TETRALERT - ENTREPRISE CLAUSE DE NON

Transcription

TETRALERT - ENTREPRISE CLAUSE DE NON
TETRALERT - ENTREPRISE
CLAUSE DE NON-CONCURRENCE : DIVISER POUR MIEUX SE PROTEGER
1. Bref rappel des principes en matière de
validité des clauses de non-concurrence
concurrence de droit commun n’est licite que
pour autant qu’elle soit:
Nombreux sont les contrats soumis au droit
belge qui contiennent des clauses de nonconcurrence : contrats de travail, contrat
d’agence commerciale, contrat de concession,
contrat de franchise, contrat de prestations de
services, contrats de management, contrat de
cession d’entreprise, contrat de cession de fonds
de commerce, contrat de licence…
1.
Sauf quelques exceptions1, aucune disposition
légale spécifique ne définit toutefois en droit
belge les conditions de validité à remplir par les
« clauses de non-concurrence de droit commun »
pour rester compatibles avec le principe d’ordre
public de liberté du commerce prévu par l’article
II.3 du Code de droit économique2.
La doctrine et la jurisprudence belges se sont
toutefois progressivement attachées à dégager
de telles conditions. Aujourd’hui, il est ainsi
généralement admis3 qu’une clause de non-
1
Comme notamment en matière de clauses de nonconcurrence prévues dans (a) les contrats de travail
qui sont soumises aux conditions spécifiques définies
à l’article 65 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux
contrats de travail ou (b) les contrats d’agence
commerciale qui sont soumises aux conditions
2.
3.
4.
justifiée par un intérêt légitime dans le
chef de son bénéficiaire ; et
raisonnablement limitée dans le temps ; et
raisonnablement limitée dans l’espace ; et
raisonnablement limitée dans les activités
qu’elle vise.
La principale difficulté de ces quatre « conditions
de principe » dégagées par la doctrine et la
jurisprudence réside dans le fait que - par
essence – elles sont insuffisamment précises
pour permettre de garantir une appréciation
uniforme de leur réunion.
Chacune de ces conditions doit être appréciée in
concreto par le juge saisi d’un dossier relatif à
une clause de non-concurrence. Chaque affaire
et juge étant différents, une telle appréciation
peut évidemment largement varier.
A titre d’exemple, s’il pourrait a priori paraître
légitime au regard de la liberté du commerce
spécifiques définies à l’article X.22 du Code de droit
économique.
2
Reprenant celui qui était antérieurement édicté par
l’article 7 du Décret d’Allarde des 2-17 mars 1791.
3
En dehors de l’existence d’éventuelles dispositions
légales spécifiques comme citées notamment dans la
note de bas de page précédente.
1
pour l’acquéreur d’une grande société
pharmaceutique d’interdire au vendeur de celleci (ayant perçu plusieurs millions d’euros lors la
cession) de ne pas faire concurrence à la société
cédée pendant une durée de trois ans sur le
territoire du Benelux, il semblerait tout de suite
plus illégitime d’interdire à un jeune
restaurateur, qui cèderait son unique fonds de
commerce, d’exercer toutes activités de
restauration pendant une même durée et sur un
même territoire.
Garantir le caractère raisonnable, et donc la
sécurité juridique, d’une clause de nonconcurrence est donc pour les praticiens du droit
un exercice particulièrement délicat.
2. La jurisprudence en matière de nullité des
clauses de non-concurrence
Cette insécurité juridique entourant les clauses
de non-concurrence de droit commun était de
surcroît particulièrement vive, jusqu’au 23
janvier 2015, en raison du fait que tout juge
confronté à une clause de non-concurrence
litigieuse n’avait d’autre choix - selon une
certaine doctrine et jurisprudence - que de
prononcer la nullité absolue de cette clause, s’il
estimait que celle-ci n’était pas raisonnable et
compatible avec la liberté du commerce.
intégralement valable, soit intégralement nulle
(« on/off »).
Pour tenter d’éviter un tel risque d’annulation
totale d’une clause de non-concurrence de droit
commun, les meilleurs praticiens ont rapidement
généralement pris l’habitude d’insérer dans le
texte de leurs clauses de non-concurrence, ou le
contrat contenant celles-ci, des clauses dites de
« divisibilité » ou « modération ».
De telles clauses précisent habituellement qu’au
cas où une clause de non-concurrence serait
déclarée nulle parce qu’excessive, les parties
resteront tenues par cette clause dans la plus
large mesure qui serait légalement admissible
par la loi.
