Par Sarah
Transcription
Par Sarah
Sans titre mais avec corps C’est toujours une surprise de découvrir un homme nu sur scène, surtout de manière aussi subite que le passage du noir complet à l’éclairage limpide du théâtre entier (salle comprise). Chacun leur tour, Frank Willens et Boris Charmatz se tiennent sur le bord de la scène dans une solitude épurée de toute musique. Avec un jeu qui leur est propre, ils vont gambader, rouler, sauter, tourner de long en large sur la scène. Très vite on sent dans l’enchaînement chorégraphique des clins d’œil à des positions emblématiques ou pour le moins référentielles. L’échange avec le public est quasi-immédiat et l’humour qui transparaît à travers les gestuelles parfois caricaturales nourrit cette interaction. Bien entendu, si deux danseurs interprètent l’un après l’autre cette même rétrospective de la danse du XXe siècle dans une précision impressionnante, on ne peut passer à côté de la comparaison. Ces artistes ont des démarches complètement différentes : Franck Willens adopte une attitude plaisante pour son public et joue délibérément avec le comique de ses caricatures. Les poses sont plus marquées et l’échange oral avec l’assistance est teinté de jovialité. Boris Charmatz, lui, préfère un enchaînement plus rapide, comme s’il cherchait à aller à l’essentiel. Sa respiration forte et sans retenue lui donne un air plus naturel qui dévoile avec une certaine délicatesse les jeux de l’interprétation. Les danseurs évoquent dans leur langue et dans leur danse les enjeux de cet art aux multiples formes. Les artistes offrent au public leurs parcours différents, leurs rapports à la scène, la manière qu’ils ont de faire parler leur propre corps. Par leurs performances respectives, cette dimension matérielle du corps fait découvrir le contrôle qu’on veut lui imposer, ses limites, son entretien, ses changements et ses souffrances liées à la danse. C’est comme ça que la nudité gagne en valeur dans la nécessité de dévoiler l’articulation du corps, qui a son propre langage. Sarah DABIN