États-Unis États-Unis La Cour Suprême des États
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États-Unis États-Unis La Cour Suprême des États-Unis et le National Labor Relations Board (Conseil national des relations du travail) ont pris cette année des décisions significatives concernant le travail. De même, le Congress a modifié de façon importante le Americans With Disabilities Act. I - La Cour Suprême des États-Unis Deux décisions de la Cour Suprême ont précisé la portée des recours des salariés dans le cadre de la loi contre les discriminations. Le Titre VII du Civil Rights Act (loi sur les droits civiques), le Age Discrimination in Employment Act (ADEA) (loi sur la discrimination à l’embauche fondée sur l’âge) et le Americans With Disabilities Act (ADA) (loi sur les handicaps aux Etats-Unis) interdisent la discrimination sur des bases précises. Le Titre VII interdit la discrimination à l’embauche basée sur la race, le sexe, les origines ou la religion ; l’ADEA interdit une telle discrimination à l’encontre des personnes âgées de 40 ans et plus, et l’ADA, la discrimination sur la base d’un handicap. Ces lois interdisent aussi aux employeurs d’exercer des représailles à l’encontre de salariés ayant entamé des poursuites judiciaires visant à faire appliquer la législation contre la discrimination à l’embauche, ou pour s’opposer à la conduite d’un employeur dont le salarié pense raisonnablement et, en toute bonne foi, qu’elle est en violation de cette législation1. Ces recours ont considérablement augmenté, passant de 15% de l’ensemble des demandes répertoriées par le Equal Employment Opportunity Commission (EEOC) (Commission pour l’égalité des chances à l’embauche) en 1993 à 29,5% en 20062. 1 Voir, Titre VII, 42 U.S.C. § 2000e-3(a) ; ADEA, 29 U.S.C. § 623(d)) ; ADA, 42 U.S.C. § 12203(a). 2 Lawrence E. Dube, Employee Retaliation Claims are on the Rise, But Rules are in Flux, NYU Conference Told, 108 Daily Lab. Rep. B-1, 6 juin 2007. Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008 283 États-Unis Les salariés du secteur public fédéral sont protégés par l’ADEA en vertu de la section 633a(a)3, qui est distincte des dispositions statutaires protégeant les salariés du privé et les autres salariés du secteur public4. Les dispositions du secteur fédéral de l’ADEA interdisent la discrimination à l’encontre des salariés de 40 ans et plus, mais n’interdisent pas explicitement les représailles. Dans Gomez-Perez v. Potter5, la Cour Suprême a pris en compte la Section 633a(a) pour y inclure les plaintes des employés fédéraux pour des motifs de représailles. La Cour a conclu que l’interdiction de la discrimination basée sur l’âge est assez large pour y inclure les demandes faites suite aux représailles exercées par un employeur fédéral contre des salariés se plaignant d’une discrimination liée à leur âge. Dans le procès CBOCS West, Inc. v. Humphries6, la Cour Suprême a interprété la loi, 42 U.S.C. Section 1981, promulguée par le Congrès dans le cadre de la loi sur les droits civiques de 1866. La Section 1981 interdit la discrimination fondée sur la race lors de la conclusion et pendant l’exécution du contrat, ce qui couvre l’embauche dans le secteur public et privé. La Cour Suprême a retenu que ces dispositions contre la discrimination raciale sont assez larges pour englober les recours en cas de représailles. La Cour Suprême a tranché dans quatre autres cas sur la base de l’ADEA. Dans le procès Federal Express Corp. v. Holowecki7, la Cour a interprété de manière large les conditions de l’ADEA indiquant que les plaignants déposent « une accusation » opportune. La Cour a retenu que « le questionnaire d’admission » de l’EEOC ainsi qu’une déclaration sous serment suffisaient pour constituer un chef d’accusation, car ils contenaient toutes les informations nécessaires à la règlementation de l’EEOC. Dans le cas Kentucky Retirement Systems v. EEOC8, la Cour a constamment posé la question de la difficulté de distinction entre une discrimination intentionnellement illégale basée sur l’âge et les traitements 3 29 U.S.C. section 633a(a). 