La doctrine, globalement favorable à ce type de
clause de divisibilité/modération, ne manquait
toutefois pas de rappeler anxieusement et
régulièrement que leur efficacité en matière de
clause de non-concurrence lui semblait avoir été
rejetée par la Cour de cassation par un arrêt du 3
février 19714. Dans cet arrêt la Cour de cassation
avait en effet jugé, en substance, qu’un juge
confronté à une clause de non-concurrence
excessive ne pouvait pas en réduire la portée,
mais uniquement en prononcer la nullité
absolue.
Il était, autrement dit, considéré par cette
doctrine et jurisprudence qu’une clause de nonconcurrence pouvait uniquement être soit
4
Rendu, nous le précisions, en matière de contrat de
travail.
2
3.
L’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 17
décembre 2012
Saisie d’un litige relatif à la validité d’une clause
de non-concurrence d’une durée de 17 ans
contenue dans un contrat de cession
d’entreprise, la Cour d’appel de Gand (ci-après la
« Cour d’appel ») a ainsi notamment jugé que :
-
une telle durée était incompatible avec le
principe de liberté du commerce ; et
la clause de non-concurrence la prévoyant
ne pouvait en conséquence qu’être
considérée que comme de nullité absolue.
Conformément à l’interprétation donnée à
l’arrêt de la Cour de cassation du 3 février 1971
par une certaine doctrine, la Cour d’appel a ainsi
confirmé - malgré le fait que les bénéficiaires de
la clause de non-concurrence invoquaient une
clause de divisibilité/modération contenue dans
le contrat de cession - ne pas pouvoir se limiter à
réduire la durée de la clause de non-concurrence
à un délai raisonnable.
4.
L’arrêt de la Cour de cassation du 23
janvier 2015
Saisie d’un pourvoi en cassation dirigé contre cet
arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation a
cassé celui-ci.
La Cour de cassation a tout d’abord rappelé que
lorsqu’une convention ou une clause est nulle
pour contrariété à une disposition d’ordre public,
le juge peut, lorsque le prononcé d’une nullité
partielle est possible, se limiter le cas échéant à
réduire la nullité de la convention ou de la clause
litigieuse à ce qui était contraire à la loi pour
autant que « la survie du contrat ou de la clause
partiellement annulée réponde à l’intention des
parties ».
Constatant qu’en l’espèce la convention qui
contenait la clause de non-concurrence litigieuse
prévoyait une clause de divisibilité/modération,
la Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel
de Gand aurait dû donner suite à la demande des
bénéficiaires de la clause de non-concurrence
litigieuse de « limiter la nullité de cette clause de
non-concurrence à la portion de celle-ci qui
dépassait sa durée légalement autorisée ».
Ce faisant, la Cour de cassation semble avoir
aujourd’hui définitivement et clairement
confirmé la possibilité pour un juge de réduire la
portée (dans l’espace, le temps ou les activités)
d’une clause de non-concurrence plutôt que de
l’annuler intégralement, à la condition qu’il
puisse être démontré que l’intention des parties
était de permettre une telle réduction.
Cette décision ne vaut cependant avec certitude
que pour les clauses de non-concurrence de droit
commun.
***
A la lumière de l’arrêt de la Cour de cassation du
23 janvier 2015, il est recommandé à tout
cocontractant qui souhaite bénéficier d’une
clause de non-concurrence de veiller
systématiquement, lors de sa rédaction, à
prévoir directement dans le texte de celle-ci une
clause de divisibilité/modération.
3
A défaut, la partie bénéficiaire continuera à
s’exposer à l’annulation pure et simple de sa
clause si elle devait être jugée excessive.
Contact : département droit des sociétés
[email protected]
Disclaimer : Les informations juridiques développées dans les
« TETRALERT »
sont des commentaires généraux à caractère
purement informatif et ne peuvent en aucun cas être considérées
comme étant des conseils juridiques. Celles-ci ne visent pas à tenir
compte des circonstances propres applicables à une personne ou
entité en particulier. Tetra Law s’efforce bien entendu de fournir une
information précise et la plus à jour possible, il ne peut cependant
être garanti que cette information soit toujours exacte à la date à
laquelle la TETRALERT est lue ou qu’elle le sera encore à l’avenir.
Toute personne veillera donc à s’informer auprès d’un conseiller
professionnel et qualifié pour sa situation personnelle.
Tetra Law
décline toute responsabilité pour tout dommage qui pourrait être
causé par des informations figurant dans ses « TETRALERT ». Tetra
Law n'est en outre aucunement responsable du contenu de sites
internet externes qui seraient renseignés dans ces TETRALERT.
*********
4