La clause de non-concurrence - MACSF exercice professionnel

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La clause de non-concurrence - MACSF exercice professionnel
La clause de non-concurrence
La protection des intérêts légitimes des entreprises prévaut-elle sur les libertés individuelles des salariés ?
C'est cette question qu'a clairement répondu la Cour de Cassation dans quatre arrêts, rendus respectivement les
10 juillet (n°99-43334 – n°99-43335- n°99-43336) et 18 septembre 2002( n°00-42.904), en restreignant tant la validité
que la portée des clauses de non-concurrence.
Spécialité(s) :
● Médecin
généraliste et urgentiste
Ainsi, en se fondant la fois sur le principe du libre exercice professionnel et le principe de proportionnalité
affirmé par l'article L 1121-20 du Code du Travail (ancien L 120-2)°(nul ne peut apporter aux droits des personnes
et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne sont pas justifiées par la tâche accomplir ni
proportionnées au but recherché) la Cour de Cassation subordonne la licéité des clauses de non-concurrence la
réunion de 5 conditions cumulatives :
• Elle doit être limitée dans le temps
• Elle doit être limitée dans l'espace
• Elle doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié
• Elle doit être indispensable la protection des intérêts légitimes de l'entreprise
• Elle doit comporter une contrepartie financière
Jusqu'alors, la validité d'une clause de non-concurrence n'était pas subordonnée l'octroi au salarié d'une
contrepartie financière si celle-ci n'était pas prévue par la convention collective.
Déjcertaines Cour d'Appel et notamment celle d'Aix en Provence (CA 23 janvier 01, 17ème Ch., n°001746) avaient
posé le principe selon lequel toute clause de non-concurrence devait comporter, sous peine d'inopposabilité, une
contrepartie financière, quand bien même la convention collective ne l'aurait pas prévue.
Ce faisant, la Cour de Cassation reprend cette position son compte en soulignant que cette contrepartie
financière doit respecter le principe de proportionnalité : en d'autres termes un salarié pourrait revendiquer
l'inopposabilité de la clause si l'indemnité versée en contrepartie s'avérait dérisoire.
Cette condition de la proportionnalité n'est toutefois pas nouvelle et trouve son fondement dans l'équilibre
nécessaire que doivent présenter les relations contractuelles de travail ; l'on peut notamment rappeler que les
concessions réciproques qui subordonnent la validité des transactions.
C'est précisément dans cette optique que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 18 septembre 2002 a posé le
principe du pouvoir du juge de restreindre l'application d'une clause de non-concurrence, si cette clause ne
permet pas au salarié d'exercer une activité conforme sa formation et son expérience professionnelle, quand
bien même elle serait indispensable la protection des intérêts légitime de l'entreprise.
Il est donc désormais du pouvoir du juge de contrôler non seulement la validité mais également la légitimité et la
proportionnalité des clauses de non concurrence : dans certains cas les clauses pourront être déclarées illicites
et se trouveront annulées ; dans d'autres elles pourront voir leur portée restreinte dans l'espace, le temps ou
leurs autres modalités.
Les magistrats considèrent que la clause de non-concurrence doit non seulement prendre en compte les
fonctions exercées par le salarié, ses compétences professionnelles, mais être par ailleurs justifiée par l'intérêt
de l'entreprise.
Cette condition liée liée l'intérêt légitime de l'entreprise est apparue dans un arrêt du 14 mai 1992 : il s'agissait
d'une entreprise de nettoyage qui avait voulu imposer l'un de ses salariés, laveur de vitre, une clause de
non-concurrence lui interdisant d'exploiter directement ou indirectement une entreprise similaire, pendant 4 ans
dans le département de l'employeur, les départements limitrophes et tous les département où l'entreprise
exploiterait une agence : dans le cas d'espèce ce sont les fonctions mêmes du salarié qui ont conduit les
magistrats de la Cour de Cassation considérer que la clause n'était pas indispensable la protection des intérêts
légitimes de l'entreprise (Cass. Soc. 14 mai 1992, n°89-45300).
Mais également le juge a pu annuler comme portant atteinte la liberté du travail une clause étendue l'ensemble
du territoire métropolitain ayant pour résultat de faire perdre des salariés âgés d'environ 40 ans et ayant toujours
travaillé dans le secteur de la radiologie, le bénéfice de 15 années d'expérience professionnelle, ou de les obliger
s'expatrier hors de France (Cass. Sociale 28 octobre 1997, n°94-43.792).