29 U.S.C. section 623(a)(1) (interdire la discrimination fondée sur l’âge) ; 29 U.S.C. section 623(d) (interdire les représailles contre les salariés se plaignant de discrimination fondée sur l’âge). 5 553 U.S., 128 S.Ct. 1931 (2008). 6 553 U.S., 128 S.Ct. 1951 (2008). 7 552 U.S., 128 S.Ct. 1147 (2008). 8 554 U.S., 128 S.Ct. 2361 (2008). 4 284 Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008 États-Unis différents valablement basés sur l’ancienneté dans le travail. Ici, un plan « de retraite pour incapacité » a calculé les droits à la retraite pour incapacité des travailleurs effectuant un « travail à risques », en ajoutant aux années de service réelles du salarié, le nombre d’années dont le salarié aurait eu besoin pour avoir droit à une retraite normale. La Cour a retenu que ce plan ne faisait aucune discrimination envers les travailleurs qui devenaient inaptes au travail après l’âge de 55 ans. La Cour a conclu que le plan de retraite pour incapacité prenait légalement en compte les années de service plutôt que l’âge pour calculer les droits de retraite des travailleurs qui n’avaient pas encore droit à leur retraite. Dans le procès Meacham v. Knolls Atomic Power Laboratory9, la Cour Suprême a abordé l’imputation de la charge de la preuve dans des plaintes pour motifs d’impact différencié selon l’ADEA. La théorie des traitements différenciés définit une discrimination intentionnelle illégale, alors que la théorie des impacts différenciés définit une discrimination illégale, sans prendre en considération l’intention de l’employeur10. Ce n’est qu’en 2005 que la Cour Suprême a étendu la théorie des impacts différenciés à l’ADEA11. En effet, dans le procès Meacham, la Cour a retenu que la même imputation de la charge de la preuve des impacts différenciés sous Le Titre VII du Civil Rights Act s’appliquait aussi à l’ADEA. Selon les deux lois, la charge incombe au plaignant pour ce qui est de démontrer qu’une décision ou une pratique patronale a eu des impacts différenciés sur un groupe particulier. Quant à l’employeur, il a la charge, selon Le Titre VII du Civil Rights Act, de la preuve afin de démontrer que ladite décision ou pratique constitue une nécessité liée au travail lui-même et aux affaires. Selon l’ADEA, il incombe à l’employeur de démontrer le caractère raisonnable de sa décision ou pratique patronale au regard de la disposition de l’ADEA admettant des actions « basées sur des facteurs raisonnables autres que l’âge »12. 9 554 U.S., S.Ct. 2395 (2008). Il est interdit aux employeurs, aux syndicats et aux agences pour l’emploi d’embaucher sur des critères discriminatoires selon le Titre VII, l’ADEA, et l’ADA. 11 Smith v. City of Jackson, 544 U.S. 228 (2005). 12 29 U.S.C. § 623(f ). 10 Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008 285 États-Unis Dans le procès Sprint/United Management Co. v. Mendelsohn13, la preuve de la discrimination basée sur l’âge du plaignant était fournie par le témoignage d’anciens salariés qui avaient été victimes de discrimination fondée sur l’âge de la part de responsables n’ayant pas pris part à la décision de renvoyer le plaignant. La Cour Suprême a retenu qu’une telle preuve n’était pas recevable en soi, car sa pertinence et sa valeur probatoire dépendent des faits particuliers de l’affaire. Dans le procès Chamber of Commerce v. Brown14, la Cour Suprême a jugé qu’une loi de l’État de Californie devait être écartée au profit de l’application d’une loi fédérale, le National Labor Relations Act (NLRA) (loi nationale sur les relations de travail15). En effet, la loi californienne interdit aux employeurs d’utiliser les subventions ou les fonds de l’État de plus de $10 000 « pour assister, promouvoir ou dissuader l’organisation de syndicat ». Le NLRA, dans sa Section 8(c), protège, quant à lui, l’expression de l’employeur et du syndicat dans la mesure où celui-ci ne dépasse pas la limite d’une coercition illégale. Aussi, la Cour a établi que le but de l’État de Californie, visant à éviter de subventionner les tentatives d’un employeur pour influencer le point de vue des salariés par rapport au syndicat, est en contradiction avec l’intention du Congrès de laisser ce débat sans réglementation. Le procès Engquist v. Oregon Department of Agriculture16 a retenu qu’un salarié du secteur public n’avait aucun droit constitutionnel à l’égalité des chances en cas de traitement arbitraire, à moins que la preuve ait été faite que l’employeur du secteur public ait discriminé sur la base du statut de groupe protégé, tels que le critère racial. La Cour a conclu que « l’embauche à discrétion » donnait, à la fois aux employeurs du secteur public et privé, le droit de traiter les employés de manière subjective et parfois irrationnelle, indépendamment d’autres limitations constitutionnelles, contractuelles ou statutaires. 