le réceptif - Veille info tourisme

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le réceptif - Veille info tourisme
ENQUÊTE
LA FONCTION DE RÉCEPTIF
LE RÉCEPTIF,
LEVIER DE DYNAMISATION DE
L’OFFRE TOURISTIQUE FRANÇAISE
À L’ÉTRANGER
VIVIANE SERRE-GARNIER
Responsable des études économiques et de la prospective • Sous-direction du tourisme •
Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS)
[[email protected]]
Le réceptif constitue un métier à part dans la chaîne de
valeur touristique. Sa fonction est d’organiser le séjour des
touristes (individuels ou groupes) dans une destination donnée (réservation des hébergements, gestion des prestations…). La destination France souffre d’une activité réceptive sous-dimensionnée, concentrée sur quelques secteurs
à forte attractivité (Paris, la Côte d’Azur…) ou des segments
de marché spécifiques, thématiques (congrès, œnotourisme…) ou géographiques (marché chinois, russe…). Avoir
une activité réceptive performante est indispensable pour
conquérir les marchés émergents, d’une part, et diffuser
la fréquentation touristique, d’autre part.
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epuis de nombreuses années, la
destination France souffre d’un
déficit d’organisation et de structuration de son activité de réceptif. Le développement d’une activité réceptive de qualité constitue pourtant un
important levier de dynamisation de l’offre
touristique française. C’est pourquoi la DGCIS
a confié aux cabinets Horwath HTL et
Interface Tourism France la réalisation d’une
étude(1), terminée en mars 2013, ayant pour
objectif de dresser un bilan de l’activité réceptive en France et de déterminer comment cette
offre pouvait être améliorée.
L’activité réceptive constitue un métier à
part, souvent méconnu. Un réceptif est une
entreprise, le plus souvent une agence de
voyages, qui se charge d’accueillir des touristes
venus en France (en individuels ou en groupes)
et de faciliter le déroulement de leur séjour sur
un territoire. Il intervient, notamment, dans
la réservation des hébergements, l’accueil à
l’aéroport et l’acheminement vers les lieux
d’hébergement, la gestion des prestations terrestres et des excursions, la fourniture des prestations de guides-conférenciers, etc. En tant
qu’intermédiaire, il s’insère dans la chaîne de
valeur de la commercialisation touristique,
déjà constituée par d’autres agents économiques. Un réceptif peut intervenir à différentes échelles géographiques. De fait, en
France, l’activité des réceptifs est souvent limitée à une région en particulier.
Le réceptif apporte une valeur ajoutée par
sa connaissance du territoire et des prestataires, par sa maîtrise ou son accès privilégié
aux stocks d’hébergements, par sa connaissance des attentes des clients et par sa capacité à résoudre les problèmes qui peuvent se
poser dans l’organisation d’un voyage ou d’un
séjour. Cette valeur ajoutée est rémunérée par
un système de commissionnement en B to B
(de professionnel à professionnel).
UNE ACTIVITÉ SOUS-DIMENSIONNÉE. De fait,
les groupes majeurs du tourisme n’ont pas ou
ont peu investi (tour-opérateurs, réseaux
d’agences, chaînes hôtelières, compagnies
D
aériennes…) dans le segment de l’activité réceptive. Les tour-opérateurs et agences de voyages,
notamment, privilégient leur activité à l’émission, essentiellement à l’étranger ou dans
l’outre-mer ; elles préfèrent organiser et assurer les séjours touristiques des personnes résidant habituellement en France, hors du territoire métropolitain.
Les entreprises réceptives françaises interviennent actuellement auprès des clientèles
suivantes :
– les clientèles d’affaires voyageant en groupe
ou, plus rarement, en individuel. Elles représentent souvent une part dominante de l’activité des agences de voyages réceptives, notamment pour celles qui sont implantées dans les
villes de congrès (Paris, Nice, Lyon, Bordeaux,
etc.) ;
– les clientèles de loisirs voyageant en groupes.
