Nous étions des écrivains publics, nous devons être des

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Nous étions des écrivains publics, nous devons être des
27 OCTOBRE 2013
ÉCONOMIE 35
I LeMatinDimanche
Daniel Gorostidi dirige le groupe informatique Elca depuis vingt ans.
«Nous étions des écrivains publics,
nous devons être des romanciers»
Créé en 1968 à Lausanne, Elca
vient de remporter avec sa filiale
SecuTix la gestion de la
billetterie pour l’Euro 2016
de foot. Une diversification
qui correspond à l’évolution
du secteur suisse de la création
de logiciel, insiste son directeur.
EN
DATES
1952
c Naissance
Daniel Gorostidi naît
le 31 janvier à SaintJean-de-Luz, dans le
Pays basque français.
1978
c EPFL
Il passe cette année-là
son diplôme de
mathématiques dans
ce qui est aujourd’hui
l’EPFL à Lausanne,
ville qu’il a rejointe
en 1973.
Anne Gaudard
[email protected]
Comment situer, dans le
développement du groupe, le contrat
que vous avez signé pour l’Euro 2016?
Nous avons deux pôles actifs dans des
domaines différents. Elca reste axée
dans le consulting, le développement de
logiciel, l’intégration, la maintenance
et SecuTix propose des solutions intégrées, notamment dans l’e-commerce.
En fait, SecuTix est un CRM (customer
relationship management) au sens large,
une solution de gestion de la relation
client. Elle permet de créer et d’animer
un réseau de distribution de billets dans
la culture ou le sport. J’ai préféré faire
mes armes à l’étranger, en France et en
Espagne notamment, pour ne pas empiéter sur l’image qu’Elca a en Suisse.
Depuis six mois, nous avons une solution que nous pouvons largement commercialiser ici et bientôt en Allemagne.
1979
c Elca
Il débute chez Electro
Calcul, Elca, où il
découvre le monde
de l’informatique.
1994
c Direction
Il prend la direction
de l’entreprise qu’il n’a
pas quittée. Cinq ans
plus tard, il lancera
un management «buy
out», le rachat d’Elca
par ses cadres.
2013
c SecuTix
Mise sur le marché
de la filiale SecuTix
en Suisse. Contrat
pour l’Euro 2016
et Boulimie.
Vous avez déjà Paléo…
La billetterie de l’Euro 2016 et celle du Théâtre Boulimie sont deux belles vitrines pour Daniel Gorostidi et la filiale d’Elca, SecuTix.
pure technologie. Nous visons surtout
les entreprises nationales, les PME, qui
ne peuvent développer des systèmes si
complexes à l’interne. Cela dit, j’ai
aussi assisté à plusieurs gros échecs
dans ce pays, j’aimerais qu’on m’en
confie un ou deux…
SecuTix va-t-elle ouvrir la route
de l’étranger pour Elca?
Vous voulez travailler
pour la Confédération?
L’expérience SecuTix nous montre
qu’avoir un bon produit est une des
routes d’accès à l’étranger, mais elle
exige des moyens que je n’ai pas. C’est
pourquoi je cherche du financement
car nous avons une solution de niveau
mondial et qu’il faut aller vite. En fait, la
croissance de SecuTix passe par le volume, au contraire d’Elca qui doit croître régulièrement sur une base qualitative. Dans ce cas, notre but est bien de
rester farouchement indépendant en
élargissant notre base clientèle. C’est
comme au rugby, pour faire une belle
passe, il faut d’abord avoir le ballon.
Nous travaillons déjà pour eux, mais
quand je vois certains échecs, je pense
qu’Elca a l’expertise pour gérer ce type
de demande. Nous avons conçu une
méthodologie, AgilIT, qui permet la
gestion de dossiers complexes à prix
fixe et en mode offshore. Elle s’inspire
de la méthode Scrum qui prend son
nom du rugby et qui veut dire mêlée.
Plus le projet est grand, plus il faut du
temps pour définir les besoins alors que
ceux-ci évoluent dans le temps. C’est
souvent une véritable course contre la
montre. La flexibilité nous permet de
livrer une solution en adéquation avec
les besoins dans le respect des contraintes budgétaires. Il est en outre illusoire de vouloir absolument attein-
SecuTix préfigure ce qu’on a envie de
faire: développer le marché de solutions. Longtemps, les logiciels d’entreprises n’étaient tournés que vers l’intérieur de la société, aujourd’hui ils doivent la mettre en contact avec le monde
extérieur. Nous travaillons sur des
CRM pour les banques, les assurances,
l’énergie. Nous avons de l’expérience
dans la gestion des e-dossiers clients,
dans le domaine de la compliance, ou
encore la sécurité. Pour résumer: aujourd’hui, nous sommes des écrivains
publics, or nous devons nous éloigner
de ce rôle en mettant au point des solutions métier. Demain, nous devons être
des romanciers, des créateurs, car ce
métier est plus porteur d’idées que de
Contrôle qualité
Nous avons
la chance de travailler
dans des secteurs
qui intéressent les
jeunes, et nous en
engageons beaucoup»
Avec le développement de l’informatique tournée vers l’extérieur, qui exige
des systèmes fonctionnant 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7, capables de résister à des pics de fréquentation, etc.,
la demande en personnel très compétent explose. Est-ce qu’il y en a? Oui!