13 552 U.S., 128 S.Ct. 1140 (2008). 554 U.S., 128 S.Ct. 2408 (2008). 15 29 U.S.C. Sec. 151, et seq. 16 553 U.S., 128 S.Ct. 2146 (2008). 14 286 Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008 États-Unis II - La nouvelle législation Fédérale Le 25 septembre 2008, le Président Bush a signé le federal Americans with Disabilities Act Amendments of 2008, qui entrera en vigueur le 1er janvier 200917.Ces amendements annulent, conformément à la loi, certaines décisions de Cour suprême qui interprétaient restrictivement le Americans With Disabilities Act (ADA). De façon plus significative, ces amendements élargissent la signification de la notion d’« incapacité », que l’ADA définit partiellement comme étant « un affaiblissement limitant considérablement une ou plusieurs activités fondamentales de la vie ». La nouvelle loi fédérale étend la portée de ce qu’il convient d’entendre par « activités fondamentales de la vie » et stipule qu'un affaiblissement peut être entendu comme un état épisodique ou en phase de rémission. Les incapacités sont définies par les amendements indifféremment des moyens, tels que les médicaments, utilisés pour atténuer la condition d’incapacité. Le Congrès a par ailleurs donné instruction à l'EEOC d’étendre son interprétation des cas dans lesquels un affaiblissement « limite considérablement » une activité importante de vie. III - Le Conseil national des relations de travail (NLRB) Les tribunaux et le NLRB ont depuis longtemps reconnu le droit aux salariés d’inciter, sur le lieu de travail, d’autres salariés à adhérer à un syndicat. Les employeurs peuvent restreindre de telles activités pour des raisons commerciales légitimes, comme une restriction durant les heures de travail. Cependant, dans le procès The Guard Publishing Company, d/b/a The Register Guard18, le NLRB a décidé que l’employeur avait adopté en toute légalité un règlement interdisant aux salariés l’utilisation du système de messagerie électronique de l’employeur pour « toutes sollicitations qui ne seraient pas en relation avec le travail ». Le NLRB a conclu, dans le jugement rendu par une majorité de 3 contre 2, que le règlement restreignait légalement l’utilisation de la messagerie électronique car elle était la propriété de l’employeur. Le Conseil a par ailleurs jugé que l’employeur n’avait pas appliqué son règlement de manière discriminatoire à l’encontre d’un salarié envoyant un courrier électronique poussant les salariés à 17 18 Voir http://www.govtrack.us/congress/billtext.xpd?bill=s110-3406 351 NLRB No. 70 (2007). Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008 287 États-Unis soutenir le syndicat. Bien qu’en pratique l’employeur permettait aux salariés d’envoyer des courriers électroniques sans rapport avec le travail, l’employeur ne permettait pas les courriers électroniques d’un salarié sollicitant le soutien de groupes ou d’autres organisations. Dans le procès BE&K Construction Company19, plusieurs syndicats ont soutenu qu’un employeur les poursuivait en justice pour violations présumées du NLRA et des lois antitrust, afin d’exercer des représailles contre les salariés pour leurs activités syndicales. Dans un autre jugement par 3 contre 2, le NLRB a conclu qu’entamer une action judiciaire raisonnable ne violait pas le NLRA, même s’il y avait une réelle preuve que le motif de l’employeur guidant l’action en justice était l’usage de représailles. Risa L. Lieberwitz Cornell University Faculté des Relations Industrielles et du Travail 19 351 NLRB No. 29 (2007). 288 Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 2008