Les entreprises réceptives interviennent en tant
que centrale de réservation pour des prestations standardisées (fonction de grossiste).
Elles disposent de stocks (de lits, de places de
spectacle...) à des tarifs spéciaux négociés avec
les prestataires. Cette activité de grossiste est
caractérisée par des marges commerciales relativement faibles, impliquant un modèle économique fondé sur le volume et donc un certain niveau d’“industrialisation” ;
– les clientèles de loisirs voyageant de façon
individuelle. L’activité réceptive se limite à la
production sur mesure pour une clientèle haut
de gamme. En effet, la valeur ajoutée, et donc
la marge commerciale créée par les prestations
individuelles “standard”, est faible. Les entreprises réceptives se concentrent donc sur le
segment du haut de gamme.
Reflet de l’offre touristique française, l’activité réceptive en France est concentrée sur
quelques destinations à forte attractivité internationale comme Paris, la Côte d’Azur ou
encore la Corse. Les agences de voyages réceptives sont ainsi fortement implantées à Paris
et sur la Côte d’Azur : respectivement 44 %
et 13 %. Ces deux régions réalisent également
62 % et 12 % du volume d’affaires des
agences(2). Cette répartition correspond au lieu
(1) Cette étude est
disponible sur le site de la
DGCIS
[http://www.dgcis.gouv.fr/et
udes-et-statistiques/loffretouristique-receptiveFrance].
(2) Le volume d’affaires
correspond au montant
global des recettes
encaissées auprès des
clients, sur les activités de
billetterie comme de
fabrication de voyages.
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où la valeur ajoutée des entreprises réceptives
se réalise, c’est-à-dire le lieu où sont facturées
les prestations. Elle n’est donc pas le reflet
exact de la répartition des flux touristiques
traités par ces entreprises. En effet, les entreprises réceptives des grandes villes jouent un
rôle de redistribution des flux, en particulier
pour les groupes, vers les sites touristiques plus
éloignés. C’est le cas pour Paris vers la
Normandie, la Champagne, le Val de Loire et
la Bourgogne, ou de Lyon pour Chamonix et
les Alpes.
Si, dans les destinations à forte attractivité,
certaines entreprises sont spécialisées uniquement dans le réceptif, ailleurs, le réceptif est
une activité secondaire pour des entreprises,
souvent de petite taille, qui travaillent en
dehors des réseaux structurés.
L’activité réceptive en France est
concentrée sur quelques destinations
à forte attractivité internationale
Si l’on compare la France avec ses principaux concurrents européens, l’activité réceptive apparaît beaucoup plus structurée dans
certains pays comme l’Espagne ou l’Italie.
Cette situation est d’autant plus handicapante
que l’offre touristique française est complexe
et diffuse. Il existe ainsi un plus grand besoin
d’intermédiation pour les clientèles étrangères,
notamment pour les primo-arrivantes.
L’activité réceptive étant pour partie délaissée
par les entreprises françaises, certains groupes
étrangers ont pris pied en France et se spécialisent surtout dans l’accueil des touristes originaires des marchés lointains ou émergents
(Russie, Japon, Brésil, Chine…), avec un risque
de captation de la valeur ajoutée créée.
UNE ACTIVITÉ ÉCLATÉE. Le “registre des opérateurs de voyages et de séjours”, géré par
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Atout France, fournit une image de la grande
diversité des acteurs qui y sont immatriculés.
L’analyse ci-après porte sur la situation en
2012. Depuis lors, le nombre d’entreprises a
augmenté mais les proportions entre les différents acteurs sont restées similaires.
• Les agences de voyages. Malgré la grande
diversité des acteurs immatriculés, l’activité
réceptive est majoritairement le fait d’agences
de voyages : sur les 3 700 agences de voyages
ou apparentées recensées en 2012, 1 200, soit
plus du tiers, déclarent avoir une activité réceptive. Cependant, pour la plupart de ces
agences, cette activité réceptive est complémentaire de leur activité principale : seules 170
agences déclarent qu’il s’agit de leur activité
principale. Ces 170 agences sont de taille
diverse ; souvent, elles s’adressent autant à une
clientèle de loisirs qu’à une clientèle d’affaires.
