Fonctions des rites de transition au cœur du vide psychique

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Fonctions des rites de transition au cœur du vide psychique
Fonctions des rites de transition
au cœur du vide psychique
Marie-Frédérique Bacqué
MOUVEMENTS DE VIE ET DE MORT CHEZ L’ADOLESCENT
L’adolescent est soumis à des mouvements contradictoires dès les prémisses
de la puberté : il acquiert un potentiel d’adulte (accès à la vie sexuelle et à la
reproduction) en même temps qu’il retrouve des désirs pour ses parents, exprimés lorsqu’il avait à peine trois ou quatre ans. Ces désirs sont bien connus depuis
Freud, il s’agit des sentiments œdipiens : désir de devenir le partenaire du parent
du sexe opposé, ambivalence dans l’identification au parent du même sexe (dont
il aimerait bien se débarrasser). Or, aujourd’hui, l’adolescence occupe une période
de plus en plus longue : elle commence très précocement, vers l’âge de dix ou
onze ans (il n’est qu’à voir comment les petites filles imitent, dans leurs comportements et habillements, les apprenties chanteuses de la Star Academy), elle se termine parfois encore après la fin des études (le film Tanguy a admirablement mis
en scène les effets pervers de la prolongation de l’attachement parents-enfant).
Nous avons bien écrit « pervers » car, en fait, la durée de la période « entre deux »
n’est pas seulement le fait des jeunes, mais plutôt un accommodement social
lié à l’augmentation de la longévité. Tout le monde ne peut en effet exercer le
pouvoir en même temps. Les vieux sont certes majoritairement évincés de la vie
sociale ; cependant, une certaine élite pourrait nous faire croire que nous sommes
une gérontocratie. Refoulés du pouvoir en place, maintenus dans un no man’s
land politique, les jeunes sont neutralisés, permettant de penser qu’un nouveau
mai 68 est hautement improbable... Il est admis, cependant, que les jeunes sont
pleins d’énergie. Sommés de l’exercer dans les domaines du sport, de la danse et
du chant, ils sont relégués dans les cités vers les éducateurs qui ont pour charge de
les fatiguer un peu. Mais, la mort rôde. Délits, crimes, mais aussi manipulations
(pédophilie, terrorisme) sont largement proposés par le monde des adultes. Les
jeunes sont mal armés aujourd’hui pour s’en défendre. Nous pensons ici au jeune
Maori, dans le film Once we were warriors, de Lee Tamahoridans, qui observe son
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Errance et solitude chez les jeunes
pair couvert de tatouages et répond « Ma protection, elle est intérieure. » Cette
scène illustre fort bien notre propos : les protections intérieures relèvent bien du
travail psychique qui consiste à intérioriser les relations toutes expérimentées avec
les adultes ou les pairs : place de chacun, rôle du langage, accès au symbolique,
analogie, métaphore, métonymie, désir, attente, satisfaction. Il existe différents
moyens pour acquérir la sagesse de la maturation. Les rites de passage, dans
leur universalité, leur constance dans toutes les civilisations, ont cette fonction :
ils dépassent l’individu-matérialité pour le transformer en sujet membre d’une
culture et d’une société. Les rites arrêtent le temps sur un moment clé partagé par
tous, et marquent le passage vers un autre temps, plus intérieur celui-ci, puisqu’il
s’inscrit désormais dans une chronologie. Les rites « ordonnent » la société et
l’individu en intégrant discontinuité et continuité (arrêt sur image et mise en
lien des différentes étapes de la vie).
Hélas, des rites, ne subsistent aujourd’hui, pour les jeunes, que des sentiments d’obligation. Ils y voient des pratiques obsolètes, pauvres, juxtaposées
à des cérémonies religieuses. Les rites, automatisés, « non habités », ont été
délaissés (Bacqué, 2003). Certains jeunes (nous ne parlerons pas des autres rites
de transition) croient en créer de nouveaux en justifiant les rites d’initiation
dans les groupes errants des cités. Ils n’ont pas forcément tort. Cependant, nous
verrons que d’autres possibilités s’ouvrent, moins cruelles ou violentes, du moins
concrètement, car le rite procède par le symbole et non par la réalité.
