Habituellement un invité - Groupe des Belles Feuilles

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Habituellement un invité - Groupe des Belles Feuilles
COMPTE-RENDU
DU PETIT-DEJEUNER DU 6 OCTOBRE 2004
DU GROUPE DES BELLES FEUILLES
INVITES : MM. DOUGLAS GLUCROFT & GEORGE YATES
« LES ELECTIONS AMERICAINES VUES D’EUROPE »
Douglas Glucroft ancien Chairman des Démocrates en France de 1999 à 2003, est avocat associé chez Kahn & Associes.
George Yates, membre du Comité Exécutif de Republicans Abroad (pour lequel il fut élu dans le comté de San Francisco) est
Managing Partner de Coudert Frères en France
Il y a encore 30 ans, les Américains installés hors des Etats-Unis n’avaient pas la possibilité de voter
et pour ces deux avocats le sens de leur engagement est avant tout de faire voter les Américains de
France même si, selon eux, il est peu probable que ces votes puissent changer l’issue du scrutin.
La veille avait lieu le débat entre les deux candidats au poste de vice président de la future
administration américaine, poste principalement dédié aux questions de politiques intérieures. A cette
occasion, nos deux invités remarquèrent conjointement que les questions de politiques étrangères
avait pris plus d’importance que les questions de politiques intérieures.
Le représentant républicain pense que ce fait est dû à un choix stratégique de Kerry, car le bilan de
Bush est bon, notamment grâce à un nombre important de créations d’ emplois ces deux dernières
années. M.Yates précisa, par ailleurs, que la question des impôts était très différente d’en France et
qu’il n’était pas simple de les augmenter aux Etats-Unis. Selon lui les quatre années à venir seront
agitées et mauvaises et c’est pour cette raison que les Américains préfèrent Bush qui « donne l’image
d’un homme fort ».
Le représentant démocrate, en désaccord avec son opposant, proposa une autre analyse de la
situation : «les Etats-Unis ne peuvent plus continuer ainsi : l’armée est volontaire alors que les
national guards (réservistes 15 jours par an) sont actuellement en Irak ; les finances publiques
accusent cette année 422 milliards de dollars de déficit, financé en majorité par des pays asiatiques
comme la Chine ; le prix du pétrole, très important dans les préoccupations des Américains, ne cesse
d’augmenter ; et au niveau de la santé entre 40 et 50 millions d’Américains n’ont pas de sécurité
sociale. Le prochain Président devra inévitablement mettre en place une nouvelle fiscalité pour un
mandat d’assainissement des finances. […] Car sans progrès social, avec deux guerres, et la flambée
du prix du pétrole, Bush nous a fatigué ! », glissa-t-il enfin.
La question religieuse fut alors soulevée dans l’échange courtois que se livraient nos deux invités. M.
Glucroft s’inquiète de l’influence des attitudes religieuses dans la vie politique (surtout du côté
républicain avec les Christian rights, et la création d’un site par George Bush : Kerry-bad-forcatholics.com). Il regrette que la philosophie déiste des pères fondateurs soit en train de disparaître.
Même si M.Yates reconnut qu’il était « dangereux de rentrer dans le domaine religieux en politique »,
il rappela pourtant, que les Etats-Unis avaient toujours été un pays très religieux et que les divers
communautés religieuses étaient partagées quant au choix du future Président : « les Afro-américains
et la communauté juive sont parmi les plus religieux et votent traditionnellement (à plus de 90 % pour
les Afro-américains) pour les Démocrates. », ajouta-t-il.
En ce qui concerne les questions internationales et notamment les rapports que doivent entretenir les
Etats-Unis avec ses voisins européens, les points de vue démocrates et républicains ne semblent pas
toujours très éloignés.
Les Républicains insistent sur le changement qu’a impliqué le 11 septembre sur la société américaine
et ses rapports avec l’Europe : « c’est un nouveau pays, l’attitude des gens est différente, ils sont plus
patriotes. Ce changement d’attitude est mal compris en Europe, alors que, pour les Américains, celui
qui n’est pas avec lui est contre lui ». M.Glucroft nuança ce point de vue en rappelant que, selon lui, il
n’y avait pas d’autres choix que de s’entendre avec L’Europe : « Kerry sera obligé de tendre la main
aux Européens et devra organiser une approche plus internationale que Bush, d’autant plus que les
relations entre les sociétés civiles n’ont pas tant changé depuis le 11 septembre (affaires, tourisme…).