Parmi ces 170 agences spécialisées dans l’activité réceptive, une vingtaine peuvent être
considérées comme des “ténors”, largement
tournées vers les marchés internationaux, parfois dépendantes d’un seul marché émetteur.
Plus d’un millier d’agences de voyages ayant
une clientèle d’affaires ont une activité réceptive en complément d’une autre activité (principalement de distribution).
Les agences de voyages qui ont l’activité
réceptive comme activité principale semblent
faire preuve d’une meilleure rentabilité que la
moyenne des agences en France (hormis les
agences en ligne) et d’une plus grande résistance à la conjoncture. Selon les travaux réalisés par Horwath HTL, ces agences ont réalisé, en 2011, un volume d’affaires estimé à
650 millions d’euros, soit 3,8 millions d’euros par agence. Leur rentabilité nette (résultat net rapporté au chiffre d’affaires) est estimé
par Horwath HTL à + 1,9 % en 2011 (contre
– 8,2 % pour les agences distributrices).
• Les entreprises de transport. Certaines entreprises de transport (500, en 2012) exercent
également une activité réceptive. Si elles sont
très diverses (autocaristes, transport aérien,
ferroviaire, maritime, location de voiture avec
ou sans chauffeur), la plupart des entreprises
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de transport déclarant avoir une activité réceptive sont des autocaristes. Ces derniers voient
dans cette activité une possibilité de diversification et de développement de leur activité
principale. Parmi ceux-ci, au moins la moitié
sont affiliés à des agences réceptives ou disposent d’un contrat avec des agences réceptives de leur territoire. La restructuration en
cours du secteur du transport en autocar et sa
plus forte concentration devraient inciter les
autocaristes, ou du moins une partie d’entre
eux, à développer davantage leur activité dans
le domaine du réceptif. Depuis la publication
de l’étude de la DGCIS, en mars 2013, cela
semble être le cas pour des entreprises comme
Cityvision.
• Les organismes institutionnels. Les organismes institutionnels du tourisme interviennent à différents niveaux mais, de fait, leurs
ventes réelles ne portent que sur des volumes
limités et ne concernent que les territoires où
les entreprises privées n’interviennent pas ; par
ailleurs, la loi limite l’organisation et la vente
de voyages et de séjours par les organismes
locaux de tourisme à leur zone géographique
d’intervention. La commercialisation de produits touristiques est une compétence facultative des offices de tourisme et autres organismes locaux. Cinq cent-cinquante d’entre
eux étaient immatriculés au “répertoire des
opérateurs de voyages et de séjours” en 2012.
Ces organismes interviennent à différents
niveaux :
– la mise en marché d’hébergements secs,
notamment de logements mis en location par
des particuliers. En dehors des stations de montagne, le modèle traditionnel des centrales de
réservation tend à laisser la place à des formes
de commercialisation plus directes par une
centralisation de l’offre (places de marché(3))
sur des sites d’annonces sur internet que les
organismes agrègent ;
– l’assemblage et la commercialisation de produits en “forfaits tout compris” pour groupes,
avec une intervention bridée par les limites
géographiques de l’organisme institutionnel
(département, en général) ;
– l’organisation de visites de villes par les
offices de tourisme les plus importants, avec
du personnel salarié ou des guides vacataires ;
– les forfaits de séjour pour les touristes individuels jouent un rôle de vitrine de la destination, mais réalisent des volumes d’affaires
très réduits, faute de disposer des disponibilités en stock d’hébergements ou de prestations
et de permettre au client d’effectuer des réservations en temps réel.
• Les prestataires. Enfin, sont immatriculés
des prestataires touristiques dans des domaines
variés (randonnée, plongée sous-marine, parcs
de loisirs, etc.). Deux cent quatre-vingt dix
prestataires l’étaient en 2012, parmi lesquels
de grands parcs de loisirs ou animaliers
(Astérix, Futuroscope, Puy du Fou, SainteCroix…) qui tendent à s’affirmer comme des
destinations à part entière, orientant les flux
touristiques vers d’autres prestataires.