PERDRE POUR CROÎTRE
L’adolescence est cependant, à l’origine, une phase de passage. Récente,
la catégorie « jeunes » n’existait pas au Moyen Âge. Même si les « escholiers »
régnaient à la Sorbonne, la jeunesse ne fait son apparition en France, si l’on en
croit Edgar Morin, qu’avec le concert de Johnny Hallyday, place de la Nation,
dans les années 1960. Passage entre l’enfance et l’âge adulte, la « jeunesse »
nécessite toute une série de rites, il s’agit de rites de transition. Leur fonction est
de faciliter la séparation du groupe des enfants et la ré-agrégation au nouveau
groupe d’appartenance, celui des adultes. Or, avec le temps, cette phase s’est
accrue temporellement et ses rites se sont dilués, ne laissant plus aux jeunes
la possibilité de se séparer définitivement de cette enfance, dans laquelle ils se
maintiennent, avec leurs embarrassants corps d’adultes.
Tout rite de passage est lié à la mort. Il s’agit d’une mort au sens figuré, faite de
perte et de renoncement. La perte concerne les avantages de l’enfance : la pensée
magique et la toute-puissance en font partie, mais aussi l’amour infantile porté à
des parents protecteurs en toutes circonstances, exerçant le pardon, tentant sans
cesse la conciliation. Renoncer à tout cela n’est pas simple, d’autant plus que,
paradoxalement, le groupe des parents agace par sa routine, son adhésion au
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système et son assurance quant à l’avenir. L’enfance qui meurt induit un travail
de deuil que le jeune n’est pas prêt à effectuer. Il lui faut, en effet, reconnaître ses
difficultés lors de moments de vide, de solitude, suivis de passages où l’énergie
est immense et les fantasmes de domination à leur sommet. Le jeune redoute
de se montrer faible et confus alors que son corps témoigne d’une maturité
physique évidente. Il se complait dans ce qu’il estime ses privilèges (ceux de la
jeunesse), comme la liberté, l’anticonformisme et la provocation. Il est honteux
d’éprouver la tristesse et surtout la dépendance affective.
LA RÉALITÉ DE LA MORT
Dans ces conditions, la mort est parfois une issue envisagée comme une
rupture avantageuse : rapide, efficace, radicale dans le choc qu’elle provoque. Le
suicide est souvent évoqué par le jeune comme un moyen de changement, il est
attirant par la pseudo-maîtrise qu’il évoque, il donne surtout accès au mystère
qui questionne l’adolescent. La mort devient alors, comme le sexe, une de ses
thématiques favorites. À la fois déniée et idéalisée, elle correspond à une forme
d’héroïsation avec laquelle le jeune peut « flirter » fantasmatiquement, mais aussi
dans la réalité. Tester ses limites est une façon de passer de l’autre côté, et de
supporter le passage vers la vie adulte. Les nouvelles capacités physiques de l’adolescent sont alors mises à rude épreuve : veiller tard la nuit, manger (ou jeûner)
plus que de coutume, boire, s’intoxiquer... Les prises de risque alternent avec les
défis posés aux qualités morales inculquées par les parents : transgressions, provocations sociales et philosophies ésotériques développent des questionnements
sans fin. Le nihilisme et le mépris pour la loi des adultes ne sont jamais loin,
et entraînent des adhésions risquées à des systèmes présentés par des gourous
séduisants (les sectes savent recruter ces jeunes hésitants et fragiles).
COMMENT AMÉNAGER LE PASSAGE DE L’ADOLESCENCE À L’ÂGE ADULTE ?
La réhabilitation des rites de passage ne peut se passer de certaines règles.
Dans les faits, comme pour les rites funéraires, la mue qui consiste à se débarrasser de sa vieille peau d’enfant pour revêtir les habits neufs de l’adulte a besoin de
respecter certains invariants du deuil : le renoncement, l’acceptation des affects
dépressifs qui suivent la perte, la recherche d’une énergie interne pour s’en sortir,
sans l’appui de paradis artificiels ou de héros superficiels, enfin, le fait que la solitude reste la garantie de la croissance, tandis que le groupe n’est finalement que le
témoin de l’évolution. Le groupe est un bon moyen pour aider le jeune en mal de
rites de passage. Mais attention : au groupe décrit par Auguste Comte, qui assiste
sans intervenir aux souffrances de l’impétrant en mal de reconnaissance, nous
préférons le groupe de pairs alliés dans la difficulté, comme dans la création.