Ici aussi?
dre un compromis préalable sur les besoins de, par exemple, plusieurs
cantons. La bonne approche consiste à
développer un logiciel pour un, voire
deux cantons, puis intégrer progressivement les besoins des autres.
Comment envisagez-vous l’avenir du
secteur bancaire dans vos activités?
Nousrestonsuneentrepriseàlaclientèle
diversifiée dans laquelle le secteur bancaire a sa place. Et avec le développement de la compliance, de la régulation,
il y a encore de la marge pour progresser.
Nous engageons des personnes ici et à
l’étranger. Nous avons la chance de
travailler dans des secteurs qui intéressent les jeunes, et nous en engageons beaucoup. Nous sommes
d’ailleurs cosponsors à l’EPFL. Lors de
notre dernière présentation au Forum,
nous avons attiré presqu’autant de
monde que Google et Facebook. Plus
globalement, nous avons créé des filières avec plusieurs écoles en Suisse et à
l’étranger. Il est clair que pour avoir les
meilleurs étudiants, il faut investir.
Notre problème aujourd’hui est autre:
ces diplômés ne parlent pas toujours
DANIELGOROSTIDI
INTIME
c Le rugby
Il y fait souvent
référence. Pas
vraiment étonnant pour quelqu’un
qui vient du sud-ouest
de la France. Le rugby
fait partie de la vie de
Daniel Gorostidi. Il a
même joué au ballon
ovale ici, en Suisse.
«J’ai joué au LUC rugby
lorsque je suis arrivé à
l’EPFL, et avant j’avais
joué à Madrid où j’ai
DR
SecuTix représente quelque 10%
du chiffre d’affaires du groupe.
Et demain?
«
Depuis plusieurs années, les milieux
informatiques en Suisse critiquent le
manque de main-d’œuvre qualifiée.
La situation bouge-t-elle enfin?
passé une partie de ma
vie.» Un club favori?
«Le rugby n’est pas
vraiment comme le
foot, on n’est pas aussi
fanatique. J’aime le
beau jeu. Mais je
dois dire que
je suis plutôt de cœur
avec les équipes du
Sud-Ouest, ma région.» Il hésite entre
Toulouse et ClermontFerrand. S’il en fallait
vraiment un, il cite
l’Aviron Bayonnais, le
plus proche de sa ville,
Saint-Jean-de-Luz.
c Les abeilles
Une autre de ses
passions, c’est
l’apiculture. Il a eu des
abeilles chez lui,
jusqu’à ce que
l’urbanisation
rapproche trop les
immeubles de son
jardin, de ses ruches.
Mais l’apiculteur
amateur qu’il est,
reste passionné, alors
«c’est décidé, je vais
mettre deux ou trois
istock
Oui, ils se sont adressés à nous il y a
longtemps, mais ils utilisent la première version de notre solution qui a
été développée sur une dizaine d’années. La deuxième est plus intégrée.
C’est un portail omnicanal. Et nous venons de signer un premier contrat en
Suisse: le Théâtre Boulimie à Lausanne. Un premier pas dans un marché
qui nous intéresse beaucoup.
ruches sur la terrasse
de l’immeuble Elca.
On le fait à Paris,
pourquoi pas
à Lausanne.»
Un apiculteur s’en
occupera. «J’ai encore
tout l’équipement,
mais pas forcément
le temps. Je vais ainsi
prendre des cours
particuliers, cela me
plaît.» Puis, l’arrivée
des ruches
«renforcera notre
norme ISO 14 001
d’engagement pour
l’environnement».
Sedrik Nemeth
les langues nationales, or pour travailler avec les entreprises en Suisse, ils
doivent faire l’effort d’apprendre le
français ou l’allemand.
Vous envisagiez de dépasser
les 600 employés cette année…
Nous sommes désormais 615 et encore
en plein recrutement.
Dans votre filiale vietnamienne
aussi?
Oui, ils sont 120. En fait, pour avoir du
travail là-bas, nous devons engager ici.
Le rapport est de deux pour un. Sauf sur
certains projets où il est d’un pour un.
La sécurité informatique, le sujet est
d’actualité, est un autre de vos pôles
de croissance. Dans quelle direction
vous engagez-vous?
La guerre électronique va avoir lieu et les
besoins en sécurité vont exploser. Les
entreprises vont devoir investir, se professionnaliser en la matière. Mais elles
veulent dans le même temps ne pas perdre en flexibilité. C’est comme vouloir
une décapotable blindée! Par exemple:
on met en œuvre des solutions de chiffrement très complexes mais qui restent
souslecontrôled’uneseulepersonnequi
garde tous les pouvoirs, ce qui les rend
faillibles. Bref, en matière de sécurité, le
chemin est encore long, mais je n’irai pas
plus loin, c’est un sujet sensible.
Y a-t-il des hackers chez vous?
Oui, j’en ai engagé. Nous nous plaçons
côté défense, mais pour construire un
bouclier, il faut avoir un bon glaive.
Comment se déroule l’année 2013?
Nous devrions afficher une croissance
de 6%, comme en 2012, et parvenir à un
chiffre d’affaires de plus de 93 millions
de francs. Par ailleurs, nous devrions
avoir plus que doublé notre résultat. x