On dénombrait également, en 2012, sept
cent soixante-dix hébergeurs habilités à produire et à vendre des forfaits tout compris,
dont une grande majorité d’hôtels indépendants et, de façon plus marginale, des exploitants de campings et de villages de vacances.
Dans la pratique, leur activité réceptive reste
marginale par rapport à la vente de nuitées
sèches. La logique est différente s’agissant des
hébergements organisés en resorts. Pour ces
derniers, la promesse de séjour déborde le
cadre d’un hébergement pour s’inscrire dans un
foisonnement d’activités thématiques (golf,
spa, sports…). Celles-ci constituent un objet
de séjour et soutiennent une durée de séjour
plus étendue.
NOUVEAUX COMPORTEMENTS, NOUVEAUX
INTERMÉDIAIRES. L’expérience croissante des
touristes en matière de voyages à l’étranger,
la libéralisation du ciel et le rôle facilitateur
d’internet dans les processus d’information et
de réservation favorisent chez le consommateur
final l’achat à l’unité des prestations composant
le voyage, par opposition aux forfaits tout
compris. Ces évolutions s’exercent au bénéfice de certains grands prestataires qui ont su
adapter leur système de réservation, initiale-
(3) Lieu physique ou virtuel
(place de marché
électronique – electronic
marketplace, digital
marketplace) permettant la
rencontre d’offreurs et de
demandeurs de biens ou de
services.
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ment conçu pour la vente entre entreprises (en
B to B), à la vente en ligne directe (en B to C)
– c’est le cas, notamment, des compagnies
aériennes ou des chaînes hôtelières. Les plus
importants bénéficiaires sont les agences de
voyages en ligne qui maîtrisent aussi bien la
vente de prestations sèches que de forfaits
simples.
Dans ce contexte, les entreprises réceptives
françaises doivent faire face aux évolutions
suivantes. Leur marché primaire, celui des
tour-opérateurs, est difficile. Ces derniers évitent de s’adresser aux entreprises réceptives.
Ainsi, pour les prestations “standard”, seules
les entreprises réceptives disposant d’un stock
de chambres accessibles et garanties au
meilleur prix intéressent les tour-opérateurs.
En France, ces derniers s’adressent, de fait, à
quatre ou cinq entreprises réceptives leaders
qui répondent à ces critères.
Les hébergeurs accordent également une
moindre place aux entreprises réceptives : les
agences en ligne jouent un rôle croissant dans
la réservation des hébergements et exigent souvent des hôteliers la parité tarifaire (engagement à assurer à l’exploitant du site de réservation des tarifs et des conditions de vente
égaux ou plus favorables que ceux qui sont
disponibles auprès de l’hôtelier lui-même ou
consentis à tout concurrent de cette agence de
voyages en ligne). De fait, les entreprises réceptives ne peuvent pas obtenir des tarifs plus
avantageux leur permettant de conserver une
marge. Par ailleurs, en dehors de grandes villes
comme Paris ou Nice, les entreprises réceptives “grossistes” n’ont pas une puissance de
marché suffisante pour influencer en leur
faveur les prestataires “industriels”.
Néanmoins, une demande d’intermédiation
“classique” existe encore pour les groupes.
Pour faire venir des groupes en France ou les
faire voyager sur le territoire métropolitain, il
faut réaliser un assemblage de prestations achetées globalement mais revendues à chaque personne composant le groupe, opération trop
complexe pour être entièrement automatisée et
standardisée. Par ailleurs, les groupes réser-
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vent un certain temps à l’avance, même si,
depuis la réalisation de cette étude de la
DGCIS, cette tendance tend à s’amenuiser et si
d’importantes différences existent suivant les
pays émetteurs (par exemple, les Indiens réservent à la toute dernière minute).