L’animation de groupes d’adolescents ayant perdu un parent ou dont les parents
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avaient divorcé (Bacqué, Gautier, 1998), a montré les qualités multiples nécessaires à la fois pour le passage de l’adolescence et pour la confrontation à la mort
réelle. Les adolescents créent ici la micro-société (leur groupe) dont ils ont besoin
pour se différencier des enfants et des adultes. Progressivement, et au travers de
l’écoute des autres, ils parviennent à tolérer l’angoisse liée à leur perte commune
et identifient leurs ressources. Enfin, la présence des psychanalystes montre qu’il
existe une autre catégorie d’adultes mûrs pour recevoir les questionnements, les
émotions, les sentiments douloureux, et capables de renvoyer aux jeunes leurs
propres capacités à se porter eux-mêmes vers d’autres horizons. Le fait que ces
thérapeutes-analystes ne soient ni des éducateurs, ni des parents, ni des gourous,
permet aux jeunes de reprendre pied dans la hiérarchie morale des enjeux de la
vie. Bien qu’ils aient été confrontés à la douloureuse épreuve de la perte réelle,
ils retrouvent ici la force d’élaborer une dépression qui, sinon, resterait larvée,
et les conduirait à errer dans les limbes de l’entre-deux, enfants mal terminés ou
hyper-matures, adultes aigris ou incapables de se prendre en main. L’exemple
du groupe d’adolescents en deuil s’applique aisément à toute autre rupture de
la vie (autre événement majeur, délinquance, toxicomanie), il constitue parfois
un palier nécessaire pour tolérer le passage vers l’âge adulte et le renoncement à
l’enfance.
LES SOCIÉTÉS MODERNES SOUFFRENT DE « MALTEMPORALITÉ »
Le décalage entre le temps physique d’un individu et ce qu’il vit socialement
est typique de l’adolescence d’aujourd’hui. L’idée d’être différemment le même
est difficile à admettre pour le jeune qui voudrait changer de façon magique, sans
douleur et en négligeant la progressivité. Dans tous les rites, un officiant se situe
à la charnière du passage. En général, il est plus âgé, et censé faire le lien entre
les impétrants du groupe demandeur et le groupe receveur. Son exemple, voire
son modèle, permet une identification claire de ce que le jeune désire devenir. Il
faut cependant accepter de lui faire confiance, accepter de lâcher prise et de se
laisser faire passivement. L’officiant reste neutre et atteste par son expérience de
sa qualité de passeur. Deux rites décrits par Michèle Fellous (2001) pourraient,
par leur simplicité et leur valeur symbolique, se réinscrire dans le parcours des
jeunes pour limiter justement l’errance et les écueils d’une vie linéaire, sans étapes de construction.
Un rite de puberté en Californie : une jeune fille de quatorze ans, accompagnée de sa marraine (il ne s’agit pas de la marraine au sens religieux, mais d’un
adulte privilégié susceptible de remplacer les parents en cas de disparition), va
accéder au statut de femme, au milieu de jeunes filles et de femmes amies qui
vont l’accompagner pendant ce moment. La création d’un « espace sacré » faisant
appel à la présence symbolique de l’air (matérialisé par des fumées d’encens et
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de plantes), du feu (bougies) ou de l’eau (environnement sonore à base de bruits
de torrents ou d’écoulement), permet la cérémonie. Un cercle de femmes attend
la jeune fille qui est restée à l’extérieur de la maison avec des amies de son âge.
