNE D’OMBRE #3
10 – 23 juin 2013
www.saisonvideo.com
ON STAGE
p. 46
24 juin – 14 juillet 2013
www.saisonvideo.com
LA LIGNE D’OMBRE #4
p. 52
15 juillet – 4 août 2013
www.saisonvideo.com
AVIS A LA POPULATION #3
p. 56
2 – 15 septembre 2013
www.saisonvideo.com
ATOMIC TOURISM
p. 60
16 – 29 septembre 2013
www.saisonvideo.com
CADENSES
p. 72
30 septembre – 13 octobre 2013
www.saisonvideo.com
NUR/LUX
p. 74
14 octobre – 3 novembre 2013
www.saisonvideo.com
BREAKS #1
p. 76
p. 38
p. 42
4 – 17 novembre 2013
www.saisonvideo.com
BREAKS #2
p. 79
18 novembre – 1er décembre 2013
www.saisonvideo.com
ECHO #1
p. 82
2 – 15 décembre 2013
www.saisonvideo.com
ECHO #2
p. 84
16 – 31 décembre 2013
www.saisonvideo.com
PARADE
p. 86
Saison Vidéo 2013
La Saison Vidéo remercie les artistes sans qui ces programmes vidéos n’auraient pas lieu :
La Saison Video thanks the artists without whom these video programmes could not have been organised:
Céline Ahond, Adrienne Alcover, Christian Barani, Safia Benhaïm, Nicola Bergamaschi, Sarah Blouin, Nicolas Boone, Erik Bullot
Nicolas Carrier, Jacob Cartwright & Nick Jordan, Diana Chaumontet, Vincent Ciciliato, Gaelle Cintré, Simon-Pierre Coftier
Thomas Couderc, François Daireaux, Jean-Luc Dang, Elias Dellers, Saladin Dellers, Louise Deltrieux, Lucie Deschamps, Arnaud Dezoteux
Bertrand Dezoteux, Marcel Dinahet, Anne Durez, Badr El Hammami, Azin Feizabadi, Elise Florenty, Rémi Fouquet, Pieter Geenen
Laura Haby, Henna-Riikka Halonen, Anahita Hekmat, Véronique Hubert, Jean-Charles Hue, Laura Huertas Millan
Charlie Jeffery & Dan Robinson, Olivier Pierre Jozef, Yakov Kazhdan, Arash Khakpour & Arash Radkia, Laura Kuusk, Marie Lancelin
Aurelien Lemonnier, Marija Linciuté, Basim Magdy, Sun Noh, Margarida Paiva, Arnold Pasquier, Xavier Stentz
Jeanne Susplugas & Alain Declercq, Tadzio, Sylvie Ungauer, Sophie Valero, Elise Vandewalle, Matthew Verdon, Jing Wang, Lingjie Wang
Luca Wyss, Rémy Yadan
l’Etat et les collectivités :
Madame Marie-Christiane de la Conté, Directrice de la Drac Nord - Pas de Calais
Monsieur Philippe Tavernier, Drac Nord - Pas de Calais
Monsieur Daniel Percheron, Président de la Région Nord – Pas de Calais
Monsieur Patrick Kanner, Président du Département du Nord
ainsi que les institutions, lieux d’expositions, associations, écoles d’art, lycées, établissements d’enseignement supérieur qui en
ont rendu possible l’élaboration et la lisibilité :
It also thanks exhibition venues, associations, art schools, secondary schools and higher education centres that helped
implement this programme and make it legible:
Béatrice Auxent, Dorothée Ulrich, Benoît Poncelet, Nathalie Cogez-Poisson, Véronique Goudinoux, Emilie Cornu, France Latournerie
Marie Joseph Pilette, Véronique Perus
et tous ceux, enseignants, artistes, critiques d’art, producteurs, distributeurs qui ont incité les artistes à s’adresser à la Saison
Vidéo, spécialement :
and it thanks all those teachers, artists and art critics who, by their advice, have guided our choices and specially:
Olivier Marboeuf et Hugo Masson (Khiasma), Olga Rozenblum (Redshoes), Natalia Trebik (Le Fresnoy), Joël Bartoloméo
Olivier Bosson, Bertrand Dezoteux, Thierry Ollat, René Viau, Anahita Ghabaian Etehadieh (Silk Road Gallery, Teheran)
Jean-Claude Voisin
91
Saison Vidéo 2013
La Saison Vidéo a été créée en 1988
Ce numéro est le trente septième
SAISON VIDÉO
21 AVENUE LE CORBUSIER
F-59042 Lille cedex
tél : +33 3 61 50 68 23
email: [email protected] - www.saisonvideo.com
Direction : Mo Gourmelon
Relecture : Emilie Cornu
Traductions : Simon Pleasance et Fronza Woods, Lucy Pons
Crédits photographiques : les artistes et la Saison Vidéo 2013
copyright : SAISON VIDÉO
Les textes ou parties et photographies ne peuvent être reproduits sans accord préalable
La SAISON VIDÉO est soutenue par le Ministère de la Culture - DRAC Nord-Pas de Calais
le Conseil Régional Nord-Pas de Calais, le Conseil Général du Nord
Conception graphique : nocrea 2013
imprimé par
Directeur de publication : Eric Deneuville
Dépot légal 1er trimestre 2013
92
photographie extraite de la vidéo Moderate manipulations, 2012, de Henna Riikka Halonen, p. 49
couverture : Famagusta-Varosha 1, Chypre (côté turc), Marcel Dinahet, p. 30

Documents pareils