Les perspectives de progression des entreprises réceptives sur le marché des touristes
individuels sont limitées ; elles concernent surtout les marchés émetteurs émergents. Sur ces
marchés, il existe toujours une quantité croissante de primo-arrivants. Ces derniers alimentent la demande des tour-opérateurs,
notamment dans les pays pour lesquels la procédure d’obtention d’un visa pour la France
demeure complexe.
NOUVELLES ATTENTES DES TO ÉTRANGERS.
Une enquête, réalisée dans le cadre de la présente étude de la DGCIS, auprès d’un panel
de tour-opérateurs brésiliens, russes, américains et indiens fournit des éclairages sur la
façon dont les tour-opérateurs étrangers perçoivent l’offre réceptive française. À partir de
cette enquête, des constats, des attentes et des
possibilités d’amélioration sont détaillées cidessous.
Les tour-opérateurs étrangers ont longtemps
fait appel à des entreprises réceptives françaises par solution de facilité, dans des
contextes où l’offre des prestataires (hôtels,
autocars, restaurants, sites de visite, etc.) était
difficile d’accès à partir du marché émetteur.
Or, le développement des systèmes d’information et de réservation, en particulier via
internet, ont rendu l’offre standard beaucoup
plus facilement accessible à distance, aussi bien
pour les professionnels que pour la clientèle
finale. De ce fait, le recours à une entreprise
réceptive ne se justifie que si celle-ci est capable
d’apporter une valeur ajoutée nouvelle.
Les tour-opérateurs étrangers ont une perception globalement positive des entreprises
réceptives françaises, mais attendent d’elles
des offres plus originales, voire exclusives. En
effet, l’offre touristique française est jugée bien
adaptée pour Paris, la Côte d’Azur et quelques
grandes villes. Ailleurs, se pose souvent un
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problème structurel de capacité d’accueil dans
les hébergements, de qualité des prestations,
voire de simple présence d’hébergements. Cette
situation est souvent la cause de pertes de nuitées locales au profit de grandes villes comme
Paris.
La demande adressée aux entreprises réceptives françaises par les tour-opérateurs étrangers se porte désormais sur des activités, des
séjours ou des circuits nouveaux, créatifs et
surtout de très bonne qualité. Les produits
français sont déjà jugés de bonne qualité, comparés aux produits espagnols ou italiens.
Cependant, les coûts supérieurs français peuvent décourager les clientèles qui cherchent
avant tout des tarifs attractifs.
Les tour-opérateurs étrangers sont également en attente de destinations plus diversifiées, en dehors des grandes destinations de
notoriété internationale et considèrent que les
régions viticoles, la Normandie et le Mont
Saint-Michel, le Sud-Ouest, les Alpes et la
Provence sont insuffisamment référencés par
les entreprises réceptives françaises. Cela ne
signifie cependant pas que celles-ci doivent
inclure tous les territoires dans leur portefeuille, car il devient alors difficile de garantir une connaissance fine de l’offre. Certains
tour-opérateurs étrangers considèrent toutefois que les entreprises françaises devraient
pouvoir proposer une offre à l’échelle européenne et non pas limitée au territoire français.
PISTES D’AMÉLIORATION. Pour répondre à
certaines des nouvelles attentes des tour-opérateurs étrangers, les entreprises réceptives
françaises doivent améliorer leur connaissance
des spécificités des clientèles des marchés émetteurs. En effet, une des principales lacunes
constatées est l’insuffisante connaissance des
marchés auxquels elles s’adressent.
Cette relative méconnaissance ne concerne
pas, a priori, les entreprises opérant sur le territoire français intégrées aux tour-opérateurs
étrangers, notamment d’origine asiatique ou
russe. Leur développement en France a justement été permis, à l’origine, par les lacunes
La demande adressée aux entreprises
réceptives françaises par les
tour-opérateurs étrangers se porte
désormais sur des activités,
des séjours ou des circuits nouveaux,
créatifs et surtout de très bonne qualité
des entreprises françaises traditionnelles.