Elle entre (on insiste sur le passage du seuil), porte encore quelques signes de
l’enfance qu’elle quitte à peine. Le cercle s’ouvre, des mythes traditionnels sont
rapportés, des objets significatifs et si possible émouvants circulent (ces objets
ont à voir symboliquement avec la menstruation). Ils ont été fabriqués par les
femmes et constituent, lors de leur remise, des « objets de pouvoir » auxquels la
jeune fille pourra se référer. En entrant, la jeune fille est passée sous les bras levés
des femmes qui répètent son nom. Elle est alors baignée, habillée et maquillée,
elle reçoit une couronne de fleurs sur la tête. Chaque femme témoin du passage
offre un cadeau à la jeune femme ainsi que des souhaits pour sa « nouvelle vie ».
Le cercle est refermé par l’officiante sur une invitation à partager un repas avec le
reste du groupe social (hommes et garçons sont alors conviés). Ce rite fait intervenir les notions de séparation entre les âges, de partage d’expériences, de don et
de contre-don. L’appel aux mythes ancestraux est une façon de transcender notre
époque et d’établir une chaîne entre toutes les femmes. La jeune fille partage, dès
lors, avec toutes, un passage singulier de sa vie propre. En cela, elle répète une
étape et, en même temps, elle s’approprie cette étape, dans sa lignée, dans son
époque. Le Tout et le Un sont réunis en cet endroit, en cet instant. En échange,
cet événement permet à toutes celles qui l’ont déjà vécu une remémoration fertile
qui les rend capables, à leur tour, de se situer dans le temps et d’accepter qu’il soit
révolu. Le rite est un véritable échange : ceux qui l’ont déjà traversé témoignent
de leur expérience et accompagnent le futur membre de leur groupe. Ce faisant,
ils poursuivent leur propre chemin et gagnent aussi en réflexion sur eux-mêmes,
leur groupe, leur société.
Un rite de séparation d’avec les parents : le Vision Quest est aussi rapporté
par Michèle Fellous. En Californie, le retour aux traditions amérindiennes est
une manière de rechercher des ancêtres et, peut-être aussi, de se « dédouaner »
par rapport aux exactions commises par les premiers conquérants. Après une
préparation psychologique de quatre réunions en groupe, des adolescents, alors
qu’ils se préparent à entrer à l’université et, donc, à quitter leurs parents, vont
passer trois jours et trois nuits dans le désert. Ils resteront à jeun, auront juste à
leur disposition de l’eau, une tente pour dormir, un livre et un nécessaire d’écriture. Ils partent avec une lettre de chaque membre de leur famille, ils se donnent
pour tâche d’y répondre. Après ces trois jours, les jeunes qui ont vécu ensemble
l’expérience se retrouvent et échangent sur leurs sentiments et ce qu’ils partagent
désormais. La solitude, un certain danger (les jeunes sont surveillés de loin mais
sans intrusion) et la frustration temporaire (pas de nourriture) les exposent à une
grande fragilité et à une perte de confort. L’état de conscience peut en être à la
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fois perturbé et dégagé. Une légère altération de la conscience permet plus de
concentration sur ce qui se passe au moment même de l’expérience, elle permet
aussi de se centrer sur les choses vraiment importantes. Les lettres des proches
sont très investies parce qu’elles constituent le seul lien avec la société. Elles
permettent une certaine régression vers la dépendance affective de jadis pendant
les premiers temps de l’adaptation au monde hostile. Au fur et à mesure que les
jeunes retrouvent leur autonomie, les lettres vont appeler le contre-don. Ce dernier est un manifeste d’indépendance et même plus, puisque le sujet se permet
d’offrir à son tour. L’écriture des réponses est le signe du passage : psychique, le
sujet ressent des émotions et tente de les contrôler en renvoyant ce qu’il ressent ;
social, le sujet se lie au groupe et aborde son changement de statut ; enfin physique, confronté au désert, le sujet « s’arme » pour survivre et crée des stratégies
pour tolérer son ignorance et avancer dans l’inconnu. Ici encore, des valeurs
universelles sont échangées entre les jeunes après l’expérience : la culture face à la
peur, le courage face au changement, le groupe face à la solitude, l’intériorisation
des relations d’amour face au vide du désert.
FAUT-IL RENOUER AVEC LES RITES ?