A l'inverse, a été considérée comme indispensable la protection des intérêts légitimes de l'entreprise une clause
interdisant un chef de département travaillant pour un institut d'étude de médicaments d'entrer au service d'une
société concurrente pendant 2 ans après la cessation de son contrat, en raison des fonctions importantes qu'il
occupait au sein de la société et de l'existence, dans le domaine de l'industrie pharmaceutique d'une concurrence
très développée (cass.soc. 28 juin 2000 n°97-44620).
Une solution identique a même été retenue pour un garçon de café, en contact avec la clientèle qui il était fait
interdiction d'entrer pendant un an au service d'une entreprise concurrente exerçant la même activité de café
brasserie (Cass.soc. 1er mars 1995, n°93-42.754).
Quant savoir si le principe arrêté par la Cour de Cassation ne vaut que pour les clauses de non-concurrence
rédigées après le 10 juillet 2002 ou également pour celles incluses dans des contrats élaborés avant ce
revirement, la question vient d'être tranchée dans un arrêt de cette même chambre sociale le 17 décembre 2004
(n°03-40.008).
La question était essentielle dès lors qu'appliquer rétroactivement cette jurisprudence revenait remettre en cause
la validité de clauses contractuelles considérées comme licites lors de leur rédaction.
La Cour de Cassation a en définitive jugé que ce revirement était rétroactif dès lors que « l'exigence d'une
contrepartie financière…répond l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté
fondamentale d'exercer une activité professionnelle ».
Dans son arrêt du 27 février 2007 (n° 05-44.984), la Cour de Cassation va plus loin encore en affirmant qu'une
clause de non concurrence méconnaît la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle,
dès lors qu'elle ne prévoit le versement d'une contrepartie pécuniaire qu'en cas de rupture du contrat l'initiative
du salarié : une telle clause étant nulle, le salarié pourra demander aux juges des dommages et intérêts pour
respect d'une clause illicite.
Depuis un important arrêt rendu le 12 janvier 2011 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, la seule
présence dans un contrat de travail d'une clause de non-concurrence "crée nécessairement un préjudice au
salarié". Ce dernier n'a donc plus l'obligation de prouver l'existence d'un préjudice, mais encore, il pourra
prétendre des dommages et intérêts, quand bien même l'employeur démontrerait qu'il n'a pas respecté la clause.
De plus, l'obligation au paiement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence s'impose même en cas de
départ la retraite (Cassation Sociale, 24 septembre 2008, n°07-40.098) : cette obligation ne peut donc pas être liée
la possibilité ou non pour le salarié de rependre une activité concurrentielle (étant entendu par ailleurs que les
possibilités légales de cumul emploi retraite font que, désormais, retraite ne rime pas nécessairement avec
cessation définitive d'activité salariée).
Cela étant, lorsque le contrat de travail prévoit la possibilité pour l'employeur de renoncer la clause de non
concurrence dans un délai précis, quelle date faut-il se situer pour s'assurer que l'employeur a respecté le délai
de renonciation : La Cour de Cassation vient de juger qu'il faut se placer la date d'envoi de la lettre de
renonciation la clause de non-concurrence pour apprécier si la renonciation est valable (Cassation Sociale 25
novembre 2009, n°08-41.219).
Ajoutons enfin que, selon la Cour de Cassation, « la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle
l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ancien salarié dès lors qu'il démontre que ce
dernier s'est livré des actes de concurrence déloyale son égard » (Cassation Sociale 28 janvier 2005, n°02-47.527
; Cassation Sociale, 3 novembre 2010, n° 09-42.572).
N'oublions pas, enfin, que l'absence de clause de non concurrence ne dispense pas le salarié de rester loyal
envers son employeur : ainsi, même en l'absence de toute clause de non-concurrence, le salarié peut voir sa
responsabilité personnelle engagée s'il est établi, par exemple, qu'il a détourné de la clientèle, ou a usé de
procédés déloyaux dans le but de désorganiser ou faire péricliter les activités de son ancien employeur.
A lire aussi :
Le non-respect d'une obligation de non-concurrence
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Auteur : Gilles RIVALLAN, Juriste / MAJ : 18/03/2016
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