Quand les entreprises réceptives françaises ne
sont pas spécialistes d’un marché émetteur en
particulier, il est indispensable qu’elles se familiarisent mieux avec les habitudes et attentes de
chaque marché émetteur, afin de pouvoir adapter leurs propositions et leur argumentaire de
vente. Évidemment, cette connaissance vient en
complément de la maîtrise des langues des
pays d’origine des touristes et, dans tous les
cas, de l’anglais.
Cette connaissance fine doit ensuite être
maintenue auprès de l’ensemble des personnels par un processus d’apprentissage en
continu, en particulier lorsqu’il s’agit ultérieurement de diversifier l’origine géographique
des clients. Cet apprentissage peut prendre différentes formes :
– le recours à des stagiaires originaires des
pays concernés (des partenariats et échanges
sont certainement à développer entre les écoles
françaises et chinoises, japonaises, brésiliennes,
indiennes, etc.) ;
– des séances d’e-learning, centrées non sur la
destination mais sur le marché émetteur, et
destinées aux agents réceptifs de différents
pays souhaitant parfaire leur connaissance du
marché. De façon plus traditionnelle, les agents
doivent avoir connaissance des analyses de
marché réalisées par les organismes publics
ou privés, et participer à des voyages d’études
(“éductours”).
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Cette connaissance des marchés émetteurs
est à développer parmi le personnel des entreprises réceptives mais également, par capillarité, chez les prestataires vers lesquels sont
orientés leurs clients, pour assurer une prestation de qualité sur l’ensemble de la chaîne
de service et donc de valeur.
L’analyse des marchés émetteurs montre qu’il
existe encore des marchés où des clientèles sont
susceptibles de faire appel aux entreprises
réceptives françaises, notamment les niches
thématiques et les pays émetteurs lointains.
Or, les entreprises réceptives françaises sont
peu habituées à entreprendre une démarche
de voyages d’autres pays européens, voire pour
aborder le marché directement auprès de la
clientèle finale. Cela peut les amener à développer la destination France dans leur programmation auprès d’une clientèle internationale et donc à développer une activité
réceptive.
• Être plus réactif. Toujours d’après l’enquête
réalisée auprès des TO brésiliens, russes, américains et indiens, la réactivité des entreprises
réceptives françaises est jugée moindre, comparée à celle de leurs homologues d’autres pays
(Italie, Espagne), alors que le temps de réponse
à une demande est de plus en plus déterminant dans la décision d’achat des touristes.
Il existe encore des marchés où des
En particulier, les tour-opérateurs
étrangers expriment la nécessité d’obclientèles sont susceptibles de faire appel
tenir une ventilation complète de
tous les coûts pour chaque prestaaux entreprises réceptives françaises,
tion. Les clientèles étant de plus en
plus exigeantes, ces tour-opérateurs
notamment les niches thématiques et les
doivent être en mesure de proposer
un plus grand nombre de combinaipays émetteurs lointains
sons de prestations ainsi que différents niveaux de prix et de qualité
correspondant à plusieurs gammes.
Les tour-opérateurs étrangers soude conquête de ces nouvelles clientèles.
haitent, notamment, des prix plus compétitifs
Elles sont peu nombreuses à affirmer un
sur l’hébergement.
positionnement de spécialiste sur leur activité
Comparées à leurs homologues espagnoles
et sont peu présentes dans les grands salons
ou italiennes, les entreprises réceptives franprofessionnels internationaux, à la différence
çaises devraient notamment s’attacher à
de leurs homologues d’autres pays (Italie,
répondre plus rapidement et de façon plus préEspagne). De même, elles participent peu aux
cise aux demandes des clients. La réactivité
actions thématiques et spécifiques mises en
propre à l’entreprise peut être améliorée par
œuvre par des organismes comme Atout
l’utilisation d’outils de productivité dans l’élaFrance (cf. l’action des clubs d’Atout France).
boration des devis, la gestion des fournisseurs,
Les tour-opérateurs français qui sont parle suivi comptable. Les éditeurs de logiciels
venus à occuper une position forte sur un crépour agences de voyages, par exemple, proneau, comme Voyageurs du Monde (pour le
posent généralement des modules adaptés à
voyage à la carte), la Balaguère ou Club
l’activité réceptive(4).