Les témoignages précédents sont particulièrement appréciés par les jeunes et
leurs parents. Tous sont favorables, même si les classes économiques élevées et
les parents ouverts culturellement de ces jeunes ne permettent pas de généraliser
cette idée à toute la société. Simplement, nous avons voulu montrer les principes
véhiculés par tous les rites de transition : arrêter le temps sur le moment du
passage, le stigmatiser volontairement pour une prise de conscience (comme un
tatouage qui marque la peau, mais à la différence qu’une fois l’étape passée, ce
dernier reste indélébile et fixe le sujet dans un temps arrêté; ici, le marquage transitoire est à l’image du travail psychique, il est dynamique), trouver les témoins
du passage et leur permettre une commémoration de leur propre passage et
peut-être une préparation du suivant. C’est en ce sens que nous pensons que ces
rites à l’adolescence ne concernent pas que les jeunes, mais toute la société, qui
effectue elle-même son propre travail de progression. Ceux-ci marquent la temporalité, mais aussi l’espace. Rites de puberté ou rites de séparation ont besoin
d’un lieu spécifique ; ce lieu est sacré car en lui se déroulent tous les passages,
il concentre donc une forte charge émotionnelle et symbolique. Nous pensons
que les jeunes en errance n’ont pas bénéficié de cet espace singulier (pensons au
rôle des mjc dans les années 1970). Métaphoriquement, on pourrait dire qu’ils
sont comme les nouveau-nés non entrés dans la communauté (par le baptême
ou un autre rite de naissance) qui errent dans les limbes (Fine, 1987). Le rite
est une introduction culturelle à une place sociale et à une représentation de soi
psychologique. Ces trois éléments sont indissociables et indispensables à la vie
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humaine, toute moderne ou post-moderne soit-elle. Le délaissement des rites
conduit à un écrasement du temps : plus de passé, plus d’avenir. Le présent dans
sa plus simple expression est incompatible avec le pouvoir de l’humain. Autant
l’animal peut s’établir dans un présent instinctuel, autant l’être humain a besoin,
dans sa culture, d’être conscient de ses actes pour limiter leurs conséquences
dans le futur. Le rite est par essence le fil rouge du lien social, contemporain du
regard d’Homo sur l’univers. Il lui a permis de combattre les éléments extérieurs
(dont témoignent les hommages et marchandages avec la Nature), comme les
événements intérieurs (naissance, puberté, maladies, mort). Face à l’adversité, il a
toujours opposé le groupe, témoignage de force et garant de processus psychiques
communs, s’alliant pour constituer un organisme plus fort et plus solide. Enfin,
les rites de transition permettent de supporter la finitude de l’individu en insistant sur la normalité des passages et sur la pérennisation de l’espèce. On a cru ces
représentations valables uniquement pour nos civilisations anciennes, au point
de juger les rites de passage obsolètes à l’époque moderne. En les décrivant, puis
en les expliquant, on a pensé pouvoir s’en libérer. Mais comme une psychanalyse
ne consiste pas à se faire expliquer, voire à s’expliquer, ses réactions psychiques, le
rite de passage se vit de l’intérieur et ne se reproduit pas de manière extérieure.
La réalisation « opératoire » des rites effectués par des professionnels (lors, par
exemple, des funérailles d’un proche), déclenche en général ennui et refus de
participation. L’utilisation à des fins commerciales des rites ou de leurs pratiques
entraîne également rejet et incompréhension (par exemple, Halloween adapté
en France). Les rites se modulent, en fonction des époques, ils se retrouvent et
s’adoptent à nouveau lorsque le besoin s’en fait sentir. Pour certains jeunes, le
temps presse !
Bibliographie
Bacqué M-F., Gautier C. « Deuil et divorce des parents : groupe de soutien
psychologique d’adolescents dans le cadre scolaire », Neuropsychiatrie de l’enfance
et de l’adolescence, 1998 ; 46(5-6) : 350-57.
Bacqué M-F., Apprivoiser la mort, Paris, Odile Jacob, 2003.
Fellous M., À la recherche de nouveaux rites, Paris, L’Harmattan, 2001.
Fine A., « Le parrain, son filleul et l’au-delà », Études rurales, 1987 ; 105106 : 123-46.
Levi-Strauss C., L’Homme nu, Paris, Plon, 1971.
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