[…] La vision restera tout de même très américaine », concéda-t-il, toutefois.
En ce qui concerne l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne les deux s’accordent à la souhaiter.
M.Yates explique que : « les Américains ne craignent pas une Europe forte . Plus elle est large et plus
ça arrange les Etats-Unis. […] Pour Bush la Turquie dans l’Europe c’est un rêve ! ». Il précise
cependant : « Le problème c’est qu’il le dit ! ». Car, même si les Démocrates souhaiteraient également
l’adhésion de la Turquie, M.Glucroft regrette la position officielle de Bush sur ce sujet : « la décision ne
concerne que les Européens. Bush a tort de s’en mêler », conclut il.
En cas de victoire démocrate l’intégration des Etats-Unis au système international sera-t-elle plus
forte ? A cette question M.Glucroft assure qu’il y’aura davantage de volonté de travailler avec l’ONU. Il
pense, d’autre part, que Kerry trouvera un moyen d’adhérer au protocole de Kyoto, bien que M.Yates
rappela que le Sénat ne le voterait pas. En revanche, ni Bush ni Kerry ne devraient adhérer
prochainement à la Cour Pénale Internationale. Pour les deux candidats, les Américains n’auraient
rien à y gagner.
Sur la lutte contre le terrorisme, les deux partis semblent d’accord pour la considérer comme l’une des
préoccupations les plus sérieuses. M.Yates rappelle que Bush n’a pas planifié les attaques du 11
septembre et que les Etats-Unis sont menacés depuis longtemps car les terroristes visent, avant tout,
la civilisation occidentale pour la liberté qu’elle représente. Il regrette, cependant, les conséquences
néfastes de cette guerre sur la liberté aux Etats-Unis : « certaines choses vont trop loin, les
Américains ont dû céder de leur liberté qu’ils aiment tant. Il s’agit désormais de garder cette liberté ».
Pourtant, pour M.Glucroft, « Bush a manipulé le 11 septembre » et il espère que si Kerry est élu, la
psychose aux Etats-Unis sera mieux maîtrisée.
Les deux intervenants se sont retrouvés sur un avertissement : nous, européens, devons garder à
l'esprit que les américains nous regarderont toujours avec la suspicion que, face à un choix difficile,
nous privilégierons la voie de l'apaisement, « comme les gouvernements européens l'ont fait en 1938
à Munich ».
Sur la guerre en Irak, M.Glucroft juge toutefois que Bush n’a pas épuisé toute les voies diplomatiques
en rappelant qu’ « il y’aurait pu y avoir plus d’inspections ». Tandis que, M.Yates pense que, « si les
Etats-Unis étaient mieux avec Saddam Hussein au pouvoir, car l’Irak était sécurisé, pour les
Américains c’est une question de long terme et le monde se porterait mieux si la démocratie s’installait
en Irak et dans la région ». Il rappelle également que, « le peuple américain ne veut pas de politique
anti-guerre et ne s’attend pas à partir d’Irak . La position de Kerry sera délicate car il se verra obligé
de poursuivre la guerre ». Dans la perspective d’un conflit avec l’Iran, il s’agit, pour les Républicains,
de privilégier la voie diplomatique pour résoudre la situation, tandis que pour les Démocrates, l’Iran
met en évidence les faiblesses de la stratégie de l’administration Bush : « Bush à décrédibilisé les
Etats-Unis car les Américains n’ont plus les moyens d’attaquer un autre pays».
Pour terminer, M.Yates nous assurent que les Républicains soutiennent leur candidat et qu’ils
n’auraient pas aimé en avoir un autre : « dans un pays partagé sur la personnalité du président, 90 %
des Républicains soutiennent Bush ». M.Glucroft ajouta pour sa part « ce que nous critiquons c’est
surtout sa politique et non son caractère ». En tout état de cause aucun de nos deux invités ne s’est
risqué à un pronostic sur l’issue du scrutin. La bataille présidentielle semble devoir s’intensifier dans
les prochaines semaines, et il n’est pas improbable que les candidats cherchent alors à se démarquer
encore un peu plus.
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Le petit-déjeuner a réuni 20 participants au total chez Angelina, Paris 1 et a été animé par André Loesekrug-Pietri. Ces
commentaires sont de simples notes de travail, et n’engagent ni nos invités, ni le GBF. Merci à Thomas pour ce compte-rendu.