L’information sur les disponibilités des héberAventure (devenu Huwans) pour la randon(4) Citons Editom, Advences
gements dans les meilleures conditions posnée, pourraient aider les entreprises réceptives
Planifeo, Welcome
sibles constitue un autre enjeu majeur ; cela
françaises à améliorer leur positionnement.
Management Services, Muli
suppose d’avoir accès en temps réel aux stocks
En effet, elles disposent d’atouts pour faire
Travel…
des hébergements. La fourniture d’une inforreconnaître leur savoir-faire auprès d’agences
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mation plus complète, avec une ventilation
plus fine des coûts, pour proposer un plus
grand nombre de combinaisons de prestations
ainsi que différents niveaux de gamme, serait
également bien accueillie par les TO.
Les dispositifs de formation des agents de
voyages à la problématique et à la pratique
du marketing entre entreprises (en B to B) sont
peu nombreux et mériteraient aussi d’être développés pour une meilleure qualification du
personnel.
Une autre façon de favoriser la réactivité
serait d’avoir une meilleure collaboration entre
les réceptifs et les organismes institutionnels
locaux. En effet, les tour-opérateurs étrangers
ont manifesté une forte attente vis-à-vis des
organismes institutionnels chargés du tourisme. Au niveau national ou régional, les collaborations entre les organismes institutionnels et les entreprises réceptives françaises
peuvent prendre plusieurs formes.
• La mise à disposition de ressources. Les organismes locaux, et notamment les offices de
tourisme, pourraient éventuellement mettre à
la disposition des réceptifs des ressources utiles
à l’organisation locale de séjours par les entreprises réceptives, locales ou non. Ces moyens
sont, notamment : les guides parlant la langue
des pays émetteurs des touristes, l’information touristique, l’accès à des sites habituellement non ouverts au public pour assurer des
prestations innovantes (par exemple, la visite
d’un château viticole d’exception non accessible au grand public). Il convient en premier
lieu de bien définir le rôle du public et du privé,
dans le respect de la réglementation.
• L’assistance auprès des prestataires. Le travail d’assistance à la création d’offres de séjour
adaptées à la demande des marchés émetteurs
pourrait être partagé, en amont, avec les
agences réceptives françaises. Ces dernières
ont une vision claire du niveau de qualité à
atteindre pour satisfaire la demande du client
final.
• Le référencement des “produits réceptifs” en
ligne. Les sites web des destinations touristiques peuvent réaliser des audiences élevées
lorsque la destination correspond à une
marque connue et que le site est bien référencé.
Mais ils réalisent généralement des performances médiocres lorsqu’il s’agit de vendre
des prestations en ligne, notamment des “forfaits tout compris”. Ces faibles performances
s’expliquent par le fait que ces offres ne présentent pas, en général, de caractère promotionnel et qu’elles ne sont pas réservables en
temps réel, le service de réservation ne disposant pas de stock réservé et garanti (“alloté”).
Une agence réceptive en ligne, travaillant en
accord avec l’organisme institutionnel (généralement un comité régional du tourisme),
peut apporter une solution à ces problèmes.
En effet, elle dispose d’un stock de lits réservables en temps réel (quitte à substituer un
hébergement par un autre s’il n’est plus disponible) et dont elle maîtrise les tarifs.
■ ■ ■
Dans un contexte où les comportements des
acheteurs et les formes de l’intermédiation
(émergence des agences en ligne) évoluent, les
agences réceptives doivent améliorer leur
connaissance des attentes des marchés et faire
■
des progrès en termes de réactivité.
Une autre façon de favoriser
la réactivité serait d’avoir une meilleure
collaboration entre les réceptifs et
les organismes institutionnels locaux
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